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07/07/2022 | FRANCE | N°19/04335

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 sb, 07 juillet 2022, 19/04335


MINUTE N° 22/605

















NOTIFICATION :







Copie aux parties



- DRASS







Clause exécutoire aux :



- avocats

- parties non représentées















Le









Le Greffier



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB



ARRET DU 07 Juillet 2022
>

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 19/04335 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HGHZ



Décision déférée à la Cour : 13 Janvier 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du BAS-RHIN



APPELANTE :



NOW-INSTAL SP Z.O.O [7], venant aux droits de la société [14]

UL Torunska 41 D

[Localité...

MINUTE N° 22/605

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 07 Juillet 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 19/04335 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HGHZ

Décision déférée à la Cour : 13 Janvier 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du BAS-RHIN

APPELANTE :

NOW-INSTAL SP Z.O.O [7], venant aux droits de la société [14]

UL Torunska 41 D

[Localité 3])

Représentée par Me Milosz Paul LIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES :

Société [14]

[Adresse 9]

[Adresse 2]

POLOGNE

Non comparante, non représentée

URSSAF ALSACE

TSA 60003

[Localité 1]

Comparante en la personne de Mme [K] [W], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ARNOUX, Conseiller, et Mme HERY, Conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,

Mme ARNOUX, Conseiller

Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,

- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Les 6 septembre 2007, 6 février 2008 et 2 juillet 2008, les services de la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP, devenue la DIRECCTE), intervenant dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, ont procédé à des opérations de contrôle sur des chantiers situés à [Localité 8] et à [Localité 4] au cours desquels intervenait la société de droit polonais [14], entreprise spécialisée dans les travaux d'installation en plomberie, sanitaire, chauffage et en constructions métalliques et en bois, ayant son siège en Pologne.

Les inspecteurs chargés du contrôle ont constaté que la société [14] intervenait depuis plusieurs années sur différents chantiers situés sur le territoire français et qu'elle organisait la prospection et la recherche de clientèle en France.

Aussi un procès-verbal pour travail dissimulé par dissimulation d'activité n°74/08 a été dressé par la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle le 20 novembre 2008 et transmis à l'URSSAF aux fins de mise en recouvrement des cotisations et contributions sociales dues sur la abse des informations contenues dans ledit document.

Par courrier du 20 décembre 2010, l'URSSAF du Bas-Rhin a invité le dirigeant de la société [14] à se présenter dans les locaux de l'URSSAF muni d'un certain nombre de documents. Un entretien s'est déroulé le 20 juin 2011.

L'URSSAF du Bas-Rhin n'ayant pas réceptionné les documents demandés par l'inspecteur du recouvrement, elle a, par lettre d'observations du 15 septembre 2011, notifié à la société [14], pour son établissement [12], situé à SOLEC (Pologne) un rappel de cotisations et contributions sociales au titre des années 2007 et 2008 d'un montant de 888.812 euros hors majorations de retard.

Par courrier du 4 novembre 2011, l'URSSAF a répondu à la lettre de contestation de la société [14] du 14 octobre 2011 qui a indiqué ne pouvoir faire d'observations en l'absence de transmission du procès-verbal n°74/08.

L'URSSAF du Bas-Rhin a maintenu le redressement envisagé et son directeur a, le 20 février 2012, mis en demeure la société [14] d'avoir à payer la somme totale de 1.130.298 euros, dont 888.812 euros en cotisations et 241.486 euros en majorations de retard.

La société [14] a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF du Bas-Rhin en contestation de cette décision puis a formé, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin, un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet de la commission.

Par jugement avant-dire droit du 19 mars 2014, ce tribunal a notamment fait injonction à l'URSSAF d'Alsace, venant aux droits de l'URSSAF du Bas-Rhin, de produire la copie du procès-verbal n°74/08 du 20 novembre 2008 lequel a été transmis au tribunal ainsi qu'à la société [14] le 2 juillet 2014.

Par jugement du 13 janvier 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin a déclaré le recours recevable mais mal fondé, a débouté la société [14] de l'ensemble de ses demandes, a validé la mise en demeure du 20 février 2012 pour son montant total de 1.130.298 euros et a condamné à titre reconventionnel la société [14] à régler cette somme à l'Urssaf d'Alsace sous réserve des majorations de retard complémentaires encourues.

Par lettre recommandée expédiée le 17 février 2016, enregistrée sous le n° RG 16/00834, la société [14] a interjeté appel à l'encontre du jugement.

Par courrier du 25 août 2016, enregistré au greffe le 13 octobre 2016, sous le n° RG 17/00428, la société appelante a informé la cour de l'appel en intervention forcée de l'organisme social polonais [14] ([15]) et transmis la demande aux fins de remise de l'appel en intervention dressé le 29 septembre 2016 par Me Appe huissier de justice.

Après jonction des affaires RG 17/00428 et RG 16/00384 sous ce dernier numéro, la cour de céans, par arrêt du 9 novembre 2017, a prononcé un sursis à statuer jusqu'à la décision de la CJUE sur la question préjudicielle dans l'affaire Ömer Altun et a ordonné la radiation administrative de l'affaire du rôle.

Vu, à la suite de la décision de la [5] intervenue le 6 février 2018, l'acte de reprise de l'instance du 6 septembre 2019, déposé par l'URSSAF d'Alsace, enregistré sous le numéro RG 19/04335 ;

Vu les conclusions du 30 avril 2020, visées le 11 mai 2020, reprises oralement à l'audience du 24 février 2022, aux termes desquelles la société de droit polonais [7], venant aux droits de la société polonaise [14] demande à la cour de :

' réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

' à titre principal dire et juger les demandes de l'URSSAF irrecevables et annuler en conséquence le procès-verbal n°74/08 établi le 20 novembre 2008 par l'inspection du travail,

' subsidiairement, débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' écarter des débats le procès-verbal d'audition de M. [O] en date du 8 mars 2008,

' dire et juger que la société Zaklad ne se trouve pas en situation de travail dissimulé,

' dire et juger que la société Zaklad a satisfait à ses obligations légales en matière de contrat de sous-traitance et de détachement,

' dire et juger que la société Zaklad n'est pas assujettie au paiement des cotisations sociales en France,

' en tout état de cause, dire et juger que la procédure a été dénoncée à l'organisme de sécurité sociale polonais la [15],

' dire et juger que l'arrêt sera déclaré commun et opposable à la [15],

' condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les conclusions du 24 septembre 2020, visées le 29 septembre 2020, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'URSSAF d'Alsace demande à la cour de :

' déclarer l'appel recevable, débouter la société au fond,

' confirmer le jugement attaqué,

' constater qu'elle a pris en compte les certificats E101 produits pour minorer le rappel,

' valider la mise en demeure du 20 février 2012 pour son montant minoré, soit 497.560 euros en cotisations et 135.184 euros en majorations de retard,

' condamner à titre reconventionnel la société [7], venant aux droits de la société [14] à lui régler la somme de 632.744 euros,

' débouter cette société de l'ensemble de ses demandes ;

Vu la non-comparution de l'organisme social polonais [14] ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

Sur l'absence de poursuites pénales, l'absence de mise en cause de la société donneuse d'ordre, la relaxe antérieure de la société Zaklad et les pièces produites par l'URSSAF

Pour tenter de remettre en cause le redressement litigieux, la société [14] fait valoir que la transmission au Procureur de la République du procès-verbal n°74/08 dressé le 20 novembre 2008 n'a été suivi d'aucune poursuite pénale à son encontre, qu'elle a antérieurement été relaxée des faits qui lui étaient reprochés et que l'absence de mise en cause de la société donneuse d'ordre est évocatrice de défaut de fondement des poursuites pénales engagées à son encontre.

La cour rappelle, en premier lieu, qu'après transmission du procès-verbal de travail dissimulé dressé par des agents assermentés au procureur de la République, celui-ci est libre de décider d'engager ou non des poursuites pénales à l'encontre du contrevenant, sans que, ainsi que l'énonce l'URSSAF, l'absence de poursuites pénales ne remette en cause les constats réalisés par les agents chargés du contrôle. En effet, le contenu des pièces de procédure fait foi jusqu'à ce que le principal intéressé, c'est-à-dire l'employeur, apporte la preuve contraire.

Ainsi, l'absence de poursuites pénales pour travail dissimulé n'empêche pas l'URSSAF de procéder à un redressement de cotisations au titre d'une dissimulation d'activité afin de procéder au recouvrement des cotisations et contributions sociales.

En deuxième lieu, les premiers juges ont exactement constaté que s'agissant du jugement de relaxe du tribunal correctionnel de Millau dont se prévaut la requérante, cette décision ne porte ni sur les faits, ni sur la période objet du présent contrôle. Dès lors, la société ne saurait se prévaloir de cette décision pour faire échec aux constats opérés par les inspecteurs chargés du contrôle en 2007 et en 2008.

En troisième lieu, bien que l'appelante demande à la cour de constater qu'aucune poursuite pénale ni en paiement des cotisations sociales n'a été engagée à l'encontre de la société donneuse d'ordre, l'absence de mise en 'uvre de la solidarité financière du donneur d'ordre est sans incidence sur la procédure principale de travail dissimulé diligentée à l'égard d'un sous-traitant.

En dernier lieu, la société n'est pas fondée à reprocher à l'URSSAF d'avoir produit aux débats, d'une part des documents portant sur des années antérieures au contrôle et, d'autre part, un procès-verbal d'audition de M. [O] (dirigeant de la société) établi sans la présence d'un traducteur assermenté.

Il apparaît que les pièces produites par l'URSSAF font partie intégrante du procès-verbal du 20 novembre 2008 dont la société a obtenu communication dans le cadre de la première instance.

Concernant la régularité du procès-verbal d'audition de M. [O], il n'est pas argué que le consentement de celui-ci ait fait défaut.

Enfin, en énonçant que lorsqu'ils ne relèvent pas des services de la police ou de la gendarmerie nationales, les agents de contrôle mentionnés à l'article L8271-1 peuvent solliciter des interprètes assermentés inscrits sur l'une des listes prévues à l'article 157 du code de procédure pénale, pour le contrôle de la réglementation sur la main-d''uvre étrangère et le détachement transnational de travailleurs, l'article L8271-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, a créé une faculté pour les agents de recourir à la traduction et non une obligation.

Au cas d'espèce, il est constaté que M. [O] a bénéficié au cours de l'entretien de l'assistance de Mme [D] [T], conseil et interprète de la société en Pologne, en liaison téléphonique.

La valeur des déclarations du dirigeant de la société n'est donc pas contestable.

Sur le travail dissimulé

L'article L8221-1 du code du travail prohibe notamment le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L8221-3 et L8221-5.

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité selon l'article L8221-3 du code du travail, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur.

Selon l'article L8221-5 du même code, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

L'article L111-2-2 du code de la sécurité sociale, dans ses différentes versions applicables au litige, dispose que sous réserve des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale dans le cadre du présent code, quel que soit leur âge, leur sexe, leur nationalité ou leur lieu de résidence, toutes les personnes exerçant sur le territoire français, à titre temporaire ou permanent, à temps plein ou à temps partiel :

' une activité pour le compte d'un ou de plusieurs employeurs, ayant ou non un établissement en France, et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ;

' une activité professionnelle non salariée.

Selon l'article L311-2 du même code, sont obligatoirement affiliées aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

En application des articles L242-1 et L136-2 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article 14 de l'ordonnance 96-50 du 24 janvier 1996, les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail sont soumises aux cotisations et contributions sociales.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que toute activité salariée exercée en France donne lieu à l'application de la législation française de sécurité sociale, quelle que soit la nationalité du travailleur et le lieu d'établissement de l'employeur.

L'article L243-1-2 du même code prévoit la situation l'employeur dont l'entreprise ne comporte pas d'établissement en France. Celui-ci remplit ses obligations relatives aux déclarations et versements des contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle auxquelles il est tenu au titre de l'emploi de personnel salarié auprès d'un organisme de recouvrement unique, l'URSSAF du Bas-Rhin.

L'article 13, 1., du règlement (CEE) n°1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, consacre le principe d'unicité de la législation applicable au sein de l'Union européenne. Ce dernier dispose en effet que sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

L'article 13, 2., a) du règlement précité dispose que, sous réserve des articles 14 à 17, la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d'un autre État membre ou si l'entreprise ou l'employeur qui l'occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d'un autre État membre.

L'article 14, 1), a), de ce même règlement instaurant des règles particulières applicables aux personnes autres que les gens de mer, exerçant une activité salariée, prévoit que la règle énoncée à l'article 13, 2., a) est appliquée compte tenu des exceptions et particularités suivantes : la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d'un État membre au service d'une entreprise dont elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le territoire d'un autre État membre afin d'y effectuer un travail pour le compte de celle-ci, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n'excède pas douze mois et qu'elle ne soit pas envoyée en remplacement d'une autre personne parvenue au terme de la période de son détachement.

En conséquence de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne à l'article 11, paragraphe 1, du règlement n°574/72 du Conseil du 21mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement n°1408/71, le certificat E101 (devenu A1), qui permet d'attester de l'affiliation du travailleur détaché dans un pays membre au régime de sécurité sociale du pays d'envoi, délivré par l'institution compétente d'un État membre s'impose dans l'ordre juridique interne de l'État membre dans lequel le travailleur salarié se rend pour effectuer un travail, aussi longtemps qu'il n'est pas retiré ou déclaré invalide, selon la procédure prévue par le droit européen.

L'article L1262-3 du code du travail dispose enfin qu'un employeur ne peut se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque son activité est entièrement orientée vers le territoire national ou lorsqu'elle est réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures situées sur le territoire national à partir desquels elle est exercée de façon habituelle, stable et continue. Il ne peut notamment se prévaloir de ces dispositions lorsque son activité comporte la recherche et la prospection d'une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire.

Dans ces situations, l'employeur est assujetti aux dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire national.

En l'espèce, la société [14] a envoyé une déclaration de détachement en France de salariés polonais à la suite de laquelle la DDTEFP a réalisé des opérations de contrôle sur différents chantiers.

Il ressort des constats opérés par les agents chargés du contrôle que la société [14] a réalisé plusieurs chantiers sur le territoire français à partir de l'année 2003 pour différents donneurs d'ordre. Elle intervenait sur plusieurs chantiers simultanément et a détaché pour réaliser ses chantiers au moins quatre-vingt-dix-huit salariés depuis 2003, le montant de la facturation recueillie s'élevant à 1.522.649,43 euros.

Les salariés de la société [14] étaient notamment présents sur les chantiers de la société [Adresse 10] depuis 2005, avec une relation quasiment permanente depuis cette date selon l'audition de son dirigeant.

Il résulte de l'attestation de M. [H], gérant de la société [Adresse 10], auditionné dans le cadre du contrôle, que des sociétés sous-traitantes telles que la société [14] n'intervenaient qu'en apport de main d''uvre pour répondre à des besoins liés à des délais de chantier à respecter. Les salariés étaient détachés pour des périodes relativement courtes de trois mois environ.

Lors de l'entretien du 6 mars 2008, M. [O], gérant de la société [14] a indiqué que la société intervenait en France depuis trois ans toujours en sous-traitance et pour des sociétés du même secteur d'activité.

Il indiquait que l'affectation des salariés entre les différents chantiers était liée à l'état d'avancement des travaux et des besoins des donneurs d'ordre.

À la date de l'entretien, les inspecteurs ont constaté la présence de trente salariés détachés sur six chantiers en France dont une quinzaine sur des chantiers de [H] industrie. Le dirigeant de cette dernière entendait préciser que, dans la pratique, les salariés polonais détachés étaient très souvent déplacés d'un chantier à l'autre selon les besoins des conducteurs de travaux.

M. [O] admettait que les affectations des salariés sur les différents chantiers étaient liées à l'état d'avancement des travaux et des besoins des donneurs d'ordre.

Aussi, lors du contrôle du 2 juillet 2008, un salarié de la société [14] a déclaré avoir travaillé sur des chantiers en France depuis 4 ou 5 ans et être rentré en Pologne tous les trois mois.

Le dirigeant de la société [14] confirmait que les salariés détachés intervenaient en France sur des périodes de deux ou trois mois et que les salariés rentraient ensuite en Pologne pour être remplacés par d'autre.

Par ailleurs, la cour constate à la lecture du procès-verbal dressé que l'appelante était aidée dans ses relations commerciales en France par la société intermédiaire polonaise KONTAKT ' interlocutrice des sociétés donneuses d'ordre au sein de laquelle travaillait Mme [D] [T] ' et du GESEC domicilié à [Localité 11] (Indre et Loire), lequel disposait jusqu'en 1995 d'une filiale en Pologne au sein de laquelle travaillait Mme [D] [T] selon les propos du directeur du [6].

Mme [D] [T] apparaissait auprès des donneurs d'ordre interrogés comme une dirigeante de la société [14].

Lors de son audition, M. [O] indiquait également prospecter les marchés français à partir d'Internet.

Il résulte de ces éléments que la société [14] organisait la prospection et la recherche de clientèle en France pour son activité tant de manière autonome qu'à partir de ces intermédiaires.

La cour considère que la relation entretenue entre la société [14] et les donneurs d'ordre s'apparente davantage à une mise à disposition de main d''uvre qu'à un contrat de sous-traitance dans le cadre de la prestation de service internationale, la seule base de facturation de nombreuses prestations étant le prix horaire de la main d''uvre mise à disposition multiplié par le nombre d'heures réalisées par mois. La facturation avait d'ailleurs lieu par mois selon M. [H].

Compte-tenu de l'ensemble des développements qui précèdent, il apparaît dès lors que la société [14] a eu une activité économique habituelle, stable et continue sur le territoire français.

En effet, au regard des conditions d'exercice de son activité en France, la société [14] ne pouvait se prévaloir de la notion de prestation de service international, qui suppose une prestation de service effectuée à titre temporaire, et non continu comme en l'espèce.

En raison de son activité économique, il appartenait au représentant de cette société de procéder à une déclaration d'établissement sur le territoire français, situation juridique qui assujettissait l'entreprise à l'ensemble des règles de la législation sociale et aurait dû permettre l'affiliation des salariés au régime de sécurité sociale français.

La société [14] n'a fait l'objet d'aucune immatriculation en France et elle n'a versé aucune cotisation ni contribution sociale en France.

Le délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité est dès lors caractérisé.

Sur le redressement afférent

L'article R242-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que lorsque la comptabilité d'un employeur ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisations dues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement. Ce forfait est établi compte tenu des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve. Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle engagé en application de l'article L243-7 ou lorsque leur présentation n'en permet pas l'exploitation, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l'organisme chargé du recouvrement, dans les conditions prévues au présent article.

Faute de transmission par la société appelante de tous les éléments réclamés par l'inspecteur du recouvrement à la date d'établissement de la lettre d'observations le 15 septembre 2011, l'inspecteur du recouvrement, dans l'impossibilité de procéder à un chiffrage réel, a procédé à un chiffrage par fixation forfaitaire des cotisations à recouvrer au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008.

Cette taxation a été calculée à partir de la durée de présence des salariés de la société [14] en France telle qu'elle ressort des constats opérés par les inspecteurs de la DDTEFP et du SMIC mensuel en vigueur.

Pour le calcul de la masse salariale, l'inspecteur du recouvrement s'est basé sur le tableau des salariés fourni aux services de la DDTEFP, tel que reproduit dans la lettre d'observations du 15 septembre 2011 avec mention des noms et prénoms des salariés -au total 89 salariés-, y indiquant pour les salariés concernés, les périodes à retenir comme périodes d'emploi en France.

L'inspecteur du recouvrement en a déduit un rappel de cotisations de 888.812 euros hors majorations de retard.

La société [14] s'est prévalue de certificats de détachement E101 (ancienne dénomination des actuels certificats A1) et a produit les certificats en sa possession.

Au regard de la réglementation européenne, ces certificats, valides et non retirés, attestent de l'affiliation de ces salariés au régime de sécurité sociale polonais, ce qui exclut toute affiliation à un régime de sécurité sociale français.

L'Urssaf, qui reconnaît ne pas avoir contesté la validité des certificats A1 auprès de l'institution polonaise émettrice qui les avait délivrés et partant d'avoir suivi la procédure européenne de réexamen ou de retrait des certificats, a procédé au recalcul du redressement.

Elle a minoré le redressement pour chaque salarié de la société [14] disposant d'un certificat E101 sur la période contrôlée, et indique que le rappel pour travail dissimulé s'établit à un montant de 497.560 euros en cotisations faute pour la société de produire des certificats E101 couvrant les périodes contrôlées pour l'ensemble des salariés concernés par le redressement.

La société [14] fait par ailleurs valoir que le calcul de l'URSSAF comptabilise à tort des salariés et ne tient pas compte des périodes exactes et réelles de détachement.

A cet égard, elle affirme n'avoir détaché en France que 37 salariés dont elle fournit la liste en annexe n°14c ; elle complète toutefois cette liste en y ajoutant les noms de deux salariés et à s'en tenir au courrier adressé par son conseil le 14 octobre 2011 à l'URSSAF, ce sont 42 salariés qui ont été détachés en France en 2007 et 2008, la société précisant dans ce courrier que 16 salariés « ont pu fournir du travail illégal ou travaillé dans d'autres sociétés après avoir quitté notre entreprise », étant encore ajouté que M. [A] [X], l'un des 16 salariés, désigné pour avoir pu fournir du travail illégal, a été observé en situation de travail pour le compte de la société appelante le 6 février 2008 sur le chantier contrôlé [Adresse 13] à [Localité 8], et qu'il figure sur les listes des 42 et des 37 salariés déclarés régulièrement détachés mais qu'il ne figure pas au nombre des salariés déclarés avant prestation par la société appelante pour intervenir sur le chantier de [Localité 8] prévu de juin 2007 à décembre 2008 (le nom de M. [A] n'est pas mentionné sur la liste du personnel dans la déclaration avant début de prestation), et qu'aucun certificat E101 n'est versé en annexe le concernant dans les pièces de la société appelante.

La société [14] fournit aussi en annexe n°14a une liste de 28 salariés qui selon elle travaillaient en Pologne. Sur cette liste figure pourtant le nom de M. [S] [U], salarié ressortant de la liste précédente des 42 salariés régulièrement déclarés et qui apparaît avoir été rémunéré.

Et encore doit il être souligné que la société appelante n'apporte pas de précisions sur les agissements dont elle aurait été victime de la part d'ex salariés et/ou concurrents à l'origine de travail illégal.

Comme l'ont dit les premiers juges, aucun des éléments transmis par la société appelante n'est de nature à remettre en cause les données issues du tableau reproduit dans la lettre d'observations. Au contraire, de nombreuses anomalies, incohérences et contradictions ressortent des documents fournis.

Ainsi donc le montant des cotisations dues sera arrêté à la somme minorée par l'URSSAF, après prise en compte des certificats E101, de 497.560 euros, ce qui commande d'infirmer le jugement rendu et de valider la mise en demeure du 20 février 2012 dans les termes du dispositif ci-après, en cotisations et majorations de retard, la société appelante étant condamnée à paiement à l'URSSAF à due concurrence.

Sur la demande de déclaration d'arrêt commun

Vu l'article 19 du règlement CE n°1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale,

Dès lors qu'il n'est pas justifié que l'acte aux fins d'appel en intervention forcée de l'organisme polonais [15] a pu être remis à son destinataire, seule ayant été remise à la cour la copie de la transmission dudit acte, il ne saurait être donné suite à la demande sur ce point de la société appelante.

Sur les dispositions accessoires

Partie succombante, la société appelante sera condamnée aux dépens d'appel exposés à compter du 31 décembre 2018 et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l'appel interjeté recevable ;

INFIRME le jugement entrepris ;

VALIDE la mise en demeure décernée le 20 février 2012 dans la limite de son montant de 497.560 euros en cotisations et de 135.184 euros en majorations de retard ;

CONDAMNE la société de droit polonais [7], venant aux droits de la société polonaise [14] à régler à l'URSSAF d'Alsace la somme de 632.744 euros dont 497.560 euros en cotisations et de 135.184 euros en majorations de retard ;

DEBOUTE la société de droit polonais [7], venant aux droits de la société polonaise [14] de sa demande en déclaration d'arrêt commun ;

CONDAMNE la société de droit polonais [7], venant aux droits de la société polonaise [14] aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018 ;

DEBOUTE la société de droit polonais [7], venant aux droits de la société polonaise [14] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 sb
Numéro d'arrêt : 19/04335
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;19.04335 ?
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