MINUTE N° 22/614
NOTIFICATION :
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 21 Juillet 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 20/01958 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLN2
Décision déférée à la Cour : 18 Décembre 2019 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
Madame [M] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Vincent MAJERLE, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me RAUCH, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
CPAM DU BAS RHIN
[Adresse 1]
[Localité 6]
Comparante en la personne de Mme [R] [T], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCEDURE
Le 6 octobre 2014, Mme [M] [J] a établi une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour une « sciatique L5 gauche » à fin de prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin au titre de la législation professionnelle en y joignant un certificat médical initial du 27 juin 2014 évoquant une sciatique L5 gauche, maladie hors tableau et une première constatation médicale de la maladie au 3 décembre 2008.
Après instruction et avis du 21 janvier 2016 du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 6] [Localité 4]-[Localité 5], la CPAM, le 4 février 2016, a notifié à Mme [J] un refus de prise en charge.
Le 25 février 2016, Mme [J] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM du Bas-Rhin.
Faute de réponse dans le délai imparti, par lettre expédiée le 3 mai 2016, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Bas-Rhin pour contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par jugement du 1er mars 2017, le TASS a notamment ordonné la transmission du dossier au CRRMP de la région de Nancy-Nord-Est et invité ce comité à préciser si l'affection dont souffre Mme [J] est imputable à ses conditions de travail.
Le 16 octobre 2017, ce CRRMP a émis un avis défavorable à la reconnaissance en maladie professionnelle au motif qu'un lien direct et essentiel ne pouvait être établi entre la pathologie présentée et l'activité professionnelle exercée.
Par jugement du 29 novembre 2018, le TASS a, notamment, ordonné la saisine du CRRMP de Dijon afin qu'il donne son avis sur l'existence d'un lien direct entre la pathologie déclarée et l'exposition professionnelle de Mme [J].
Le 24 juin 2019, ce CRRMP a émis un avis défavorable à la reconnaissance en maladie professionnelle aux motifs qu'il n'existait pas de lien direct (ni de lien direct et essentiel) entre la pathologie déclarée et l'exposition professionnelle de Mme [M] [J].
Par jugement du 18 décembre 2019, le tribunal judiciaire de Strasbourg remplaçant le TASS a :
- confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM du Bas-Rhin ;
- dit que la maladie du 27 juin 2014 dont est atteinte Mme [J] ne peut être prise en charge au titre du risque professionnel ;
- débouté Mme [J] de toutes ses demandes ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
- condamné Mme [J] aux dépens.
Par courrier expédié le 20 juillet 2020, Mme [J] a formé appel à l'encontre de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 21 avril 2022, Mme [J] demande à la cour de :
- dire et juger son appel recevable et bien fondé ;
- infirmer le jugement du 18 décembre 2019, RG n° 18/01934, du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg ;
avant dire droit :
- au titre du respect du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable, ordonner la communication aux parties des éléments sur lesquels se base l'avis du CRRMP de Dijon, plus particulièrement :
* l'entier dossier de la procédure
* l'avis de l'ingénieur de la CARSAT de Bourgogne Franche Comté
* le rapport du service du contrôle médical destiné au CRRMP en date du 19 janvier 2015
* le rapport d'enquête administrative clôturée le 5 mai 2011 pour une maladie déclarée en 2014
* les éléments listés à l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale ;
- enjoindre à la CPAM de lui communiquer les informations et documents complémentaires transmis au CRRMP de Dijon dont ceux visés à l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale ;
- si la cour l'estime utile aux débats, ordonner un complément d'instruction ou une expertise judiciaire aux fins de déterminer le lien entre la maladie et l'activité professionnelle ;
- en tout état de cause :
* annuler ensemble, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable et la décision de refus de reconnaissance de la CPAM du 4 février 2016 ;
* dire et juger que la maladie professionnelle dont elle souffre est en lien avec l'activité professionnelle et doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle ;
* enjoindre à la CPAM du Bas-Rhin de liquider ses droits au titre de la législation professionnelle dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
* condamner la CPAM du Bas-Rhin à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions reçues le 9 septembre 2021, la CPAM demande à la cour de :
- constater que le CRRMP région de Strasbourg Alsace Moselle a rendu un avis défavorable à la reconnaissance de maladie professionnelle sollicitée par Mme [J] ;
- constater que le CRRMP région de Nancy Nord-Est a également rendu un avis défavorable à la reconnaissance de maladie professionnelle sollicitée par Mme [J] ;
- constater que le CRRMP de Dijon a lui aussi rendu un avis défavorable à la reconnaissance de maladie professionnelle sollicitée par Mme [J] ;
- débouter Mme [J] de toutes ses demandes tendant à une injonction de communication de pièces et de condamnation sous astreinte ainsi que de 1500 euros d'article 700 du code de procédure civile ;
- dire et juger que la maladie du 27 juin 2014 dont est atteinte Mme [J] ne peut être prise en charge au titre du risque professionnel ;
- confirmer la décision de refus de prise en charge au titre de risque professionnel de la maladie de Mme [J].
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées et soutenues oralement à l'audience du 12 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
Mme [J] a reçu notification du jugement entrepris le 10 mars 2020.
Au regard des dispositions combinées de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 qui a prorogé jusqu'au 10 juillet 2020 inclus l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi d'urgence n°2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19, de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 et de l'ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020, la prorogation des délais s'applique à ce délai d'appel.
Le délai d'appel dont bénéficiait Mme [J] s'achevait le 10 avril 2020 soit dans la période allant du 12 mars 2020 au 23 juin 2020, de sorte que l'intéressée disposait d'un délai d'appel prorogé jusqu'au 23 juillet 2020.
Son appel est donc recevable.
Sur la reconnaissance de la maladie professionnelle de Mme [J]
Mme [J] expose qu'elle souffre d'une hernie discale L4-L5 ayant provoqué une sciatique L5 gauche paralysante, expressément désignée dans les tableaux 97 et 98 des maladies professionnelles de sorte que l'instruction de sa situation doit s'effectuer au regard de l'alinéa 3, devenu alinéa 6, de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, ce qui implique que, dès lors que sa maladie ne remplit pas toutes les conditions prévues par le tableau, la reconnaissance de maladie professionnelle est acquise quand il existe un lien direct entre la maladie et l'activité professionnelle.
Elle considère que le second CRRMP de Nancy est allé au-delà de sa mission car au lieu de donner son avis concernant l'imputabilité de la pathologie dont elle souffre avec ses conditions de travail, il s'est imposé la démonstration d'un lien direct et essentiel entre la maladie et le travail alors qu'il n'était pas spécifiquement interrogé sur le fondement des prescriptions de l'alinéa 7, ancien aliéna 4, de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale.
S'agissant du CRRMP de Dijon qui a été d'avis qu'il n'existait pas de lien direct ni direct et essentiel entre la pathologie déclarée et l'exposition professionnelle, Mme [J] soutient qu'il ne peut être retenu dans la mesure où le CRRMP relève qu'il n'a pas compétence pour se prononcer sur l'existence d'un lien direct entre la pathologie déclarée et le travail de l'assurée dans les dossiers de maladies professionnelles hors tableau, instruites au titre du 4 ème alinéa (7 ème alinéa), mais qu'il l'a sur l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et le travail de l'assurée, ce qui va à l'encontre de la jurisprudence mais également du jugement du TASS du Bas-Rhin qui l'a saisi.
Elle souligne que ce CRRMP ne fait référence qu' à la seule manutention manuelle de charges en visant la norme NF 35-109 alors, qu'au titre de la jurisprudence, une affection peut être rattachée à un tableau de maladie professionnelle même si le salarié n'a pas exercé les travaux mentionnés.
Elle s'étonne, d'une part, de ce que pour établir son avis le CRRMP de Dijon retient qu'il n'existe à ce jour aucun argument opposable à l'avis du CRRMP de Strasbourg, alors même que ce comité retient la notion et l'existence de contraintes posturales de la colonne rachidienne et, d'autre part, qu'il fasse référence à un certain nombre d'éléments au dossier dont elle n'a pas eu connaissance et n'a pu débattre.
Sur le respect du principe du contradictoire et le droit à un procès équitable, Mme [J] fait état de ce que, pour rendre son avis, le CRRMP de Dijon vise notamment le dossier de la procédure qui comprend l'avis de l'ingénieur de la CARSAT de Bourgogne Franche Comté, le rapport du service du contrôle médical destiné au CRRMP en date du 19 janvier 2015 et à un rapport d'enquête administrative clôturée le 5 mai 2011 pour une maladie déclarée en 2014 dont elle n'a pas eu communication alors que l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale liste l'ensemble des éléments et documents qui doivent figurer au dossier que la CPAM a l'obligation de communiquer au CRRMP.
Elle considère que ne peut lui être refusée une communication concomitante au titre des principes généraux évoqués ci-avant, étant souligné que l'avis du CRRMP de Dijon ne vise pas l'avis du médecin du travail dans le dossier de la procédure, ce qui le rend irrégulier.
Sur le lien entre la maladie et le travail, Mme [J] indique que la cour n'est pas liée par l'avis d'un CRRMP dont l'avis est contesté ; elle précise qu'elle occupait un emploi de femme de ménage et femme de chambre, ce qui l'a soumise à des gestes et postures contraignants.
La CPAM répond qu'elle a transmis le dossier à un CRRMP car la maladie de Mme [J] ne figurait pas dans un tableau de maladies professionnelles et que son taux d'incapacité permanente prévisible étant au moins de 25 %, l'avis rendu par ce comité étant défavorable, que le TASS a demandé l'avis d'un deuxième CRRMP qui a été d'avis qu'il n'y avait pas de lien direct et essentiel entre pathologie et activité professionnelle, le troisième CRRMP saisi ayant été d'avis qu'il n'y avait pas de lien direct ni de lien direct essentiel entre la pathologie et l'exposition professionnelle.
Elle souligne que la demande de Mme [J] porte sur une reconnaissance de maladie hors tableau, de sorte que son argumentaire selon lequel sa maladie est visée par le tableau 98 ne peut aboutir.
Sur le principe du contradictoire et la consultation des pièces du dossier, la CPAM indique que Mme [J] a eu accès à son dossier à tous les moments de la procédure, les éléments soumis à chaque CRRMP étant identiques.
Mme [J] soutient que la maladie qu'elle a déclarée est visée par les tableaux n°97 et n°98 des maladies professionnelles.
Toutefois, il ressort des pièces produites par la CPAM que le 2 novembre 2014, Mme [J] a écrit à la caisse pour lui demander expressément de traiter sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre d'une maladie hors tableau, de sorte que c'est, dans cet unique cadre, que l'analyse du caractère professionnel de la maladie de l'assurée doit être appréciée, étant souligné que cette dernière s'était déjà vu opposer par la caisse un refus de prise en charge de sa pathologie le 1er août 2011 au titre du tableau n°98 des maladies professionnelles.
Aux termes des dispositions combinées des articles L.461-1 alinéas 4 et 5 et R.461-8 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable aux faits de l'espèce, peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L.434-2 du même code et au moins égal à 25%.
Trois CRRMP ont été saisis pour avis dans le cadre de la demande de reconnaissance de sa maladie par Mme [J] au titre de la législation professionnelle.
Tous sont d'avis qu'aucun lien direct et essentiel ne peut être établi entre la pathologie de Mme [J] et son activité professionnelle, ces trois avis étant suffisamment motivés, étant souligné que si le CRRMP de Dijon vise la norme NF35-109 relative à la manutention manuelle de charges, cela ne signifie pas qu'il n'a pris en compte que cette norme pour donner son avis.
S'agissant du principe contradictoire et du droit à un procès équitable invoqués par Mme [J], c'est avec pertinence que le tribunal judiciaire a retenu que les textes du code de la sécurité sociale qu'il a visés prévoient une information du salarié sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de lui faire grief avant la transmission du dossier au CRRMP, aucun texte ne prévoyant que ce comité communique à l'assuré les éléments visés dans l'avis du comité, étant souligné que, ne s'agissant que d'un avis, l'assuré a l'opportunité de produire des éléments contraires lors des débats devant la juridiction qui doit statuer.
Il y a donc lieu de débouter Mme [J] de sa demande tendant à la communication des éléments sur lesquels se base l'avis du CRRMP de Dijon ainsi que de sa demande de communication des informations et documents complémentaires transmis au CRRMP de Dijon lequel s'est vu adresser un dossier constitué avec les éléments prescrits par les dispositions de l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux faits de l'espèce.
Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.
De surcroît, s'il est vrai que le CRRMP de Dijon n'a pas coché la case correspondant à l'avis motivé du médecin du travail, il ressort de l'avis même de ce comité qu'il a eu connaissance de la situation de Mme [J] au regard de la médecine du travail puisqu'il y fait état de l'absence de suivi de cette dernière en santé au travail.
Il y a donc lieu de considérer que le principe contradictoire a été respecté et que l'avis du CRRMP de Dijon est régulier.
Considérant que les trois CRRMP qui ont eu a se positionner sur la situation de Mme [J] ont tous trois été d'avis que la pathologie de cette dernière n'avait pas de lien direct et essentiel avec son activité professionnelle et que Mme [J] n'apporte pas d'éléments suffisants pour les contredire, il y a lieu de débouter l'assurée de sa demande de reconnaissance de sa maladie au titre de la législation professionnelle sans qu'un complément d'instruction soit nécessaire et ainsi de confirmer le jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais de procédure
Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.
A hauteur d'appel, Mme [J] est condamnée aux dépens et elle est déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et en avoir délibéré :
DECLARE l'appel de Mme [M] [J] recevable ;
CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 18 décembre 2019 ;
Y ajoutant :
CONDAMNE Mme [M] [J] aux dépens de la procédure d'appel ;
DEBOUTE Mme [M] [J] de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure d'appel.
Le Greffier,Le Président,