COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022
N° RG 21/00321 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GT5U
[O] [C] etc...
C/ S.A. [G]
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BONNEVILLE en date du 12 Janvier 2021, RG F 18/00082
APPELANTS et INTIMES INCIDENTS :
Monsieur [O] [C]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Syndicat CFDT METALLURGIE DES SAVOIE
[Adresse 3]
B.P. 37
[Localité 6]
Représentés par Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d'ANNECY
INTIMEE et APPELANTE INCIDENTE :
S.A. [G]
[Adresse 2]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté Me Laurence MAYBON, avocat au barreau d'ANNECY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 15 Septembre 2022 par Monsieur Frédéric PARIS, Président de chambre, à ces fins désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier,
et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
Copies délivrées le :
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FAITS, PROCÉDURES, PRÉTENTIONS ET MOYENS
M. [O] [C] a été engagé le 30 novembre 1998 par la SA [G] en qualité de magasinier en contrat à durée déterminée, puis en contrat à durée indéterminée.
La société compte plus de dix salariés.
M. [O] [C] a été licencié pour faute grave le 25 septembre 2012.
Il a été réintégré au sein de la société [G] à la suite d'un arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 3 juillet 2014 ayant déclaré le licenciement nul.
M. [O] [C] s'est présenté aux élections des représentants de la délégation unique du personnel des 4 et 18 juillet 2017. Il a été désigné délégué syndical par le syndicat CFDT de la Métallurgie des Savoie le 6 juillet 2017.
Par jugement du 29 septembre 2017, le tribunal d'instance de Bonneville a annulé les élections des 4 et 18 juillet 2017.
A l'issue de nouvelles élections organisées en mars 2018, M. [O] [C] a été élu membre du Comité économique et social de la société [G].
Par requête reçue le 21 juin 2018, M. [O] [C] et le syndicat CFDT de la Métallurgie des Savoie ont saisi le conseil des prud'hommes de Bonneville aux fins d'obtenir l'annulation d'un avertissement et d'une mise à pied adressés au salarié, et le paiement de différentes indemnités pour discrimination syndicale, violation des obligations de loyauté et de sécurité, et atteintes à l'exercice de fonctions représentatives dans l'entreprise.
Par jugement de départage du 12 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Bonneville a :
- annulé l'avertissement délivré le 17 juillet 2017 par la SA [G] à M. [O] [C],
- annulé la mise à pied disciplinaire notifiée le 14 janvier 2019 par la SA [G] à M. [O] [C],
- condamné la SA [G] à payer à M. [O] [C] la somme de 263,45 euros brut au titre des salaires non versés durant la mise à pied, outre 26,34 euros au titre des congés payés afférents,
- condamné la SA [G] à payer à M. [O] [C] la somme de 500 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,
- rejeté le surplus des demandes formées par les parties,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Par déclaration par RPVA du 12 février 2021, M. [O] [C] et le syndicat CFDT Métallurgie des Savoie ont relevé appel de cette décision. La SA [G] a formé appel incident.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, M. [O] [C] et le syndicat CFDT Métallurgie des Savoie demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Bonneville en ce qu'il a :
*dit que l'avertissement infligé au salarié le 17 juillet 2017 est nul,
*dit que la mise à pied infligée au salarié le 14 janvier 2019 est nulle,
*condamné la SA [G] à payer à M. [O] [C] les sommes de 263,45 euros brut à titre de remboursement des trois jours de mise à pied disciplinaire, et de 26,34 euros brut au titre des congés payés afférents,
- infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Bonneville pour le surplus de ses dispositions et :
* condamner la SA [G] à payer à M. [O] [C] la somme de 10000 euros net à titre de dommages-intérêts pour sanctions injustifiées et discriminatoires,
* condamner la SA [G] à payer à M. [O] [C] les sommes
suivantes :
- 25000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour discrimination et
entrave aux fonctions représentatives,
- 25000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour violation des obligations
de loyauté et de sécurité,
- déclarer le syndicat CFDT Métallurgie des Savoie recevables et bien fondés
en son action,
- condamner la SA [G] à payer au syndicat CFDT Métallurgie des Savoie la somme de 10000 euros nets pour discrimination syndicale et atteintes caractérisées à l'exercice des fonctions représentatives dans l'entreprise,
- condamner la SA [G] à payer aux demandeurs la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la SA [G] aux entiers dépens,
- dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil.
Au soutien de leurs demandes, M. [O] [C] et le syndicat CFDT Métallurgie des Savoie exposent que la lettre d'avertissement du 17 juillet 2017 a été signée par une personne non habilitée ; que Mme [Y], qui a été élue membre du CSE dans le collège 'cadres', ne pouvait en effet de ce fait détenir une délégation de pouvoir de l'employeur lui autorisant à signer cette lettre, puisque cette délégation serait incompatible avec une telle élection au CSE.
L'avertissement ne comporte pas la mention 'Pour ordre'.
L'employeur ne rapporte pas la preuve de règles précises relatives aux temps de pause, ni même que le salarié n'ait pas respecté ces règles. Les temps de pause sont largement tolérés dans l'entreprise. Le salarié n'a jamais manqué de respect à son employeur ainsi qu'à son fils.
Cet avertissement lui a par ailleurs été notifié la veille du second tour des élections de la délégation unique du personnel, uniquement dans le but de le déstabiliser. Il est donc discriminatoire.
Pour toutes ces raisons, l'avertissement doit être annulé.
La mise à pied notifiée le 14 janvier 2019 au salarié est intervenue près de deux mois après les faits qu'elle vise, pour un léger incident au cours duquel il a été provoqué par un autre salarié. C'est par ailleurs M. [O] [C] qui a signalé cet incident à sa direction. En outre, les faits qu'on lui reproche ne sont pas établis. Cette mise à pied, mise à exécution entre le 12 et le 14 février 2019, a en fait été décidée afin de pouvoir lui désigner un remplaçant moins aguerri dans ses fonctions de délégué syndical pour la signature d'un accord d'entreprise dérogatoire le 14 février 2019. Pour ces raisons, la mise à pied doit être annulée.
Ces avertissement et mise à pied illégitimes l'ont conduit à être placé en arrêt de travail, entraînant un préjudice financier mais également moral.
Depuis la réintégration du salarié ordonnée par la cour d'appel en 2014, l'employeur multiplie les pratiques anti-syndicales à l'encontre de celui-ci et de la CFDT.
Lors des élections de juillet 2017 qui ont finalement été annulées, il a fait l'objet de mesures discriminatoires liées à sa candidature sous l'étiquette CFDT.
L'employeur a effectué des pressions sur les salariés avant le premier tour pour les inciter à ne pas aller voter, et le salarié ainsi que l'autre candidat CFDT ont reçu un avertissement le 17 juillet 2017, soit la veille du second tour.
Les pratiques discriminatoires vont perdurer après l'annulation des élections de juillet 2017 :
- l'employeur va tenter de supprimer son mandat de délégué syndical et lui demander de rembourser 12 heures de délégation.
- il va tenter de faire croire à l'ensemble du personnel que l'annulation des élections est le fait du salarié.
- il va accuser celui-ci d'absence injustifiée en janvier 2018 alors qu'il était en congés, validés par sa hiérarchie.
Elles vont perdurer également après son élection en mars 2018 comme membre du comité économique et social :
- l'employeur lui impose de prévenir à l'avance de la prise de ses heures de délégation, sans qu'aucune procédure de concertation n'ait été mise en place.
- le salarié n'a pas librement accès au panneau d'affichage de l'imprimerie, puisqu'il doit demander la clé à Mme [Y].
- l'employeur a tenté de réduire ses heures de délégation syndicale auxquelles il a droit.
- lors de la mise en place du CSE, l'employeur a tenté de tenir en échec l'adoption du règlement intérieur.
- le salarié a été sanctionné d'une mise à pied juste avant la signature d'un accord d'entreprise dérogatoire, ce qui a nécessité la désignation d'un délégué remplaçant qui a signé cet accord défavorable aux salariés faute d'avoir eu le temps de l'étudier.
L'ensemble de ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination. L'employeur ne rapporte pas la preuve que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Depuis la réintégration du salarié, l'employeur cumule les manquements à ses obligations de loyauté et de sécurité :
- il a été placé dès sa réintégration sous la subordination hiérarchique de M. [D], qui l'avait violemment agressé en septembre 2012, ce qui l'a exposé à une situation potentiellement dangereuse et conflictuelle, risque qui s'est vérifié puisque M. [D] ne cesse de le critiquer et l'humilier. Il a informé sa direction des agissements de son supérieur, sans réaction de la part de l'employeur.
- il a subi des pressions de la part de Mme [Y]. Celle-ci a proféré le concernant des accusations mensongères, notamment lors de la réunion du CSE du 22 mai 2018. Or l'employeur a préféré prendre la défense de cette dernière.
- le 10 janvier 2021, il a été victime d'une agression à l'arme blanche sur son lieu de travail par un autre salarié. L'employeur n'a eu aucune réaction, le salarié en cause n'a jamais été sanctionné. Cette agression l'a conduit à être placé en arrêt de travail.
Le syndicat CFDT est le seul syndicat représentatif au sein de la SA [G]. L'employeur continue à infliger à ses militants et en particulier à M. [O] [C] des mesures illicites, il n'a de cesse de porter atteinte à l'exercice des fonctions de représentation du personnel.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2021, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la SA [G] demande à la cour de :
A titre principal :
- infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Bonneville en ce qu'il a :
* annulé l'avertissement notifié à M. [O] [C] le 17 juillet 2017,
* annulé la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [O] [C] le 14 janvier 2019,
* condamné la SA [G] à verser à M. [O] [C] la somme de 263,45 € bruts à titre de remboursement des trois jours de mise à pied disciplinaire, outre 26,34 € de congés payés afférents,
* condamné la SA [G] à verser à M. [O] [C] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
* débouté la SA [G] de sa demande de condamnation in solidum de M. [O] [C] et de la CFDT au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. [O] [C] et la CFDT de l'ensemble de leurs demandes,
- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Bonneville pour le surplus de ses dispositions,
- condamner in solidum Monsieur [C] et la CFDT au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- les condamner aux entiers dépens,
A titre subsidiaire, ramener à de plus justes proportions les montants des demandes de M. [O] [C] et de la CFDT.
Au soutien de ses demandes, la SA [G] expose que Mme [Y] a signé l'avertissement du 17 juillet 2017 'pour ordre', c'est-à-dire sur instruction de Mme [A], dans le cadre d'une délégation de signature, délégation qui lui a été confiée le 5 janvier 2016. La délégation de signature ne doit pas être confondue avec la délégation de pouvoir.
Les notes de service rappelant les horaires de pause étaient affichées et avaient été envoyées à chaque salarié. Le 13 juillet 2017, M. [C] a été surpris en train de boire un café et de fumer en dehors des temps de pause, et par ailleurs il a provoqué M. Nicolas [G] qui lui a fait remarquer le non-respect de l'horaire de pause. D'autres salariés ont été sanctionnés pour ce motif. Aucun texte ne soumet la notification d'un avertissement à l'existence d'autres manquements préalables.
M. [O] [C] a agressé verbalement et menacé de mort M. [N], qui a immédiatement déposé plainte. M. [O] [C] n'a informé sa hiérarchie qu'après ce dépôt de plainte. M. [U], seul témoin des faits, a confirmé devant son employeur la version de M. [N]. Il a ensuite attesté au profit de M. [O] [C] car il a manifestement subi des pressions de sa part. L'attestation de M. [F] au profit du salarié doit être écartée des débats car elle ne répond pas aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile. Les dates à laquelle la mise à pied devait s'appliquer ont été choisies par rapport à la fin de son arrêt de travail dont l'employeur avait connaissance à cette date, soit le 9 février 2019. La procédure disciplinaire a été initiée postérieurement à l'arrêt de travail dont se prévaut le salarié pour soutenir qu'il a subi un préjudice du fait de la mise à pied.
Le tribunal de Bonneville n'a relevé aucune discrimination lors des élections professionnelles de juillet 2017 dans son jugement de septembre 2017, qui a force de chose jugée. Au soutien de leurs allégations, les demandeurs à l'appel ne produisent qu'un courriel rédigé par M. [O] [C] lui-même, et un témoigage de ce dernier simplement signé par sept autres salariés, tous candidats sous liste CFDT pour cette élection. De son côté l'employeur produit 33 attestations de salariés indiquant n'avoir subi aucune pression.
Le courrier du 12 octobre 2017 soutenant que M. [O] [C] n'était plus délégué syndical en raison de l'annulation des élections de juillet 2017 était une erreur du conseil de l'employeur, erreur immédiatement rectifiée quand le syndicat CFDT l'a soulevée.
Si le courrier du 25 octobre 2017 de la SA [G] adressé au syndicat CFDT a été affiché, c'était pour répondre aux rumeurs infondées répandues par M. [O] [C] selon lesquelles les élections auraient été annulées en raison d'une répression syndicale.
La SA [G] n'était pas informée de la prise de congés payés par le salarié entre le 2 et le 5 janvier 2018. L'attestation de M. [M] est nécessairement un faux témoignage puisque celui-ci était en arrêt de travail du 25 octobre 2017 au 5 janvier 2018, il ne pouvait donc recevoir les souhaits de congés du salarié sur cette période.
La jurisprudence constante de la Cour de cassation n'exclut pas la possibilité de mettre en place des bons de délégation qui ne constituent qu'une simple information préalable de l'employeur. Au sein de la SA [G] ces bons ne sont pas de nature à soumettre les heures de délégation à une autorisation préalable et/ou au contrôle de l'activité du salarié. Cette pratique a été mise en place avec l'accord de M. [O] [C] en 2014, ce que celui-ci reconnaît.
La société comporte quatre panneaux d'affichage pour l'organisation syndicale représentative. M. [O] [C] a la clé de trois des panneaux, celle du quatrième, située au siège social, se trouve à sa disposition dans le bureau de Mme [Y].
Le règlement intérieur du CSE a été voté, y compris par M. [O] [C], le 4 octobre 2019. L'employeur avait même mis à disposition des membres du CSE un projet de règlement pour les aider.
L'accord d'entreprise conclu le 14 février 2019 est globalement plus favorable aux salariés. Il a été signé par un délégué syndical désigné par la CFDT, qui avait eu connaissance des documents nécessaires à la négociation neuf jours avant la signature de l'accord.
Le fait que M. [D] atteste tout d'abord en faveur de la société qu'il subissait des pressions de la part de M. [O] [C], puis en faveur de ce dernier dans le cadre du présent litige démontre qu'il n'a jamais harcelé M. [O] [C].
S'agissant des pressions que le salarié dit avoir subi de la part de Mme [Y], plusieurs salariés attestent de ce que le salarié a traité cette dernière de menteuse lors de la réunion du CSE du 22 mai 2018. Il ne produit aucun élément de nature à démontrer ses allégations quant au comportement de Mme [Y] à son encontre. Celle-ci a par ailleurs alerté l'inspection du travail le 31 mai 2018 sur l'attitude harcelante du salarié à son égard.
L'employeur a réagi suite à l'altercation du 10 janvier 2021 en convoquant les deux salariés dès le lendemain, et en changeant M. [E] de poste. Aucune sanction n'a été prise à l'encontre de ce dernier, aucun retour sur l'enquête pénale n'ayant été fait à la société alors que les gendarmes lui ont recommandé d'attendre le résultat de l'enquête avant de prendre une décision, compte-tenu des versions divergentes sur l'altercation.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er avril 2022.
Le dossier a été appelé à l'audience du 15 septembre 2022. A l'issue, la décision a été mise en délibéré au 8 novembre 2022 et le délibéré a été prorogé au 22 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'avertissement du 17 juillet 2017 et la mise à pied disciplinaire du 14 janvier 2019
Seul l'employeur, qui détient le pouvoir disciplinaire, ou son délégataire à ce titre a la possibilité de prononcer une sanction disciplinaire.
L'avertissement du 17 juillet 2017 a été signé par Mme [H] [Y], du service du personnel, en son nom propre, puisque ce courrier ne comporte pas la mention « pour ordre ».
L'employeur reconnaît que celle-ci ne pouvait signer un avertissement en son nom propre puisqu'elle ne dispose pas de délégation de pouvoir, mais seulement d'une délégation de signature des courriers.
S'agissant de la mise à pied disciplinaire du 14 janvier 2019, l'employeur reproche au salarié d'avoir eu des propos et gestes violents envers M. [N] le 21 novembre 2018, le menaçant notamment de s'en prendre à lui physiquement.
Les courriers du 26 novembre 2018 et du 1er décembre 2018 du salarié ainsi que la plainte de M. [N] à la gendarmerie du 21 novembre 2018, son attestation non datée ainsi que son courrier à la Direccte du 26 novembre 2018 n'apparaissent pas être des éléments probants, s'agissant de versions nécessairement sujettes à caution puisqu'émanant des deux protagonistes de l'altercation.
L'attestation de M. [U], témoin du début de l'altercation, mentionne uniquement « Le 21 novembre à 1h30, je reprends le travail j'ai pris le palan pour les commandes mais M. [N] me l'a repris des mains. M. [C] travail avec moi a repris le palan à M. [N] disant tu n'est pas prioritaire ». Cette personne n'indique pas avoir assisté à des insultes ou des menaces, notamment de la part de M. [O] [C]. Il résulte par ailleurs d'attestations produites par l'employeur que M. [U] aurait soutenu devant ce dernier l'inverse de ce qu'il indique dans son attestation, à savoir que M. [N] ne lui aurait jamais retiré le palan des mains. En tout état de cause M. [U] n'a jamais indiqué que M. [C] se serait montré agressif ou insultant envers M. [N].
Par ailleurs, M. [F] atteste avoir assisté à l'altercation. Il indique avoir vu les deux hommes en pleine dispute suite à un « problème de comportement, que [P] [N] s'est avancé vers [O] [C] poitrine en avant en lui disant d'un ton provocateur et agressif « vas-y tape moi », que les deux hommes se sont ensuite échangés des insultes,qu'il s'est interposé et a demandé à [O] [C] de « laisser tomber et de le suivre », ce que ce dernier a fait, et qu'il n'a assisté à aucune violence physique. Il explique qu'il avait l'impression que M. [N] voulait provoquer M. [O] [C].
Il résulte de l'analyse de ces éléments que l'origine de l'altercation n'est pas clairement établie ; que M. [F] indique avoir été témoin des faits et estime que c'était M. [N] qui provoquait M. [O] [C] et que les insultes ont ensuite été réciproques ; qu'il existe ainsi un sérieux doute quant au fait que M. [C] ait provoqué sans raison M. [N], alors que l'employeur a motivé sa sanction sur ce point et sur l'absence de justification à l'attitude agressive du salarié.
En conséquence, il convient de dire que la faute reprochée au salarié n'est pas établie.
Compte-tenu de ces éléments, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle a annulé l'avertissement du 17 juillet 2017 et la mise à pied disciplinaire du 14 janvier 2019.
M. [O] [C] a subi un préjudice moral résultant de ses sanctions dont le conseil de prud'hommes a justement évalué le montant à 500 euros. Il sera cependant retenu que ce montant est en net et non en brut. Le jugement de prud'hommes sur ce point sera infirmé.
La décision du conseil de prud'hommes sera par ailleurs confirmée en ce qu'elle a condamné la SA [G] à verser à M. [O] [C] la somme de 263,45 euros brut, outre 26,34 euros brut au titre des congés payés afférents, à titre de remboursement des trois jours de mise à pied disciplinaire.
Sur la discrimination et l'obstacle aux fonctions syndicales
Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.
Les discriminations directes et indirectes sont définies par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :
- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, en raison d'un motif prohibé, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aurait été dans une situation comparable,
- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs prohibés, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
L'article L. 2141-5 alinéa 1 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
L'article L. 1334-1 du code du travail fixe une répartition de la charge de la preuve des discriminations. Le juge doit suivre un processus probatoire en trois étapes. Il lui appartient :
1°) A titre préalable, d'examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié,
2°) Si la matérialité de certains faits est avérée, d'apprécier si ces faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte (phase 1),
3°) dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (phase 2).
L'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés.
En l'espèce, M. [O] [C] et le syndicat CFDT Métallurgie des Savoie invoquent les faits suivants :
1 - Le fait que l'employeur a reconnu avoir dit à des salariés que le premier tour des élections ne concernait 'que les syndicats',ce qui aurait eu pour conséquence de les dissuader d'aller voter. Le salarié produit sur ce point une attestation qu'il a lui-même rédigée, signée par sept autres salariés que lui, selon laquelle ils auraient reçu des pressions de la part de la direction pour ne pas aller voter, le fils du patron étant même passé la veille des élections dans les ateliers en leur disant de ne pas aller voter. L'employeur reconnaît avoir dit aux salariés, la veille des élections, que le premier tour des élections ne concernait « que les syndicats ». Le salarié produit également les documents relatifs aux élections professionnelles démontrant que 9 électeurs sur 54 ont voté au premier tour, contre 44 sur 54 au second tour. Si la qualification de pression apparaît nécessairement subjective, les autres faits apparaissent établis ;
2 - Le fait que le salarié se serait vu adresser un avertissement la veille du second tour des élections professionnelles. Ce fait apparaît établi ;
3 - Le fait que l'employeur a soutenu au salarié, de façon erronée, que suite à l'annulation des élections professionnelles par le tribunal de Bonneville le 29 septembre 2017, sa désignation du 6 juillet 2017 en tant que délégué syndical CFDT n'était plus valable juridiquement. Ce fait apparaît établi par les pièces produites ;
4 - Le fait que l'employeur a informé les salariés, dans une note concernant le comité d'entreprise du 12 octobre 2017, que l'annulation des élections professionnelles de juillet 2017 entraînait un blocage au niveau des activités du comité d'entreprise et des avantages procurés par celui-ci, et qu'il ait indiqué à ces mêmes salariés, dans une note du 24 novembre 2017 détaillant les difficultés nées de l'annulation de ces élections et rappelant notamment la suspension des 'uvres sociales, que ce n'était pas lui qui était à l'origine de cette demande d'annulation mais M. [O] [C] et le syndicat CFDT. Ces faits apparaissent établis par les pièces produites ;
5 - Le fait que l'employeur a accusé le salarié, en janvier 2018, d'absence injustifiée. Ce fait apparaît établi par les pièces produites ;
6 - Le fait qu'il a été imposé au salarié par l'employeur de prévenir à l'avance de la prise de ses heures de délégation en remettant à son employeur des bons de délégation mentionnant une autorisation de s'absenter, alors que l'usage par les délégués du personnel de leurs heures de délégation ne saurait faire l'objet d'un contrôle préalable par l'employeur. Ces faits apparaissent établis par les pièces produites ;
7 - Le fait que le salarié était obligé de demander la clé du tableau d'affichage du panneau syndical situé à l'imprimerie auprès de Mme [Y] alors qu'il doit pouvoir y accéder librement. Ce fait n'est pas contesté par l'employeur, il est donc établi ;
8 - Le fait que l'employeur a voulu réduire le nombre d'heures de délégation du salarié de 18 à 12 heures après les élections de mars 2018. Le salarié produit sur ce point un courriel du 6 novembre 2018 dans lequel il soutient que la secrétaire de M. [D] lui a indiqué qu'il n'aurait que 12 heures de délégation.
Compte-tenu du fait que le salarié s'est envoyé ce courrier à lui-même et qu'aucun autre élément n'accrédite son contenu, ce fait n'apparaît pas établi ;
9 - Le fait que l'employeur aurait tenté de tenir en échec l'adoption du règlement intérieur du CSE. Le salarié produit sur ce point seulement une attestation de M. [V], dont il ne résulte pas que ce fait qu'il allègue soit établi ;
10 - Le fait que le salarié a été mis à pied par l'employeur sur une période comprenant le jour où il devait participer en tant que délégué syndical à l'adoption d'un accord dérogatoire. Ce fait apparaît établi par les pièces produites.
Les faits ci-dessus matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.
En réponse la SA [G] indique que :
1 - Il n'y a rien de discriminatoire au fait que le directeur et son fils se soient rendus dans les ateliers la veille du premier tour des élections, et la phrase tenue par M. [L] [G] « l'élection du lendemain ne concerne que les syndicats » ne constitue ni une mesure discriminatoire, ni une entrave quelconque ou une violation de son obligation de neutralité.
La SA [G] ne justifie cependant pas des raisons qui ont amené le directeur de l'entreprise à prononcer cette phrase en direction des salariés la veille du premier tour de l'élection des délégués du personnel, alors que sa tournure tendait à relativiser l'importance de cette dernière pour les salariés et donc à relativiser l'intérêt pour eux de voter. Le nombre de votants extrêmement faible au premier tour par rapport au second tour permet de retenir que cette phrase de l'employeur a eu un impact sur ce point ;
2 - L'avertissement adressé à M. [O] [C] le 17 juillet2017 était justifié car celui-ci avait été surpris le 13 juillet 2017 en pause en dehors des temps de pause, et il avait manqué de respect à M. Nicolas [G].
La lettre d'avertissement du 17 juillet 2017 évoque des faits et termes précis, est corroborée par l'attestation de M. Nicolas [G]. M. [V] a été averti au même titre que M. [O] [C] pour avoir commis la même faute. L'employeur justifie avoir porté à la connaissance des salariés la réglementation interne s'agissant des temps de pause. Enfin, il sera relevé que le salarié ne justifie pas avoir contesté cet avertissement à la suite de sa notification, ce qui tend à accréditer la réalité des faits qu'il sanctionne. Il est ainsi démontré que cet avertissement a été décidé pour des éléments objectifs étrangers à toute discrimination;
3 - Le courrier du 12 octobre 2017 adressé à M. [O] [C] lui indiquant que sa désignation en tant que délégué syndical n'était plus valable suite à l'annulation des élections professionnelles de juillet 2017 était une erreur quant à la jurisprudence applicable, erreur immédiatement corrigée dès que la CFDT a attiré son attention sur cette difficulté par un courrier du 19 octobre et sur deux arrêts de la cour de cassation statuant sur un tel contentieux. Cet erreur n'a par ailleurs pas porté préjudice au mandat exercé par le salarié, celui-ci ne perdant notamment aucune heure de délégation. L'employeur justifie avoir réagi rapidement au courrier de contestation de la CFDT en répondant à ce syndicat par un courrier du 25 octobre 2017 aux termes duquel il acceptait d'appliquer la jurisprudence de la cour de cassation évoquée. Cet élément permet ainsi de retenir que le courrier du 12 octobre 2017 constituait une erreur d'application du droit étrangère à toute discrimination ;
4 ' Il n'y a eu aucun fait ni écrit de la part de la SA [G] tendant à imputer à la CFDT et à M. [O] [C] la responsabilité de la mise en pause de l'action sociale et des oeuvres du comité d'entreprise pour la fin de l'année 2017. La société n'avait pas d'autre choix que de reporter les élections du CSE à début 2018. S'il était légitime pour l'employeur d'informer ses salariés des raisons pour lesquelles ils ne pouvaient plus bénéficier des actions du comité d'entreprise, la lecture concomitante des notes au personnel des 12 octobre et 24 novembre 2017 permet de relever que l'employeur insiste particulièrement dans la première sur les nombreux avantages sociaux supprimés, notamment pour la période de Noël, en raison de l'annulation des élections, et dans la seconde sur la responsabilité de M. [O] [C] et de la CFDT dans cette décision d'annulation, attitude de nature à induire dans l'esprit des salariés que ces derniers étaient au final responsable de la suspension de l'action sociale au sein de l'entreprise.
5 ' Elle n'a jamais été informée de la prise de congés de M. [O] [C] entre le 2 et le 5 janvier 2018.
M. [S] atteste que le salarié lui a demandé de prendre une semaine de congés du 1er au 5 janvier 2018, mais qu'il a oublié de transmettre cette demande à sa direction, étant lui même en arrêt maladie. M. [O] [C] ne justifie pas par ailleurs avoir informé une autre personne ou son employeur directement. Ainsi l'employeur était légitime à s'interroger sur son absence, interrogation étrangère à toute discrimination ;
6 ' La Cour de cassation n'exclut pas le recours à la pratique des bons de délégation en ce qu'ils constituent une simple information préalable de l'employeur et en ce qu'ils ne soumettent pas les heures de délégation à une autorisation préalable ou au contrôle de l'activité du bénéficiaire. Cette pratique a été mise en place en 2014 en concertation avec M. [O] [C]. La mention « est autorisé à s'absenter » sur ces bons est malencontreuse, la société s'étant inspirée d'un modèle qu'elle avait trouvé. Les bons ont ensuite été modifiés en septembre 2020. M. [O] [C] reconnaît avoir lui-même sollicité la mise en place de bons de délégation en 2014. Il ne résulte pas des pièces du dossier que celui-ci ait, jusqu'à la présente procédure, contesté le fait qu'y figurait la mention « est autorisé à s'absenter », et qu'il ait été à un quelconque moment dans l'obligation d'attendre une autorisation de son employeur pour bénéficier de ses heures de délégation. Ainsi l'existence de ces bons de délégation est un élément étranger à toute discrimination ;
7 ' La clé du panneau d'information réservé au syndicat au sein de l'imprimerie a toujours été à disposition de M. [O] [C] dans le bureau de Mme [Y], assistante RH, qui n'a jamais refusé de la remettre à ce dernier.
L'employeur ne s'explique cependant aucunement sur la raison de la mise en place d'une telle modalité, alors qu'il reconnaît que le salarié détient la clé des trois autres panneaux d'information du syndicat qui se trouvent dans les locaux de l'entreprise.
10 ' L'accord dérogatoire était plus favorable aux salariés, la CFDT a été représenté à cet accord par M. [V], remplaçant de M. [O] [C]. Ce faisant l'employeur n'apporte aucune justification quant au fait qu'il a décidé de faire coïncider les trois jours de mise à pied conservatoire décidés le 14 janvier 2019 avec la date de signature de cet accord dérogatoire auquel M. [O] [C] devait participer en tant que délégué syndical.
Il résulte ainsi de l'analyse de ces éléments que l'employeur ne prouve pas que les agissements invoqués aux points 1, 4, 7 et 10 sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Ces faits portant tous sur l'activité syndicale de M. [O] [C] et du syndicat CFDT de la Métallurgie des Savoie, la discrimination syndicale et l'obstacle aux fonctions syndicales sont établis.
La décision du conseil de prud'hommes sur ce point sera infirmée. Au regard de ces éléments et de la répétition des faits, il sera alloué à M. [O] [C] une somme de 4000 euros net à titre de dommages et intérêts, et au syndicat CFDT de la Métallurgie des Savoie une somme de 2000 euros net à titre de dommages et intérêts.
Sur la violation des obligations de loyauté et de sécurité
M. [O] [C] soutient qu'il subissait des pressions de la part de Mme [Y], et que celle-ci s'en est notamment prise violemment à lui lors d'une réunion du CSE du 22 mai 2018 en le traitant de menteur et de très grand malade.
Il ne produit cependant aucun élément au soutien de ses allégations de pressions, et ne produit s'agissant du déroulement de la réunion du 22 mai 2018 qu'un courrier de sa main qui ne saurait avoir de valeur probante en l'absence d'autres pièces de nature à accréditer l'attitude et les propos qu'il prête à Mme [Y].
Il soutient que l'employeur n'aurait pris aucune mesure ni aucune sanction à l'égard du salarié qui l'aurait agressé avec un couteau le 8 janvier 2021. Cependant, l'employeur justifie lui avoir indiqué dans un courriel du 14 janvier 2021 que les gendarmes leur demandaient d'attendre la visualisation de la vidéo des faits pour prendre une décision, et que par ailleurs lui et ce salarié ne travailleraient plus ensemble à compter du lendemain.
Ainsi, il peut être considéré que sur ce point l'employeur a rempli son obligation de sécurité.
Si M. [O] [C] allègue qu'il aurait été victime d'une différence de traitement par rapport à tout autre salarié de la part de son employeur s'agissant de ces faits, il ne produit aucun élément de nature à justifier ses dires.
Par ailleurs, il résulte des pièces produites aux débats que M. [O] [C] a été placé, lors de sa réintégration dans l'entreprise faisant suite à l'annulation de son licenciement, sous la subordination hiérarchique directe de M. [W] [D], alors que son licenciement faisait suite à une altercation physique avec ce dernier ayant entraîné des blessures chez les deux hommes, et alors que M. [D] était déjà son supérieur hiérarchique. L'arrêt de la cour d'appel de Chambéry ayant annulé le licenciement relevait par ailleurs que de nombreux salariés de l'entreprise décrivaient M. [D] comme une personne agressive, coléreuse, malpolie et bagarreuse.
M. [O] [C] justifie avoir alerté son employeur par courriel du 14 mars 2018 de ce qu'il estimait subir un harcèlement de la part de M. [D].
L'employeur s'est contenté de répondre au salarié, par un courrier du 16 avril 2018, que ses accusations de harcèlement étaient fausses, sans évoquer les éléments de nature à le conduire à cette conclusion.
L'employeur produit par ailleurs un courriel de M. [D] du 14 mars 2018 par lequel celui-ci évoque le fait qu'il aurait reçu des menaces de mort de la part de M. [O] [C].
En dépit de ces alertes, qui démontraient la persistance d'un important conflit entre deux hommes qui s'étaient déjà affrontés physiquement, l'employeur ne justifie pas avoir pris des dispositions pour prévenir la poursuite de ce climat délétère qu'il avait contribué à créer en réintégrant le salarié sous la subordination hiérarchique de M. [D].
Par ce fait l'employeur a manqué à son obligation de sécurité envers M. [O] [C].
S'agissant de la violation de l'obligation de loyauté, M. [O] [C] ne produit aucun élément de nature à démontrer qu'il subirait de la part de son employeur des pressions et tentatives de déstabilisation dans le cadre de son contrat de travail.
Enfin, il appartient au salarié de justifier du préjudice qu'il aurait subi du fait du manquement par l'employeur à son obligation de sécurité (Cass soc 9 décembre 2020, n°19-13-470).
M. [O] [C] soutient que le non respect de l'obligation de sécurité par son employeur a eu un impact sur son état de santé, évoquant les arrêts maladie du 8 juin au 3 août 2018 faisant suite selon lui à l'agression verbale dont il aurait fait l'objet de la part de Mme [Y] le 22 mai 2018, 4 décembre 2018 au 23 février 2019 faisant suite selon lui aux accusations mensongères dont il aurait fait l'objet de la part de M. [N], 22 janvier au 23 février 2021 pour choc post-traumatique en raison de l'agression à l'arme blanche qu'il indiquait avoir subie sur son lieu de travail.
Il a déjà été relevé que le salarié ne démontrait pas avoir fait l'objet d'une agression verbale de la part de Mme [Y].
Celui-ci ne retient pas l'altercation qu'il a eu avec M. [N] comme résultant d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Enfin, ainsi que le soutient M. [O] [C] lui-même, le dernier arrêt de travail résulte du choc post-traumatique qu'il aurait subi à la suite des faits du 8 janvier 2021. Or il n'est ni démontré ni même allégué par le salarié que ces faits seraient en eux-mêmes la conséquence d'une violation par l'employeur de son obligation de sécurité.
M. [O] [C] ne justifiant pas de l'existence d'un préjudice en relation avec le manquement par l'employeur à son obligation de sécurité, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La SA [G] sera condamnée aux dépens.
Elle sera également condamnée à verser à M. [O] [C] et au syndicat CFDT de la Métallurgie des Savoie la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DÉCLARE recevables les appel et appel incident de M. [O] [C], le syndicat CFDT de la Métallurgie des Savoie et de la SA [G],
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bonneville du 12 janvier 2021 en ce qu'il a :
- annulé l'avertissement du 17 juillet 2017 et la mise à pied disciplinaire du 14 janvier 2019,
- condamné la SA [G] à verser à M. [O] [C] la somme de 263,45 euros brut, outre 26,34 euros brut au titre des congés payés afférents, à titre de remboursement des trois jours de mise à pied disciplinaire,
- débouté M. [O] [C] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité et à l'obligation de loyauté,
INFIRME pour le surplus,
Et statuant à nouveau:
CONDAMNE la SA [G] à verser à M. [O] [C] la somme de 500 euros net à titre de dommages et intérêts au titre des sanctions annulées,
CONDAMNE la SA [G] à verser à M. [O] [C] la somme de 4000 euros net de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale et de l'obstacle aux fonctions syndicales,
CONDAMNE la SA [G] à verser au syndicat CFDT de la Métallurgie des Savoie la somme de 2000 euros net de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale et de l'obstacle aux fonctions syndicales,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA [G] aux dépens,
CONDAMNE la SA [G] à verser à M. [O] [C] et au syndicat CFDT de la Métallurgie des Savoie la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ainsi prononcé publiquement le 22 Novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Mme Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président