ZEI/KG
MINUTE N° 22/901
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 22 Novembre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/00100
N° Portalis DBVW-V-B7F-HOXD
Décision déférée à la Cour : 17 Novembre 2020 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE
APPELANTE :
Madame [R] [H]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Nicolas DESCHILDRE, avocat au barreau de MULHOUSE
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. JENNER ET ASSOCIES prise en la personne de Maître [C] [P] ès qualité liquidateur de la société NIDAL,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour
Association CGEA AGS DE [Localité 4] - L'UNEDIC Délégation AGS (CGEA de [Localité 4]), Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale,
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Marc STAEDELIN, avocat au barreau de MULHOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. EL IDRISSI, Conseiller
Mme ARNOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par MmeDORSCH, Président de Chambre Mme THOMAS,
Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [R] [H], née le 11 mai 1973, a été embauchée en qualité d'assistante administrative et commerciale par la Sas Nidal suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 avril 2006.
Elle a été promue au poste de responsable logistique à compter du 1er avril 2012.
La relation contractuelle était régie par les dispositions de la convention collective nationale métropolitaine des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, dite SDLM du 23 avril 2012.
Mme [R] [H] a bénéficié de deux arrêts de travail pour maladie du 18 septembre au 1er octobre 201897 et du 17 octobre au 15 novembre 2017.
Elle a bénéficié également d'un arrêt de travail depuis le 23 novembre 2017 suite à un malaise, déclaré en accident de travail et pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par acte introductif d'instance du 23 mai 2018, Mme [R] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et d'obtenir diverses sommes nées de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
À l'issue de la visite médicale de reprise du 8 octobre 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [R] [H] inapte, en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Mme [R] [H] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 5 novembre 2018, puis elle a été licenciée le 7 novembre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Saisie par Mme [R] [H] en date du 21 décembre 2018, la formation des référés du conseil de prud'hommes de Mulhouse a, par ordonnance du 7 février 2019 :
- condamné la Sas Nidal à payer à Mme [R] [H] les sommes suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter de la décision :
* 20.457 euros net au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,
* 6.115,80 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- dit que la moyenne des trois derniers mois de rémunération de Mme [R] [H] s'élève à la somme de 3.057,90 euros bruts,
- invité Mme [R] [H] à mieux se pourvoir en renouvelant sa demande au titre des congés payés auprès des juges du fond,
- condamné la Sas Nidal aux entiers frais et dépens.
Par jugement du 13 mars 2019, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la Sas Nidal, et désigné la Selarl Jenner&Associés en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 17 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a :
- confirmé l'ordonnance de référé du 07 février 2019,
- rejeté la demande de résiliation judiciaire et les demandes indemnitaires qui en découlent,
- constaté le licenciement pour inaptitude de Mme [R] [H] intervenu le 07 novembre 2018,
- constaté et fixé au profit de Mme [R] [H] les créances suivantes :
* 20.457 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,
* 6.115,80 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,
* 611,58 euros brut au titre des congés payés sur préavis,
* 6.406,85 euros brut au titre des congés payés,
- dit que les intérêts au taux légal sont dus à compter du 25 mai 2018 au 13 septembre 2019,
- dit que le jugement est opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 4],
- condamné la Selarl Jenner&Associés, ès qualités, aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et dit que ceux-ci seront prélevés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par déclaration reçue le 16 décembre 2020 au greffe de la cour par voie électronique, Mme [R] [H] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures reçues le 4 octobre 2021 au greffe de la cour par voie électronique, Mme [R] [H] demande à la cour de :
- déclarer l'appel incident de l'intimée irrecevable et en tout cas mal fondé,
- infirmer le jugement entrepris, sauf sur les montants alloués au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice des congés payés sur préavis, de l'indemnité de congés payés et des frais irrépétibles, puis statuant à nouveau,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,
- dire et juger que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul, subsidiairement d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, fixer à son profit les créances suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :
* 55.042,20 euros net, subsidiairement 33.636,90 en application du barème de l'article 1235-3 du code du travail, à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement dénué de cause réelle et sérieuse,
* 18.347,40 euros net au titre de l'altération de son état de santé,
* 12.231,60 euros net au titre des conséquences financières de la perte injustifiée de l'emploi,
* 3.057,90 net en raison de la perte du bénéfice de la mutuelle et de la prévoyance,
* 9.173,70 euros net au titre de la perte du niveau de vie,
* 6.115,80 euros net à titre de dommages-intérêts du fait de l'humiliation du chômage et du préjudice moral,
* 6.115,80 euros du fait de l'absence de formation,
* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les intimées en tous les frais et dépens de la procédure, y compris ceux exposés pour l'exécution de la décision à intervenir,
- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 4].
Aux termes de ses dernières écritures reçues le 16 juin 2021 au greffe de la cour par voie électronique, la Selarl Jenner&Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Nidal, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire et les demandes indemnitaires qui en découlent, et en ce qu'il a constaté le licenciement pour inaptitude de la salariée, intervenu le 7 novembre 2018,
Sur appel incident,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et dit que ceux-ci seront prélevés en frais privilégiés de liquidation judiciaire, puis statuant à nouveau,
- dire qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande résiliation judiciaire,
- dire et juger la demande de résiliation judiciaire irrecevable et en tous les cas, infondée,
- débouter Mme [R] [H] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [R] [H] aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures reçues le 22 mars 2021 au greffe de la cour par voie électronique, l'AGS-CGEA de [Localité 4], demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et débouter l'appelante de ses fins et conclusions. À titre subsidiaire, elle rappelle les conditions et limites de sa garantie.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 26 novembre 2021.
Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.
MOTIFS
Sur la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail
Il se déduit des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le salarié peut demander au conseil de prud'hommes la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur à ses obligations. Si cette demande est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les manquements de l'employeur sont souverainement appréciés par les juges, qui peuvent tenir compte de toutes les circonstances intervenues jusqu'au jour du jugement.
Les faits allégués doivent présenter une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail.
C'est au salarié qui invoque la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur de justifier des faits ou manquement invoqués à l'encontre de ce dernier et de ce qu'ils étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande était justifiée ; si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
En l'espèce, à l'appui de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, Mme [R] [H] fait valoir pour l'essentiel :
- qu'elle a été victime, le 28 août 2017, d'une agression physique de la part de Mme [L] [K], alors coach externe à la société qui lui aurait cogné fortement de ses doigts et de manière répétée la tempe, ce qui est attesté par son époux et Mme [X] [B], sa collègue de travail, et bien qu'informé, l'employeur n'a pris aucune mesure nécessaire pour faire cesser de tels agissements ;
- qu'elle pouvait légitimement craindre la perpétuation de tels agissements lors de son retour de maladie, d'autant plus que Mme [L] [K] avait été embauchée par la suite en qualité de directrice d'exploitation et était ainsi devenue sa supérieure hiérarchique ;
- qu'elle a été mise à l'écart de certaines missions, le dirigeant lui interdisant de réceptionner les lettres recommandées, la désignant comme responsable des retards de salaire, et ne lui ayant communiqué que tardivement et de manière incomplète la liste du matériel à faire transporter vers un salon se déroulant les 21 et 22 octobre 2017, et Mme [L] [K] lui faisant le reproche d'avoir transmis lors d'une urgence son numéro de téléphone portable, et celle-ci mettant en place un nouveau système de pointage incompréhensible et démontrant le manque de confiance à son égard ;
- qu'elle n'a pas bénéficié d'une visite médicale de reprise après son arrêt de travail du 17 octobre au 15 novembre 2017, ce qui aurait permis d'empêcher l'accident de travail dont elle a été victime le 23 novembre 2017 ;
- qu'elle n'a pas bénéficié spontanément du maintien de son salaire pendant son arrêt de travail pour maladie du 18 septembre au 1er octobre 2017, ce qui démontre l'intention de l'employeur de lui nuire ;
- que la Sas Nidal avait l'intention de se débarrasser d'elle, puisqu'elle avait mis une annonce, via la société Adecco, pour recruter une personne en 'mission intérimaire longue durée en vue d'embauche en contrat à durée indéterminée' ;
- que bien qu'elle ait tenté de reprendre le travail à diverses reprises, la crainte de travailler et d'être sous la responsabilité de son agresseur était trop difficile à vivre, ce qui est la conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
- que la dégradation de son état de santé est attestée par M. [J] [H], son époux, Mme [X] [B], sa collègue de travail, et le docteur [Z] [W], psychiatre qui a diagnostiqué un 'syndrome anxio-dépressif en réaction à des facteurs de stress professionnels importants'.
En premier lieu, Mme [R] [H] ne justifie par aucun élément ni de l'agression physique dont elle déclare avoir été victime le 28 août 2017 de la part de Mme [L] [K], ni de la reconnaissance par l'employeur de cette agression.
Comme elle le reconnaît elle-même, les témoignages qu'elle produit aux débats de M. [J] [H], son époux, et de Mme [X] [B], sa collègue de travail, sont indirects, ces derniers n'ayant pas assisté à ladite agression et ne faisant que rapporter le récit qui en a été fait par elle.
En deuxième lieu, il ressort du courrier adressé le 21 septembre 2017 par Mme [R] [H] à son employeur, et produit en pièce n°5, que la salariée a eu un entretien avec le président de la Sas Nidal dès le 29 août 2017, au sujet de l'agression dont elle déclare avoir été victime la veille au 28 août 2017.
Il ne peut être valablement reproché à l'employeur de n'avoir pris aucune mesure nécessaire pour faire cesser les agissements de Mme [L] [K], alors que cette dernière ne les a pas reconnus et que Mme [R] [H] n'en a pas établi la preuve.
Pour les mêmes raisons, il ne peut lui être valablement reproché d'avoir engagé par la suite Mme [L] [K] en qualité de directrice d'exploitation, qui était devenue de ce fait la supérieure hiérarchique de Mme [R] [H], étant observé que cette embauche avait pour but de pallier les absences du dirigeant de l'entreprise qui était souvent en déplacement en France et en Autriche, et qu'en tout cas, l'évolution du mode de direction au sein de l'entreprise relève du pouvoir de l'employeur.
En troisième lieu, il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir décidé que les lettres recommandées avec accusé de réception seraient réceptionnées uniquement par le dirigeant, M. [S] [Y], ou Mme [L] [K], directrice d'exploitation, s'agissant d'une mesure qui relève de son pouvoir de direction.
Au surplus, il n'est pas contesté que la réception des lettre recommandées n'était pas une tâche exclusivement réservée à Mme [R] [H], ni que les autres missions de cette dernière sont demeurées inchangées.
En quatrième lieu, Mme [R] [H] ne justifie pas de ce qu'elle aurait été désignée, par courriel du 26 juillet 2017, comme responsable des retards dans le paiement des salaires.
En effet, dans ce courriel, Mme [L] [K] l'avait juste informée qu'un virement de 15.000 euros qu'elle devait opérer depuis le compte de l'entreprise ouvert auprès de la banque Crédit Mutuel vers le compte ouvert au sein de la Banque populaire, et qui devait servir au paiement des salaires, n'était toujours pas parvenu à destination.
Mme [L] [K] lui demandait à juste titre de lui confirmer si ledit virement avait bien été effectué, et de l'informer quand la somme serait sur le compte de la Banque populaire.
En cinquième lieu, Mme [R] [H] ne peut sérieusement reprocher à l'employeur de ne lui avoir communiqué que le 10 octobre 2017 la liste du matériel à faire transporter vers un salon se déroulant les 21 et 22 octobre 2017, étant au surplus observé que l'organisation de la participation audit salon relève du seul pouvoir de l'employeur, et que la salariée ne justifie par aucun élément ni que la liste fournie était incomplète ni que le délai entre la communication de la liste et le début du salon n'était pas suffisant, ni encore que des reproches lui auraient fait au cours de la tenue dudit salon.
En sixième lieu, à supposer même que Mme [L] [K] ait reproché à Mme [R] [H] d'avoir transmis son numéro de téléphone portable, ce qui n'est établi par aucun élément, ce reproche aurait été justifié dans la mesure où cette transmission ne pouvait être faite, même en cas d'urgence, sans l'autorisation de l'intéressée.
En tout cas, s'il y avait vraiment urgence, il appartenait à la salariée d'en référer elle-même directement à Mme [L] [K] et de la laisser décider des suites à donner.
En septième lieu, Mme [R] [H] ne saurait valablement reprocher à la Sas Nidal d'avoir mis en place un nouveau système de pointage, s'agissant d'une mesure relevant du pouvoir de direction de l'employeur.
De plus, la salariée indique avoir constaté que les heures de pointage étaient falsifiées par Mme [L] [K], mais procède par simple voie d'affirmation sans en justifier et sans même demander un rappel de salaire à ce titre.
En huitième lieu, selon l'article R. 4624-31 du code du travail, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins trente jours pour cause de maladie.
Il est constant que Mme [R] [H] a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie du 17 octobre au 15 novembre 2017, soit pendant 30 jours, et qu'elle n'a pas bénéficié de la visite médicale de reprise prévue à cet article.
En neuvième lieu, Mme [R] [H] a bénéficié du maintien de salaire pendant son arrêt de travail pour maladie du 18 septembre au 1er octobre 2017.
Certes, le complément de salaire au titre de ce maintien ne lui pas été à la fin du mois de septembre, et il ne lui a été versé que le 3 octobre 2017.
Cependant, elle ne peut déduire de ce léger retard une intention de nuire de la part de son employeur.
En dixième lieu, Mme [R] [H] n'établit pas que son employeur avait l'intention de se débarrasser d'elle.
En effet, l'offre d'emploi proposée par la société d'intérim Adecco, qu'elle produit aux débats, ne fait pas référence à la Sas Nidal et est relative à un poste d'assistant commercial, alors que Mme [R] [H] exerçait les fonctions de responsable logistique.
En dernier lieu, concernant les certificats médicaux produits, s'il est constant que Mme [R] [H] est atteinte d'un syndrome anxio-dépressif, aucun élément ne permet de rattacher cet état aux conditions de travail, et la mention, dans le certificat établi le 7 février 2018 par le docteur [Z] [W], psychiatre, qu'il s'agit d'un 'syndrome anxio-dépressif en réaction à des facteurs de stress professionnels importants' résulte des seules déclarations de la salariée, et non des constatations de ce médecin.
Ainsi, il ressort de l'ensemble de ces éléments que seul le grief relatif à l'absence de visite médicale de reprise après l'arrêt de travail de la salariée pour maladie du 17 octobre au 15 novembre 2017, soit pendant 30 jours, est caractérisé.
Certes, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité, et les examens médicaux d'embauche, périodiques et de reprise du travail auxquels doivent être soumis les salariés concourent à la protection de leur santé et de leur sécurité.
Cependant, il n'est pas contesté que Mme [R] [H], embauchée depuis le 6 avril 2006 au sein de l'entreprise, soit pendant plus de 11 ans, a toujours bénéficié des examens médicaux périodiques.
Il est permis de penser que l'absence de visite médicale de reprise à l'issue de l'arrêt de travail litigieux procédait d'une erreur des services administratifs de l'employeur, probablement dans le décompte des jours de l'arrêt de travail, alors qu'en tout état de cause, Mme [R] [H] pouvait solliciter elle-même ladite visite.
En tout cas, cette erreur n'avait pas empêché la poursuite du contrat de travail, dans la mesure où Mme [R] [H] a effectivement pu travailler jusqu'au 23 novembre 2017, date à partir de laquelle elle avait bénéficié d'un autre arrêt de travail jusqu'à son licenciement.
Il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter les demandes de Mme [R] [H] en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et au titre des conséquences financières y afférentes, ce en quoi le jugement entrepris sera confirmé.
Sur le licenciement
Mme [R] [H] a été licenciée, le 7 novembre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Mme [R] [H] demande à la cour de déclarer ce licenciement nul, subsidiairement dénué de cause réelle et sérieuse, au motif que les éléments invoqués à l'appui de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, montrent que son inaptitude est la conséquence du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Par application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
Sa responsabilité est engagée à ce titre dès lors que le salarié a été confronté à une situation de danger et que l'employeur n'a pris aucune mesure concrète pour la prévenir et éviter son renouvellement, et pour l'en protéger.
En l'espèce, et comme il a été retenu ci-dessus par la cour, Mme [R] [H] n'établit pas avoir été confrontée à une situation de danger au cours de sa relation de travail.
D'ailleurs, si elle justifie de ce qu'elle présentait un syndrome dépressif à compter du 23 novembre 2017, date à partir de laquelle elle était en arrêt de travail jusqu'à son licenciement, force est de relever qu'elle ne produit aucun élément médical attestant d'une éventuelle dégradation de son état de santé susceptible d'avoir un lien avec ses conditions de travail, avant cette date.
Les raisons de ses quelques arrêts de travail pour maladie avant cette date demeurent inconnues, d'autant que seule une attestation de paiement des indemnités journalières y afférentes est versée aux débats.
Ainsi, Mme [R] [H] n'apporte pas la preuve de la dégradation de son état de santé qui serait liée aux conditions de son travail.
En conséquence, aucun manquement à son obligation de sécurité n'est établi à l'encontre de l'employeur.
La demande de Mme [R] [H] en nullité du licenciement, qui ne peut d'ailleurs pas découler du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la demande tendant à voir déclarer son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement dénué de cause réelle et sérieuse, la demande au titre de l'altération de son état de santé, la demande au titre des conséquences financières de la perte injustifiée de l'emploi, la demande de dommages-intérêts du fait de l'humiliation du chômage et du préjudice moral, et la demande au titre de la perte du niveau de vie seront rejetées.
Sur les demande au titre de la perte du bénéfice de la mutuelle et de la prévoyance
Mme [R] [H] sollicite la fixation à son profit d'une créance de 3.057,90 euros au motif que la rupture abusive de son contrat de travail l'a privée du bénéfice d'une couverture santé et prévoyance.
Toutefois, la cour n'a pas retenu le caractère abusif de la rupture, et Mme [R] [H] reconnaît avoir bénéficié du mécanisme de la portabilité qui permet au salarié de bénéficier de la mutuelle et de la prévoyance de l'entreprise pendant une durée maximale de 12 mois.
La demande n'est donc pas justifiée et sera rejetée.
Sur la demande au titre de l'absence de formation
L'article L. 6321-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable au litige, dispose : 'L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations'.
Mme [R] [H] sollicite la fixation à son profit d'une créance de 6.115,80 euros du fait de l'absence de formation.
Toutefois, force est de constater qu'elle ne démontre pas l'existence du préjudice qui est résulté pour elle de l'absence de formation, d'autant qu'elle indiqué avoir toujours donné satisfaction et que son professionnalisme était reconnu.
Il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter ce chef de demande.
Le jugement entrepris, qui n'a pas statué sur ce point, doit être complété en ce sens.
Sur les demandes au titre des indemnités de rupture et des congés payés
Mme [R] [H] ayant été licenciée pour inaptitude suite à son accident du travail du 23 novembre 2017, elle a droit en application de l'article L. 1226-4 du code du travail, à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés y afférents et à l'indemnité spécifique de licenciement, ce qui a été reconnu expressément par l'employeur dans la lettre de licenciement du 7 novembre 2018.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a fixé au profit de Mme [R] [H] les créances de 20.457 euros au titre de l'indemnité spécifique de licenciement, 6.115,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et 611,58 euros au titre des congés payés y afférents.
Il sera également confirmé en ce qu'il a fixé au profit de Mme [R] [H] une créance de 6.406,85 euros au titre de l'indemnité des congés payés, dont le nombre de jours acquis n'est contesté par aucun élément, étant rappelé qu'en application de l'article L. 3141-5 du code du travail, la période pendant laquelle l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail est considérée comme période de travail effectif ouvrant droit aux congés payés.
Sur l'opposabilité du présent arrêt à l'AGS-CGEA de [Localité 4]
Le présent arrêt doit être déclaré opposable à l'AGS/CGEA de [Localité 4] dont la garantie joue à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles et dans les limites et conditions fixées par les articles L.3253-8 à L.3253-13 et D. 3253-1 à D. 3253-5 du code du travail.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu''il a condamné la Selarl Jenner&Associés, ès qualités, aux dépens de la première instance, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À hauteur d''appel, la Selarl Jenner&Associés, ès qualités, qui succombe en partie, sera condamnée aux dépens d'appel.
Les demandes respectives de Mme [R] [H] et de la Selarl Jenner&Associés, ès qualités, au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Mulhouse en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
COMPLÈTE le dispositif du jugement entrepris comme suit :
'RJETTE la demande de Mme [R] [H] au titre de l'absence de formation' ;
REJETTE le surplus des demandes de Mme [R] [H] ;
REJETTE les demandes respectives de Mme [R] [H] et la Selarl Jenner&Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Nidal, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 4] dont la garantie joue à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles et dans les limites et conditions fixées par les articles L.3253-8 à L.3253-13 et D.3253-1 à D.3253-5 du code du travail ;
CONDAMNE la Selarl Jenner&Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Nidal, aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de chambre, et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,