EP/KG
MINUTE N° 22/908
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 22 Novembre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01915
N° Portalis DBVW-V-B7F-HR2N
Décision déférée à la Cour : 09 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAVERNE
APPELANT :
Monsieur [P] [V]
[Adresse 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Saïda BOUCHTI, avocat au barreau de STRASBOURG
bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/2641 du 11/05/2021
INTIMEE :
S.A. BRUNO SIEBERT
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 353 538 150
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Florence DREVET-WOLFF, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La Sa Bruno Siebert est spécialisée dans l'élevage, l'abattage et la distribution de produits volaillers.
La société est composée des services suivants :
* Abattoir,
* Découpe et bridage,
* Conditionnements,
* Logistique,
* Administratif.
Monsieur [P] [V] a été embauché par la société Bruno Siebert dans le cadre de missions d'intérim du 7 novembre 2011 au 31 juillet 2013.
Puis, il a été embauché en contrat à durée indéterminée le 1er août 2013, à un poste d'ouvrier polyvalent, contrat soumis à la convention collective nationale de la transformation de volailles.
Le 20 septembre 2016, Monsieur [V] a été victime d'un accident du travail.
Le médecin du travail, lors de la visite de pré-reprise du 8 novembre 2016, a conclu à :
* une mise en place d'un mi-temps thérapeutique,
* une exclusion des travaux répétitifs, la flexion en avant du tronc et la rotation
* une limitation du port de charges à 15 kg.
Le prononcé de ces restrictions sera maintenu par la médecine du travail à la suite de plusieurs périodes d'arrêt de travail entre novembre 2016 et janvier 2019 entrecoupées de visites de pré-reprise et de reprise.
Le 11 décembre 2018, Monsieur [V] a adressé à son employeur un arrêt de travail faisant état d'une rechute d'accident du travail.
Le 14 janvier 2019, lors de la première visite de reprise, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude en précisant les contre-indications suivantes :
- Au port de charges répétées de plus de 5 kilos,
- Aux flexions répétées ou prolongées du tronc vers l'avant
- A l'exposition aux températures négatives
- Aux vibrations liées aux engins autoportés et à la marche prolongée.
Par lettre du 23 janvier 2019, les caisses d'assurance maladie -accidents agricoles ont informé l'employeur que l'arrêt de travail du 11 décembre 2018 n'était pas reconnu au titre d'une rechute de l'accident du travail du 20 septembre 2016.
Par lettre du 18 février 2019, l'employeur a avisé le salarié qu'il n'était pas en mesure de lui proposer un poste adapté et que le comité social et économique a écarté la possibilité d'un reclassement à un poste de nature administrative.
Par lettre du 20 février 2019, Monsieur [V] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement.
Par lettre du 8 mars 2019, son licenciement lui a été notifié au motif d'inaptitude et d'impossibilité de le reclasser.
Par requête du 28 juin 2019, M. [P] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Saverne, section agriculture, d'une demande tendant à contester le bien-fondé de son licenciement, et aux fins d'indemnisation au titre du préavis, de l'indemnité spéciale de licenciement, de réparation de son préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement du 9 avril 2021, le conseil de prud'hommes a jugé que l'inaptitude de M. [V] était d'origine non professionnelle et débouté M. [V] de l'ensemble de ses prétentions en laissant les dépens à la charge de chacune des parties.
Par déclaration du 5 mai 2021, M. [V] a interjeté appel dudit jugement.
Par écritures, transmises par voie électronique le 3 juin 2021, M. [V] sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, sauf s'agissant de celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Il demande, par ailleurs " l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a soulevé le moyen tiré de la prescription ".
Et, en conséquence, Il sollicite la condamnation de la société Bruno Siebert à lui payer les sommes de :
* 4 021, 06 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 3 799,88 euros au type de l'indemnité spéciale de licenciement,
* 16 080 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
le tout avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2019,
* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de loyauté,
* 3 000 euros au titre de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991,
outre les dépens.
Par écritures, transmises par voie électronique le 20 septembre 2022, la Sa Bruno Siebert sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour déclarerait le licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle demande la limitation des dommages-intérêts à 3 mois de salaire, soit la somme de 6 031,59 euros.
Elle sollicite, en outre qu'il soit dit que l'action, relative à la requalification des contrats de mission d'intérim en CDI, est prescrite.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.
Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 27 septembre 2022.
MOTIFS
Sur la requalification des périodes de mise à disposition au titre de missions d'intérim en contrat à durée indéterminée, l'ancienneté et la prescription
Selon l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Selon l'article 2247 du code civil, les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.
Le délai de prescription de l'action en requalification des contrats de mission (ou d'intérim) en contrat à durée indéterminée, qui était de 5 ans en application de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, a été ramené à 2 ans, par l'article L 1471-1 du code du travail, créé par la loi du 14 juin 2013.
En cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Le conseil a considéré que les contrats de mise à disposition de M. [V] avait bien pour objet pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, mais que l'action aux fins de requalification était atteinte par la prescription biennale.
Monsieur [V] fait valoir que s'agissant de la requalification des périodes de mise à disposition en contrat de travail à durée indéterminée, le conseil de prud'hommes n'avait pas le pouvoir de soulever d'office la prescription.
La Sa Bruno Siebert réplique que la prescription étant une fin de non-recevoir, elle peut le soulever, pour la première fois, devant la Cour d'appel et que la demande requalification des contrats de mise à disposition en contrat à durée indéterminée est prescrite.
Si effectivement, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a soulevé d'office la prescription biennale de l'article L 1471-1 du code du travail, s'agissant d'une fin de non recevoir, au sens de l'article 122 du code de procédure civile, la Sa Bruno Siebert est en droit de l'invoquer, pour la première fois, à hauteur d'appel.
Or, il résulte de la combinaison des articles L 1471-1 et 1251-40 que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de mission à l'égard de l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat (notamment, Cass. Soc. 30 juin 2021 n°19-16655).
La dernière mission s'est terminée le 31 juillet 2013, de telle sorte que Monsieur [V] avait jusqu'au 1er août 2016 inclus (le 31 juillet étant un dimanche) pour invoquer la requalification précitée et ses conséquences juridiques sur l'ancienneté, de telle sorte qu'en l'espèce, l'action, est bien prescrite.
Dès lors, Monsieur [V] ne peut que bénéficier des dispositions de l'article L 1251-38 du code du travail selon lequel lorsque l'entreprise utilisatrice embauche, après une mission, un salarié mis à sa disposition par une entreprise de travail temporaire, la durée des missions accomplies au sein de cette entreprise au cours des 3 mois précédant le recrutement est prise en compte pour le calcul de l'ancienneté du salarié.
Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude
Le conseil de prud'hommes a considéré qu'à la date du licenciement, l'employeur ne pouvait avoir connaissance du caractère professionnel de l'inaptitude de telle sorte que c'était à juste titre que ce dernier avait considéré l'inaptitude comme non professionnelle.
Monsieur [V] soutient que l'employeur avait connaissance du caractère professionnel de l'arrêt travail, compte tenu de la rechute déclarée, et que l'employeur ne pouvait dès lors rompre le contrat, au regard d'une jurisprudence de la chambre de la Cour de cassation, et conteste avoir reçu une décision de la caisse d'assurance accident agricole de refus de prise en compte de son dernier arrêt de travail comme rechute de l'accident de travail de 2016.
Il est constant que le 20 septembre 2016, Monsieur [V] a été victime d'un accident du travail.
Le certificat médical de prolongation de l'arrêt de travail suite à accident du travail, du 2 janvier 2017, fait état de l'existence de douleurs lombaires.
Comme indiqué par la société Bruno Siebert, les avis du médecin du travail se présentent comme suit :
* le 28 novembre 2016, dans le cadre d'une visite de reprise suite à accident du travail, Monsieur [V] était déclaré apte à mi-temps thérapeutique, pas de travaux répétitifs avec flexion en avant du tronc et ou rotation. Pas de manutention supérieure à 15 kg,
* le 13 avril 2017, dans le cadre d'une visite de reprise suite à accident du travail, il était déclaré apte avec les mêmes restrictions,
* le 8 novembre 2017, dans le cadre d'une visite périodique, il était déclaré apte avec restrictions, à savoir : apte à la conduite d'engins de manutention autoportés. Il doit éviter les postures répétées entrainant un tronc penché en avant ou en rotation. Pas de manutention supérieure à 15kg,
* le 17 octobre 2018, dans le cadre d'une visite périodique à la demande, poursuite des aménagements préconisés et pas de ports de charges supérieures à 5 kg.
Le 11 décembre 2018, Monsieur [V] adressait à son employeur un arrêt de travail faisant état d'une rechute d'accident du travail.
Le 14 janvier 2019, lors de la visite de reprise, le médecin du travail émettait un avis d'inaptitude en précisant les contre-indications suivantes :
- Au port de charges répétées de plus de 5 kilos,
- Aux flexions répétées ou prolongées du tronc vers l'avant
- A l'exposition aux températures négatives
- Aux vibrations liées aux engins autoportés et à la marche prolongée.
La cour relève que tous ces avis du médecin du travail ont un lien, à savoir une problématique médicale en lien avec le dos, d'où des restrictions relatives à la flexion du tronc et le port de charges, préconisées en suite à l'accident du travail et continuellement reconduites, et que cette problématique médicale fait donc suite à l'accident du travail du 20 septembre 2016, de telle sorte qu'il existe un lien de causalité entre l'inaptitude du 14 janvier 2019 et l'accident du travail.
Dès lors, il y a lieu de considérer que l'inaptitude a une origine professionnelle.
L'employeur ne pouvait ignorer l'origine professionnelle de l'inaptitude, compte tenu des éléments précités dont il avait connaissance étant destinataire des avis de la médecine du travail.
Si Monsieur [V] a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail, à compter du 4 mars 2018, la déclaration de maladie professionnelle a été effectuée le 11 mars 2019, soit postérieurement au licenciement.
Selon lettre du 16 mai 2019, les Caisses d'assurance-accidents agricoles (CAAA) ont notifié à la Sa Bruno Siebert que cet arrêt de travail n'avait pas été reconnu comme une rechute de l'accident du travail.
S'il conteste cet avis, et soutient que l'employeur ne pouvait le licencier pendant une période de suspension de son contrat de travail, il y a lieu de relever qu'il ne sollicite pas, au dispositif de ses écritures, la nullité du licenciement, mais uniquement que le licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse, pour selon les motifs, absence de respect de l'obligation de reclassement.
Par ailleurs le nouvel arrêt de travail est postérieur à l'avis d'inaptitude et à l'engagement de la procédure de licenciement, alors que l'employeur était tenu de procéder, en l'espèce, au licenciement dans le délai d'un mois, sous peine de reprise du paiement des salaires.
Sur l'obligation de reclassement
Selon l'article L 1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Selon avis d'inaptitude du 14 janvier 2019, le médecin du travail a contre-indiqué au port de charges répétées de plus de 5 kg, aux flexions répétées ou prolongées du tronc vers l'avant, à l'exposition aux températures négatives, aux vibrations liées aux engins auto portés et à la marche prolongée. Il a précisé que le salarié serait apte à un poste plus sédentaire, sans manutention manuelle, avec possibilité d'alterner entre la position debout et assise, en évitant les déplacements importants et l'exposition au froid.
L'employeur justifie qu'il a accompli, en liaison avec le médecin du travail, une recherche sérieuse des postes de reclassement disponible et compatible avec l'état de santé du salarié, dès lors qu'il produit les courriels échangés avec le médecin du travail, le Dr [F] [C], et le comité social économique, qui a, en l'espèce, rendu un avis négatif concernant un reclassement sur un poste de nature administrative.
Le médecin du travail a considéré que la proposition de poste d'accrochage exclusif des cartons à l'atelier compostage n'était pas adaptée.
Si Monsieur [V] prétend qu'il aurait pu occuper un poste administratif, comme relevé par la société Bruno Siebert, Monsieur [V] reconnaît, dans ses écritures, qu'il n'écrit, ni ne lit parfaitement la langue française, et que son niveau de français n'est pas suffisant pour comprendre la teneur des courriers qui lui sont adressés.
Enfin, un emploi dans la maintenance automobile, comme revendiqué par Monsieur [V] apparaissait incompatible avec les restrictions contenues dans l'avis d'inaptitude.
En conséquence, il y a lieu de considérer que le licenciement a une cause réelle et sérieuse, l'employeur n'ayant pas manqué à son obligation de reclassement et de rejeter la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur l'indemnité spéciale de licenciement
Selon l'article L1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9.
Il est un fait constant que le salaire mensuel moyen de référence s'élève à la somme de 2 010, 53 euros.
L'article R 1234-2 du code du travail prévoit que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans.
Monsieur [V] présentait une ancienneté de 5 ans et 11 mois.
En conséquence, l'indemnité spéciale de licenciement s'élève à la somme de :
2 513, 16 + 460, 75 = 2 973, 91 X 2 = 5 947, 82 euros.
Il a perçu une somme de 3 799, 88 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, de telle sorte que l'employeur reste lui devoir une somme de 2 147,94 euros nets le jugement qui a rejeté ce chef de demande est donc infirmé.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
En application de l'article L1226-14 du code du travail, la Sa Bruno Siebert sera condamnée à payer à Monsieur [V] la somme de 4 021, 06 euros bruts, ce qui entraîne l'infirmation du jugement sur ce point.
Sur l'indemnité pour comportement déloyal de l'employeur
Selon l'article L 1226-11 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.
Monsieur [V] invoque, d'une part, qu'il souffre toujours des séquelles de son accident de travail et a le sentiment d'avoir été évincé sans aucun égard, et d'autre part que l'employeur l'a contraint à solder ses congés payés alors que ce dernier était tenu de reprendre le paiement du salaire à compter du 19 février 2019.
La Sa Bruno Siebert réplique que le salarié a souhaité être placé en congés payés sur la période du 15 février au 4 mars 2019 afin de percevoir une rémunération.
Il résulte de l'article L 1226-11 du code du travail que l'employeur n'est tenu de reprendre le paiement du salaire, qu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude en l'absence de licenciement ou de reclassement.
Dès lors, à compter du 15 février 2019, la Sa Bruno Siebert avait l'obligation de payer le salaire de Monsieur [V].
En connaissant l'origine professionnelle de l'inaptitude, et en faisant signer le 4 mars 2019 à Monsieur [V], dont les compétences en langue française sont limitées, un document intitulé " fiche de demande de congés " pour la période du 15 février au 4 mars 2019, l'employeur a commis un manquement à l'obligation d'exécution du contrat de travail loyalement.
Monsieur [V] a subi un préjudice égal à la contre valeur des jours de congés payés indûment défalqués, soit la somme de 1 058, 47 euros apparaissant sur le reçu pour solde de tout compte. Ce montant lui sera donc alloué à titre de dommages et intérêts.
Il ne justifie pas d'un autre préjudice, à ce titre.
Sur les intérêts moratoires
Le solde d'indemnité spéciale de licenciement et l'indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis porteront intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2019, date de la réception, par la Sa Bruno Siebert, de la convocation par le greffe du conseil de prud'hommes.
L'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt.
Sur les demandes annexes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la Sa Bruno Siebert sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
En application de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991, elle sera condamnée à payer à Monsieur [V] la somme de 1 500 euros.
La demande, à ce titre, de la société Bruno Siebert, sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
INFIRME le jugement du 9 avril 2021 du conseil de prud'hommes de Saverne SAUF en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DECLARE irrecevable la demande de requalification des périodes de missions d'intérim en contrat de travail à durée indéterminée et ses conséquences au regard du calcul de l'ancienneté ;
DIT que l'inaptitude de Monsieur [P] [V] du 14 janvier 2019 a une origine professionnelle (accident du travail) ;
CONDAMNE la Sa Bruno Siebert à payer à Monsieur [P] [V] les sommes suivantes :
* 2 147,94 euros nets (deux mille cent quarante sept euros et quatre vingt quatorze centimes) à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,
* 4 021,06 euros bruts (quatre mille vingt et un euros et six centimes) à titre d'indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis,
le tout avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2019 ;
CONDAMNE la Sa Bruno Siebert à payer à Monsieur [P] [V] la somme de 1 058, 47 euros (mille cinquante huit euros et quarante sept centimes), à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2022 ;
CONDAMNE la Sa Bruno Siebert à payer à Monsieur [P] [V] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991 ;
REJETTE la demande de la Sa Bruno Siebert au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sa Bruno Siebert aux dépens d'appel et de première instance.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,