Chambre 12
R.G. No : 12/05185
Minute No : 12M 315/12
LRAR aux parties
Copie exécutoire à
Me Nohra BOUKARA
Me Jérôme CAEN
le
Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
ARRET DU 14 DECEMBRE 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU PRONONCE
M. LEIBER, Président
Mme DIEPENBROEK, Conseiller
M. DAESCHLER, Conseiller
qui en ont délibéré sur le rapport de
Greffier, lors du prononcé : Mme MUNCH-SCHEBACHER, Greffier
MINISTERE PUBLIC auquel le dossier a été communiqué :
Mme HARTMANN, Substitut Général
ARRET CONTRADICTOIRE du 14 Décembre 2012
prononcé par le Président.
NATURE DE L'AFFAIRE : vente forcée immobilière
DEMANDEUR AU POURVOI :
Monsieur Cheikh Y...
...
67300 SCHILTIGHEIM
représenté par Me Nohra BOUKARA, avocat au barreau de STRASBOURG
DEFENDERESSE AU POURVOI:
BANQUE POPULAIRE D'ALSACE
4 Quai Kléber
Immeuble Le Concorde
67001 STRASBOURG CEDEX
représentée par Me Jérôme CAEN, avocat au barreau de STRASBOURG
Vu l'ordonnance du tribunal d'exécution d'exécution de Schiltigheim, en date du 9 janvier 2012, rendue à la requête de la Banque Populaire d'Alsace à l'encontre de Cheikh Tidiane Y..., ordonnant la vente forcée des immeubles inscrits au livre foncier de Schiltigheim Section 50 no 11 - lots 32 et 164, pour recouvrement de la somme de 156 680.48 ¿, indemnité conventionnelle, intérêts et frais d'exécution en sus, en vertu d'un acte notarié du 3 août 2007, revêtu de la formule exécutoire le 2 novembre 2011 et commettant Me Z..., notaire en la résidence de Bischheim, pour l'accommodement de la procédure et notamment la fixation de la mise à prix ;
Vu le pourvoi immédiat de M. Y... adressé par L.R.A.R. le 27 janvier 2012, à l'encontre de l'ordonnance notifiée le 16 janvier 2012, aux fins de la rétracter ;
Vu le mémoire en réplique de la Banque Populaire d'Alsace, reçu le 9 février 2012, tendant à maintenir l'ordonnance et à condamner M. Y... aux dépens et à lui payer 1 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance du tribunal d'exécution du 30 mars 2012, maintenant l'ordonnance querellée, déboutant les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile et renvoyant la procédure à la Cour ;
Vu l'ordonnance présidentielle du 5 juin 2012 impartissant aux parties un ultime délai de deux mois pour conclure ;
Vu les conclusions du Ministère public en date du 8 juin 2012, s'en remettant ;
Vu les conclusions complémentaires de M. Y..., en date du 8 août 2012, tendant aux mêmes fins que les conclusions initiales et demandant la condamnation de la Banque Populaire à lui payer la somme de 2 392 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens ;
Vu l'arrêt de cette cour en date du 5 octobre 2012, déclarant le pourvoi immédiat irrecevable pour défaut de paiement de la contribution à l'aide juridique et condamnant M. Y... aux dépens.
Vu la requête de M. Y..., reçue au greffe le 22 octobre 2012, visant à rapporter et rétracter l'arrêt du 5 octobre 2012 notifié le 6 octobre 2012, à dire et juger le pourvoi immédiat recevable, à statuer sur son bien fondé sur le fond ;
Sur ce
Attendu que pour critiquer l'arrêt entrepris, en ce qu'il a déclaré d'office le pourvoi immédiat irrecevable faute de paiement de la contribution à l'aide juridique, M. Y... fait valoir que la Cour a commis une erreur en statuant comme elle l'a fait, dans la mesure où en application de l'article 62-1 alinéa 3 nouveau du code de procédure civile, le pourvoi immédiat de droit local n'est pas assujetti à cette taxe puisqu'il tend à la modification, à la rétractation ou à la contestation d'une ordonnance rendue sur requête permettant au requis de faire valoir ses moyens de défense et que l'instance d'appel n'est pas introduite par l'auteur du pourvoi mais par le tribunal d'exécution, qui saisit la Cour en refusant de modifier ou de rétracter sa décision initiale ; que le principe de sécurité juridique, reconnu par la CJCE, commande une telle interprétation, la règle de droit devant être claire, prévisible et précise, alors qu'il y a lieu de garantir l'accès au juge et le droit au procès équitable et alors que la loi n'a pas expressément prévu que l'auteur du pourvoi, dispensé du paiement devant le premier juge, se trouverait assujetti à hauteur d'appel ; qu'en outre, la faculté pour le juge de soulever d'office ce moyen d'irrecevabilité sans débat ou observation préalable n'est pas encadrée et précisée par le texte, qui s'en remet à l'arbitraire du juge, générant ainsi une rupture d'égalité entre les justiciables s'agissant de l'accès au juge et du droit à un procès équitable, reconnu par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) ;
Attendu, en la forme, que le délai de recours en rabat d'arrêt est en principe de quinze jours suivant la décision ;
Attendu que le requérant n'ayant pas eu connaissance de la date du délibéré, il apparaît justifié de différer le point de départ du délai à la date de notification de la décision entreprise et plus précisément à compter du lendemain, soit le 7 octobre 2012, s'agissant d'un délai exprimé en jours, en application de l'article 641 du code de procédure civile ;
Attendu que le délai expirait, par conséquent, le dimanche 21 octobre 2012 à minuit, prorogé au lundi 22 octobre, en application de l'article 642 du code de procédure civile ;
Attendu, en conséquence, que le recours, daté du 17 octobre 2012 et enregistré au greffe le 22 octobre 2012 sera déclaré recevable ;
Attendu, sur le fond et sur le premier moyen, qu'il ressort de l'article 62-1 3o nouveau du code de procédure civile qu'en application du IV de l'article 1635 bis Q, la contribution pour l'aide juridique n'est pas due lorsque la demande tend à la modification, la rétractation ou la contestation d'une ordonnance rendue sur requête ;
Attendu qu'en vertu des dispositions combinées des articles 7 et 8 de l'annexe relative à l'application du code de procédure civile dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, et 950 et suivants du dit code, la procédure du pourvoi immédiat se décompose en deux temps : en premier lieu, l'affaire est portée devant le juge qui a rendu la décision, lequel peut la rétracter ou la modifier ; en second lieu, s'il la maintient, l'affaire est transmise à la Cour pour appel ;
Attendu qu'il s'en déduit indubitablement que le paiement de la contribution à l'aide juridique n'est pas dû devant le premier juge et ne sera définitivement pas dû s'il modifie ou rétracte sa décision ;
Attendu, en cas de maintien de la décision critiquée, que la transmission obligatoire de l'affaire à la cour a pour effet de rendre cette taxe exigible, d'autant qu'il est admis que la procédure d'exécution forcée immobilière relève de la matière contentieuse et non de la matière gracieuse et qu'il doit être considéré que le débiteur poursuivi a la qualité de demandeur au pourvoi et d'appelant devant la cour d'appel ;
Attendu que dans la mesure où le paiement d'une contribution à l'aide juridique est le principe posé par les articles 62 nouveau du code de procédure civile et 1635 bis Q du code général des impôts, où les exceptions exonératoires sont limitativement définies et où elles n'incluent pas l'examen du recours devant la cour d'appel, le requérant ne saurait soutenir que la règle légale viole le principe de sécurité juridique par défaut de clarté ou de précision ;
Attendu, sur le second moyen, qu'aux termes de l'article 62-5 nouveau du code de procédure civile, l'irrecevabilité découlant des dispositions de l'article 62 est constatée d'office par le juge, lequel peut statuer sans débat et sans être tenu de recueillir les observations des parties, lorsque le demandeur est représenté par un avocat, comme c'est le cas en l'occurrence, ou lorsque le justiciable a été informé de l'irrecevabilité encourue dans un acte antérieurement notifié ;
Attendu qu'il se déduit de ce texte, d'une part, que le juge ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation quant à l'existence de l'irrecevabilité et qu'il est tenu de la prononcer s'il la constate ;
Attendu qu'il en résulte, d'autre part, que la marge d'appréciation, dont il dispose, pour recueillir ou non les observations des parties, voire pour provoquer un débat, n'a pas pour effet de livrer le demandeur à l'arbitraire du juge, de rompre l'égalité des citoyens devant l'accès au juge et de violer le droit au procès équitable, alors que le choix du juge en faveur d'une procédure "allégée" est cantonné au cas d'un plaideur dûment informé ou représenté par un avocat, professionnel aguerri réputé au fait de l'état du droit ;
Attendu que cette situation est, en effet, différente de celle du plaideur non représenté et non informé et peut justifier une différence de traitement procédural sans contrevenir au principe d'égalité ;
Attendu, au demeurant et en tout état de cause, que le contradictoire est assuré, dans tous les cas, par la procédure du rapport de la décision pour erreur, prévu à l'alinéa 3 de l'article 62-5, qui garantit l'accès au juge et le droit au procès équitable ;
Attendu, au final, que l'arrêt entrepris n'est entaché d'aucune erreur, faute de paiement de la contribution effectivement due, et que la procédure est régulière tant au titre des textes en vigueur, qu'au regard des principes constitutionnels et conventionnels invoqués ;
Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu de rejeter la requête et de dire n'y avoir lieu à rabat.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, en chambre du conseil, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la Loi ;
DÉCLARE la requête en rabat d'arrêt recevable mais non fondée ;
La REJETTE ;
CONSTATE que l'arrêt de cette cour du 5 octobre 2012 conserve son plein effet ;
CONDAMNE Cheikh Tidiane Y... aux dépens ;
ORDONNE la notification du présent arrêt aux parties ;
DIT qu'une copie sera adressée à Me Z..., notaire en la résidence de Bischheim ;
RAPPELLE que le délai de recours contre la décision d'irrecevabilité court à compter de la notification de la présente décision (article 62-5 in alinéa 3 in fine du code de procédure civile).
Et le présent arrêt a été signé par le Président A. Leiber et le Greffier divisionnaire C. Munch-Schebacher.