AFFAIRE : N° RG 22/00526
N° Portalis DBVC-V-B7G-G57E
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Argentan en date du 17 Janvier 2022 RG n° 20/00014
COUR D'APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
APPELANT :
Monsieur [D] [C]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Stéphanie LELONG, avocat au barreau d'ALENCON
INTIME :
S.A.S. BRIKAP agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me ROHOU, avocat au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 13 avril 2023
GREFFIER : Mme COLLET
ARRÊT prononcé publiquement le 29 juin 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 15 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme COLLET, greffier
Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 6 août 2018, M. [D] [C] a été engagé par la société Brikap en qualité de réceptionnaire, la convention collective du bricolage (IDCC 1606) étant applicable ;
La rupture conventionnelle du contrat de travail a été signée par les parties le 20 mai 2019 ;
Poursuivant la nullité de la rupture conventionnelle et sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse, se plaignant de harcèlement moral et du non-respect de l'obligation de sécurité, M. [C] a saisi le 11 février 2020 le conseil de prud'hommes d'Argentan lequel par jugement rendu le 17 janvier 2022 l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens ;
Par déclaration au greffe du 26 février 2022, M. [C] a formé appel de cette décision ;
Par conclusions remises au greffe le 26 mai 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [C] demande à la cour de :
- infirmer le jugement ;
- déclarer nulle la rupture conventionnelle
- condamner la société Brikap à lui payer la somme de 11400.00 € à titre de dommages et intérêts pour Iicenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 1.900,00 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 190.00 € au titre des congés payés y afférents, celle de 11400.00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi pour harcèlement et non-respect des mesures de sécurité, celle de 11400.00 € nette a titre de dommages et intérêts correspondant à 6 mois de salaire sous le visa de l'article L 8223-1 du Code du Travail pour travail dissimulé et prêt de main d''uvre illicite, et celle de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- condamner la société Brikap à lui remettre sous astreinte ses documents de fin de contrat ;
Par conclusions remises au greffe le 26 juillet 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Brikap demande à la cour de :
- à titre principal, confirmer le jugement ;
- condamner M. [C] à lui payer une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
- à titre subsidiaire, fixer à de plus justes proportions les demandes indemnitaires ;
- en tout état de cause, débouter M. [C] de ses demandes ;
MOTIFS
- Sur la nullité de la rupture conventionnelle
Le salarié invoque des pressions pour accepter et signer un formulaire de rupture conventionnelle vierge de toute mention, et également une situation de contrainte liée au harcèlement moral subi ;
Il résulte des pièces produites que par courriel du 3 mai 2019 adressé à son employeur, M. [C] après avoir rappelé que ses conditions de travail n'étaient pas satisfaisantes mentionne son envie « irréversible » de quitter la structure et sollicite « une rupture conventionnelle avec avis plus que favorable », que par un nouveau courriel du 14 mai 2019, il a rappelé à son employeur l'absence de réponse favorable au courriel du 3 mai, a décrit à nouveau ses conditions de travail en terminant comme suit « mon souhait est de finir mon année' et terminer le 6 août 2019 ;
Le salarié ne conteste pas que deux entretiens ont eu lieu, le 17 mai 2019 puis le 20 mai 2019. Il n'établit pas comme il l'invoque que lors du premier, l'employeur l'a insulté, l'a menacé de ne pas lui régler ses indemnités, lui a reproché le financement de son permis de 3900 €, et que « conscient de sa faiblesse émotionnelle du moment, lui a fait signer trois ruptures conventionnelles vierges ». En effet, les attestations des autres salariés produites (M. [E], M. [G], M. [O], M. [L] et M. [W]) se limitent à évoquer leur propre situation personnelle et l'attitude de l'employeur à leur égard, sans donner le moindre élément sur celle de M. [C] ou sur les entretiens des 17 et 20 mai 2019, ne sont pas probantes, et l'attestation de M. [C] dont le contenu est intégralement repris dans ses conclusions ne l'est pas davantage faute d'être complétée par des éléments objectifs. Enfin, l'employeur produit aux débats un document signé par lui-même et le salarié rappelant la possibilité pour le salarié de se faire assister auquel est annexé un rappel des dispositions légales applicables à la rupture conventionnelle et un modèle vierge de rupture conventionnelle, lequel ne comporte aucune signature. Ce document dont l'employeur indique qu'il a été remis le 17 mai 2019 ne suscite aucune observation du salarié ;
Par ailleurs, concernant l'entretien du 20 mai 2019, le salarié indique qu'il était toujours choqué des propos de l'employeur et qu'il a signé une demande de prêt qu'il ne souhaitait pas ;
La rupture conventionnelle est datée et signée des parties à la date du 20 mai 2019. S'il est vrai qu'à cette date, le salarié a également signé une demande de prêt de 2300 € payé par prélèvement sur son solde de tout compte, il ne forme toutefois aucune demande à ce titre, ce fait n'étant pas en soi de nature à remettre en cause la signature de la rupture conventionnelle, étant relevé que le salarié ne fait état pour l'entretien du 20 mai 2019 d'aucune remarque ou comportement de l'employeur ;
De ce qui vient d'être exposé, les pressions invoquées par le salarié ne sont pas établies, si bien que la demande de nullité de la rupture conventionnelle comme fondée sur un vice du consentement ne peut qu'être rejetée ;
II - Sur le harcèlement moral
Le salarié invoque des insultes de l'employeur, le fait d'avoir effectué à plusieurs reprises des livraisons en surcharge et d'avoir conduit un véhicule dangeureux ;
- les insultes
Il a été précédemment jugé qu'elles n'étaient pas établies ;
- l'absence de contrôle de la grue
Il produit aux débats un contrôle de la grue hydraulique par Qualiconsult du 5 juillet 2018 qui conclut à « observations ne s'opposant pas à l'utilisation de l'appareil ». Par ailleurs l'employeur produit aux débats le rapport de contrôle effectué le 17 mai 2019 par Qualiconsult qui mentionne les mêmes conclusions, et celle-ci atteste le 15 juin 2020 que les observations ont été levées suite à l'intervention de la société de maintenance de l'employeur. Ces éléments ne font l'objet d'aucune observation par le salarié.
Ce fait n'est donc pas établi ;
- l'absence de remplacement des sangles du camion benne et du 26 tonnes tous les deux ans. Il produit trois photographies, dont les mentions sur les sangles sont illisibles, seul un sachet comporte la date du 20 janvier 2013.
L'employeur produit au demeurant une facture du 18 mai 2019 portant sur des sangles, crochet, élingue ;
Ce fait n'est donc pas établi ;
- sur la surcharge
Le salarié produit aux débats les photographies d'un camion benne Bricomarché démontrant qu'il peut transporter 1275 kgs. Toutefois la seule production de quelques bons de commande dont la totalité des produits excèdent cette limite n'est pas suffisante pour établir que la charge transportée était effectivement supérieure, le chargement pouvant être livré en plusieurs fois, et les deux bons de livraison produits sont illisibles ;
Ce fait n'est pas suffisamment établi ;
Le salarié n'établit donc pas la matérialité des faits qu'il invoque au soutien de sa demande de harcèlement moral. Celle-ci ne peut qu'être rejeté ;
Dès lors, la demande de nullité de la rupture conventionnelle comme fondée également sur une situation de harcèlement moral caractérisant une contrainte de nature à vicier son consentement sera également rejetée ;
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle et de ses demandes en découlant ;
III - Sur le manquement à l'obligation de sécurité
Au soutien du non respect par l'employeur de son obligation de sécurité, le salarié invoque les mêmes éléments. Au vu de ce qui vient d'être jugé, ces éléments ne sont pas établis, et sa demande de dommages et intérêts sera par confirmation du jugement rejetée ;
IV- Sur le travail dissimulé
Au visa de l'article L8241-2 du code du travail relatif aux conditions du prêt de main d''uvre à but non lucratif, le salarié forme une demande d'indemnité pour travail dissimulé, faisant valoir qu'il travaillait pour plusieurs entreprises dirigées par M. [N] sans y avoir consenti, en réalisant des tâches au sein de ces trois magasins ;
L'employeur ne conteste pas que le salarié a pu être conduit à livrer des clients d'autres sociétés du groupe et ce en application d'une convention de prestations de services conclue entre la société mère Ortica et les différentes filiales dont la société Brikap. Il fait valoir que le salarié n'a pour autant pas travaillé sous les directives d'une de ces sociétés, qu'il n' avait aucune mise à disposition, qu'il ne peut par ailleurs prétendre à une indemnité pour travail dissimulé non prévue dans ces hypothèses ;
A supposer même que les règles de la mise à disposition de main d''uvre dans un but non lucratif n'aient pas été respectées, leur non respect ne conduit pas à l'octroi d'une indemnité pour travail dissimulé prévue par l'article L8223-1 du code du travail, le salarié ne pouvant voir réparer son éventuel préjudice qu'en formant une demande de dommages et intérêts. Par ailleurs, la mise à disposition de main d''uvre dans un but non lucratif ne suspend pas le contrat de travail, et l'entreprise prêteuse reste tenue notamment du paiement des salaires et des cotisations sociales. Or, l'indemnité pour travail dissimulé s'applique en cas de dissimulation d'activité et/ou de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et le salarié qui dirige sa demande contre la société Brikap ne dit pas en quoi celle-ci n'aurait pas respecté ses obligations en la matière ;
Le salarié sera donc par confirmation du jugement débouté de cette demande ;
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.
En cause d'appel, il n'y a pas lieu à indemnités de procédure mais M. [C] qui perd le procès sera condamné aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement rendu le 17 janvier 2022 par le conseil de prud'hommes d'Argentan en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Dit n'y avoir lieu à indemnités de procédure ;
Condamne M. [C] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. COLLET L. DELAHAYE