MINUTE N° 22/617
NOTIFICATION :
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 21 Juillet 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 20/00241 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HISC
Décision déférée à la Cour : 20 Novembre 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG
APPELANTE :
URSSAF ALSACE
TSA 60003
[Localité 3]
Comparante en la personne de Mme [K] [D], munie d'un pouvoir
INTIMEE :
S.A.R.L. [1]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat au barreau de COLMAR, substituée par Me Laetitia RUMMLER, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
La Sarl [1], spécialisée dans la gestion des emplois des auxiliaires de vie et services à domicile des particuliers, a été immatriculée à l'Urssaf en qualité d'employeur de personnel salarié depuis le 26 juillet 2010 et pratique le décalage de paie.
Par courrier adressé au tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin le 11 juillet 2018, la Sarl [1] a formé opposition à la contrainte n°20891845 émise le 28 juin 2018 par le directeur de l'Urssaf d'Alsace, laquelle lui a été signifiée le 30 juin 2018, pour un montant de 46.393,18 euros correspondant aux cotisations, pénalités et majorations de retard dues au titre des années 2013, 2014, 2015 ainsi que des mois de décembre 2014, juin 2015, janvier, juillet, août et novembre 2016 et janvier et février 2018.
Par jugement du 20 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg, auquel a été intégré le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin, a déclaré l'opposition à la contrainte litigieuse recevable, a donné acte à l'Urssaf de ce qu'elle reconnaît que les sommes réclamées au titre de l'année 2013 sont prescrites, a annulé la contrainte émise le 28 juin 2018, a débouté l'Urssaf d'Alsace de sa demande tendant à la condamnation de la société [1] au titre des cotisations et majorations de retard pour l'ensemble des périodes visées par la contrainte, a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 6.012 euros, a dit n'y avoir lieu à paiement d'une amende civile, a condamné l'Urssaf d'Alsace à payer à la SARL [1] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel avec intérêts légaux à compter de la décision ainsi que la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, a laissé à la charge de l'Urssaf d'Alsace les frais de recouvrement afférents à la délivrance de la contrainte et a rappelé le caractère exécutoire de la décision à titre provisoire.
Par lettre recommandée du 27 décembre 2019, l'Urssaf d'Alsace a interjeté appel de ce jugement notifié par courrier daté du 28 novembre 2019.
Vu les conclusions visées le 1er octobre 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'Urssaf d'Alsace demande à la cour de :
' prendre acte de la prescription au titre de l'année 2013,
' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à paiement de l'amende civile et déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 6.012 euros,
' infirmer ledit jugement en ce qu'il a annulé la contrainte litigieuse, laissé à la charge de l'Urssaf les frais de signification de la contrainte, l'a condamnée à payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' rejeter la demande de compensation de sa créance avec le soi-disant trop-perçu de 6.012 euros et la demande de condamnation au paiement de la somme de 6.500 euros au titre des frais de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner la société [1] à lui rembourser les sommes de 2.000 euros et 1.500 euros,
' valider la contrainte n°20891845 émise le 28 juin 2018 pour le solde de 29.341,50 euros en cotisations, 4.944 euros en majorations de retard et 2.978,68 euros en pénalités au titre des périodes non prescrites,
' condamner reconventionnellement la société intimée à lui régler la somme totale de 37.264,18 euros au titre de la contrainte litigieuse, outre les frais de signification d'un montant de 71,93 euros,
' condamner la société [1] au paiement d'une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions visées le 31 mai 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la société [1] demande à la cour de :
' déclarer l'Urssaf mal fondée en son appel et le rejeter,
' confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
' débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens en ce qu'ils sont dépourvus de tout fondement,
' subsidiairement, ordonner la compensation des créances réciproques,
' en tout état de cause, condamner l'Urssaf d'Alsace à lui payer la somme de 6.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers frais et dépens de l'instance ;
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;
MOTIFS
Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.
Il résulte du jugement querellé que les premiers juges ont procédé à l'annulation de la contrainte n°20891845 émise le 28 juin 2018 par l'Urssaf d'Alsace au motif, d'une part que les sommes réclamées au titre de l'année 2013 sont sujettes à prescription et, d'autre part, que cette contrainte se rapportant à différentes périodes n'a pas permis à la cotisante d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'entendue de son obligation.
La recevabilité de l'opposition à contrainte n'est pas contestée.
A l'appui de la réformation du jugement entrepris, l'Urssaf d'Alsace fait valoir que les créances afférentes aux années 2014 et 2015 ne sont pas prescrites et que la contrainte a été valablement délivrée.
Sur la prescription d'une partie des créances réclamées
l'Urssaf soutient en premier lieu que le délai de prescription triennal applicable aux cotisations et contributions sociales pour lesquelles une mise en demeure est notifiée à compter du 1er janvier 2017 se calcule à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle les cotisations sont dues.
Il résulte de la combinaison de l'article L244-3 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article 24 IV, 1° et 3° de la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, dans leurs versions applicables au litige, que les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues.
Ces dispositions s'appliquent aux cotisations et contributions sociales au titre desquelles une mise en demeure a été notifiée à compter du 1er janvier 2017.
Selon ces mêmes textes, les majorations de retard correspondant aux cotisations et contributions payées ou à celles dues se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle a eu lieu le paiement ou l'exigibilité des cotisations et contributions qui ont donné lieu à l'application desdites majorations.
Les pénalités de retard appliquées en cas de production tardive ou de défaut de production des déclarations obligatoires relatives aux cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle a eu lieu la production de ces déclarations ou, à défaut, à compter, selon le cas, de la fin de l'année au cours de laquelle a eu lieu la notification de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L244-2 du code de la sécurité sociale.
Ces deux dernières dispositions s'appliquent aux majorations de retard et pénalités dues à compter du 1er janvier 2017.
Selon la version antérieure à la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016, c'est-a-dire dans la version résultant de la loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011, il était prévu que l'avertissement ou la mise en demeure qui concerne le recouvrement des majorations de retard correspondant aux cotisations payées ou aux cotisations exigibles dans le délai fixé au premier alinéa de l'article L244-3 du code de la sécurité sociale soit adressé avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter du paiement des cotisations qui ont donné lieu à l'application desdites majorations.
Au cas d'espèce, la contrainte litigieuse du 28 juin 2018 a été délivrée sur la base de quatre mises en demeure préalables, dont la mise en demeure du 10 octobre 2017 relative aux majorations de retard complémentaires concernant la période du mois de décembre 2014 et la mise en demeure du 18 octobre 2017 adressée à la cotisante à l'issue d'un contrôle comptable d'assiette portant sur les années 2013 et 2014 et l'invitant à régler la somme de 7.715 euros en cotisations outre 1.064 euros en majorations de retard au titre de l'année 2014 ainsi que des cotisations et majorations de retard se rapportant à l'année 2013.
Il est donné acte à l'Urssaf de la prescription des créances réclamées au titre de l'année 2013.
Concernant l'année 2014, les cotisations ne sont pas prescrites en raison de l'envoi des mises en demeure en octobre 2017. Les cotisations réclamées au titre de l'« année 2014 » par la mise en demeure du 18 octobre 2017 n'ayant pas été payées, les majorations de retard afférentes ne sont pas prescrites. De plus, la prescription des majorations de retard appliquées aux cotisations afférentes à la période « décembre 2014 » n'est en tout état de cause pas acquise en ce que les majorations de retard complémentaires d'un montant de 182 euros ont été réclamées par mise en demeure du 10 octobre 2017 à la suite d'un versement des cotisations dues en date du 21 juin 2016, soit dans le délai de deux ans visé par l'article L244-3 du code de la sécurité sociale susvisé.
Les majorations de retard complémentaires de 214 euros appliquées sur les cotisations se rapportant à la période « année 2015 » ont été appelées par la mise en demeure du 13 avril 2018, adressée par l'Urssaf à la cotisante moins de deux mois après paiement desdites cotisations le 28 février 2018 (pièce n°10 de l'appelante). Elles ne sont donc pas prescrites.
Le moyen tiré de la prescription des sommes dues au titre des majorations de retard doit dès lors être rejeté.
Sur la motivation des mises en demeure et la régularité de la contrainte
Selon l'article R244-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige, la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
La jurisprudence admet la validité d'une contrainte qui ne contient pas elle-même toutes ces mentions mais se réfère à une ou plusieurs mises en demeure les comportant.
L'Urssaf fait valoir que la contrainte est délivrée à bon droit lorsque celle-ci se réfère à une mise en demeure antérieure ayant permis au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.
Il est de principe que, comme la mise en demeure qui la précède et qui constitue une invitation impérative à régulariser une situation, la contrainte doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et doit donc préciser à peine de nullité, outre la nature des cotisations réclamées, le montant de celles-ci ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.
L'intimée concède dans ses écritures que la contrainte émise le 28 juin 2018 est strictement identique aux quatre mises en demeure des 10 octobre 2017, 18 octobre 2017, 06 avril 2018 et 13 avril 2018.
En effet, la contrainte litigieuse vise chaque mise en demeure préalable et reprend, sous forme de tableau clair et parfaitement compréhensible, la période concernée par le recouvrement, le motif du recouvrement, les montants des cotisations, pénalités et majorations appliquées, le total des sommes restant dues ainsi que le montant du solde restant dû.
Toutes les mises en demeure ayant précédé la contrainte litigieuse mais aussi ladite contrainte mentionnent expressément le motif du recouvrement des cotisations, pénalités et majorations pour chaque période concernée : « taxation provisionnelle / déclarations non fournies » au titre de la période juillet 2016, « majorations de retard complémentaires / article R243-18 du code de la sécurité sociale » au titre de la période décembre 2014, « fourniture tardive des déclarations » au titre du mois de juin 2015, « régularisation d'une taxation provisionnelle » pour les périodes d'août et de novembre 2016, « absence de versement » en janvier 2016, « contrôle. Chefs de redressement précédemment communiqués. Article R243-59 du code de la sécurité sociale » pour les années 2013 et 2014, « absence de versement et fourniture tardive des déclarations » pour la période janvier 2018, « retard dans le versement » au titre de la période février 2018 et « majorations de retard complémentaires. Articles R243-18 du code de la sécurité sociale » au titre de l'année 2015.
Les mises en demeure préalables précisaient en outre que les cotisations visées étaient réclamées au titre du régime général.
Il ressort des pièces produites par l'Urssaf que la contrainte apparaît en parfaite cohérence avec les mises en demeure préalables en matière de motifs, de périodes et de chiffrages.
La société [1] estime toutefois que ces mises en demeure ne permettent pas d'identifier si la période visée concerne le mois travaillé ou le mois au cours duquel les salaires ont été versés.
Sur ce point, la cour constate cependant que la périodicité en présence d'un décalage de paie lui a été précisée par plusieurs échanges de manière orale et écrite, notamment par courriel du 06 octobre 2016 c'est-à-dire antérieurement à l'envoi des mises en demeure, selon lequel l'Urssaf indiquait : « J'ajoute que les explications relatives à la périodicité vous ont déjà été données par téléphone ainsi que par mail du 19/08/2016. Pour rappel : la déclaration faite auprès de nos services porte toujours le nom du mois au cours duquel sont versés les salaires. Par exemple : période d'emploi juillet 2016, salaires versés le 11 août 2016 : déclaration août 1632, exigible le 15/09/16 ».
A cet égard, la mise en demeure du 10 octobre 2017 vise au titre de la période « juillet 16 » des « déclarations non fournies » qui correspondent nécessairement aux bordereaux de cotisations pour les salaires versés au mois de juillet 2016, c'est-a-dire la période d'emploi du mois de juin, conformément aux indications qui lui avaient été fournies. Ces éléments sont parfaitement concordants avec le courrier du cabinet d'expertise comptable de la société [1] du 27 octobre 2016 qui ne comporte pas le bordereau de cotisations pour les salaires versés en juillet 2016.
Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que les mises en demeure et la contrainte délivrées à la suite de ces mises en demeure restées sans effet ont permis à l'intéressée d'avoir une exacte connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
Sur le bien fondé des sommes réclamées
Il résulte de l'article R243-6 du code de la sécurité sociale, modifié par le décret n°2016-1567 du 21 novembre 2016, que le fait générateur des cotisations résulte du versement des rémunérations, et que le versement des cotisations est effectué le mois suivant la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues, au plus tard à l'échéance du 15 de ce mois dans le cas de la société [1].
L'article R133-14 du code de la sécurité sociale dispose que la déclaration sociale nominative relative aux rémunérations versées au cours d'un mois est adressée au plus tard le 5 du mois civil suivant lorsque les cotisations de sécurité sociale sont acquittées mensuellement ou le 15 du mois civil suivant dans les autres cas.
Cette déclaration est accomplie chaque mois même si aucune rémunération n'a été versée au cours de celui-ci tant que l'employeur n'a pas demandé la radiation de son compte auprès de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale dont il relève.
Le défaut de production de la déclaration sociale nominative dans les délais prescrits, l'omission de salariés devant y figurer ou l'inexactitude des rémunérations déclarées entraîne l'application de la pénalité prévue aux articles R243-16 du même code et R741-22 du code rural et de la pêche maritime. Cette pénalité est recouvrée et contrôlée selon les modalités prévues à l'article R243-19 du code de la sécurité sociale et à l'article R741-24 du code rural et de la pêche maritime.
Outre la pénalité applicable en cas d'omissions déclaratives, le retard de paiement des cotisations est sanctionné par l'article R243-18 du code de la sécurité sociale qui prévoit l'application d'une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions qui n'ont pas été versées aux dates limites d'exigibilité fixées aux articles R243-6, R243-6-1, R243-7 et R243-9 à R243-11.
A cette majoration s'ajoute une majoration complémentaire de 0,4 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations et contributions.
En l'espèce, la société intimée se prévaut de la pratique du décalage de paie pour tenter de remettre en cause le paiement des pénalités et majorations de retard appliquées par l'Urssaf.
Elle indique que les cotisations de 11.261€ dues au titre de la période d'emploi « juillet 2016 » ont été déclarées en août 2016 et payées par chèque le 08 septembre 2016, que les cotisations de 12.825€ dues au titre de la période d'activité de « août 2016 » ont été déclarées en septembre 2016 et payées par chèque le 07 octobre 2016, que les cotisations de 10.297€ dues au titre de la période d'activité de « novembre 2016 » ont été déclarées en décembre 2016 et payées par chèque le 26 janvier 2017, que les cotisations de 9.531€ dues au titre de la période d'activité de « janvier 2016 » ont été déclarées en février 2016 et prélevées le 31 mars 2016 à hauteur de 10.764€, que les cotisations de 16.258€ dues au titre de la période d'activité de « janvier 2018 » ont été déclarées en février 2018 et payées le 09 mars 2018 et que les cotisations de 13.242€ dues au titre de la période d'activité de « février 2018 » ont été déclarées en mars 2018 et payées le 09 avril 2018.
Il ne ressort cependant d'aucune pièce versée aux débats et notamment du courrier de l'expert-comptable précité, que la société [1] ait transmis un bordereau de cotisations pour les salaires versés au mois de juillet 2016 correspondant à la période d'emploi de juin 2016.
En effet, les courriels échangés entre les services de l'Urssaf et la direction de la société intimée font apparaître que la déclaration faite auprès des services de l'Urssaf comporte le nom du mois au cours duquel sont versés les salaires. Ainsi, les salaires versés au mois de juillet se rapportant à la période d'emploi de juin 2016 doivent être déclarés au plus tard le 15 août 2016 et sont exigibles à compter du 16 août 2016. En l'absence de déclaration avant cette date, la société encourt une pénalité dont l'évaluation effectuée par l'Urssaf n'est pas contestée par l'intimée.
Les cotisations pour les salaires versés en août 2016 au titre de la période d'emploi du 1er au 31 juillet 2016 sont exigibles le 15 septembre 2016, de sorte que la déclaration intervenue postérieurement est tardive et justifie l'application d'une pénalité conformément aux dispositions de l'article R133-14 du code de la sécurité sociale.
Concernant la déclaration du mois de novembre 2016 afférente à la période d'emploi d'octobre 2016, en dépit de la déclaration effectuée dans les délais, le retard dans le paiement des cotisations effectué le 27 décembre 2016 (cf mention du versement sur la mise en demeure du 10 octobre 2017) justifie l'application des majorations de retard.
Aussi, l'Urssaf justifie de l'imputation du versement de 1.138,50€ le 21 juin 2016 à l'absence de versement au titre du mois de janvier 2016, de sorte que la société reste redevable de la somme de 8.213,50€ (9.352€ ' 1.138,50€) ainsi que l'indique la contrainte litigieuse.
De plus, un versement du 21 juin 2016 a été enregistré concernant les cotisations dues au titre du mois de décembre 2014 justifiant l'application de majorations de retard complémentaires et la même solution trouve à s'appliquer concernant l'année 2015 dès lors qu'un versement a été enregistré le 28 février 2018.
Les cotisations pour les salaires versés en juin 2015 n'ayant été ni déclarées ni acquittées le 15 juillet 2015, l'application de la taxation d'office ainsi que des majorations de retard est justifiée.
La télédéclaration ainsi que le télépaiement au titre du mois de janvier 2018 ayant respectivement été effectués les 09 et 12 mars 2018, leur absence à la date d'exigibilité du 05 mars 2018 justifie l'application de la pénalité ainsi que des majorations de retard. Le constat d'une télédéclaration et d'un télépaiement au titre du mois de février 2018 au-delà du 05 avril 2018 emporte la même solution.
Enfin, les sommes de 7.715€ et 1.064€ correspondent aux cotisations et majorations de retard dues au titre de l'année 2014 résultant du contrôle comptable d'assiette portant sur les années 2013 et 2014 clos par l'envoi d'une lettre d'observations du 28 juillet 2016.
Il résulte de l'analyse de l'ensemble des pièces du dossier que les sommes réclamées par l'Urssaf et non atteintes par la prescription ainsi qu'il a été jugé supra sont justifiées.
Sur le quantum validé de la contrainte
Au vu des éléments qui précèdent, seule la contestation des sommes réclamées au titre de la mise en demeure n°20894492 du 18 octobre 2017 concernant la période 2013 ainsi renseignée sur la contrainte est fondée.
Les autres montants sont toutefois justifiés.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a procédé à l'annulation de la contrainte émise le 28 juin 2018 par l'Urssaf d'Alsace dans son intégralité.
La contrainte sera dite non fondée dans la limite de 9.129€ correspondant à 7.698€ de cotisations et 1.431€ de majorations au titre de l'année 2013 appelées par la mise en demeure du 18 octobre 2017, et sera validée dans la limite des sommes appelées en référence aux mises en demeure des 10 octobre 2017, 18 octobre 2017, 06 avril 2018 et 13 avril 2018 pour un restant dû de 29.341,50€ en cotisations, 4.944€ en majorations et 2.978,68€ en pénalités, soit un total de 37.264,18€.
En l'absence de paiement de la société [1], il y a lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de l'Urssaf d'Alsace en condamnant l'intimée à lui payer cette somme.
Sur les autres demandes
La société [1] ne démontre aucun abus de droit de l'Urssaf dans le cadre de la présente instance alors que les sommes réclamées sont en grande partie fondées.
Dès lors, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Urssaf d'Alsace à payer à la société [1] des dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel, l'intimée devant être déboutée de sa demande. Il sera rappelé que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.
La décision déférée est également infirmée en ce qu'elle a laissé à la charge de l'Urssaf d'Alsace les frais de recouvrement afférents à la délivrance de la contrainte litigieuse.
En application des dispositions de l'article R133-6 du code de la sécurité sociale, les frais de recouvrement afférents à la délivrance de la contrainte et aux actes qui lui font suite sont à la charge du débiteur faisant l'objet de ladite contrainte dont l'opposition n'est pas fondée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à paiement d'une amende civile et en ce qu'il a déclaré la demande reconventionnelle en paiement de la société [1] irrecevable en ce que celle-ci n'est pas en lien avec le présent litige et que cette demande n'a pas été formée auprès de l'Urssaf préalablement au recours.
De plus, le prétendu trop-perçu de l'Urssaf de 6.012€ n'est pas établi sur la période 2014-2018 dès lors que les tableaux réalisés par la société [1] n'indiquent aucun paiement au titre du mois de juin 2015 et que ces tableaux ont été établis sur la période d'emploi et non la période de versement de la paie.
La demande de compensation de créances présentée par la société intimée est ainsi rejetée.
Les dispositions du jugement concernant les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont infirmées.
La société [1], qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et déboutée de ses demandes d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure de première instance et d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'Urssaf, de sorte que les demandes présentées par les parties sur ce point sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
' déclaré l'opposition formée par la Sarl [1] à la contrainte émise le 28 juin 2018 par l'Urssaf d'Alsace recevable,
' donné acte à l'Urssaf de ce qu'elle reconnaît que les sommes réclamées au titre de l'année 2013 sont prescrites,
' déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 6.012€,
' dit n'y avoir lieu à paiement d'une amende civile ;
L'INFIRME dans toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT non fondée la contrainte émise par l'Urssaf d'Alsace à l'encontre de la société [1] le 28 juin 2018 dans la limite de 9.129euros correspondant à 7.698 euros de cotisations et 1.431 euros de majorations au titre de l'année 2013 appelées par la mise en demeure du 18 octobre 2017 ;
VALIDE la contrainte émise par l'Urssaf d'Alsace à l'encontre de la société [1] le 28 juin 2018 dans la limite des sommes appelées en référence aux mises en demeure des 10 octobre 2017, 18 octobre 2017, 06 avril 2018 et 13 avril 2018 pour un restant dû de 29.341,50 euros en cotisations, 4.944 euros en majorations et 2.978,68 euros en pénalités, soit un total de 37.264,18 euros ;
CONDAMNE la Sarl [1] à verser à l'Urssaf d'Alsace la somme de 37.264,18 euros de cotisations, pénalités et majorations de retard en référence aux sommes restant dues au titre des mises en demeure des 10 octobre 2017, 18 octobre 2017, 06 avril 2018 et 13 avril 2018 ;
RAPPELLE que les frais de recouvrement afférents à la délivrance de la contrainte et aux actes qui lui font suite sont à la charge de la Sarl [1] dont l'opposition n'est pas fondée ;
CONDAMNE la Sarl [1] à payer à l'Urssaf d'Alsace les frais de signification de la contrainte de 71,93 euros ;
DEBOUTE la Sarl [1] de sa demande à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la Sarl [1] aux dépens de première instance et d'appel ;
REJETTE les demandes des parties sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel.
Le Greffier,Le Président