MINUTE N° 22/616
NOTIFICATION :
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 21 Juillet 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 20/01685 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HK7F
Décision déférée à la Cour : 15 Juin 2020 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE
APPELANT :
Monsieur [W] [G]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représenté par Me Jean-luc ROSSELOT, avocat au barreau de MULHOUSE
INTIMEES :
CPAM DU HAUT RHIN
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparante en la personne de Mme [R] [N], munie d'un pouvoir
Société [5]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Représentée par Me Lionel BINDER, avocat au barreau de MULHOUSE, substitué par Me HARTER, avocat au barreau de Colmar
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCEDURE
Le 26 avril 2017, la société [5] a établi à fin de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin au titre de la législation professionnelle une déclaration d'accident du travail dont son salarié, M. [W] [G], a été victime le 25 avril 2017.
Par décision du 2 mai 2017, la CPAM du Haut-Rhin a accepté de prendre en charge cet accident du travail.
Par courrier du 5 septembre 2018, M. [W] [G] a sollicité, auprès de cette même caisse, la mise en oeuvre de la procédure préalable pour faute inexcusable de son employeur.
Faute de conciliation, par courrier expédié le 25 octobre 2018, M. [W] [G] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Haut-Rhin d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident le 25 avril 2017.
Par jugement du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Mulhouse remplaçant le tribunal de grande instance lui même remplaçant le TASS a :
- déclaré le recours introduit par M. [W] [G] recevable ;
- dit que l'accident dont M. [W] [G] a été victime le 25 avril 2017 n'est pas dû à la faute inexcusable de la société [5] ;
- débouté M. [W] [G] du surplus de ses demandes ;
- rejeté la demande présentée par la société [5] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
M. [G] a formé appel par voie électronique le 25 juin 2020 et le 8 juillet 2020, ce qui a généré deux enregistrements de dossiers lesquels, par ordonnance du 4 février 2021, ont été joints sous le n°RG 20/1685.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes des ses conclusions transmises par voie électronique le 27 août 2021, M. [G] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 15 juin 2020 ;
statuant à nouveau :
- dire et juger que la société [4] a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail survenu à son préjudice en date du 25 avril 2017 ;
en conséquence :
- ordonner le doublement de la rente accident du travail qui lui sera versée par la CPAM ;
- ordonner une expertise médico-légale à l'effet de :
*déterminer les différents taux d'incapacité qu'il a subis conformément à la nomenclature Dintilhac,
*déterminer, en les qualifiant, le pretium doloris temporaire et définitif, le préjudice esthétique temporaire et définitif et le préjudice d'agrément qu'il a subis ainsi que le déficit fonctionnel temporaire ;
- fixer le montant de l'indemnité provisionnelle devant lui être versée par la CPAM à hauteur de la somme de 4 000 euros ;
- dire et juger que la CPAM de [Localité 3] pourra exercer son recours subrogatoire sur ce montant auprès de la société [4] ;
- lui réserver le soin de conclure ultérieurement après le dépôt du rapport d'expertise ;
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;
- déclarer le jugement commun et opposable à la CPAM de [Localité 3] ;
- condamner la société [4] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens.
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 3 septembre 2021, la société [5] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris ;
- débouter M. [G] de sa demande tendant à la reconnaissance d'une faute inexcusable ;
- condamner M. [G] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux frais et dépens.
Aux termes de ses conclusions reçues le 12 octobre 2021, la CPAM demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant de la reconnaissance de la faute de la société [5] ;
si le jugement attaqué devait être infirmé :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour s'agissant des réparations complémentaires visées aux articles L.452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale qui pourraient être attribuées à M. [W] [G] ;
- condamner l'employeur fautif à rembourser à la caisse, conformément aux dispositions des articles L.452-2 et L.452-3 précités le paiement de la majoration de la rente ainsi que le montant des préjudices personnels qui pourraient être alloués à la victime.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 12 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Interjeté dans les formes et délai légaux, l'appel est recevable.
Sur la faute inexcusable
M. [G] expose qu'il est de jurisprudence constante que le non-respect des règlements de sécurité est susceptible de justifier, à lui seul, la reconnaissance de la faute inexcusable.
Il explique qu'il est intervenu pour manipuler une électrovanne sur une installation afin de libérer une pièce, sa main ayant été coincée contre la bride du montage, occasionnant une fracture pluri-fragmentaire à la tête du 3ème métacarpe de sa main droite.
Il fait valoir que la société [4] n'a pas respecté les prescriptions réglementaires applicables, le procès-verbal de réunion extraordinaire du [2] de l'usine mécanique de la société [4] ayant mis en exergue qu'il n'existait aucun mode opératoire écrit visant à l'intervention d'un conducteur d'installation sur l'installation en cause, ce qu'a précisément constaté et déploré l'inspectrice du travail au cours de la réunion du 28 avril 2017 du [2], de sorte que la société [5] a contrevenu aux dispositions de l'annexe 1 prévue à l'article R.4312-1 du code du travail en ne donnant aucune instruction sous forme de note de service ou d'indication figurant sur l'installation pour définir un mode opératoire présidant à l'intervention des conducteurs d'installation.
Il considère que son employeur est directement à l'origine de son accident du travail, la conscience du danger de la société [5] découlant de l'existence d'une réglementation en matière d'hygiène et de sécurité spécifique qu'elle se devait d'appliquer rendant nécessaire de définir un mode opératoire à travers une instruction à côté de l'installation en cause, cette conscience du danger étant, en outre, accrue par le fait que l'accident survenu au préjudice de M. [G] constituait le deuxième accident sur une installation de ce type en moins d'un an.
Il conteste avoir commis une faute puisqu'au regard de la configuration de l'installation, il n'y avait pas de possibilité d'intervenir pour libérer une pièce soumise à blocage sans actionner les électrovannes étant souligné qu'il n'a bénéficié d'aucune formation spécifique sur la conduite à tenir en cas d'intervention pour remédier à ce type de panne.
Il précise que la société [5] fait une confusion entre la délivrance d'instructions relatives aux règles de sécurité en général et l'existence d'un mode opératoire qui est requis pour chacune des machines présentant un danger potentiel au sein de laquelle un opérateur est amené à intervenir, soulignant qu'il a respecté toutes les précautions d'usage pour garantir sa sécurité.
Il ajoute qu'à aucun moment il n'a été fait état d'une interdiction totale de forcer une électrovanne concernant cette installation spécifique et qu'il n'avait pas d'autre alternative que celle d'entrer dans l'installation, l'ensemble des distributeurs étant situé à l'intérieur de celle-ci, un marchepied et des poignées de maintien ayant été installées pour en faciliter l'accès, les conducteurs d'installation rentrant systématiquement dans l'installation lors des changements d'outils d'usinage et pour le contrôle de qualité de pièces.
Il entend rappeler que la faute commise par l'employeur ne doit pas être nécessairement la cause déterminante de l'accident et que même s'il a pu commettre une faute, celle-ci n'est pas de nature à exclure la faute inexcusable de l'employeur.
La société [5] répond que M. [G] a largement été formé aux règles de sécurité applicables aux installations robotisées et automatisées mais les a méconnues, cette seule méconnaissance étant à l'origine de accident du travail.
Elle souligne que des instructions écrites définissent les règles de sécurité existent et que M. [G] a suivi au moins cinq formations spécifiques aux différents postes de conducteur d'installation occupés et des formations «'IPS'» (instructions Permanentes de Sécurité) spécifiques aux installations robotisées et automatisées et a bénéficié de briefings de sécurité réguliers notamment au retour des congés de sorte qu'il savait que, dans une installation automatisée et/ou robotisée, il est interdit de forcer une électrovanne.
Elle considère avoir pris des mesures destinées à prémunir M. [G] d'un accident puisqu'il a été formé aux interventions sur le distributeur litigieux et informé de l'interdiction de forcer une électrovanne, la cause de l'accident n'étant pas l'absence de formation ou d'instruction mais le choix de M. [G] de méconnaître une règle de sécurité qu'il connaissait.
Aux termes du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Par application des dispositions combinées des articles L.452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été l'origine déterminante de l'accident du travail dont a été victime le salarié mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée, alors même que d'autres fautes y compris la faute d'imprudence de la victime, auraient concouru au dommage.
Il incombe à M. [G] de prouver que son employeur qui avait ou devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Au regard de la pertinence de la motivation du jugement entrepris, il y a lieu de le confirmer étant souligné que bien que la société [5] ait suffisamment informé M. [G] des règles de sécurité applicables mais l'ait aussi formé à l'utilisation de la machine en cause, l'interdiction de forcer une électrovanne ayant été spécifiquement portée à sa connaissance, le salarié a été amené à forcer l'électrovanne, ce qui a occasionné l'accident du travail dont il a été victime.
Sur les dépens et les frais de procédure
Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.
A hauteur d'appel, M. [G] est condamné aux dépens ainsi qu'à payer à la société [5] la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [G] est débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré :
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 15 juin 2020 ;
Y ajoutant :
CONDAMNE M. [W] [G] aux dépens de la procédure d'appel ;
CONDAMNE M. [W] [G] à payer à la société [5] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés à hauteur d'appel ;
DEBOUTE M. [W] [G] de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure d'appel.
Le Greffier,Le Président,