MINUTE N° 22/597
NOTIFICATION :
Copie aux parties
- DRASS
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 07 Juillet 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 20/00220 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HIRE
Décision déférée à la Cour : 20 Novembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG
APPELANTE :
S.A. [7]
[Adresse 2]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON, substitué par Me KATZ, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparante en la personne de Mme [Y] [J], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme HERY, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
Le 30 août 2016, M. [M] [K], employé en qualité d'électricien, salarié de la société [6], a établi une déclaration de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin, y joignant un certificat médical initial daté du 6 juin 2016 faisant état d'un «'canal carpien droit'».
Par courrier du 1er février 2017, après recours au délai complémentaire d'instruction, la caisse a informé l'employeur de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier avant la prise de décision devant intervenir le 21 février 2017.
La société [6] a sollicité l'envoi des pièces constitutives du dossier par lettre du 13 février 2017.
Par deux courriers du 22 février 2017, la CPAM du Haut-Rhin a, d'une part transmis à l'employeur les pièces constitutives du dossier et, d'autre part, notifié à la société [6] sa décision de prendre en charge la maladie déclarée au titre de la législation professionnelle (tableau n°57).
Contestant l'opposabilité de la décision de la CPAM, la société [6] a saisi la commission de recours amiable de la caisse par lettre du 14 avril 2017, puis en l'absence de décision dans le délai imparti, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Bas-Rhin par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 mai 2018.
Par jugement du 20 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Strasbourg, remplaçant le TASS, a':
''confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable';
''déclaré opposable à la SAS [6] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie du 6 juin 2016 de M. [M] [K]';
''condamné la SAS [6] aux dépens.
Par lettre recommandée envoyée le 21 décembre 2019, la SAS [7], venant aux droits de la société [6], a interjeté appel du jugement rendu le 20 novembre 2019 et notifié le 22 novembre 2019.
L'affaire a été fixée à l'audience du 28 avril 2022.
Dans ses conclusions visées le 16 juin 2020, reprises oralement à l'audience, la SAS [7] demande à la cour de':
''infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions';
''au visa de l'article R441-43 du code de la sécurité sociale, constater qu'elle n'a pas disposé de la faculté de prendre connaissance du dossier complet de M. [K] puisque l'avis du médecin conseil ainsi que les certificats médicaux du dossier n'ont pas été communiqués, et de constater que le colloque médico-administratif est daté du jour de la décision de prise en charge et du lendemain de la date limite laissée à l'employeur pour consulter les pièces et émettre des observations, de sorte qu'elle n'a pas été en mesure d'en prendre connaissance et d'émettre ses observations';
''juger que la décision de prise en charge de la maladie du 6 juin 2016 déclarée par M. [K] lui est inopposable.
Dans ses conclusions transmises au greffe de la cour le 25 février 2021, reprises oralement à l'audience, la CPAM du Haut-Rhin demande à la cour de confirmer le jugement attaqué et de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes.
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions';
MOTIFS
Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.
Selon l'article R441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur antérieure au décret du 23 avril 2019, la caisse, lorsqu'elle a adressé des questionnaires aux parties ou diligenté une enquête conformément à l'article R441-11 dernier alinéa, communique notamment à l'employeur, au moins 10 jours francs avant de prendre sa décision, par tous moyens permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de lui faire grief ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R441-13.
Tout élément susceptible d'enrichir le dossier, dont le contenu est fixé par l'article R441-13, dans sa version issue du décret du 7 juin 2016, doit alors, lors de cette consultation, être porté à la connaissance de l'employeur, à savoir':
''la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle,
''les divers certificats médicaux détenus par la caisse,
''les constats faits par la caisse primaire,
''les informations parvenues à la caisse de chacune des parties,
''les éléments communiqués par la caisse régionale.
Ces dispositions impératives permettent in fine, d'assurer le caractère contradictoire de la procédure.
Il est en effet de principe, que la violation d'une de ces obligations rend la décision de la caisse inopposable à l'employeur dès lors que celui-ci n'a pas été suffisamment informé des éléments susceptibles de lui faire grief, étant précisé qu'il appartient seulement au juge du fond de vérifier que la caisse a informé l'employeur de la clôture de l'instruction, de la date à compter de laquelle elle entendait prendre sa décision et de la possibilité de consulter le dossier dans ses locaux pendant un délai de dix jours, le mettant ainsi en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de contester la décision de prise en charge.
En l'espèce, la SAS [7] fait valoir que la CPAM du Haut-Rhin a violé son obligation d'information au motif que les pièces du dossier lui ont été envoyées au jour de la date de prise de décision de la caisse, le 22 février 2017.
Elle ajoute que le colloque médico-administratif, comprenant notamment l'avis du médecin conseil de la caisse, est daté du 22 février 2017, soit du lendemain de la fin du délai laissé à l'employeur pour consulter les pièces du dossier, de sorte qu'elle ne pouvait, en tout état de cause, avoir accès à l'ensemble des pièces du dossier.
Elle entend enfin se prévaloir du caractère incomplet du dossier de la caisse en ce qu'il ne comporterait pas les certificats médicaux de prolongation.
L'intimée objecte qu'aucune obligation de communication des pièces du dossier ne pèse sur la caisse et qu'en conséquence elle a satisfait à son obligation d'information en laissant à l'employeur un délai de dix jours francs à compter de la réception du courrier d'information pour consulter les pièces du dossier.
La caisse soutient que le colloque médico-administratif ne figure pas dans les pièces visées par l'article R441-13 du code de la sécurité sociale, qu'elle n'a aucune obligation de le transmettre à l'employeur et que celui-ci ne s'est pas déplacé au cours du délai d'instruction pour consulter les pièces du dossier de son salarié, de sorte que la société [6] ne saurait se prévaloir de l'irrégularité de ce colloque ou de son absence de communication.
La cour rappelle que, contrairement à ce que soutient la SAS [7], si le dossier constitué par la caisse peut être éventuellement communiqué en copie à l'employeur si celui-ci en fait la demande, cette modalité de communication reste à l'appréciation de l'organisme.
Cependant, la liste des pièces visées par l'article R441-13 doit être analysée en regard de l'objet de l'obligation d'information à la charge de la caisse, à ce stade, qui doit permettre à l'employeur de connaître les éléments qui l'ont déterminée à prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle.
A cet égard, la fiche du colloque médico-administratif qui porte sur la nature de la maladie déclarée, sur l'application de ses conditions de prise en charge et par suite, sur la reconnaissance du caractère professionnel de cette maladie, constitue un élément susceptible de faire grief à l'employeur et doit donc figurer au dossier constitué par la caisse.
En l'espèce, la lettre d'information de clôture de l'instruction a été envoyée à la SAS [6] le 1er février 2017 et réceptionnée le 6 février 2017. Cette dernière date constitue donc le point de départ du délai de consultation de 10 jours francs.
La caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin informait alors la SAS [6] de ce que sa décision interviendrait le 21 février 2017.
Il est cependant établi par les écritures de la caisse et la pièce annexe n°16 de l'appelante que la fiche du colloque médico-administratif n'a été signée que le 22 février 2017, au jour de la décision intervenue.
Il est indifférent que la SAS [6] ne se soit pas déplacée pour consulter les pièces du dossier dans les locaux de la caisse, puisqu'il est établi par cette chronologie que l'employeur n'a pas disposé d'un délai de 10 jours francs pour consulter un dossier complet.
La réalisation d'une mesure d'instruction essentielle dans le processus de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie, postérieurement à la date à laquelle la caisse avait déclaré close son instruction, enlève tout sens au délai de 10 jours francs imposé à la caisse pour l'information de l'employeur.
Il en résulte que sur ce seul moyen et sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par la SAS [7], la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [M] [K], le 30 août 2016, doit être déclarée inopposable la SAS [6] devenue la SAS [7].
En conséquence des développements qui précèdent, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
La caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
DÉCLARE RECEVABLE l'appel interjeté par la SAS [7]';
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions';
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉCLARE inopposable à la SAS [7], la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. [M] [K] le 30 août 2016';
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier,Le Président,