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22/09/2022 | FRANCE | N°21/01545

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 22 septembre 2022, 21/01545


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/01545 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GYK4



[T] [E]

C/ Caisse CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL SAVOIE - MONT BL ANC





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 06 Juillet 2021, RG F 19/00048





APPELANTE :



Madame [T] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Alina

PARAGYIOS de la SELEURL CABINET A-P, avocat au barreau de PARIS







INTIMEE :



LA CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL SAVOIE - MONT BL ANC

dont le siège social est sis [Adresse 4]

[Localité 1]

pris...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/01545 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GYK4

[T] [E]

C/ Caisse CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL SAVOIE - MONT BL ANC

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 06 Juillet 2021, RG F 19/00048

APPELANTE :

Madame [T] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Alina PARAGYIOS de la SELEURL CABINET A-P, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE DU CREDIT MUTUEL SAVOIE - MONT BL ANC

dont le siège social est sis [Adresse 4]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL ORION AVOCATS & CONSEILS, avocat plaidant au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Juin 2022 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller

Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Sophie MESSA,

********

Faits et procédure

Mme [T] [E] a été engagée le 20 septembre 1992 par la Caisse régionale du Crédit Mutuel Savoie Mont Blanc sous contrat à durée indéterminée en qualité de guichetière.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait les fonctions de directrice de caisse du Crédit Mutuel à l'agence de la Vallée verte.

Elle percevait un salaire mensuel brut de 6469,52 €.

La convention collective de branche du Crédit Mutuel est applicable.

Le 6 décembre 2018, dix salariés de l'agence de la Vallée Verte ont adressé un courrier aux représentants du personnel dénonçant le management pratiqué par la directrice.

La direction générale ayant eu connaissance de ce courrier a fait diligenter une enquête.

Les salariés ont été entendus les 9 et 10 janvier 2019.

Le rapport d'enquête a été déposé le 16 janvier 2019.

Estimant que cette enquête mettait en cause le management de Mme [E] qui est à l'origine des situations dénoncées, la salariée a été convoquée le 18 janvier 2019 à un entretien préalable fixé au 29 janvier 2019 à une éventuelle mesure disciplinaire, et mise à pied à titre conservatoire.

La salariée a été licenciée pour faute grave par lettre du 1er février 2019.

La salariée contestant son licenciement a saisi le conseil des prud'hommes de Bonneville.

Par jugement du 6 juillet 2021 le conseil des prud'hommes a :

- dit que le licenciement est fondé sur une faute grave,

- dit que la procédure de licenciement est conforme au droit applicable,

- débouté Mme [E] de ses demandes,

- débouté la Caisse de crédit mutuel de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [E] aux dépens.

Mme [E] a interjeté appel par déclaration du 21 juin 2021 au réseau privé virtuel des avocats de l'intégralité du jugement.

Par conclusions notifiées le 6 janvier 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens Mme [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Caisse de Crédit Mutuel Savoie Mont Blanc à lui payer les sommes suivantes :

* 2424,37 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et 242,43 € de congés payés afférents,

* 19 408,56 à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1940,85 € de congés payés afférents,

* 85 397,52 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 155 268,48 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 38 817,12 €à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 64 695,20 €à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

* 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Elle soutient en substance que ses qualités professionnelles lui ont permis d'accéder à un poste de directrice. Elle était appréciée par ses supérieurs et ses collaborateurs.

Elle n'a pas été évaluée sur plusieurs années, la seule évaluation de mai 2018 étant positive.

La caisse a subi une attaque au gaz qui a déstabilisé le personnel et la directrice, l'employeur n'a pris aucune disposition en sa faveur et celle de son équipe. Les conditions de travail de la caisse ont été impactées par cette attaque.

Elle a réussi à réouvrir avec une nouvelle organisation qui a été soutenue par le personnel. Si elle n'avait pas été une directrice qui accordait de l'importance à l'ambiance, elle n'aurait pas été soutenue.

L'ensemble des entretiens professionnels qu'elle a mené ne font état d'aucune difficulté, au contraire ils établissent qu'elle était un manager qui accordait de la confiance à ses équipes.

Le président de la caisse M. [P], des anciens collaborateurs ont témoigné en sa faveur.

Si plusieurs élus du conseil d'administration ont démissionné c'est en raison du soutien qu'ils lui apportait. Plusieurs élus témoignent n'avoir jamais été informé de difficultés.

Deux salariés ont été sommés de signer le courrier du 6 décembre, cinq autres ne l'ont pas signé.

L'employeur a fait réaliser un simulacre d'enquête. Celle-ci a été menée à charge de façon partiale, non contradictoire, avec atteinte à la confidentialité, défaut d'information sur l'évolution dossier.

L'intégralité de l'enquête n'avait pas été transmise et une sommation de communiquer a dû être faite.

Les griefs sont mensongers et fallacieux.

Les propos tenus sur les RTT ne l'ont pas été en réunion mais lors d'une pause café sur le ton de la plaisanterie.

Deux de ces collaboratrices, Mme [X] et Mme [VO] ont spontanément témoigné de leur surprise quant aux accusations, ces attestations témoignent à elles seules des informations mensongères exposées dans la lettre de licenciement. Elles jettent au moins un doute sur les faits reprochés.

Elle a toujours favorisé l'évolution des salariés.

Elle conteste avoir attaqué le physique d'une salariée, elle ne travaillait pas avec une salariée ayant de l'embonpoint. Aucun élément n'est versé.

Il ne peut lui être reproché d'appeler certains salariés 'chouchou' alors que c'est une marque d'affection.

Elle dément avoir tenu des propos à l'égard de la vie privée de Mme [M], encore une fois corroboré par aucun élément de preuve.

Elle n'a pas davantage fait de réflexion sur la grossesse d'une salarié en demandant si le père était au courant.

Le crédit mutuel déforme ses propos sur des congés qu'elle a tenu effectivement à une salarié en lui disant que si elles n'arrivaient pas à se mettre d'accord, elles finiraient par 'se taper dessus' mais elle n'a jamais eu une telle intention.

La procédure des congés n'a jamais en tout cas posé difficulté et un mail écrit précédait toujours la validation informatique.

Ainsi que cela ressort de plusieurs attestations notamment celle de M. [P], la multitude de témoignages obtenus contre elle n'est que le fruit d'une cabale organisée certainement par des salariés jaloux de sa réussite professionnelle.

L'une des salariées, Mme [X] a regretté sa déposition et explique ne pas l'avoir relue.

Le témoignage de Mme [W] n'est pas crédible, celui-ci doit être replacé dans son contexte, où elle reprochait à celle-ci de ne pas respecter les procédures mises en place. De plus, elle l'avait soupçonné d'avoir eu un rôle dans le vol d'une enveloppe de liquide.

Elle respectait le droit du travail, elle établit contrairement à ce qu'indique la lettre de licenciement, elle n'a fait aucune difficulté sur le temps partiel d'une salariée. Elle n'a jamais refusé des RTT sauf une fois sur une demande faite le jour même.

L'affirmation qu'elle ne respectait pas le droit social ne repose sur aucun élément concret.

Le vice président du conseil de surveillance, M. [BG] évoque même un complot contre elle.

Un audit avait été réalisé en septembre 2018 dont il ne ressortait aucun élément négatif à son égard.

Des différends existant entre elle et des salariés, dont la directrice générale de la caisse a certainement contribué à la cabale montée contre elle.

L'ambiance dégradée au Crédit mutuel n'est pas liée à son attitude, elle résulte du cumul entre une situation difficile, explosion au gaz et mise en place d'un nouveau concept d'agence et la jalousie de certains salariés.

Au vu des nombreux doutes qui subsistent sur la réalité des griefs, le licenciement doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle a droit aux indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le barème de l'article L 1235-1 du code du travail doit être écarté, comme étant contraire à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail. Elle n'a pas retrouvé un emploi et subit un préjudice important. Elle n'a plus droit l'allocation retour à l'emploi depuis novembre 2021.

L'employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail, elle a été en surcharge de travail, malgré les alertes, rien n'a été fait pour la soulager notamment suite à l'attaque au gaz.

Le licenciement et la procédure menée ont été déloyales. Rien ne justifiait de lui retirer immédiatement sa messagerie, cela l'a empêchée de prouver le caractère mensonger des griefs.

Elle a subi enfin un préjudice moral du fait de la brutalité du licenciement, d'une enquête menée à charge, elle a été mis en arrêt de travail dès le 23 janvier par suite du choc traumatique qu'elle a subi. Elle a fait une dépression sévère et a vécu son éviction comme une humiliation.

Par conclusions notifiées le 3 décembre 2021auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la Caisse de Crédit Mutuel Savoie Mont Blanc

demande à la cour de :

- déclarer l'appel mal fondé,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- condamner Mme [E] à lui payer une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner aux dépens.

Elle fait valoir que le courrier du 6 décembre 2018 faisait état d'un climat pesant et dégradé, de souffrance au travail et de stress.

Il a été remis aux représentants du personnels qui l'ont remis à la direction générale le 14 décembre.

Aucun des salariés signataires n'a subi de pressions.

La lettre signalait l'urgence de la situation.

Les représentants du personnel ont participé à l'enquête conformément à la charte relative à la prévention et à la lutte contre le harcèlement et la violence au travail.

Tous les salariés de la caisse ont été entendus y compris Mme [E].

Le management de celle-ci a été remis en cause. Tous les salariés faisaient les mêmes constats et reproches.

Mme [E] se réfugie derrière sa carrière et l'absence de toute sanction disciplinaire au cours de celle-ci, mais cela ne peut justifier son comportement.

Une alerte avait en tout cas été faite en 2015, Mme [E] était mise en cause par une salariée pour des remarques désobligeantes et des propos dénigrants, la salariée mettait aussi en exergue des propos sur le physique des salariés de la caisse.

Après l'enquête, la salariée concernée a été mutée dans une autre caisse, elle n'a pas élargi l'enquête car les salariés de la caisse interrogés ne souhaitaient pas s'exprimer sur ce sujet.

Mme [E] avait suivi une formation sur le management le 24 novembre 2016.

Les rapports d'audition prouvent que Mme [E] avait une attitude dénigrante et déplacée vis à vis de ses collaborateurs, elle faisait des réflexions blessantes, souvent publiques et n'hésitait pas à proférer des menaces verbales pour arriver à ses fins. Elle tenait des propos insultants et en réunion, elle ne disait pas bonjour.

Plusieurs collaborateurs ont exprimé se mettre en retrait lors des réunions pour ne pas subir ses attaques.

Elle met mal à l'aise ses collaborateurs qui redoutent ses réactions.

La prise de congés était très mal vue, ils étaient validés très tardivement.

L'enquête a confirmé la dégradation des conditions de travail, le climat est difficile, les salariés se méfient les uns des autres.

Les salariés font état d'une souffrance.

Les enquêteurs ont conclu que pour une majorité de salariés l'attitude de Mme [E] est inadmissible, confinant au harcèlement moral.

Les entretiens professionnels qu'a établi Mme [E] pour ses collaborateurs ne sont pas révélateurs de l'ambiance réelle, elle manoeuvrait au sein de la caisse pour que le silence soit gardé sur ses méthodes.

Elle fait état d'attestations de membres du conseil d'administration qui ont tous démissionné lors du licenciement et qui n'étaient que présents épisodiquement. Les attestations de trois salariés de la caisse qui sont ses lieutenants proches ne sont pas plus probantes.

Il n'y a aucun rapport avec l'incident crée par le gaz s'étant produit un an avant, l'agence n'a pas été fermée contrairement à ce que Mme [E] indique.

Au regard des faits établis par l'enquête la faute grave est caractérisée.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 4 mars 2022.

Motifs de la décision

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits, imputable au salarié, constituant une violation des obligations s'attachant à son emploi, d'une importance telle qu'il rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

L'ancienneté du salarié et l'absence de sanction disciplinaire ne sont pas systématiquement des causes atténuantes de la gravité de la faute commise.

Le juge doit apprécier si la sanction prononcée est proportionnée à la nature et à la gravité des faits reprochés.

La charge de la preuve repose exclusivement sur l'employeur.

En application de l'article L 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement fixant les limites du litige expose essentiellement qu'une lettre de dix collaborateurs de l'agence bancaire de la Vallée Verte a été remise le 6 décembre 2018 à une délégation de représentants du personnel à l'adresse du directeur général faisant état d'un climat de travail extrêmement pesant et dégradé, les salariés demandaient une intervention rapide des élus et de la direction générale du fait de la souffrance et du stress de plusieurs salariés.

La directrice des relations humaines a alors décidé qu'une enquête serait menée avec une délégation du CHSCT. L'enquête a été réalisée et le rapport du 16 janvier 2019 fait état d'un mode de management inapproprié ayant perturbé le fonctionnement de la caisse et une dégradation des conditions de travail des collaborateurs.

Il est reproché à la salariée de tenir des propos déplacés, voire dénigrants, en utilisant des termes dégradants ou en faisant des remarques blessantes, plusieurs collaborateurs se plaignent de menaces verbales.

Il est ainsi cité dans la lettre de licenciement que lors d'une réunion un collaborateur lui dit qu'elle ne peut annoncer à son équipe que les salariés prenant des RTT n'auraient pas d'augmentation, elle a eu une réaction violente en disant 'tu ne t'opposes pas à moi sinon tu sauras qui est le patron'. Un autre collaborateur a indiqué que la directrice lui a dit que ça allait mal se passer, 'que c'est elle qui commandait'.

Des propos sont aussi tenus sur le physique des salariés ou leur vie privée. Ainsi lors d'une réunion elle a demandé à une salariée ayant un embonpoint, 'pourras- tu passer la porte ''. Elle a déclaré à une autre collaboratrice avoir retrouvé une photographie, et qu'elle ne l'avait pas ramenée car elle était mince. Elle a aussi déclaré à une autre salariée qui avait rempli un questionnaire d'assurance en vue d'un prêt, en notant qu'elle fumait, 'comment ton mari fait pour supporter cela ''. Lorsqu'une autre collaboratrice l'a informé de sa grossesse, elle lui a demandé si le père était au courant. Un autre collaborateur lui a fait remarquer qu'elle lui parlait comme à un enfant, la directrice s'est alors penchée, 'les dents serrés, sur un ton menaçant.

Une autre collaboratrice a indiqué que la directrice lui a dit que si elle restait en opposition, 'on allait se taper dessus'.

D'autres collaborateurs font état de propos insultants : 'T'es bête ou quoi '', 'T'es complètement malade '', 'les syndicats me font vomir'.

Un autre collaborateur indique qu'en réunion elle ne dit pas bonjour.

Plusieurs collaborateurs se disent déstabilisés et appréhendent les réunions, le personnel préfère ne pas intervenir 'pour ne pas subir vos attaques'.

Un salarié a déclaré : 'son management, c'est une dictature', un autre salarié le qualifie de toxique. Les chargés de clientèle évitent d'aller la voir pour un dossier et choisissent de 'botter en touche'.

Une autre salariée a déclaré 'Ca fait des années que je fais le dos rond, je ne me rebiffe pas. L'ambiance c'est Jurassic Park.

Les salariés la décrivent comme manipulatrice. Une salariée déclare qu'en réunion 'elle est flippante, elle fait peur, je suis angoissée d'être seule dans la même pièce avec elle, peur d'être manipulée, je perds complètement pied'.

La lettre de licenciement ajoute qu'elle édicte des consignes en réunion ou en entretiens individuels allant à l'encontre du droit du travail. Elle s'oppose ainsi aux demandes de temps partiel dans le cadre du congé parental. Une salariée a notamment déclarée que lorsqu'elle a fait sa demande, la directrice lui a dit que si elle voulais un temps partiel, elle devrait quitter la Caisse. Lors d'un pot pour des nouveaux nés, elle a déclaré : 'je rappelle, pas de congés parentaux'. Une salariée qui déclare avoir obtenu son temps partiel, a précisé qu'à son retour elle a été affectée à l'accueil alors qu'elle était chargée de clientèle particulier. Elle dissuade également les salariés de prendre leur RTT, un salarié déclare : j'ai arrêté d'en prendre pour avoir la paix', la directrice a dit à un salarié 'si vous avez du retard, en prenant des RTT, il ne faut pas vous plaindre'. Elle a exprimé auprès de plusieurs collaborateurs que ceux qui prennent des RTT n'auront pas d'augmentations. En ce qui concerne les congés, un collaborateur déclare que 'c'était un enfer', les congés sont toujours validés à l'arrache, très tardivement. La directrice a déclaré à une salariée qu'elle ne voulait pas de grossesses. Concernant les horaires, une salariée déclare être arrivé cinq minutes en avance, et s'est vu reproché de ne pas arriver vingt minutes avant.

Par ailleurs l'employeur expose que l'enquête a mis l'accent sur la mauvaise ambiance au sein de la Caisse, les salariés se méfiant les uns des autres, parlant de délation auprès du directeur.

Sur le point de vente des salariés ont déclaré être sur le qui vive tout le temps, 'on n'est pas serein', les expressions revenant étant ambiance désastreuse, ambiance de pire en pire, très tendue, ambiance pesante, les salariés sont sous pression.

Des salariés ont indiqué attendre beaucoup de l'intervention, qu'ils sont en souffrance, plusieurs font état de difficultés de sommeil. Un collaborateur déclare : 'j'accepte les critiques bienveillantes, et non pas humiliantes'.

L'employeur indique que lors de l'entretien préalable la directrice a persisté à nier tout en ne donnant aucune explication crédible aux faits.

L'employeur produit aux débats l'enquête réalisée par deux membres du CSSCT et du directeur des ressources humaines.

Quatorze salariés dont la directrice ont été entendus lors de cette enquête. Les procès-verbaux sont particulièrement circonstanciés. La lettre de licenciement a repris précisément les déclarations précises et concordantes des salariés.

M. [MJ] [O] occupant les fonctions de CDC particulier a notamment déclaré que le climat était lourd, et que cela faisait cinq ans que les salariés subissaient cela. Deux salariés ont pris fait et cause pour la directrice.

Ancien représentant du personnel, la directrice lui a dit qu'il était 'un grand malade' et que 'les élus sont tous pourris, des gens qui la font vomir'.

Au niveau des congés, il précise que c'était une calamité, il est allé la voir mais elle ne voulait rien savoir, il n'y avait pas de dialogue, 'c'était une dictature'. La directrice a tenté de l'isoler des collègues, il a été témoin de collègues quittant le bureau de la directrice en pleurs. Il a l'impression que sa santé est danger, c'est obsédant, il ne dors plus beaucoup.

Mme [LH] [SI] affectée au bureau de Viuz et tenant des permanences au bureau de [Localité 5] a confirmé l'ambiance qu'elle qualifie de désastreuse au sein de la Caisse. En réunion les salariés baissent la tête, quand quelqu'un pose une question, il est cassé. La directrice perturbe tout le monde, elle peut être 'ange ou démon'. Un jour elle est charmeuse, et le lendemain on est la personne à abattre. Les salariés ne comprennent pas'.

Elle lui a reproché d'être en retard alors qu'elle était en avance de cinq minutes. Elle stressait sur ses horaires. Elle a déclaré à la machine à café devant témoins que ceux qui prennent des RTT n'auront pas d'augmentations, elle a dit qu'elle ne pouvait dire cela, elle a ensuite été convoquée et a été menacée 'tu ne t'oppose plus à moi devant les salariés , sinon tu sauras qui est le patron'. Lors d'une réunion, la directrice a dit qu'elle ne voulais aucune RTT pendant les congés scolaires, elle a dit 'je ne comprends pas pourquoi. Je m'en suis pris plein la tête'.

Si la lettre de licenciement indique que les propos sur l'absence d'augmentation ont été tenus en réunion, cela ne change rien au fait que ces propos ont été tenus, et que l'hostilité de la directrice aux RTT dénoncée par plusieurs salariés accrédite qu'elle parlait sérieusement et non sur le ton de la plaisanterie comme rapportée par Mme [X] dont l'attestation établie après l'enquête n'apparaît pas probante en ce que la témoin en interprétant les propos ou les attitudes de la directrice montre une certaine partialité.

Mme [SI] a ajouté qu'après les trois incidents relatés, elle a été convoquée par la directrice qui lui a reproché encore les horaires et a ajouté que si elle restait en opposition, 'on va se taper dessus, au prix où je te paie tu n'es pas digne de confiance en tant que cadre, tu es de mon côté ou tu te tais. Devant les salariés tu évites de me contredire'. Elle a pleuré quand elle a évoqué un sujet personnel douloureux. Elle a dit 'arrête de pleurer comme un enfant'. Répondant à la question d'un enquêteur, elle a répondu 'oui je suis victime d'harcèlement'.

Mme [U] [Z], conseiller accueil témoigne que lorsqu'elle était sur le point de vente de [Localité 6] c'était très bien, c'était loin de la direction. A [Localité 7] les salariés sont sous pression, elle a l'impression d'être espionnée. La directrice lui demande de noter toute son activité sur l'agenda, elle ne lui fait pas confiance. Elle a eu un souci avec une cliente, pour rentrer, la directrice est arrivée comme une furie, lorsque la cliente est partie, elle s'est fait démonter, son ton était menaçant. Elle précise qu'on est infantilisé, on nous parle comme à des enfants. Elle dénigre ses collaborateurs, elle a dit lorsqu'elle a été embauchée 'j'espère que tu ne comptes pas avoir un bébé dans les prochaines années, y en a avant toi, et cela m'a été dit plusieurs fois devant Mme [X]. En réunion elle ne dit pas bonjour, et le matin ce n'est pas systématique. Elle ajoute qu'il y a un an, elle a refusé une formation car elle partait à l'étranger, elle lui a dit : 'mais chouchou si ça se trouve, dans quelques mois, ton copain ne sera plus avec toi. Quand [N] a annoncé sa grossesse, elle lui a demandé si le père était au courant. En réunion elle ne cite pas les noms, mais avec les détails donnés on sait qui c'est, 'c'est plein de petites manipulations'. La directrice est difficile à cerner, 'on ne sait pas si elle fait exprès ou si elle joue un rôle. C'est vraiment vicieux, ici c'est la quatrième dimension'. La directrice a des têtes de turc, elle leur a dit que ceux qui partaient en RTT n'auraient pas d'augmentation. Mon collègue, [G] [S] arrive et part à l'heure, la directrice remarque 'T'es un fonctionnaire, si je t'ai embauché, c'est qu'il faut faire plus d'heures'.

M. [G] [S], conseiller accueil a déclaré qu'il évitait sa directrice, elle l'a traité de fonctionnaire, elle lui a dit 'arrive encore plus à l'heure' d'un ton ironique. Il est arrivé qu'elle rentre dans l'agence sans dire bonjour. Il a relaté que c'était la galère pour les congés et les RTT, elle lui a dit de se faire payer ses RTT au lieu de les prendre, il estime qu'elle lui parle mal, il a été témoin de voir des collègues pleurer. Il s'est crée une 'carapace' . Il n'a pas subi de traitement vexatoire ou discriminatoire à part d'être traité de fonctionnaire. A la question s'il a été témoin de propos déplacés, ou agressifs à l'encontre de collègues, il a précisé que la directrice a dit à Mme [D] [KF] suite à un arrêt maladie après sa grossesse 'qu'elle les a honteusement lâchés, '[MJ] [O] et [LH] [SI] ont contredit MNL, ont été rembarrés'.

Mme [R] [A], conseillère clientèle sur le point de vente de [Localité 6] a relaté que l'ambiance était tendue en réunion ; elle n'a pas de soucis particuliers avec la directrice. Elle lui avait refusé un temps partiel après son congé maternité mais avec la mise en place de la RTT, elle bénéficie d'une demi- journée et cela lui convient. Elle n'a pas été victime de propos ou de comportements vexatoires de la directrice. Elle a déjà été témoin de propos vexatoires de la directrice en réunion à l'encontre de Mme [M], elle a été rabaissée.

Sur les RTT, il y avait trois jours à solder pour elle et deux autres salariés, [U] a été convoquée et la directrice lui a dit que si elle posait des RTT, cela montre qu'elle ne s'implique pas, du coup elle a annulé un jour de RTT. Les RTT ont été maintenus pour elle et l'autre collègue de travail.

Elle conclut que la directrice est compétente 'mais c'est dans sa façon de manager et de s'exprimer que cela pose problème'.

Mme [C] [K], CDC particulier expose qu'à son retour de maternité, elle avait demandé un 80 %, la directrice lui avait dit qu'elle n'aurait pas le choix du jour ; elle a été affectée au poste de l'accueil alors qu'auparavant elle gérait un portefeuille CDC particuliers ; la directrice lui a dit que c'était un passage obligé après un retour de maternité. Au cours de son entretien professionnel, elle a demandé de revenir sur son poste, elle précise que c'est dur d'être au placard, elle a expliqué qu'elle avait une grosse appréhension avant cet entretien, l'enquête mentionne 'sanglots'. Elle décrit l'ambiance comme tendue , la directrice divise pour mieux régner. Elle ajoute que la directrice l'a prise en grippe dès le départ, elle ne sait pas parler aux collaborateurs, elle dit des mots méchants, elle n'arrive plus à échanger avec elle, elle évite d'être seule avec elle, elle est mal à l'aise devant elle, elle fonds en larme, lors de son premier entretien elle est partie en pleurant, la semaine suivante, elle s'est rendue chez son médecin, elle n'arrivait plus à dormir, elle a été arrêtée une semaine. La directrice a insulté des collaborateurs : t'es bête ou quoi ' T'es complètement malade ' Les syndicats 'l'a font vomir'. Elle avait interrompu [U] qui était avec une cliente en lui disant 'tu vas au local'.

Elle estime qu'il y a une dégradation des conditions de travail, l'équipe est divisée. 'Elle était très proche de [JD] [X], elle l'a vu pleurer, elle n'en pouvait plus.' Celle-ci s'est 'lobotomisée', elle passe sa journée face à elle et achète sa tranquillité. Elle était présente quand '[MJ] s'est fait traiter de grand malade, s'est levé, a quitté la réunion, elle s'est crispée, on a cru qu'elle allait le gifler. Quand on n'est pas d'accord en réunion, 'on dirait un enfant capricieux qui tape du pied, elle fait peur. Moi elle me fait peur, je suis angoissée d'être seule dans une pièce avec elle. Elle n'arrive plus à travailler avec elle, elle envisage de demander sa mutation.

Mme [J] [B], occupant les fonctions de CDC particulier relate que l'ambiance de l'agence est pesante ; la directrice n'a jamais eu de propos déplaisants à son égard mais elle a été témoin de propos violents, des collègues sont en souffrance. [C] [K] a été dévalorisée et mise au placard. Elle estime que le contexte ne peut plus durer, même si elle même n'est pas impactée. En réunion personne ne prend la parole, la relation hiérarchique est cassée. Elle a été témoin d'altercations verbales avec M. [O], 'c'était monté dans les tours'.

Pour les congés, les réponses sont tardives. Pour les RTT, la directrice argumente qu'il ne faut pas en prendre. Elle a supprimé une journée et demi de RTT à [U] afin qu'elle même et une collègue puisse prendre leur RTT.

M. [H] [UM], occupant les fonctions de CDC particuliers a relaté que l'ambiance à l'agence est de pire en pire, très tendue. Avec la directrice, il n'entre pas en conflit, il fait 'le dos rond'. C'est l'ambiance générale qui lui pèse car chacun est fermé à l'autre. Il n'a jamais été victime de propos vexatoires de la directrice. Il a été le témoin lors d'une réunion de propos très vexants tenus par la directrice à l'égard d'une collègue ; il a été témoin des propos violents envers [L] et [F] [YV] et a vu pleurer [L]. Il précise que lui même se protège et se mets en retrait.

Mme [N] [KF], CDC particulier, a décrit une mauvaise relation avec la directrice, elle dit être sa 'tête de turc', le procès verbal mentionne 'sanglots'. Elle s'était fait disputer car elle était arrivée trois minutes en retard un matin, la directrice l'a menacé d'un avertissement. Son entretien professionnel s'est très mal passé, elle lui a dit qu'elle devait assumer car elle attendait un troisième enfant. Elle a dit trois fois à des collègues qu'elle les avait 'honteusement lâchés'. Elle précise que lorsqu'elle monte, 'on se demande si c'est pour nous gueuler dessus'. Elle a déjà eu des menaces pour ses RTT, elle lui a dit que les RTT, c'était du temps de repos, ce n'est pas pour les vacances. Elle voulait ces RTT et les a posés, elle l'a alors menacé 'si tu veux jouer comme cela, tu ne vas pas y gagner, c'est moi qui commande'. La directrice n'a pas accepté qu'elle s'absente pour sa fille qui devait se faire opérer, elle lui a dit que le père pouvait y aller. Elle a eu un propos discriminatoire sur son physique car elle est 'ronde', par exemple elle lui a demandé si elle pouvait passer la porte du local. Elle parle mal à Mme [SI] et à Mme [M], Mme [K], M. [O].

Mme [Y] [M] employée en qualité de CDC Particulier et groupe expose que la situation est tendue, l'ambiance est pesante, la directrice lui 'reproche tout', elle ne sait plus ce qui est important ou urgent. Elle lui dit qu'il ne faut pas écrire comme ça, 'ce n'est pas digne d'un CDC confirmé'. Elle arrive le matin 'la boule au ventre'. Elle estime que sa directrice n'est pas disponible, si elle va la voir, elle lui dit qu'elle devrait savoir compte tenu de sa qualité de CDC, si elle ne fait pas la démarche, elle lui reproche de ne pas lui en avoir parlé. Interrogée sur un prêt immobilier et le taux qu'il fallait pratiquer compte tenu de la date du prêt, la directrice lui a dit qu'elle devait se former, elle lui a fait comprendre qu'elle était stupide. Elle l'a déjà humilié, elle avait sollicité un prêt, et avait répondu qu'elle était fumeuse, la directrice lui a demandé comment faisait son mari pour supporter cela. Elle est dénigré régulièrement dans son travail, elle profite qu'elle n'est pas bien pour l'écraser encore plus. Lors des échanges avec la directrice elle est complètement bloquée, elle s'agace vite. Elle a déjà eu des remarques vexatoires en réunion, où elle a pleuré et craqué devant ses collègues. D'autres collègues ont subi des propos vexatoires ou déplacés en réunion. Pour la suite, elle n'osera pas se présenter à un autre poste, elle n'a plus confiance en elle. Pour les congés, elle précise que c'est compliqué, les temps de réponse sont longs. Sur les RTT, la directrice les restreints à deux demi journées par mois non cumulable et pas le jeudi.

Les enquêteurs ont fait mention à plusieurs reprises que la salariée pleurait pendant l'entretien.

Mme [V] [ZX] employé en qualité de CDC a relaté que les relations avec la directrice étaient difficiles, elle lui a déjà dit sur un dossier de prêt 't'es bête ou quoi'. Elle a le sentiment que les têtes de turc changent. Elle voit ses collègues souffrir, elle estime qu'il y a du harcèlement. Elle a déjà été témoins de réflexions envers un salarié un réunion, 'c'était rabaissant, humiliant'. Elle souhaite des changements.

Mme [U] [VO] employée en qualité de CDC a exposé qu'elle n'avait constaté une ambiance dégradée que depuis quinze jours. Elle n'a pas compris ce qui s'est passé à la réunion, la directrice a dit que certains salariés voulaient prendre la parole, elle leur a donné mais on lui a dit que c'était trop tard, qu'une procédure était en cours. Elle avait vu une collègue qui avait pleuré mais c'était un souci de santé. Elle a indiqué que le stress, la souffrance, c'est propre à chacun et pas forcément liés à l'équipe, 'il ya des choses que je n'ai pas vu'. Elle n'a pas entendu de propos discriminatoires. Elle n'a pas à se plaindre du management de la directrice, elle doit faire tourner une équipe. A la question de savoir, si les salariés se sentent agressés, elle a répondu : 'agressé, c'est un peu exagéré'. Elle n'a pas ressenti d'agressions, de remarques de la directrice.

Mme [JD] [X] gestionnaire service clients a relaté que l'ambiance s'était dégradée depuis l'automne 2018, à cause de la gestion des congés, le changement de portefeuilles, la mise en place d'un nouveau concept, l'année a été compliquée avec le sinistre et les travaux. Elle s'entendait très bien avec la directrice mais que celle-ci pouvait être sèche, dure et vexante. Elle n'a pas à juger son management. Elle n'a pas été victime de propos ou comportement vexatoire, le fait qu'elle travaille sur un poste en face d'elle peut entraîner des jalousies.

Il résulte de cette enquête que onze salariés sur treize font état d'un management très difficile et tendu adopté par la directrice, qui tient des propos vexatoires et agressifs.

Mme [E] entendue par la commission d'enquête a expliqué que l'année a été très dure, il y a eu les travaux, des congés maladies, trois congés maternité ; lors de l'entretien professionnel de Mme [M], des choses sont ressorties, qu'elle n'avait pas été assez présente, que les salariés voulaient prendre la parole en réunion. A la réunion elle a appris que 'quelque chose était en cours'. Elle a dû réorganiser les agendas, mais ça va mieux, les changements mis en place ont fait l'objet d'échanges. Elle ne pensait pas qu'il y avait un tel malaise, elle sait que [Y] [M] est en souffrance et très sensible, elle fait attention, à part cette salariée, elle n'a pas remarqué que d'autres salariés étaient en souffrance. Sur son management, elle se décrit comme exigeante, elle prend à coeur d'avoir une équipe compétente. Beaucoup de formations et d'informations sont faites. Elle a indiqué avoir des propos simples et directs, elle ne sait pas toujours mettre les forme, elle ne vexe pas. Elle se dit catastrophée par les déclarations qui ont été faites. Elle a contesté créer des difficultés pour les congés ou les RTT, elle essaye d'arranger tout le monde.

Toutefois si le sinistre s'étant produit en décembre 2017 (explosion au gaz d'un distributeur) n'a pas été facile à vivre pour la directrice et son équipe, du fait de sa violence, de la nécessité de travaux et de la réorganisation notamment la création d'un open space entreprise par la directrice, ces événements et leurs conséquences n'expliquent pas les déclarations des salariés mettant en cause la directrice.

De même le manque de moyens humains dont la directrice s'est plainte en novembre et décembre 2017 n'expliquent pas les mises en cause du management décrit comme harcelant.

Les dix salariés n'ont pas évoqué que ces difficultés expliquaient le contexte de souffrance au travail et l'ambiance délétère de l'agence, les salariés en revanche mettaient clairement en cause leur directrice.

Si Mme [X] et Mme [VO] ont attesté que les faits reprochés à la directrice n'étaient pas justifiés et que l'enquête menée l'a été à charge, il convient de relever que rien n'empêchait ces deux salariées de formuler leur avis, et leurs observations lorsqu'elle ont été entendues par la commission. Leurs témoignages apparaissent peu probants en ce qu'elles prennent ouvertement partie pour la directrice alors même que Mme [X] dans son attestation ne remet pas en cause certains propos de la directrice (les syndicats me font vomir, tu es un grand malade) mais les banalisent et que Mme [VO] indique avoir eu un incident vif avec la directrice qui avait 'vivement haussé le ton envers moi'mais qu'évoqué le terme 'agressé' est excessif et qu'elle était vexée contre elle même de la manière dont elle avait traité le dossier.

Le témoignage d'un salarié formé par la directrice et le courrier d'un autre salarié s'étant présenté à l'école des directeurs louant les qualités de la directrice ne peuvent suffire à renverser l'enquête où ont été entendus tout le personnel de l'agence qui était sous la subordination de la salariée.

De même les attestations des administrateurs et de membres du Conseil de surveillance fournies par la salariée ne sont pas probantes en ce que ces personnes n'ont pas travaillé à l'agence et ne connaissait pas la réalité des relations entre la directrice et le personnel et le management qu'elle adoptait. L'évocation d'un complot par l'un des membres du conseil de surveillance, M. [BG] à l'encontre de la directrice ou d'une cabale ne repose que sur les dires de deux salariés favorables à la directrice à l'exclusion de tout élément objectif et concret.

Toutes les auditions figurant au dossier d'enquête sont produites in extenso par l'employeur.

Il ne peut être reproché à la commission d'enquête d'avoir été incomplète et partiale.

Les deux délégués membre de la commission d'enquête ont établi un compte rendu daté du 16 janvier 2019 dans lequel ils exposent qu'après avoir entendus tous les salariés, les élus ont pu constater que l'ambiance générale était très tendue et compliquée. Ils précisent que pour une majorité de salariés la relation avec Mme [E] est très difficile et traumatisante, ils se sentent rabaissés, maltraités et même harcelés. La situation est insoutenable et beaucoup d'entre eux n'envisage pas d'avenir sous son emprise infantilisante et son management dictatorial. Après avoir rappelé la charte sur la prévention et la lutte contre le harcèlement moral, et la définition du harcèlement moral , les élus demandent qu'il soit mis un terme à cette situation, car la majorité des salariés sont en grande souffrance et ne tiendront pas longtemps. Ils craignent que les agissements dénoncés débouchent sur des conséquences graves voire irrémédiables.

De plus, il ressort d'une lettre du 18 janvier 2015 adressée au siège social du Crédit Mutuel et émanant d'une salariée, Mme [L] [W] que celle-ci avait déjà signalé les propos et l'attitude de dénigrement de la directrice, elle exposait que déstabilisée par des changements d'affectation, elle en a fait part à la directrice qui ensuite lui a fait des remarques désobligeantes et dévalorisantes. Elle lui manquait de respect, en disant 't'es conne '' , 'tu l'as fait exprès '' Des remarques pour la rabaisser : dis donc [L] tu as remarqué que depuis que tu es référent téléphonie nous avons descendu au classement ' Si j'avais su j'aurais laissé [I].'.

Cette lettre fait état de faits précis.

Le CHSCT saisi a constaté le 3 avril 2015 que la salariée avait été affectée sur un nouveau poste sans contact avec la directrice, et qu'aucun salarié de l'agence de la Vallée Verte ne s'était plaint de sorte qu'une enquête n'avait pas été diligentée.

Ces faits même s'ils ne concernent pas le licenciement, confirment que la directrice avait adopté par le passé une attitude irrespectueuse à l'égard d'une salariée peu important que la directrice pouvait reprocher à celle-ci des problèmes de respect de procédure qui ne sont du reste aucunement établi par les deux pièces versées dont il ne peut rien être tiré quant à un possible défaut de procédure bancaire et qu'elle pouvait aussi la soupçonner d'une implication dans la disparition d'une enveloppe d'argent à l'agence bancaire, sans que cette affirmation ne soit étayée par un quelconque élément sérieux du dossier.

Si les entretiens professionnels produits ne font pas état de difficultés particulières, de tels entretiens ne mentionnent pas toujours la réalité des conditions de travail et les difficultés rencontrées par les salariés. Ces éléments ne sont pas suffisants pour affirmer que la salariée avait un management de qualité sans difficultés particulières alors que les témoignages contraires recueillis lors de l'enquête sont précis et concordants.

Le nouveau directeur de la Caisse de la Vallée verte a témoigné qu'il avait pris ses fonctions le 7 février 2019 dans un contexte compliqué avec des salariés 'moralement très affectés par la situation.

Il résulte de tous ces éléments que la salariée avait un management harcelant avec son équipe.

Son attitude vexatoire et quelque fois agressive déstabilisaient la plupart des salariés fragilisés par ce contexte harcelant et maltraitant.

Les réticences de la directrice à satisfaire les demandes de temps partiel dans le cadre de congés parentaux et son hostilité aux RTT ressortent des auditions de salariés entendus lors de l'enquête, et s'inscrivaient dans un management autoritaire laissant peu de place à l'écoute et à la prise en considération des demandes des salariés.

Il s'agit de faits graves parfaitement établis justifiant un licenciement sans préavis et sans indemnités.

Enfin aucun comportement déloyal ne peut être imputé à l'employeur qui a exercé ses responsabilités en déclenchant une enquête interne avec l'audition de tous les salariés concernés avant d'engager une procédure disciplinaire de licenciement.

Le jugement sera dans ces conditions confirmé.

Il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile eu égard à la situation économique de l'appelante.

Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 6 juillet 2021 rendu par le conseil des prud'hommes de Bonneville ;

Condamne Mme [E] aux dépens d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Caisse régionale du Crédit Mutuel Savoie Mont Blanc de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 22 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 21/01545
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;21.01545 ?
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