COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/01522 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GYIH
[L] [B]
C/ S.A.S. F2J IMMOBILIER
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNEMASSE en date du 24 Juin 2021, RG F18/00246
APPELANT :
Monsieur [L] [B] [M]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Margaux FEVRE, avocat au barreau de LYON substituant Me Véronique MORT de l'AARPI MoMa Avocats, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A.S. F2J IMMOBILIER
dont le siège social est sis [Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP MONNET - VALLA - BESSE, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Juin 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller
Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Sophie MESSA,
********
Faits et procédure
M. [L] [B] [M] a été engagé par la société F2J sous contrat à durée indéterminée du 1er mars 2016 en qualité de Team manager, qualification agent de maîtrise niveau AM2 de la convention collective de l'Immobilier (IDCC 1527).
La société avait été crée par M. [B] [M], qui a cédé la société à la société Swixim Internationale à hauteur de 60 %, M. [B] devenant alors associé salarié, M. [E] étant le dirigeant.
M. [B] [M] était chargé d'une activité de négociation immobilière et du recrutement des agents commerciaux indépendants.
Il percevait un salaire mensuel brut de 4300 €.
M. [B] [M] a été convoqué le 18 octobre 2018 à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 29 octobre 2018.
Il a été licencié pour faute grave par lettre du 2 novembre 2018 aux motifs que les objectifs fixés n'ont pas été atteints, qu'il a préparé la création d'une entreprise concurrente pendant son temps de travail, qu'il a fait état de frais professionnels exorbitants et disproportionnés.
Contestant son licenciement le salarié a saisi le conseil des prud'hommes d'Annemasse le 11 décembre 2018.
Par jugement du 24 juin 2021 le conseil des prud'hommes a :
- confirmé le licenciement pour faute grave,
- fixé la moyenne des salaires à la somme mensuelle de 4803,44 € bruts,
- ordonné la rectification des bulletins de paie de septembre et octobre 2019, de l'attestation Pôle emploi sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du 15 ème jour suviant la notification du jugement,
- condamné la société F2 J à payer à M. [B] la somme de 1493,41 € à titre de rappel de salaire et celle de 149,34 € de congés payés afférents,
- condamné M. [B] [M] à payer à la société F2J la somme de 1258 € au titre d'une facture,
- condamné la société F2J à payer à M. [B] [M] la somme de 1800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la date de saisine jusqu'au jour du jugement,
- condamné la société F2J aux dépens.
M. [B] [M] a interjeté appel par déclaration du 19 juillet 2021 au réseau privé virtuel des avocats.
Par conclusions notifiées le 1er septembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens M. [B] [M] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en qu'il a condamné la société F2J Immobilier à lui payer un rappel de salaire de 1493,41 € bruts et les congés payés afférents,
- l'infirmer en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave était justifié et rejeté ses demandes indemnitaires, et de rappel de salaires sur la mise à pied, et en ce qu'il a été condamné à payer la somme de 1258 € au titre d'une facture,
statuant à nouveau,
- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société F2J à lui payer les sommes suivantes :
* 2401,72 € de rappel de salaire pour la période de mise à piel et 240,17 € de congés payés afférents,
* 14 410, 33 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1441,03 € de congés payés afférents,
* 3502,51 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 16 812,04 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter la société F2J de sa demande en paiement d'une facture,
- ordonner à la société F2J à lui remettre ses bulletins de paie, attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte rectifiés,
- condamner la société F2J à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- la condamner aux dépens.
Il soutient en substance qu'aucune insuffisance professionnelle ne peut lui être reprochée.
Il a réalisé un chiffre d'affaires de 103 333 € en 2017 et le chiffre d'affaires de la société était près de 400 000 € en 2018.
Il a régulièrement perçu des commissions en 2017 et 2018.
Il a bénéficié d'une augmentation de salaire en juillet 2018 de 700 €.
Il n'a jamais été sanctionné.
L'employeur lui a consenti une promotion le 4 janvier 2018 en le nommant Team manager.
L'employeur produit juste un tableau exel établi non contradictoirement, dont une ligne fait état de son chiffre d'affaires.
Il est comparé avec un autre salarié d'une autre société dont le secteur était différent.
Aucun objectif en nombre lui a été fixé pour le recrutement de courtiers.
Depuis qu'il avait été nommé Team manager, son travail devait se concentrer davantage sur le management et l'organisation de l'équipe de commerciaux.
L'insuffisance professionnelle et le défaut d'atteinte des objectifs ne sont pas établis et ne peuvent constituer une faute grave.
Aucun élément de preuve n'est produit sur les actes de concurrence déloyale reprochés.
Il lui est juste reproché d'avoir consulté une agence de publicité, lui ayant adressé une note technique et d'avoir établi sur papier libre des idées relatives à la création d'une société.
Or la cour de cassation n'interdit pas à un salarié de concevoir et préparer la création d'une société qui deviendrait même concurente de l'employeur.
La société ne rapporte pas la preuve qu'il avait préparé ce projet lors de son temps de travail et qu'il s'est livré à des actes de concurrence déloyale lors de l'exécution de son contrat de travail.
Il n'a crée la société Switch Home qu'en mars 2019, et la société n'a été immatriculée que le 3 avril 2019.
Il a été délié de la clause de non concurrence à la rupture du contrat de travail, il ne peut donc lui être reproché des actes de concurrence déloyale.
L'employeur a imaginé prouver qu'il exercait au sein de la société Switch Home en recourant à un détective. Un tel procédé est déloyal et les pièces établies lors des constats de ce détective ne peuvent constituer des preuves valables ainsi que l'a jugé la cour de cassation (Cass soc 26 novembre 2002 n° 00-42.401). Le recours à un huissier de justice lors du rendez-vous du détective ne saurait couvrir l'illécéité de ce procédé.
L'employeur lui reproche ensuite d'avoir transmis des dossiers à une autre agence immobilière, mais ce grief ne figure pas dans la lettre de licenciement. les mails produits n'établissent pas qu'il aurait détourné des clients au bénéfice de cette agence.
De même il n'est pas établi qu'il aurait détourné des courtiers.
Le grief sur les frais professionnels n'est pas établi.
L'employeur a en fait décidé de le licencier car il s'était interrogé sur le débit du compte courant d'associé de 41 800 €. Quelques jours plus tard, le dirigeant lui a proposé de quitter la société.
Il a droit à une indemnité de préavis de trois mois, il se trouvait dans les trois années de collaboration au 1er mars 2018.
Il a aussi droit à un rappel de salaire sur la période de mise à pied.
L'indemnité de licenciement est calculée sur une ancienneté de 2 ans et 11 mois.
Il est toujours inscrit à Pôle emploi et compte du comportement inadmissible de l'employeur les dommages et intérêts devront correspondre à 3,5 mois de salaire.
La demande de paiement de la facture ne peut être que rejetée, seule la faute lourde permettant d'engager la responsabilité pécuniaire du salarié.
Par conclusions notifiées le 25 février 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la société F2J demande à la cour de confirmer le jugement et de lui allouer une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle avait conclu un contrat de travail car elle souhaitait que le salarié lui permettre de se développer, grâce à ses actions commerciales et à sa connaissance du marché immobilier.
Elle s'est rendue compte qu'en 2018 le salarié n'avait réalisé aucun chiffre d'affaire sauf en février et qu'il ne remplissait pas ses objectifs.
Elle a découvert que le salarié se livrait à une activité de concurrence déloyale souterraine dans le but de créer une nouvelle société d'agence immobilière alors qu'il venait de vendre ses actions à la société Swixim France.
Il était pourtant lié par une clause d'exclusivité et il était par ailleurs tenu à une obligation de loyauté.
M. [E] en visite à l'agence a découvert sur le bureau du salarié des documents établissant le projet du salarié.
Au regard de ces faits, l'employeur a décidé de licencier le salarié pour faute grave.
Il est reproché au salarié non d'avoir crée une société concurrente mais de passer du temps payé par l'entreprise pour préparer sa nouvelle activité.
Le salarié n'a pas contesté son absence de chiffre d'affaires. Tant l'expert comptable que le commissaire aux comptes ont validé les chiffres.
Le salarié a été alerté sur son absence d'activité par un mail du 16 mai 2018 'tu arrête toute production ''.
Par mail du 25 septembre 2018 le dirigeant s'est étonné de son absence aux formations, ce qui démontre son désintérêt.
M. [B] a lui même demandé à être licencié par courrier du 4 octobre 2018 en invoquant un manque de résultat, en demandant le rachat de ses parts et une indemnité de 80 000 €.
Le salarié était compétent au vu de son chiffre d'affaires en 2017, mais il n'avait plus aucun intérêt à participer au développement de la société.
Lorsqu'une augmentation a été accordée en juillet 2018, il n'avait pas découvert le projet du salarié, cette augmentation était destinée à le motiver.
Le salarié a en plus débauché ou tenter de débaucher des salariés en leur faisant part de son projet.
Il a préparé sa future activité concurentielle pendant son temps de travail.
Elle était en droit d'avoir recours à un détective privé alors que l'intéressé n'était plus lié par un contrat de travail.
En faisant établir un constat d'huissier de justice les 12 et 17 juillet 2019 pour confirmer les constats du détective, il entendait prouver que le salarié avait bien réalisé son projet.
En outre les mails échangés entre le salarié et M. [O] [Z] gérant une agence immobilière concurrente montre que le salarié transmettait des dossiers, des affaires à son ami de longue date, ce qui aide à comprendre la chute du chiffre d'affaires du salarié.
Deux constats d'huissier de justice du 28 novembre 2018 et du 19 février 2019 établissent aussi que plusieurs courtiers ont été engagés par la société de M. [O] [Z].
Il s'agit d'une violation de l'obligation de loyauté et de l'obligation de non concurrence.
A titre subsidiaire, le salarié ne peut réclamer qu'une indemnité de préavis de deux mois compte tenu de son ancienenté de deux ans et huit mois ; l'indemnité légale de licenciement s'élève à la somme de 3402,13 €.
Sur la mise à pied à titre conservatoire, il ne peut réclamer qu'un salaire entre le 18 octobre et le 3 novembre soit la somme de 1453,85 € bruts.
Le salarié ne peut réclamer qu'un maximum de trois mois de salaire conformément à l'article L 1235-3 du code de travail, le barème ayant été validé par un avis de la cour de cassation du 17 juillet 2019.
Sur la demande de paiement de la somme de 1 258 €, il s'agit de la facture de réparation de l'ordinateur portable dont le disque dur a été dégradé par le salarié.
En dehors d'une faute lourde, la cour de cassation permet un tel dédommagement (Cass soc 19 novembre 2002 n° 00-46.108.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 4 mars 2022.
Motifs de la décision
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits, imputable au salarié, constituant une violation des obligations s'attachant à son emploi, d'une importance telle qu'il rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
L'ancienneté du salarié et l'absence de sanction disciplinaire ne sont pas systématiquement des causes atténuantes de la gravité de la faute commise.
Le juge doit apprécier si la sanction prononcée est proportionnée à la nature et à la gravité des faits reprochés.
La charge de la preuve repose exclusivement sur l'employeur.
En application de l'article L 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre de licenciement fixant les limites du litige expose : Nous avons signé le 20 mars 2017 un avenant à votre contrat de travail stipulant un objectif personnel et direct minimim du chiffrre d'affaires de négociation de 12 000 € mensuels d'honoraires encaissés, ainsi qu'un objectif indirect d'honoraires encaissés par les courtiers Swixim, dont vous aviez la responsabilité en moyenne mensuelle de 50 000 €.
Depuis plusieurs mois, nous devons constater que non seulement les objectifs mensuels ne snt pas atteints, mais de plus dans des proportions catastrophiques.
Concernant votre propre objectif de chiffre d'affaires de négociation, depuis le début de l'année 2018 nous relevons en cumulé 0 € au lieu de 12 000 € mensuels, soit un préjudice à ce jour de 120 000 € !
Cette absence totale de résultat démontre une carence grave et fautive d'activité, résultat d'une insuffisance notoire de travail et de prospection portant préjudice à la santé financière et au développement de la société.
De surcroît, votre mission de recrutement et d'animation de courtiers indépendants est très loin d'être à la hauteur de nos attentes, sur ce point aussi votre carence est manifeste.
En effet, vous n'avez recruté aucun courtier sur la période de janvier à septembre 2018, tous ont été recrutés par le groupe Swixim France.
En réalité, cette négligence manifeste de travail s'explique par votre volonté de créer une société concurrente à la société F2J Immobilier.
Vous préférez concentrer votre temps, votre énergie et votre disponibilité pour mettre sur pied une activité directement concurrente à F2 J Immobilier.
Notamment des documents trouvés sur votre bureau en attestent formellement.
Il en ressort que vous ne travaillez pas pour le compte de votre employeur pour lequel vous êtes rémunéré.
Vous avez manifestement et volontairement abusé de votre fonction et des moyens de la société, tels que vos frais et déplacement aberrants, disproportionnés et sans rapport avec votre mission, d'autant plus que vous ne l'avez pas exécutée.
Le fait de ne pas atteindre des objectifs n'est pas en soi fautif sauf à établir que le salarié s'abstenait volontairement à fournir un travail suffisant lui permettant de remplir de tels objectifs
Dans un tel cas, l'employeur n'a pas à avertir préalablement le salarié à qui il reproche un comportement fautif pouvant être qualifiée de faute grave.
Il ressort du tableau de suivi du chiffre d'affaires du salarié que ce dernier a réalisé un chiffre d'affaires de 20 883 € sur le mois de février 2018 et aucun chiffre d'affaires sur les autres mois.
Le commissaire aux comptes interrogé par l'employeur sur le tableau de chiffre d'affaires du salarié a précisé que 'sur la base de nos travaux, nous n'avons pas d'observations à formuler sur les informations figurant dans le document joint relatif au chiffre d'affaires réalisé par M. [L] [B] sur l'exercice clos au 31 décembre 2018.'.
Il n'est pas discuté que le salarié n'a effectué aucun recrutement de courtiers en 2018 alors que le contrat de travail stipule que le salarié 'afin d'assurer à l'employeur une marge commerciale plancher, le salarié est chargé du recrutement et de l'animation d'agents commerciaux indépendants (courtiers Swixim)...afin d'assurer la réalisation d'un objectif de chiffre d'affaires d'honoraires encaissés...
Le dirigeant, M. [R] [E] a adressé au salarié un mail le 16 mai 2018 où il interpelle ce dernier comme suit : Bonjour [L], ci-joint le suivi d'activité de l'agence. Tu arrête toute production ''.
Le dirigeant adresse un autre mail en date du 25 septembre 2018 où il reproche au salarié son absence à deux formations. Le salarié lui répond qu'il en prend bonne note.
Mme [W] atteste 'avoir été sollicitéé en septembre/octobre 2018 par [L] [B] à rejoindre l'agence Immobilac. Proposition faite oralement que j'ai décliné.
Le salarié dans ses écritures reconnaît que le contexte économique est florissant, que son secteur a été agrandi en janvier 2018 ; une telle évolution devait lui permettre de réaliser ses objectifs.
Il ne donne aucune explication crédible sur son absence totale de chiffre d'affaires en 2018 pendant neuf mois alors qu'il avait réalisé en 2017 un chiffre d'affaires de 103 333 € ; même s'il manageait des agents commerciaux en qualité de Team Manager, ce fait ne justifie pas cette absence de chiffre d'affaires alors qu'il avait pour première fonction de négocier des ventes de biens immobiliers ainsi que le stipule le contrat de travail.
S'il n'est pas établi par les pièces versées aux débats que le salarié a employé son temps de travail à préparer sa future société, les notes manuscrites retrouvées sur le bureau du salarié concernant la création d'une société immobilière, concurrente à la société F2J Immobilier, le mail du 25 septembre 2018 adressé à un ami comptable tard dans la soirée, afin d'établir un prévisionnnel de la future société, la demande de conseil à une société conseil en publicité sur le nom le plus porteur qu'il pourrait utiliser pour sa future société qui lui a alors conseillé d'adopter le nom de Switch Home ne prouvant pas que ces démarches aient été faites lors de l'exécution du contrat de travail, il reste qu'il ressort de plusieurs mails produits aux débats que le salarié était en relation étroite courant 2018 avec M. [Z], gérant de la société Immobiliac, ami proche qui avait déjà travaillé avec lui dans une précédente société.
Ainsi par mail du 15 mai le gérant d'Immobiliac dont l'objet est le RDV Ferme de l'Hôpital écrit au salarié : merci de m'adresser le mail de ta collaboratrice. Au hasard prends [J]
Dans un échange de mail du 24 mai 2018 avec le gérant d'Immobiliac, ce dernier écrit au salarié 'dit donc blaireau, on va quand prendre ce putain de mandat à la ferme de l'Hôpital !!!, le salarié lui répondant avec ' Mais bien sûr, avec moi ! Quand tu veux ! Bien sûr...
Le gérant d'Immobiliac répondant : 'le propriétaire ne veut pas signer avec toi, je ne sais pas ce qu'il y entre vous ' Et ça ne me regarde pas...Je sais que tu es gentil, mon bon [L]...Faut pas casser la vente...
Dans des mails du 30 avril 2018 le salarié et gérant d'Immobilac s'échangent des photos portant sur des biens immobiliers, le gérant commentant : 'une belle, une pas belle, et les chiottes ''''', et dans un autre mail du même jour le gérant questionnant le salarié : 'Et le séjour ''.
Le gérant d'Immobilac et le salarié se sont échangés des mails en septembre 2018 quant à la nécessité de tampons, de signature, de feuilles à entête, le gérant demandant un retour dans les dix minutes, le salarié lui répondant qu'il est à ses ordres.
Ces mails prouvent que le salarié s'occupait au moins partiellement pendant son temps de travail de la vente de biens immobiliers mis en vente par l'agence Immobilac.
Le salarié n'employait donc pas tout son temps à son emploi au sein de la société.
Si l'employeur aux termes de la lettre de licenciement ne reproche pas au salarié des actes de concurrence déloyale au cours de son contrat de travail, il lui fait bien grief de ne pas travailler pour le compte de son employeur. Le fait que le salarié serve d'intermédaire au profit d'une autre société immobilière au cours de son contrat ne pouvait qu'avoir des conséquences directes sur son activité au sein de la société qu'il l'employait, en terme de chiffre d'affaires et d'activité, ce qui n'a pas manqué de se produire.
Il s'agit d'un comportement fautif ayant contribué à l'absence de réalisation des objectifs assignés au salarié.
Le licenciement pour faute grave était dès lors justifié.
Cette faute grave constitue la cause du licenciement, étant précisé que si le salarié établit qu'il a demandé en septembre 2018 à l'employeur des explications sur le débit du compte courant associé à hauteur de 41 800 €, il n'est pas établi que cette demande ait motivé la procédure de licenciement qui reposait sur des faits précis, en partis découverts lors de la procédure de licenciement.
D'ailleurs le salarié avait prévu de quitter la société F2J Immobilier puisqu'il a adressé à son employeur un mail du 4 octobre 2018 où il lui propose une rupture du contrat de travail pour manque de résultats et demande un solde de tout compte de 80 000 € comprenant une indemnité de préavis de trois mois, le rachat des parts, une indemnité de congé payé et une indemnité de rupture.
Le jugement en ce qu'il retenu la faute grave sera dans ces conditions confirmé.
Le rappel de salaire de 1 493,41 € bruts n'est pas contesté et l'employeur a déjà payé cette créance.
Sur le paiement de la facture de réparation de l'ordinateur portable, la responsabilité pécuniaire d'un salarié ne peut être engagée qu'en cas de faute lourde.
L'employeur ne verse que la facture de l'ordinateur. Il ne prouve pas que le salarié ait causé le dommage et ait commis une faute constitutive de faute lourde.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Les dépens d'appel seront supportés pour deux tiers par l'appelant et un tiers par l'intimé, l'appelant ayant obtenu gain de cause sur un chef de demande.
L'appelant sera condamné à une somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, celui-ci tenu partiellement aux dépens succombant à l'essentiel de ses prétentions.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement du 24 juin 2021 rendu par le conseil des prud'hommes d'Annemasse sauf en ce que M. [B] [M] a été condamné à payer à la société F2J Immobilier la somme de 1 258 € au titre de la réparation de l'ordinateur portable ;
Statuant à nouveau sur ce point,
Déboute la société F2J Immobilier de sa demande en paiement de la somme de 1 258 € au titre de la réparation de l'ordinateur portable ;
Condamne M. [L] [B] [M] aux dépens d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [L] [B] [M] à payer à la société F2J Immobilier la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 22 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.