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29/06/2023 | FRANCE | N°22/01644

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 29 juin 2023, 22/01644


AFFAIRE :N° RG 22/01644 -

N° Portalis DBVC-V-B7G-HAND

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION en date du 08 Avril 2022 du Président du TJ d'ALENCON

RG n° 22/00023





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 29 JUIN 2023









APPELANTE :



S.A.S. CARROSS'INDUSTRIES

N° SIRET : 830 025 474

[Adresse 11]

[Localité 9]

prise en la personne de son représentant légal

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représentée et assistée de Me Elodie BOREE, avocat au barreau D'ARGENTAN







INTIMEE :



S.A. BAIL ACTEA IMMOBILIER anciennement dénommée SA NORD EUROPE LEASE venant aux droits de la SA BATIROC NORMANDIE

N° SIRET : 3...

AFFAIRE :N° RG 22/01644 -

N° Portalis DBVC-V-B7G-HAND

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 08 Avril 2022 du Président du TJ d'ALENCON

RG n° 22/00023

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 29 JUIN 2023

APPELANTE :

S.A.S. CARROSS'INDUSTRIES

N° SIRET : 830 025 474

[Adresse 11]

[Localité 9]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Elodie BOREE, avocat au barreau D'ARGENTAN

INTIMEE :

S.A. BAIL ACTEA IMMOBILIER anciennement dénommée SA NORD EUROPE LEASE venant aux droits de la SA BATIROC NORMANDIE

N° SIRET : 379 321 593

[Adresse 3]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Jean-Claude DMITROFF, avocat au barreau de ROUEN

INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. [Y] [N], représentée par Me [Y] [N], mandataire judiciaire de la SAS CARROSS'INDUSTRIES

[Adresse 2]

[Localité 6]

prise en la personne de son représentant légal

S.E.L.A.R.L. TRAJECTOIRE, représentée par Me [U] [S], administrateur judiciaire de la SAS CARROSS'INDUSTRIES

[Adresse 7]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal

Représentées et assistées par Me Elodie BOREE, avocat au barreau D'ARGENTAN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 04 mai 2023

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 29 juin 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS

Selon acte notarié du 24 novembre 2006, la société Batiroc Normandie, aux droits de laquelle vient la SA Bail actea immobilier (le crédit-bailleur) a consenti à la SARL Rouzier un crédit bail immobilier portant sur deux parcelles situées à [Localité 9], lieudit [Localité 10], cadastrées section ZD n°[Cadastre 8] et n°[Cadastre 4]. Sur cette dernière parcelle est implanté un bâtiment à usage professionnel.

Par acte notarié du 25 février 2010, Me [J], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Rouzier, a cédé ce contrat de crédit bail à la SARL ATSV.

Suivant acte notarié du 28 novembre 2017, Me [J], ès qualités de mandataire liquidateur de la société ATSV, a cédé ledit contrat de crédit bail à la société Carross'industries (le crédit-preneur) à effet au 29 mai 2017, ce avec l'accord du crédit-bailleur.

Suite à des impayés courant 2019, le crédit-bailleur a, le 15 avril 2019, accepté un étalement mensuel du remboursement de ceux-ci ainsi que des échéances à échoir.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 janvier 2020, le crédit-bailleur, invoquant le non-respect de l'échelonnement convenu, a mis en demeure le crédit-preneur de lui payer la somme de 54.119,45 euros TTC au titre des échéances impayées.

Un décompte de levée d'option anticipée a été transmis au crédit-preneur le 23 juillet 2020, qui est demeuré sans suite.

Selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 août 2020, le crédit-bailleur a mis en demeure le crédit-preneur de lui payer la somme de 114.112,19 euros TTC au titre des sommes dues pour la période du 2 mai 2019 au 19 août 2020.

Les propositions de M. [W] [D], dirigeant et associé de la société Carross'industries, indiquant souhaiter payer les sommes dues par cette dernière par la vente d'un bien immobilier personnel détenu par la SCI Liberté ou la cession du crédit-bail litigieux au profit de celle-ci, n'ont pas abouti.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 septembre 2021, le crédit-bailleur a mis en demeure le crédit-preneur de lui payer la somme de 178.604,47 euros correspondant aux impayés au 21 septembre 2021, à peine de résolution du crédit-bail, conformément à la clause résolutoire prévue audit contrat.

Suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 novembre 2021, le crédit-bailleur a constaté la résolution du contrat de crédit-bail en cause à effet au 23 octobre 2021 et a sollicité la restitution de l'immeuble objet de ce contrat.

La société Carross'industries a effectué un paiement de 10.000 euros.

Suivant acte d'huissier du 18 février 2022, le crédit-bailleur a fait assigner en référé le crédit-preneur devant le président du tribunal judiciaire d'Alençon aux fins, notamment, de voir constater la résiliation au 23 octobre 2021 du crédit-bail immobilier litigieux et ordonner l'expulsion de la société Carross'industries.

Par ordonnance réputée contradictoire du 8 avril 2022 signifiée le 16 juin suivant, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Alençon a :

- constaté la résiliation du bail liant les parties à la date du 23 octobre 2021,

- dit en conséquence que la société Carross'industries devra immédiatement libérer les lieux à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de sa décision, au besoin avec l'assistance de la force publique,

- condamné la société Carross'industries au paiement de la somme de 1.200 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon déclaration du 29 juin 2022, la société Carross'industries a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 8 août 2022, l'appelante demande à la cour d'infirmer l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, d'ordonner des délais de paiement sur 24 mois pour lui permettre de régler la dette de loyer, de juger que pendant ces délais il sera sursis à la résiliation du bail liant les parties et à son expulsion, qui n'auront plus lieu d'être en cas de paiement complet de la dette locative et de condamner l'intimée à lui verser la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 6 septembre 2022, l'intimée demande à la cour de confirmer la décision attaquée, de débouter la société Carross'industries de toutes ses demandes et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 4.000 euros à titre d'indemnité de procédure complémentaire ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La mise en état a été clôturée le 5 avril 2023.

Selon jugement du 24 avril 2023, le tribunal de commerce d'Alençon a placé la société Carross'industries en redressement judiciaire, fixé la cessation des paiements au 1er mai 2022 et désigné la SELARL [Y] [N] comme administrateur judiciaire et la SELARL Trajectoire comme administrateur judiciaire avec mission d'assistance.

Par conclusions du 2 mai 2023, les SELARL [Y] [N] et Trajectoire, ès qualités, demandent à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture, de les déclarer recevables en leur intervention volontaire, d'infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, d'accorder à la société Carross'industrie des délais de paiement de 24 mois, de juger que durant ces délais il sera sursis à la résiliation du bail et à l'expulsion du crédit-preneur et de condamner l'appelante aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de procédure.

Par conclusions du 3 mai 2023, la société Bail actea immobilier demande à la cour de rabattre l'ordonnance de clôture, de déclarer recevable l'intervention des organes de la procédure collective de la société Carross'industrie, de débouter ces derniers de leur demande de délais de paiement et de sursis à résiliation du crédit-bail et à l'expulsion, de confirmer la décision déférée et de condamner in solidum les organes de la procédure collective de la société Carross'industries, ès qualités, aux dépens et au paiement de la somme de 4.000 euros à titre d'indemnité de procédure.

Le 4 mai 2023, l'ordonnance de clôture de la mise en état a été révoquée et les débats clôturés ce même jour, les conclusions signifiées les 2 et 3 mai 2023 étant recevables.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur les demandes principales

Selon les articles 1134 ancien, 1103 et 1104 du code civil, respectivement applicables au contrat de crédit-bail immobilier conclu le 24 novembre 2006 et à la cession de ce contrat le 28 novembre 2017, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.

En l'espèce, il ressort des productions, d'une part, que le crédit-bail immobilier conclu le 24 novembre 2006 comporte en son article 25.2 b une clause résolutoire prévoyant qu'à défaut par le crédit-preneur d'exécuter une seule des charges et conditions du crédit-bail et/ou de payer à son échéance un seul terme de loyer, ledit crédit-bail sera, si bon semble au crédit-bailleur, résilié de plein droit, sans aucune formalité judiciaire, un mois après une simple mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception d'exécuter ou un commandement de payer contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de cette clause résolutoire, demeurée sans effet pendant ce délai, d'autre part, qu'une copie intégrale de cet acte notarié du 24 novembre 2006 était annexée à l'acte de cession de ce crédit-bail intervenu le 28 novembre 2017 au profit de la société Carross'industries, lequel reprend ladite clause résolutoire en sa page 13.

Après plusieurs mises en demeure demeurées infructueuses, le crédit-bailleur a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 septembre 2021, mis en demeure le crédit-preneur de lui payer la somme de 178.604,47 euros correspondant aux redevances impayées au 21 septembre 2021, à peine de résolution du crédit-bail, conformément à la clause résolutoire prévue audit contrat.

Suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 novembre 2021, le crédit-bailleur a constaté la résolution du contrat de crédit-bail en cause à effet au 23 octobre 2021 et a sollicité la restitution de l'immeuble objet de ce contrat.

Le versement partiel de 10.000 euros effectué par le crédit-preneur est insuffisant à régler les causes de cette mise en demeure et à faire échec à l'application de la clause résolutoire prévue au contrat litigieux.

À hauteur d'appel, la société Carross'industries admet devoir la somme de 276.397,01 euros arrêtée au 10 février 2022 au titre des redevances impayées et sollicite un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, indiquant avoir subi les conséquences de la crise sanitaire, ne pas avoir bénéficié de prêt garanti par l'Etat mais disposer d'un carnet de commandes plein jusqu'à la fin de l'année ainsi que d'un bilan équilibré pour l'année 2021 et que la dette sera partiellement réglée à hauteur de 150.000 euros grâce à des fonds provenant de la vente d'un bien immobilier appartenant à l'une des SCI de son dirigeant.

Le crédit-preneur ne discutant pas devoir la somme de 276.397,01 euros arrêtée au 10 février 2022 au titre des redevances impayées et ne pas avoir réglé les sommes dues dans le mois suivant la mise en demeure qui lui a été adressée le 22 septembre 2021, conformément à la clause résolutoire prévue au crédit-bail immobilier en cause, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation de ce contrat à la date du 23 octobre 2021, étant rappelé que l'article L. 622-1 2° du code de commerce interrompant et interdisant toute action en justice de la part des créanciers tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résiliation d'un contrat de crédit-bail immobilier par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du crédit-preneur, ce qui est la cas en l'espèce.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, aucun texte n'autorise la suspension des effets d'une clause résolutoire acquise d'un contrat de crédit-bail (Civ. 2, 23 juin 2011, n°10-18.396).

Alors que la dette est ancienne et d'un montant important, la société Carross'industries, qui a d'ores et déjà bénéficié de fait de larges délais, ne verse à l'appui de sa demande de sursis à la résiliation et à son expulsion aucun document justificatif de sa situation financière, le jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard ayant fixé la cessation des paiements au 1er mai 2022.

Sa demande de délai de grâce sera donc rejetée.

2. Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société Carross'industries, qui succombe.

Il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la SELARL [Y] [N] en qualité de mandataire judiciaire de la société Carross'industries et de la SELARL Trajectoire en qualité d'administrateur judiciaire de cette dernière ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette toutes les prétentions formées par la société Carross'industries, la SELARL [Y] [N], ès qualités, et la SELARL Trajectoire, ès qualités ;

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société Carross'industries ;

Dit n'y avoir lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01644
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.01644 ?
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