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18/07/2024 | FRANCE | N°22/00672

France | France, Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 18 juillet 2024, 22/00672


COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE











ARRÊT DU 18 JUILLET 2024



N° RG 22/00672 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G666



[D] [L]

C/ S.A.S.U. PFEIFFER VACUUM





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 30 Mars 2022, RG F 21/00086



Appelant



M. [D] [L]

né le 11 Décembre 1980 à [Localité 3] (93), demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d'AN

NECY



Intimée



S.A.S.U. PFEIFFER VACUUM, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Benjamin ERLICH de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHAMBERY



COMPOSITION DE LA COUR :



Lors ...

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 18 JUILLET 2024

N° RG 22/00672 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G666

[D] [L]

C/ S.A.S.U. PFEIFFER VACUUM

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 30 Mars 2022, RG F 21/00086

Appelant

M. [D] [L]

né le 11 Décembre 1980 à [Localité 3] (93), demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d'ANNECY

Intimée

S.A.S.U. PFEIFFER VACUUM, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Benjamin ERLICH de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 6 juillet 2023 par Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Madame Isabelle CHUILON, conseillère, assisté de Madame Sophie MESSA, greffier, à l'appel des causes, dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré.

Et lors du délibéré par :

Monsieur Cyril GUYAT, Président,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

********

Exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties

M. [D] [L] a été engagé par la Sas Pfeiffer Vacuum en qualité d'ingénieur-cadre chargé d'affaires par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2016, avec reprise d'ancienneté au 3 décembre 2013, moyennant un salaire de base brut annuel fixé forfaitairement à 35.640 € correspondant à 215 jours de travail effectif, versé en 12 mensualités identiques de 2.970 €.

La Sas Pfeiffer Vacuum est spécialisée dans la conception, fabrication et commercialisation de pompes à vide, détecteurs de fuite, pompes turbomoléculaires et systèmes de contrôle d'étanchéité. Elle emploie habituellement plus de 500 salariés.

La convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie est applicable.

A compter du 11 février 2020, M. [D] [L] a été placé en arrêt de travail.

Par courrier du 12 février 2020, M. [D] [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 26 février 2020, puis reporté au 4 mars 2020.

Par LRAR du 12 mars 2020, M. [D] [L] s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse et a été dispensé d'exécuter son préavis de 3 mois.

Par requête du 12 mars 2021, M. [D] [L] a saisi le Conseil de prud'hommes d'Annecy aux fins de contester son licenciement et pour obtenir les indemnités de rupture afférentes, ainsi que des dommages-intérêts pour défaut de formation et violation des obligations de loyauté et de sécurité.

Par jugement en date du 30 mars 2022, le Conseil de prud'hommes d'Annecy a:

-Dit et jugé que la Sas Pfeiffer Vacuum n'a pas manqué à son obligation de formation et d'adaptation de M. [D] [L] à l'évolution de son poste ni à ses obligations de loyauté et de sécurité ;

-Dit et jugé que le licenciement de M. [D] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse et n'encours aucun cas de nullité ;

-Débouté M. [D] [L] de ses demandes :

- de paiement d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- de paiement de dommages-intérêts pour défaut de formation,

- de paiement de dommages-intérêts pour violation des obligations de loyauté et de sécurité,

- au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

-Débouté M. [D] [L] du surplus de ses demandes;

-Débouté la Sas Pfeiffer Vacuum de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

-Condamné M. [D] [L] aux entiers dépens de procédure.

M. [D] [L] a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration enregistrée le 19 avril 2022 au réseau privé virtuel des avocats.

*

Par conclusions d'appelant notifiées le 19 juillet 2022, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, M. [D] [L] demande à la Cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 30 mars 2022 dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

-Juger que la Sas Pfeiffer Vacuum a violé son obligation de formation et d'adaptation de son salarié à l'évolution de son poste ;

-Juger que la Sas Pfeiffer Vacuum a violé ses obligations de loyauté et de sécurité;

-Juger que le licenciement de M. [D] [L] est, à titre principal, nul comme étant en lien avec son état de santé ou à titre subsidiaire, et à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse comme ne reposant que sur des éléments subjectifs dont la réalité n'est pas prouvée par la Sas Pfeiffer Vacuum ;

-Condamner la Sas Pfeiffer Vacuum à payer à M. [D] [L] les sommes suivantes : * 10.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour défaut de formation ;

* 20.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour violation des obligations de loyauté et de sécurité ;

* 22.608,39 € nets à titre d'indemnité de licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;

* 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

-Condamner la même aux entiers dépens de procédure ;

-Juger que les sommes allouées à M. [D] [L] porteront intérêt au taux légal.

M. [D] [L] soutient en substance que :

Son licenciement est en lien avec son arrêt de travail et ne repose sur aucun élément objectif.

Les relations de travail ont commencé à se dégrader à partir de la fin d'année 2018, lorsque ses supérieurs hiérarchiques lui ont imposé une modification unilatérale de son contrat de travail en l'affectant à la fonction de support du produit ADPC 302, en plus de ses tâches habituelles sur les produits AMLL, ALPS et AUD, ceci sans qu'il ne soit d'accord et associé à cette décision, et sans qu'un avenant ne soit régularisé. Sa fiche de poste n'a pas non plus été modifiée.

Dans ce contexte, il a éprouvé les plus grandes difficultés pour effectuer cette nouvelle mission.

Sans information précise sur le produit, ni fiche de mission, et en l'absence de formation spécifique, il n'avait pas les moyens nécessaires de la mener à bien. Or, c'est uniquement la mission sur le nouveau produit ADPC qui est à l'origine de son licenciement.

N'ayant pas participé aux phases de conception, de recherche et de développement, de fabrication et de commercialisation de l'ADPC 302, il a décidé, de sa propre initiative, lorsque la nouvelle mission lui a été confiée, de refaire les tests qualitatifs du produit. Or ceux-ci se sont révélés non conformes, ce qui a fortement déplu à son employeur, qui n'a eu de cesse, à partir de ce moment-là, d'exercer des pressions et reproches, et ce qui conduira, sans doute, à son licenciement.

Avant qu'il ne procède à la dénonciation de la non-conformité du produit ADPC, il travaillait en toute autonomie et ses bilans d'évaluation étaient tout à fait satisfaisants.

En raison de sa participation active, à partir d'octobre 2019, à un groupe de travail sur les nouvelles méthodes de management, il a subi encore plus les foudres de son N +1.

En décembre 2019, il a appris, une fois de plus, sans avoir été préalablement informé, qu'il devait désormais rendre des comptes à trois responsables hiérarchiques et non plus à son N+1, ce qu'il a vécu comme une absence totale de reconnaissance professionnelle et une perte de confiance.

L'employeur a cumulé les manquements à son obligation de loyauté :

-en modifiant unilatéralement ses fonctions et son niveau de responsabilités,

-en lui refusant, en juin 2019, une augmentation individuelle, alors qu'il s'était vu octroyer une fonction supplémentaire, ce qui caractérisait un cas particulier défini par l'accord d'entreprise NAO 2019 portant sur la politique de rémunération globale de l'entreprise,

-en contrôlant de manière disproportionnée son travail, en émettant des pressions incessantes inutiles et des critiques injustifiées à son égard,

-en lui refusant, en février 2020, le télétravail, alors que trois autres salariés avec des fonctions support en bénéficiaient et que ce dispositif a été généralisé à l'ensemble du personnel à partir de janvier 2020.

L'employeur a également violé son obligation de sécurité compte tenu de l'impact considérable de l'ensemble de ces éléments sur son état de santé. Il n'a pris aucune mesure pour résoudre les difficultés managériales et organisationnelles du service et pour préserver sa santé mentale.

Il s'est confié à Mme [Y] (N+2) à propos des pressions subies de la part de son N+1 (M. [V]), qui devenaient de plus en plus insupportables, ce qui a conduit à la rétrogradation de ce dernier.

Le médecin du travail a émis, dès le 29 octobre 2019, des réserves quant à son aptitude, mais la société ne s'est pas conformée aux préconisations et les a remises en cause.

La procédure de licenciement a été engagée dès le lendemain de son arrêt de travail et quatre mois après les réserves émises par le médecin du travail.

L'employeur était informé de la dégradation de son état de santé puisqu'il lui avait conseillé de consulter un médecin pour l'aider à se sentir mieux.

Son licenciement étant lié à son état de santé, il est donc nul.

Subsidiairement, son licenciement repose uniquement sur des considérations d'ordre général et des éléments subjectifs, qui ne sont pas matériellement vérifiables et qui, en réalité, ne traduisent qu'une différence de point de vue avec sa hiérarchie sur les méthodes à mettre en place pour la fonction support ADPC. La société est défaillante à rapporter la preuve d'une cause réelle et sérieuse.

Les griefs reprochés n'ont trait qu'à la mission nouvelle confiée sur le support ADPC alors qu'elle était irréalisable à défaut de formation préalable et de moyens techniques mis à disposition. Manque à son obligation de bonne foi, l'employeur qui met son salarié dans l'impossibilité de travailler.

Le licenciement est en totale contradiction avec ses bilans d'évaluation. Le bilan d'évaluation de l'année 2019 doit être écarté en ce qu'il a été réalisé unilatéralement par la société après la notification du licenciement pour tenter de légitimer une mesure déjà prononcée qui ne reposait que sur des éléments vides de toute objectivité et de toute matérialité.

Contrairement au contenu de l'entretien préalable, la société ne lui a aucunement laissé l'opportunité de mettre en place le contrat d'engagements réciproques évoqué.

L'employeur a agi dans la précipitation en le licenciant sans étudier les solutions qu'il proposait (télétravail, mobilité interne).

Il a perdu la sécurité d'un emploi stable. Il supporte un important préjudice financier puisqu'il n'a pas retrouvé d'emploi et est actuellement encore indemnisé par Pôle emploi. Il a également subi un préjudice moral, son état de santé ayant été affecté par le comportement de son employeur qui n'a pas pris en compte sa situation de souffrance au travail.

*

Par conclusions d'intimée notifiées le 13 octobre 2022, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la Sas Pfeiffer Vacuum demande à la Cour de :

-Confirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

-Débouter M. [D] [L] de sa demande de dommages intérêts pour violation de l'obligation de formation ;

-Dire et juger que la Sas Pfeiffer Vacuum n'a pas manqué à l'exécution du contrat de travail et qu'elle n'a commis aucune faute ;

-Débouter M. [D] [L] de sa demande de dommages intérêts pour violation de l'obligation de loyauté et de sécurité ;

-Dire et juger que le licenciement de M. [D] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse et n'encourt aucun cas de nullité ;

-Débouter M. [D] [L] de sa demande de dommages intérêts pour nullité de son licenciement ;

-Débouter M. [D] [L] de sa demande de dommages intérêts pour défaut de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;

-Débouter M. [D] [L] de toutes ses demandes ;

-Condamner M. [D] [L] à payer à la Sas Pfeiffer Vacuum une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sas Pfeiffer Vacuum fait valoir que:

M. [L] n'avait aucun droit contractuel à collaborer sur une gamme spécifique de produits, plutôt que sur une autre. La décision de lui affecter la charge de tel ou tel produit relevait de son pouvoir de direction.

La justification de l'évolution de ses attributions tient au fait que les affaires 'AMLL, ADS et AUD', sur lesquelles le salarié travaillait, étaient en déclin et ne contribuaient plus à l'occuper à 100 % de son temps de travail, alors que, dans le même temps, l'ADPC connaissait, quant à lui, une phase de croissance qu'il était important de soutenir. Ce type d'évolution correspond au quotidien de tous les salariés affectés aux services support.

Il s'agit d'une simple modification de ses conditions de travail, portant sur les produits à supporter, étant précisé que M. [L] n'a jamais été amené à intervenir dans la phase de conception, et encore moins de commercialisation, des gammes de produits de la société. Le salarié n'a pas accepté ce changement, alors qu'il exerçait, pourtant, les mêmes fonctions, celles d'assurer le support d'un produit, à la place d'un autre, au sein du même service, et dans la même organisation.

Ce ne sont pas les compétences professionnelles du salarié qui sont contestées mais son comportement de remise en cause de la stratégie industrielle de l'entreprise et d'opposition systématique aux directives. Il n'acceptait pas facilement de collaborer avec l'équipe sur la nouvelle gamme de produits confiée. Son opposition au pouvoir de direction de l'entreprise, incompréhensible et ne reposant sur aucun motif légitime, a persisté durant plusieurs mois.

Elle a souhaité affecter M. [L] sur un produit porteur compte tenu de ses compétences professionnelles, au lieu de le laisser végéter sur une gamme de produits déclinante. Il était parfaitement compétent et formé pour la tenue de son poste. La modification de la gamme de produits sur lesquels il lui a été demandé de collaborer ne requérait pas de formation supplémentaire. Il a continué d'assumer les mêmes attributions, mais sur d'autres produits, raison pour laquelle aucun avenant ne s'imposait.

Dans le cadre de cette évolution, M. [L] a été accompagné par deux collègues. Il n'a jamais évoqué aucune difficulté en lien avec une problématique de formation et n'a jamais exprimé de besoin de formation, ni sollicité de formation. Entre 2016 et 2020, le salarié a bénéficié de 7 formations en lien avec la tenue de son poste. Il ne peut prétendre à des dommages-intérêts qu'en rapportant la preuve que le défaut de formation lui a causé un préjudice, ce qu'il ne fait pas.

La fonction contractuelle du salarié, à savoir ingénieur chargé d'affaires statut cadre, n'a pas été modifiée. Le refus du salarié d'un simple changement de ses conditions de travail constitue une faute. À l'inverse, elle n'a pas commis de faute, en demandant au salarié de collaborer sur d'autres produits, dans le respect de ses fonctions.

Il est faux de prétendre que M. [L] devait, désormais, répondre à trois responsables hiérarchiques. La croissance de l'activité Systèmes a nécessité, afin de mieux servir les clients, la transformation du service Advanced Systems en dissociant trois fonctions (suivi d'affaires, suivi de production, support client), antérieurement regroupées sur une même ressource ('opérations'), lesquelles ont été, dès lors, rattachées à trois managers distincts. M. [L] n'avait, avec eux, qu'un lien fonctionnel, et non hiérarchique, sauf vis-à-vis du responsable service et support auquel il était rattaché (M. [V]). Aucune modification de rattachement hiérarchique ou managérial n'a été opérée. M. [V] n'a jamais été rétrogradé.

Le salarié n'a bénéficié que d'une augmentation individuelle de 1%, en raison de l'évaluation de la qualité de son travail, et de son refus d'appliquer les directives concernant la gamme ADPC, comme cela lui a été expliqué. Les critères retenus sont donc objectivés.

M. [L] ne rapporte pas la preuve des critiques injustifiées qui lui auraient été adressées.

Un management un peu plus suivi a été exercé sur son activité, du fait de son refus illégitime et persistant de fournir le travail demandé et d'un risque d'insatisfaction des clients.

M. [L] précise avoir fait une demande de télétravail le 5 février 2020, sans en justifier, étant précisé qu'il a été en arrêt de travail le 11 février 2020.

Le refus de télétravailler n'est pas un refus individuel, en lien avec sa personne, mais un refus collectif, relatif à la fonction support occupée par le salarié, compte tenu des rapports entretenus avec les clients et pour des raisons de confidentialité.

Le télétravail n'est, ni un droit, ni une obligation. Il s'agit d'une prérogative de l'employeur. Elle n'a pas fait droit à la demande du salarié compte tenu des difficultés comportementales rencontrées avec lui, d'autant qu'aucun accord n'avait été conclu à cette date.

Les seules préconisations de la médecine du travail ont été de demander à l'employeur de permettre au salarié d'accéder à son traitement en moins de 5 minutes. Elle ne les a pas contestées, bien au contraire, s'assurant auprès de la médecine du travail qu'elles puissent être respectées compte tenu de l'activité professionnelle du salarié.

M. [L] est de mauvaise foi en prétendant que le licenciement serait justifié par son arrêt de travail, au vu de son opposition à appliquer les consignes et du ton utilisé lors de ses échanges avec son responsable hiérarchique depuis de longs mois.

Elle démontre avoir été confrontée à des difficultés objectives avec le salarié, bien avant la convocation à l'entretien préalable, laquelle a été postée le 12 février 2020, alors que l'arrêt de travail a pris effet le 11 février 2020. Si ces deux événements sont concomitants, elle n'avait, toutefois, pas encore reçu l'arrêt de travail à la date à laquelle elle a convoqué le salarié.

Le licenciement résulte d'une situation d'opposition qui a fait l'objet de nombreuses mises en garde, ce qui a été débattu lors de l'entretien préalable, à l'issue duquel le salarié n'a pas démontré son intention de changer d'attitude vis-à-vis de sa hiérarchie, de sorte qu'il s'agissait de la seule réponse envisageable.

*

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 5 mai 2023.

L'audience de plaidoiries a été fixée au 6 juillet 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 28 septembre 2023, prorogé au 18 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I.Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'obligation de formation et d'adaptation du salarié à l'évolution de son poste de travail

L'article L. 6321-1 du code du travail dispose que : 'L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences'.

S'il cause un préjudice au salarié, le défaut de formation lui ouvre droit à une indemnisation qu'il appartient aux juges d'évaluer (Cass. Soc., 5 octobre 2001, n° 08-42.909; Cass. Soc, 3 mai 2018, n° 16-26.796).

M. [L] soutient qu'il n'a pas reçu la moindre formation spécifique suite à l'évolution de son poste de travail (qualifiée de 'changement de poste' par M. [J] son N+3 dans un mail du 19 juin 2019), en lien avec le nouveau produit ADPC 302 confié par son employeur.

Il indique que celui-ci était, pourtant, foncièrement différent des produits dont il avait eu la charge jusqu'alors (AMLL: produit qui permet le transfert de wafer sous vide, ADS: appareil qui permet de sécher les masques, AUD: appareil qui permet de sécher les foups, alors que l'ADPC est un instrument de métrologie permettant de mesurer des particules), et qu'il présentait une spécificité et une technicité non négligeables, ainsi que mis en évidence par la plaquette de produits communiquée par la société elle-même (cf plaquette clients des gammes APA/APR/ADPC).

Il ajoute qu'il n'a bénéficié que d'une demi-journée d'installation lors de l'accompagnement d'un collègue, ce qui s'est avéré largement insuffisant pour maîtriser le produit ADPC 302, de sorte que lorsqu'il devait résoudre les difficultés liées à ce dernier, il n'était pas à même de le faire immédiatement, en l'absence, par ailleurs, de participation à la phase de conception, de recherche et développement, de fabrication et de commercialisation dudit produit.

La société Pfeiffer Vacuum considère que M. [L] disposait des compétences techniques nécessaires pour faire face à son évolution sur une nouvelle gamme de produits, sans qu'il n'ait besoin de bénéficier d'une formation spécifique complémentaire à celles qui lui avaient, d'ores et déjà, été dispensées, du fait que ses attributions demeuraient identiques. Elle fournit, par ailleurs, les plans de formation établis au titre des années 2019 et 2020.

Cette analyse est contestée par le salarié qui revendique que les compétences techniques nécessaires pour le produit ADPC étaient plus complexes que celles concernant les autres produits (AMLL, ALPS, AUD et ADS), notamment en termes de mécanique, d'électricité, de robotique, d'informatique, de composants de process et de contraintes.

Or, la Cour observe que M. [L], dont la fiche de poste ne fait aucunement référence à des produits en particulier, ne s'est jamais plaint auprès de son employeur de problèmes techniques qu'il aurait rencontrés dans l'exercice des missions confiées du fait d'un défaut de formation l'empêchant de mener à bien celles-ci, au contraire, puisqu'il reconnait, lui-même, que 'ses compétences et son expérience ne sont pas la question' (cf mail du 17 juin 2019 à Mme [Y]).

A la lecture des pièces transmises, il apparait, en définitive, que la principale difficulté de M. [L], au sujet de ce produit ADPC 302, tenait aux méthodes et à la stratégie déployées par la société et mises en oeuvre par sa hiérarchie, 'ne correspondant ni à ses valeurs, ni à son éthique de travail', ce salarié considérant, en effet, qu'il était, pour lui, 'simplement inconcevable de fournir un produit à un client si on n'est pas certain de sa fiabilité', et regrettant 'le manque d'anticipation' et 'qu'on ne prenne pas le temps de résoudre les problèmes avant qu'ils arrivent'. S'il a, ainsi, clairement exprimé une différence de point de vue auprès de ses supérieurs en s'autorisant à émettre certaines critiques, M. [L] n'a jamais évoqué une problématique de formation par rapport au produit ADPC 302 (cf mail du 17 juin 2019 à Mme [Y], entretien d'évaluation de l'année 2018 effectué le 7 mars 2019).

Par conséquent, faute pour le salarié de prouver l'existence d'un préjudice lié à un manquement de l'employeur à son obligation de formation, il convient de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes, en ce qu'il a:

- jugé que la société Pfeiffer Vacuum n'avait pas manqué à son obligation de formation et d'adaptation du salarié à l'évolution de son poste,

-débouté ce dernier de sa demande de paiement de dommages-intérêts pour défaut de formation.

II.Sur la demande de dommages-intérêts pour violation des obligations de loyauté et de sécurité

La Cour observe, en 1er lieu, que le salarié forme une demande de dommages-intérêts commune à la violation de deux obligations distinctes pesant sur l'employeur, alors qu'elles reposent sur des fondements juridiques différents.

A. Sur l'obligation de loyauté

L'article L.1222-1 du code du travail énonce que : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »

'L'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. Le conseil de prud'hommes, qui a constaté que le salarié n'apportait aucun élément pour justifier le préjudice allégué, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision' (Cass. soc., 13 avril 2016, n°14-28.293).

M. [L], au soutien de sa demande de dommages-intérêts, invoque plusieurs manquements de la société Pfeiffer Vacuum à son obligation de loyauté, à savoir :

-La modification unilatérale de son contrat de travail, ainsi que de son niveau de responsabilités, son employeur lui ayant imposé une nouvelle fonction de support du produit ADPC 302 en sus de ses tâches habituelles sur les autres produits;

-Le refus d'une augmentation individuelle, constituant une sanction pécuniaire prohibée, alors qu'il s'était vu octroyer une fonction supplémentaire;

-Un contrôle disproportionné de sa hiérarchie et des critiques injustifiées à son égard;

-Le refus de lui faire bénéficier du télétravail pour un motif subjectif, alors qu'il était mis en place au sein de la société à titre de phase de test sur la base du volontariat.

En réponse, la Sas Pfeiffer Vacuum expose que:

-Les raisons pour lesquelles il a été décidé d'une évolution des attributions de M. [L], par l'ajout d'un produit à supporter, relèvent de son pouvoir de direction et ont été expliquées au salarié (cf mail du 14 juin 2019 de Mme [Y] N+2, et mail du 19 juin 2019 de M. [J] N+3), à savoir que les affaires sur lesquelles il travaillait depuis son arrivée dans l'équipe étaient en phase d'extinction alors, qu'a contrario, l'ADPC connaissait un réel succès, de sorte que, dans un souci d'optimisation des ressources, et pour répondre aux sollicitations des équipes et clients, il lui avait été demandé de prendre en charge le support 'ADPC', sachant que ce poste était conforme à ses compétences et son expérience et que la société ne pouvait pas se permettre de 'laisser un ingénieur sur un poste coquille vide'. Elle soutient, en outre, que cette évolution ne constituait qu'un simple changement des conditions de travail du salarié, et non une modification de son contrat, de sorte qu'elle s'imposait à M. [L], qui ne pouvait pas la refuser. Par ailleurs, elle prétend qu'aucune modification de rattachement hiérarchique n'a été opérée et justifie que la nouvelle organisation avait été présentée à l'ensemble de l'équipe, ainsi qu'au CSE, lors d'une réunion du 10 septembre 2019 (à laquelle M. [L], en congé, n'était, toutefois, pas présent) (cf mail de M. [J] du 13 décembre 2019);

-Les motifs pour lesquels il ne lui a été consenti qu'une augmentation individuelle de 1 % ont été précisés au salarié, par mail du 23 août 2019 de M. [V], son N+1, à savoir 'un manque d'engagement professionnel, un comportement et des réflexions orales inadaptées voire irrespectueuses envers ton management et des refus d'obtempérer aux directives'. Elle produit, par ailleurs, aux débats, les critères et barèmes servant à la détermination des augmentations individuelles;

-Si M. [L] a fait l'objet, effectivement, d'un management plus resserré, c'était en raison de son opposition persistante à appliquer les consignes;

-M. [V], dans un mail du 3 septembre 2019, avait expliqué aux collaborateurs ce pourquoi le télétravail n'était pas envisageable pour des salariés qui exerçaient sur des fonctions support clients. De plus, la société communique l'accord relatif au télétravail conclu le 8 décembre 2021, soit après le départ de M. [L], en précisant qu'il n'en existait pas antérieurement et que le télétravail avait été mis en place en 2019 à titre de phase test. Elle fait observer, par ailleurs, à juste titre, que le salarié se prévaut d'une demande de télétravail du 5 février 2020, sans en justifier, alors qu'il a été placé en arrêt maladie dès le 11 février 2020.

Dès lors, à l'examen des pièces communiquées par les parties, la Cour considère que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice lié à un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté.

B. Sur l'obligation de sécurité

L'employeur, tenu en application de l'article L.4121-1 du code du travail, à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité.

En cas de litige, l'employeur doit établir avoir mis en oeuvre tous les moyens de prévention des risques professionnels, tant sur le plan collectif qu'individuel. Le juge apprécie le comportement de l'employeur, au regard des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis, notamment la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises au regard des risques connus ou qu'il aurait dû connaître.

Ainsi, l'article L.4121-1 du code du travail dispose que:

'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L.4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes'.

Selon l'article L.4121-2 du même code: « L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

Aux termes de l'article R. 4121-1 du code du travail: « L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques. »

La mise à jour du document unique d'évaluation des risques professionnels est réalisée au moins chaque année dans les entreprises d'au moins onze salariés (article R.4121-2 du code du travail).

Il a été jugé que la carence de l'employeur dans l'établissement du document unique d'évaluation des risques permet au salarié d'obtenir devant le juge des dommages-intérêts (Cass. soc., 8 juill. 2014, n°13-15.470). Mais encore faut-il qu'il puisse justifier d'un préjudice résultant de cette absence du document unique d'évaluation des risques, la preuve de ce préjudice étant laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. soc., 25 sept. 2019, n°17-22.224).

Dès lors que le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, il revient à l'employeur de démontrer l'absence de manquement de sa part à son obligation de sécurité (Cass. soc., 12 janv. 2011, n°09-70.838 ; Cass. soc., 20 nov. 2013, n°12-22.664).

En l'espèce, le salarié fait valoir que l'employeur ne s'est pas conformé aux préconisations du médecin du travail, en tentant de les minimiser et de les remettre en cause.

Par ailleurs, M. [L] invoque que la société Pfeiffer Vacuum n'a pris aucune mesure de nature à:

-résoudre les difficultés managériales et organisationnelles du service Advanced System, évoquées dans le cadre du groupe de travail mis en place,

-garantir sa sécurité et à préserver sa santé mentale, bien qu'informée de sa situation de souffrance au travail.

Or, force est de constater, que la société Pfeiffer Vacuum démontre s'être conformée à son obligation de sécurité et n'avoir commis aucun manquement à ce titre.

En effet, il apparaît que le 29 octobre 2019 le médecin du travail a émis, concernant M. [L], un avis d'aptitude comportant les commentaires suivants: 'L'état de santé du salarié justifie qu'il puisse accéder en moins de 5 minutes à son traitement. Il est nécessaire d'en tenir compte lors de ses missions dont celles à l'étranger et en salle blanche'.

Contrairement à ce que soutient le salarié, les échanges transmis par les parties à ce sujet ne font aucunement état d'une contestation, par l'employeur, des 'réserves' émises par la médecine du travail. Il apparait, au contraire, qu'à l'issue d'un tel avis la société Pfeiffer Vacuum a fait la démarche, le 26 novembre 2019, de prendre attache directement avec la médecine du travail, dans le but d'obtenir des éclaircissements et précisions quant à la mise en oeuvre concrète de ces préconisations au quotidien, afin de s'assurer qu'elles puissent être respectées dans toutes les situations d'exercice de l'activité professionnelle de M. [L], notamment quand il prenait l'avion ou lorsqu'il travaillait en salle blanche, ceci pour 'éviter toute prise de risques'. Au final, ces préconisations n'ont posé aucune difficulté (cf pièces 6, 8 et 9 produites par l'employeur).

En outre, M. [L] évoque un 'contexte de souffrance au travail' lors de son entretien préalable du 4 mars 2020 (cf compte-rendu). Pour autant, il ne produit aucun document médical de nature à conforter ses allégations, pas même son arrêt de travail du 11 février 2020.

La société Pfeiffer Vacuum transmet quant à elle:

-le support de présentation des RPS présenté par la médecine du travail au CHSCT le 2 décembre 2015,

-la présentation du projet de QVT et de prévention des RPS de novembre 2011,

-un extrait du document unique d'évaluation des risques.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes qui a jugé que la Sas Pfeiffer Vacuum n'a pas manqué à ses obligations de loyauté et de sécurité et qui a débouté M. [D] [L] de sa demande de paiement de dommages-intérêts à ce titre.

III. Sur le licenciement

Suivant les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail: 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique'.

Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions précitées est nul, en application de l'article L.1132-4 du code du travail.

Sur le plan probatoire, l'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, il appartient, d'abord, au salarié concerné de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, l'employeur devant, quant à lui, dans un second temps, prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant, alors, sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [L] soutient que le véritable motif de son licenciement est lié à son état de santé, de sorte qu'il aurait, ainsi, fait l'objet d'une mesure discriminatoire, atteinte de nullité.

Au soutien de ses allégations, le salarié démontre que:

- La procédure de licenciement a été engagée à son encontre, par la délivrance d'une convocation à un entretien préalable, le 12 février 2020, soit le lendemain de son placement en arrêt de travail;

- Le médecin du travail a émis des 'restrictions' sur son aptitude à son poste, par avis du 29 octobre 2019, en précisant que son état de santé justifiait qu'il puisse accéder en moins de 5 minutes à son traitement, ce dont il était nécessaire de tenir compte lors de ses missions à l'étranger et en salle blanche;

-L'employeur était informé de la dégradation de son état de santé antérieurement à son licenciement, lui conseillant, à l'occasion de l'entretien préalable du 4 mars 2020, ' de prendre le temps de consulter un médecin pour l'aider à se sentir mieux et d'attendre de se sentir mieux avant un éventuel retour à son poste';

-La lettre de licenciement du 12 mars 2020 fait référence à une 'soit-disant souffrance au travail' et à un 'mal-être à travailler', en lui indiquant qu'ils ne sont que la résultante de son opposition à collaborer aux choix stratégiques pour l'activité et le développement de l'entreprise;

-Il n'a jamais essuyé la moindre critique ou remarque de la part de son employeur dans l'accomplissement de ses fonctions avant que celles relatives au produit ADPC ne lui soient confiées, bien au contraire, puisque :

-Mme [Y], qui était sa supérieure hiérarchique sur le projet AMLL, a reconnu sa compétence (cf compte-rendu de l'entretien préalable du 4 mars 2020),

-ses bilans d'évaluation des années 2016 à 2018 étaient très satisfaisants, étant précisé que celui réalisé au titre de l'année 2019, faisant état, pour la première fois, des difficultés rencontrées par le salarié pour travailler en équipe, partager des informations, prendre des initiatives et gérer plusieurs activités en parallèle, ne saurait revêtir une quelconque force probante en l'absence de caractère contradictoire, ayant été établi le 20 mars 2020, soit postérieurement au licenciement de M. [L].

Par conséquent, il apparait que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte liée à son état de santé.

De son côté, l'employeur soutient que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination liée à l'état de santé du salarié, en l'occurrence par l'ampleur des difficultés qu'il a rencontrées du fait de l'opposition de M. [L] aux consignes données et du ton utilisé, par ce dernier, à l'égard de sa hiérarchie, comportement inadmissible ayant conduit à de nombreuses mises en garde, sans qu'il ne manifeste une quelconque volonté de changement.

Il est donc nécessaire, à ce stade, d'examiner le bien-fondé de la mesure de licenciement.

L'article L.1232-1 du code du travail rappelle que tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Celle-ci s'entend d'une cause objective, reposant sur des griefs suffisamment précis, vérifiables et établis, qui constituent la véritable raison du licenciement.

Selon les dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige sur le licenciement, le juge auquel il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Il doit, notamment, apprécier si la sanction prononcée est proportionnée à la nature et à la gravité des faits reprochés. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales (article L.1332-4 du code du travail).

En l'espèce, M. [D] [L] a fait l'objet d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse par la société Pfeiffer Vacuum. La lettre de licenciement du 12 mars 2020, qui fixe l'objet du litige, est rédigée comme suit:

'L 'engagement de cette procédure de licenciement fait suite à un positionnement d'opposition de votre part, que nous jugeons désormais incompatible avec la poursuite de votre contrat de travail, ce bien que nous ayons tenté à de multiples reprises de chercher à vous faire évoluer, et à vous alerter sur les conséquences de la persistance de votre attitude.

Le point de départ de ces difficultés est lié à votre refus d'intégrer les modifications qui ont été rendues nécessaires par l'évolution de nos activités, précision faite que ces modifications ne concernaient que vos conditions de travail, qu'elles respectaient votre fonction contractuelle ainsi que l'ensemble des autres éléments de votre contrat de travail.

Sans rentrer à nouveau dans tous les détails de ce comportement, qui s'est ancré désormais, et qui vous ont longuement été exposés lors de votre entretien, nous vous avons notamment rappelé que nous avions été contraints de vous demander de manière formelle, en juin 2019, de prendre en charge le ' support ADPC'.

Vous critiquez depuis plusieurs mois cette évolution, ce alors même qu'elle était justifiée par les intérêts légitimes de l'activité de la société, et qu'elle était par ailleurs protectrice de votre situation contractuelle.

Par mail, vos responsables, Mme [Y] et M. [J] vous ont rappelé que les ' affaires projet' AMLL, ADS ou AUD, sur lesquelles vous travailliez étaient en phase d'extinction, ce qui ne justifiait plus que quelqu'un s'en occupait à temps plein, alors que l'ADPC connaissait quant à lui un réel succès.

Ils vous garantissaient également le respect de l'équilibre entre votre vie personnelle et votre vie professionnelle, lequel équilibre n'était, au demeurant, pas affecté par cette évolution.

Vous n'avez eu de cesse de critiquer cette décision managériale. Nous avons considéré que votre positionnement était une remise en cause des choix stratégiques de la société. Ces choix stratégiques ayant été présentés à l'ensemble du groupe Advanced Systems ainsi qu'au CSE de l'entreprise.

Vous avez finalement accepté de suivre cette évolution stratégique, mais de mauvais gré, en manifestant votre désaccord sur cette évolution à chaque occasion qui vous a été donnée de le

faire, et en faisant preuve d'un état d'esprit particulierement négatif caractérisant une opposition à l'exercice normal du pouvoir de direction de vos responsables hiérarchiques.

Nous avons été contraints d'attirer votre attention en août 2019, dans un mail du 23 août de [B] [V], sur les conséquences que votre comportement pourrait avoir sur la poursuite des relations contractuelles (manque d'engagement professionnel, comportement et réflexions orales inadaptés, voire irrespectueux envers ton management, refus d'obtempérer aux directives, annonce d'accentuer votre désinvestissement professionnel).

Ces alertes n'ont absolument pas été prises en compte, puisque le 13 décembre 2019, M. [H] [J], directeur de l'activité Advanced Systems a été contraint de vous envoyer un écrit suite à un (nous le citons) : 'email envoyé à tes managers totalement inadmissible dans le fond comme dans la forme' de votre part, fait de remise en cause systématique et injustifiée des directives de vos managers, au prétexte d'une organisation ne vous convenant pas.

Ce mail portant pourtant clairement une insatisfaction totale de votre directeur quant à votre comportement, n'a pas été suivi de fait car votre opposition aux directives de votre hiérarchie s'est manifestée une nouvelle fois par écrit dans un mail du 11 février dernier, adressé à [B] [V], dont le contenu était encore une fois inacceptable, tant dans la forme que dans le fond.

Nous sommes malheureusement arrivés à une situation inextricable, dont la cause est votre refus d'évoluer dans le sens des intérêts de l'entreprise, et à l'occasion de laquelle vous cherchez maintenant à présenter les conséquences comme étant les causes du problème.

Vous décrivez une soit disant souffrance au travail, un mal être à travailler, mais vous vous empressez d'oublier que ce que vous décrivez n'est que la résultante de votre opposition à collaborer aux choix qui vous ont pourtant été présentés par votre direction d'appartenance comme étant stratégiques pour l'activité et le développement de l'entreprise.

La mauvaise volonté que vous mettez à exécuter votre contrat de travail, votre désinvestissement, la teneur et la fréquence de vos emails, votre faible implication dans le support ADPC, votre refus d'obéir aux consignes professionnelles légitimes de votre hiérarchie (consignes par ailleurs respectueuses de votre contrat de travail et de votre personne), votre manque de transparence à l'égard de votre management concernant votre activité et le fait que vous souhaitez choisir vous-même les projets et les priorités sur lesquels vous acceptez de travailler sont les causes de cette situation.

Nota: ni lors de l'entretien, ni dans votre mail envoyé le 6 mars, vous ne nous avez démontré une quelconque prise de conscience des faits qui vous sont reprochés ni même une volonté de changer radicalement et immédiatement d'attitude afin de repartir sur des bases solides et de désormais adapter votre comportement à ce qui est légitimement attendu d'une entreprise vis-à-vis d'un de ses collaborateurs.

Aussi, nous avons pris la décision de vous licencier, car les faits décrits qui vous sont reprochés constituent de part leur conjonction, une faute suffisamment sérieuse pour empêcher la continuation de nos relations contractuelles'.

Or, ainsi que relevé, à juste titre, par le salarié, la Cour observe que:

-La lettre de licenciement ne contient aucun fait précis et concret à l'encontre de M. [L], celle-ci se limitant à formuler des reproches en des termes généraux, en ne citant aucun événement particulier au cours duquel le salarié se serait, volontairement, abstenu de mettre en application les directives données et y aurait fait obstacle;

-Les rares éléments de datation qui y figurent (mails de juin 2019, août 2019 et décembre 2019 versés à la procédure), à l'exception d'un mail du 11 février 2020, sont trop anciens, étant antérieurs de plus de 2 mois à l'engagement des poursuites disciplinaires, moyen tiré de la prescription sur lequel l'employeur ne répond pas dans ses conclusions;

-Les pièces communiquées par l'employeur sont insuffisantes pour caractériser les griefs d'insubordination reprochés au salarié, en ce qu'il ne s'agit que de quelques échanges de mails dans lesquels M. [L] et ses responsables hiérarchiques s'adressent des remontrances réciproques. Or, la Cour estime que le salarié se contente, au travers de tels messages, de faire usage de sa liberté d'expression, en verbalisant, auprès de ses supérieurs, son insatisfaction, son point de vue et son ressenti, notamment quant à des décisions l'impactant prises par l'entreprise en dehors de toute concertation. En outre, force est de constater que la société ne démontre pas que le positionnement dit d' 'opposition' de M. [L] ait eu une quelconque incidence pratique dans l'exécution des missions de support qui lui étaient confiées, aucune plainte clientèle n'ayant, notamment, été déplorée.

Ainsi, le 11 décembre 2019 (fait prescrit), M. [L] a envoyé à M. [V], son N+1, le message suivant (avec en copie Mme [Y] N+2): 'Plutôt que de continuer à taper sur les collaborateurs, je suggère que vous réfléchissiez à une évolution du système de ventilation évitant ce genre de désagrément (et donc qui n'implique pas de copier-coller sous Excel).

De plus, j'ai appris ce matin qu'il y avait (encore une fois) une nouvelle organisation, et que ma position avait (encore une fois) changé, et que je n'avais (encore une fois) ni été consulté, ni prévenu, ne serait-ce que par courtoisie. Il est extrêmement désagréable et méprisant d'apprendre ce genre d'information en même temps ou après tout le monde : je me sens comme un pion, dénué de conscience et d'intelligence, qu'on déplace et manipule au gré des envies.

Bref j'ai maintenant 3 managers à satisfaire. Si on veut être rigoureux, ne devraient-ils pas tous les 3 valider mes feuilles de ventilation ' »

Ce à quoi il a été répondu le 13 décembre 2019 par M. [J] (N+3): 'Ton email envoyé à tes managers est totalement inacceptable dans le fond comme dans la forme.

Cela fait plusieurs fois que tes managers me remontent de grosses difficultés avec toi, et notamment le fait que tu remettes en cause quasi systématiquement les directives qui te sont demandées par tes managers.

Concernant l'organisation, je te rappelle que je l'ai présentée à l'ensemble de l'équipe le10/09, ainsi qu'au CSE.

Encore une fois, les décisions d'organisation sont prises par la direction, et il ne t'appartient pas de les remettre en cause. De plus, il est intolérable que tu écrives que la direction soit méprisante. »

Par ailleurs, l'employeur mentionne que, par mail du 11 février 2020, M. [L] aurait apporté des 'réponses extrêmement polémiques' à un mail de M. [V], son N+1, de sorte que M.[J], son N+3, a du, à nouveau, l'alerter sur son comportement en ces termes, par mail du 12 février 2020: 'Je constate encore une fois que tu remets en cause constamment les priorités et les décisions, et que tu ne fais pas ce que tes responsables et la direction te demandent de faire. Ce comportement est inadmissible!'

Or, la Cour relève que le mail litigieux du 11 février 2020, dans lequel M. [L] reproche, notamment, à M. [V] de le mettre sous pression et de le rabaisser, en lui faisant part, en outre, de son sentiment de mal-être à travailler dans son équipe depuis 18 mois, a été rédigé le jour même de son placement en arrêt-maladie, alors que son état de santé était, dès lors, grandement fragilisé.

Ce message ne peut, en aucun cas, à lui seul, justifier un licenciement, sanction disciplinaire disproportionnée au regard de la nature et gravité des éléments qu'il contient, ce d'autant plus pour un salarié vierge de tout antécédent disciplinaire;

-La teneur de l'entretien préalable du 4 mars 2020, au cours duquel il a été conseillé à M.[L] de « prendre le temps de consulter un médecin pour l'aider à se sentir mieux et d'attendre de se sentir mieux avant un retour éventuel à son poste », en lui demandant, par ailleurs, de formaliser par écrit « son engagement de changer de comportement vis-à-vis de sa hiérarchie », est radicalement différente de la décision finalement retenue par l'employeur.

Pour justifier celle-ci, la société Pfeiffer Vacuum prétend qu'à l'issue de l'entretien préalable, M. [L], contrairement à ses engagements, ne lui avait donné aucune garantie quant au fait qu'il allait adapter son comportement à ses attentes, ne prenant aucunement conscience des faits reprochés.

Au soutien de ses dires, elle se prévaut d'un mail envoyé le 6 mars 2020 par le salarié, dans lequel ce dernier mentionne: ' (...) je pense que certains mails que j'ai pu envoyer dans un contexte de souffrance au travail ont pu être interprétés dans un sens différent de celui que je souhaitais exprimer. Il s'agissait pour moi de propositions que je pensais être constructives et non pas de critiques. Je reste néanmoins persuadé qu'une fois guéri, et avec l'aide des différents acteurs concernés par ma maladie, je saurai pleinement reprendre ma place dans l'entreprise.'

Or, contrairement à ce qui est invoqué par l'employeur, il ne saurait se déduire de ce mail du 6 mars 2020 une absence, chez le salarié, de volonté de changer d'attitude vis-à-vis de sa hiérarchie;

-L'employeur n'a pas répondu, dans la lettre de licenciement, sur la proposition qui lui avait été faite au cours de l'entretien préalable par le salarié, 'dans le but de remédier à leur différence de point de vue au sujet du produit ADPC', ce dernier ayant, en effet, formulé plusieurs demandes de mobilité interne sur des postes concernant la qualité.

Dès lors, il apparait, à la lecture de la procédure, que le licenciement de M. [L] [D] n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et que l'élément déclencheur de l'engagement des poursuites disciplinaires à son encontre est un mail du 11 février 2020 rédigé par le salarié le jour même de son arrêt de travail, de sorte qu'il existe, nécessairement, un lien entre son état de santé et la sanction prise à son égard.

*

Par conséquent, au regard de la concomitance entre le prononcé du licenciement et l'arrêt de travail de M. [L], et à défaut de cause réelle et sérieuse démontrée, la Cour considère que cette mesure de licenciement est nulle, comme reposant sur un motif discriminatoire, en l'occurrence l'état de santé du salarié, de sorte que le jugement du Conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point.

Aux termes de l'article L.1235-3-1 du code du travail, en cas de licenciement discriminatoire entaché de nullité, l'indemnité pour licenciement nul n'est pas soumise au plafonnement prévu par l'article L.1235-3 du code du travail et ne peut pas être inférieure à six mois de salaire.

En l'espèce, M. [L] [D] percevait une moyenne de salaires bruts de 3.229,77 € par mois antérieurement à son arrêt de travail et fait valoir qu'il n'a pas retrouvé de nouvel emploi.

Dès lors, compte tenu de l'ancienneté du salarié ($gt; à 6 années), des circonstances ayant entouré son licenciement et de la perte de revenus engendrée, il convient de lui allouer une indemnité de 22.608,39 € nets pour licenciement nul, correspondant à 7 mois de salaire, ainsi qu'il en forme la demande.

IV. Sur les autres demandes

Sur les intérêts

S'agissant des créances salariales, en application de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.

Pour les sommes portant sur des rappels de salaire (y compris indemnité de préavis, indemnité de licenciement, indemnité de congés payés, prime d'ancienneté'), les intérêts courent, soit à compter de la saisine de la juridiction prud'homale, c'est-à-dire de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation (en l'espèce le 28 avril 2021) ou devant le bureau de jugement en cas de saisine directe, soit, si les salaires ont fait l'objet d'une réclamation antérieure, à compter de la date de la demande de paiement.

S'agissant des créances indemnitaires, en application de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement, à moins que le juge n'en décide autrement. En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger à ces dispositions.

Il convient de rejeter la demande, non motivée, de capitalisation des intérêts formée par le salarié.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La Sas Pfeiffer Vacuum succombant, elle devra assumer la charge des entiers dépens de 1ère instance et d'appel et s'acquitter d'une somme de 3.000 euros à l'égard de M. [D] [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 30 mars 2022, en ce qu'il a:

-Dit et jugé que la Sas Pfeiffer Vacuum n'a pas manqué à son obligation de formation et d'adaptation de M. [D] [L] à l'évolution de son poste ni à ses obligations de loyauté et de sécurité ;

- Débouté M. [D] [L] de ses demandes :

- de paiement de dommages-intérêts pour défaut de formation,

- de paiement de dommages-intérêts pour violation des obligations de loyauté et de sécurité;

- Débouté la Sas Pfeiffer Vacuum de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes d'Annecy du 30 mars 2022 pour le surplus de ses dispositions frappées d'appel;

Statuant à nouveau sur les chefs d'infirmation,

-Juge que le licenciement de M. [D] [L] est nul comme reposant sur un motif discriminatoire, en l'occurrence son état de santé ;

-Condamne la Sas Pfeiffer Vacuum à payer à M. [D] [L] une somme de 22.608,39 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul;

-Condamne la Sas Pfeiffer Vacuum aux dépens;

Et y ajoutant,

-Dit que les sommes allouées, revêtant le caractère de créances salariales, porteront intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2021, et que celles revêtant le caractère de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;

-Condamne la Sas Pfeiffer Vacuum à payer à M. [D] [L] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel;

-Condamne, en cause d'appel, la Sas Pfeiffer Vacuum aux entiers dépens;

-Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Ainsi prononcé publiquement le 18 Juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle CHUILON, Conseillère en remplacement du Président légalement empêché, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier P/Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : Chbre sociale prud'hommes
Numéro d'arrêt : 22/00672
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;22.00672 ?
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