AFFAIRE :N° RG 22/02040 -
N° Portalis DBVC-V-B7G-HBJ6
Â
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 22 Juillet 2022 du Tribunal de Grande Instance d'ALENCON
RG n° 21/00031
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 29 JUIN 2023
APPELANTS :
Monsieur [V] [P]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 6]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Madame [O] [C] épouse [P]
née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 6]
[Adresse 7]
[Localité 5]
G.A.E.C. DES BLANCS BLEUS
N° SIRET : 849 792 676 00017
[Adresse 7]
[Localité 5]
pris en la personne de son représentant légal
Tous représentés par Me Catherine ROUSSELOT, avocat au barreau de CAEN,
Tous assistés Me Nelly LEROUX-BOSTYN, avocat au barreau D'EURE
INTIME :
Maître [G] [U] liquidateur judiciaire du GAEC DES BLANCS BLEUS, M. [V] [P] et Mme [O] [C] épouse [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté et assisté de Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 04 mai 2023
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 29 juin 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
Le GAEC Des blancs bleus dont le siège social est [Adresse 7], ayant pour co-gérants M. [V] [P] et Mme [O] [C] épouse [P] et immatriculé au greffe du tribunal de commerce d'Alençon le 9 avril 2019, exploite une activité de polyculture et d'élevage sur une superficie de 158 hectares.
Suivant requête en date du 13 janvier 2021, le GAEC Des blancs bleus a déclaré la cessation des paiements auprès du tribunal judiciaire d'Alençon.
Par jugement du 8 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Alençon a ouvert à l'égard du GAEC Des blanc bleus, avec extension à M. [V] [P] et Mme [O] [C] épouse [P], une procédure de redressement judiciaire prévue par les articles L. 631-l et suivants du code de commerce et nommé Me [G] [U] en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugements successifs en date des 22 octobre 2021 et 29 avril 2022, le tribunal judiciaire d'Alençon a prononcé le renouvellement puis le renouvellement exceptionnel de la période d'observation jusqu'au 8 septembre 2022.
Suivant requête du 25 mai 2022, Me [U], ès qualités, a sollicité la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité aux fins de mettre en place un plan de cession, faisant état d'un passif définitif s'établissant à la somme de 369.761,16 euros et d'un manque de coopération des débiteurs depuis l'ouverture de la procédure collective.
Par avis du 1er juin 2022 le juge commissaire a conclu à la liquidation judiciaire du GAEC Des blanc bleus et des époux [P] avec un maintien de l'activité pendant une durée de trois mois pour permettre la cession de l'exploitation.
Par jugement réputé contradictoire en date du 22 juillet 2022, le tribunal judiciaire d'Alençon a notamment :
- mis fin à la période d'observation ;
- prononcé la liquidation judiciaire du GAEC Des blancs bleus et de M. [V] [P] et Mme [O] [C] épouse [P] ;
- nomme Maître [G] [U], mandataire judiciaire en qualité de liquidateur ;
- autorisé le GAEC Des blancs bleus, M. [V] [P] et Mme [O] [C] épouse [P] à poursuivre leur activité jusqu'au 22 octobre 2022 à compter de la décision ;
- renvoyé l'étude du dossier à l'audience du 21 octobre 2022 à 10 heures 30 la présente valant convocation ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par déclaration en date du 16 août 2022 , M. [V] [P], Mme [O] [C] épouse [P] et le GAEC Des blancs bleus ont fait appel de ce jugement.
Par ordonnance de référé en date du 10 janvier 2023 le premier président de la cour d'appel de Caen a prononcé la suspension de l'exécution provisoire du jugement rendu le 22 juillet 2022 par le tribunal judiciaire d'Alençon.
Par dernières conclusions du 5 avril 2023, le GAEC Des blancs bleus, M. [V] [P] et Mme [O] [C] épouse [P] demandent à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- ordonner le maintien de l'activité du GAEC Des blancs bleus,
- renvoyer le dossier devant le tribunal judiciaire pour l'élaboration d'un plan de continuation,
- Statuer ce que de droit quant aux dépens.
Par dernières conclusions déposées le 3 mai 2023, Me [G] [U], ès qualités de liquidateur judiciaire du GAEC des blancs bleus, de M. [V] [P] et de Mme [O] [C] épouse [P] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions et de statuer ce que de droit quant aux dépens lesquels seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Par avis écrit en date du 31 août 2022, le Ministère public s'en rapporte.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mai 2023.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel est recevable étant relevé que l'intimé ne discute pas ce point.
Sur le bien fondé de la mesure de liquidation judiciaire prononcée
Les appelants soutiennent que la situation du GAEC n'est pas définitivement obérée ,que les associés disposent d'une capacité de remboursement et qu'ils possèdent des parcelles de terre susceptibles d'être réalisées à l'effet de permettre le règlement de certaines dettes du GAEC et de ses associés, que les résultats économiques font apparaître une amélioration, au vu notamment des résultats prometteurs de la récolte 2022, que le passif qui s'élève à 275 586,74 euros est modéré par rapport à la taille de l'exploitation et qu'au vu de ces éléments, il est possible d'envisager un plan de continuation , le passif échu pouvant être réglé selon une première option à hauteur de 50% sur 5 ans ou selon une seconde option à hauteur de 100% sur 10 ans et le passif à échoir pouvant être réglé sur 15 ans.
Maître [U], ès qualités, fait valoir que le passif, qui est définitif, est de l'ordre de 300 000 euros, que le GAEC s'inscrit dans le cadre d'une exploitation structurellement déficitaire caractérisée par l'absence de capacité d'autofinancement, un accroissement du montant des dettes au cours de la période d'observation, une dégradation du fonds de roulement et des capitaux propres , que les extraits du compte bancaire du GAEC font ressortir, au cours de la période d'observation, l'existence de multiples incidents de paiement avec, de surcroît, l'émergence d'un passif post procédure collective, situation ne pouvant que conduire à la nécessaire confirmation du jugement entrepris d'autant que le GAEC n'a pas eu à supporter le remboursement de charges d'emprunt.
Selon l'article L631-15 II du code de commerce, à tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
En l'espèce, le passif économique définitif admis a été actualisé au 25 mai 2022 à la somme de 302 838,29 euros par le mandataire judiciaire qui a retiré les créances déclarées deux fois et a bien déduit la somme de 34 600 euros réglée au Crédit agricole par la PAC. Il précise par ailleurs que la somme de 3264,72 euros prise en compte n'est pas une avance Dailly mais un compte courant débiteur.( pièce 6 de l'intimé)
La somme de 84 156 euros à échoir correspond à un contrat de leasing intégré dans le passif à échoir, le contrat n'ayant pas été résilié.
Il résulte des pièces communiquées que le résultat courant du GAEC est négatif depuis sa date de création: - 45 549 euros au 31 mars 2019,- 26 023 euros au 30 avril 2020, - 68 508 euros au 30 avril 2021, - 18 751 au 30 avril 2022.
La situation financière ne s'est pas améliorée pendant le redressement judiciaire puisque comme l'indique et le justifie le mandataire judiciaire, le montant des dettes s'est accru( 329 380 euros au 30 avril 2022 au lieu de 313 325 euros l'année précédente), les capitaux propres sont passés de -90 592 euros( 30 avril 2021) à -109 343 euros ( 30 avril 2022) et que le fonds de roulement s'est dégradé à hauteur de 20 650 euros entre l'exercice clos au 30 avril 2021 et celui clos au 30 avril 2022 (résultats établis par l'expert-comptable pour l'exercice du 1er mai 2021 au 30 avril 2022).
Il résulte du courrier du mandataire judiciaire du 8 juillet 2022, que le montant des charges exigibles non réglées depuis le redressement judiciaire était de 31 151 euros( 23 750 euros concernant les fournisseurs et 7401 euros concernant les charges fiscales et sociales).
Il est par ailleurs établi, et non contesté par les appelants, que l'excédent brut d'exploitation (EBE), qui mesure la rentabilité d'une entreprise et permet de déterminer si celle-ci est capable de couvrir ses coûts et de générer des profits, a été négatif en juin 2022 (- 3018 euros), juillet 2022 (- 2690 euros), août 2022(- 571 euros); septembre 2022 (- 12694 euros) avec une augmentation chaque mois du montant des factures fournisseurs dues.
En octobre 2022, L'EBE est positif à hauteur de 12 661 euros mais avec le versement d'une prime PAC de 32 440 euros, l'absence de prélèvement des associés, le montant des factures non réglées depuis le rederssement judiciaire étant de 26 514 euros depuis le redressement judiciaire et le solde bancaire de 543,20 euros au 31 octobre 2022.
En novembre 2022, L'EBE est à nouveau négatif (-5 361 euros).
En décembre 2022, L'EBE est de 36 867 euros avec le versement de primes PAC d'un montant de 12 730 euros, des factures fournisseurs échues non réglées depuis le redressement judicaire de 27 905 euros, des charges fiscales et sociales échues et non payées depuis le rederssement judiciaire de 11 297 euros, l'absence de prélèvement des associés et un solde bancaire à la fin du mois de 14 327,52 euros.
De mars 2021 à décembre 2022, L'EBE a été en moyenne négatif à hauteur de 2973 euros.
En janvier 2023, L'EBE est négatif (-8209 euros) tout comme en février 2023 : (-14 598 euros).
Il en résulte que les perspectives sont peu favorables malgré le versements des primes PAC et l'augmentation du cours des céréales et que les difficultés financières du GAEC sont structurelles.
Les appelants ne démontrent ainsi pas comment ils pourraient dégager un dividende même évalué comme dans leurs conclusions à 18 400 euros par an sur 15 ans.
Au 6 avril 2023, le solde du compte courant était de 6421,18 euros.(pièce 22 de l'intimé).
Il est fait état en outre d'une somme de 31 702 euros déposée à la Caisse des dépôts et consignation.
De ces sommes doivent être déduits le montant des factures non réglées qui s'élevait selon le dernier rapport mensuel d'activité établi en février 2023 à 29 666 euros outre la somme de 11 297 euros correspondant aux charges fiscales et sociales échues non payées depuis le rederssement judiciaire. Le mandataire judiciaire indique toutefois dans ses conclusions un montant de 28 500 euros de factures échues.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, de l'évolution de L'EBE qui révèle l'incapacité structurelle du GAEC à dégager une capacité d'autofinancement, du niveau de trésorerie très insuffisant au vu de la situation, un redressement apparaît manifestement impossible.
C'est donc à bon droit que le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire du GAEC, de M. [P] et de Mme [C] épouse [P].
Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
Les appelants seront condamnés aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
Juge l'appel recevable ;
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne le GAEC Des blancs bleus, M. [V] [P] et Mme [O] [C] épouse [P] aux dépens qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY