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06/12/2022 | FRANCE | N°21/02611

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 06 décembre 2022, 21/02611


CKD/KG







MINUTE N° 22/1009

















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR
r>CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 06 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02611

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTAT



Décision déférée à la Cour : 11 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG



APPELANT :



Monsieur [D] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représ...

CKD/KG

MINUTE N° 22/1009

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 06 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02611

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTAT

Décision déférée à la Cour : 11 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [D] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A.S. [H]

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 494 020 548

[Adresse 2]

[Localité 3] / France

Représentée par Me Alexandre BARBOTIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme DORSCH, Président de Chambre, et M. PALLIERES, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [D] [H], né le 15 juin 1964, est le petit-fils du fondateur de la société Robert [H] et Fils, devenue le leader français dans le secteur de la fermeture industrielle destinée aux centrales nucléaires.

Engagé en qualité de technico-commercial par la société en 1987, M. [D] [H] a dirigé la filiale de la société intervenant dans le secteur du nucléaire à partir de 1996.

Dans les années 2000, cette filiale est devenue la société [H] Industrie, indépendante de la société Robert [H] et Fils.

Le groupe Gorgé a repris l'activité de la société [H] Industrie le 15 janvier 2007.

M. [D] [H] a été engagé en qualité de directeur commercial de la SAS [H] à compter du 29 janvier 2007.

Il a disposé d'un mandat social de directeur général de la SAS [H] à partir du 1er janvier 2011, qu'il a cumulé avec un nouveau contrat de travail à durée indéterminée conclu en qualité de directeur commercial le 03 janvier 2011.

M. [D] [H] a démissionné de ses fonctions de directeur général le 28 février 2017, le contrat de travail se poursuivant.

Par courrier du 17 juillet 2017, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 26 juillet 2017.

Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 1er août 2017, la SAS [H] lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par demande introductive d'instance du 25 mai 2018, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg d'une contestation de son licenciement et sollicitait la condamnation de la SAS [H] à lui payer différentes indemnités de rupture outre des créances salariales.

Par jugement du 11 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Strasbourg s'est déclaré matériellement compétent, a dit et jugé que le licenciement de M. [D] [H] repose sur une faute grave, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, et condamné à payer à la SAS [H] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens, et a débouté les parties de leurs conclusions autres ou plus amples.

M. [D] [H] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe de la cour par voie électronique le 1er juin 2021.

***

Dans ses conclusions récapitulatives transmises au greffe par voie électronique le 24 mars 2022, M. [D] [H] demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Strasbourg le 11 mai 2021 en ce qu'il a jugé que M. [H] était lié à la société [H] par un contrat de travail et s'est déclaré matériellement compétent,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il':

* a dit et jugé que son licenciement reposait sur une faute grave,

* l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

* l'a condamné à payer à la société [H] un montant de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens,

- dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que la réduction de rémunération 'xe et variable à compter de novembre 2014 constitue une modification de contrat de travail illicite,

- condamner la société [H] à lui payer les montants suivants :

* 72.529,04 euros bruts à titre d'arriérés de salaires de base de juin 2015 à juillet 2017 ainsi que 7.252,90 euros bruts à titre de congés payés sur arriérés de salaires de base, augmentés des intérêts légaux à compter des présents, ces sommes augmentées des intérêts légaux à compter du 24 mars 2022,

* 74.800 euros bruts à titre d'arriérés de rémunération variable de mai à août 2016 outre 7.480 euros bruts à titre de congés payés sur arriérés de rémunération variable, augmentés des intérêts légaux à compter des présents écrits,

* 61.514,52 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis en application des dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, ainsi que 6.151 45 euros bruts à titre de congés payés sur préavis, augmentés des intérêts légaux à compter des présents écrits,

* 184.543,56 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement en application des dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, augmentés des intérêts légaux à compter des présents écrits,

- débouter la société [H] de l'ensemble de ses moyens et prétentions,

- condamner la société [H] à lui payer un montant de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et un montant de 2.500 euros au titre de cette même disposition pour la procédure d'appel,

- condamner la société [H] aux entiers frais nés de la présente procédure.

Par conclusions transmises par voie électronique le 27 novembre 2021, la SAS [H] demande à la cour de :

- confirmer le déféré,

- en conséquence, débouter M. [D] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- y ajoutant, condamner M. [D] [H] à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,

- en tout état de cause, juger que les droits salariés de M. [D] [H] doivent être évalués en tenant compte d'une ancienneté au 1er mars 2017.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2022.

Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate que la SAS [H] ne sollicite pas l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes du 11 mai 2021 qui s'est déclaré matériellement compétent pour juger l'affaire après avoir reconnu, en distinguant les fonctions de directeur commercial salarié et de mandataire social exercées par M. [D] [H] au sein de la société [H], l'existence d'un contrat de travail entre les parties, de sorte que la compétence matérielle du conseil de prud'hommes est acquise.

I. Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave résulte d'un fait, ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail, ou des relations de travail d'une importance telle, qu'elle rend impossible le maintien du salarié fautif dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.

En l'espèce, M. [D] [H] a été licencié pour faute grave par lettre du 1er août 2017 (comptant 5 pages) connue des parties.

Les faits reprochés ont été reproduits par le conseil de prud'hommes dans sa motivation à laquelle il convient de se référer.

1. Sur l'imputation de faits relevant de la fonction de directeur général

La SAS [H] a formulé une série de griefs à M. [D] [H] qui, selon le conseil de prud'hommes ne relèvent pas de la fonction de directeur commercial et par conséquent ne sauraient être imputés au salarié, à savoir que ce dernier':

* aurait signé des titres d'habilitation individuels alors que les salariés ne disposaient pas de toutes les formations requises,

* se serait octroyé une augmentation de salaire de près de 20 % à compter du 1er janvier 2016 outre une prime sur objectif de 16.700 euros ainsi que le paiement d'heures supplémentaires en août 2016 alors que le contrat de travail prévoit un forfait sans référence horaire,

* se serait octroyé, en août 2016, à son avantage d'un nouveau véhicule de fonction de type Audi A7, soit d'une gamme supérieure au véhicule de type Audi A5 mentionné dans son contrat de travail sans preuve d'une autorisation écrite du Président de la société de l'époque,

* aurait bloqué par courriel du 16 novembre 2016 les informations des différents directeurs liées aux coûts prévisionnels pour 2017 afin d'établir le budget dans le but de remettre en cause l'autorité des représentants du groupe,

* n'aurais pas transmis un décompte de jours de prestations en régie associé à une commande de prestation informatique auprès de la société Oci.

La cour constate, en premier lieu que la partie intimée conclue, de manière paradoxale, à l'incapacité de M. [H] de produire le moindre document de travail établi en qualité de Directeur commercial ' salarié, antérieurement au 1er mars 2017, celle-ci faisant valoir que M. [H] ne disposait d'aucun contrat de travail au sein de la SAS [H] antérieurement à cette date, alors qu'elle impute les faits ci-avant visés à l'appui du licenciement querellé.

En second lieu, il doit être observé que M. [D] [H] a occupé la fonction de directeur général de la SAS [H] du 1er janvier 2011 au 28 février 2017. Ce n'est qu'à compter du 3 janvier 2011 qu'il a cumulé la fonction de directeur général de cette société avec la fonction technique de directeur commercial.

Il ressort de la décision du président de la SAS [H] nommant M. [D] [H] en qualité de directeur général du 31 décembre 2010 que, d'une part «'Le Directeur Général sera investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion interne de la Société'» et que le « Directeur Général dispose également du pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers » (pièce n°5 de l'intimée).

De plus, au titre de la période du 3 janvier 2011 au 28 février 2017,'M. [H] ne produit aucune évaluation de son travail comme directeur commercial. Les documents versés aux débats font apparaître que M. [H] décidait unilatéralement de ses périodes de congés payés, qu'il validait lui-même la commande de son véhicule de fonction et qu'il représentait l'employeur lors des réunions du comité d'entreprise.

Ainsi, malgré l'existence d'un contrat de travail apparent conclu le 3 janvier 2011 entre M. [H] et la SAS qu'il dirigeait, l'existence d'un lien de subordination juridique entre M. [H] et l'employeur n'est pas démontrée antérieurement au 1er mars 2017.

En outre, l'analyse des pièces versées aux débats fait ressortir que ces griefs sont imputables à la fonction de directeur général et non à la fonction de directeur commercial.

En effet, le contrat de location longue durée du véhicule de type Audi A7 sportback a été conclu par M. [D] [H] le 26 août 2016, soit lorsqu'il occupait la fonction de directeur général de la SAS [H].

Lorsque, par courriel du 16 novembre 2016, M. [H] a bloqué la demande de M. [E], son message a été envoyé et signé en qualité de directeur général.

S'agissant de l'offre de prestations signée avec la société Oci le 1er juin 2016, la régie informatique relève des attributions d'un directeur général et non de celles du directeur commercial.

Concernant la signature des titres d'habilitation électrique individuels, aucun élément n'est produit aux débats et ne ressortent pas des fonctions visées à l'article 2 de son contrat de travail.

Au sujet de l'augmentation de sa rémunération fixe et variable ainsi que du paiement d'heures supplémentaires en août 2016 alors que le contrat de travail prévoit un forfait sans référence horaire, de telles initiatives ne ressortent assurément pas de la fonction de directeur commercial, mais de la fonction de directeur général.

Il convient d'ajouter à la liste des faits ne relevant pas de la fonction de directeur commercial de M. [H] retenue par le conseil de prud'hommes celui du problème général de management sans soutien de la Direction, en particulier s'agissant de la demande de rémunération variable de M. [A]. A cet égard, il ressort du compte-rendu de l'entretien informel du 7 juin 2017 qu'à cette occasion les dirigeants du groupe Gorgé ont demandé à M. [H] d'«'assurer son rôle de Responsable [H] China, notamment en manageant [N] [A]'» (pièce n°54 de l'appelant), dont il convient de rappeler que ce dernier occupait le poste de directeur général délégué de la société [H] China (pièce n°113 de l'appelant).

Enfin, il n'est pas établi que la transmission des objectifs aux commerciaux, notamment à M. [W] [J], découlait de l'exécution de son contrat de travail en fin d'année 2016, date du fait reproché.

Ainsi, les «'excès et fautes commis au détriment de la trésorerie'» et la «'volonté délibérée d'agir à l'encontre des intérêts de la société'» invoqués par la société, lesquels résultent de ses fonctions de directeur général et non de directeur commercial, ne ressortent pas de la compétence de la juridiction prud'homale et ne peuvent en conséquence être analysés ni, a fortiori, être retenus dans le cadre du licenciement pour faute grave de M. [H].

2. Sur l'imputation de faits relevant de la fonction de directeur commercial

a. Sur l'existence d'un contrat de travail

Il est constant, d'une part que M. [D] [H] a démissionné de ses fonctions de directeur général de la SAS [H] le 28 février 2017, d'autre part que son contrat de travail prévoyant des fonctions techniques distinctes de directeur commercial de cette même société était toujours en vigueur au 1er mars 2017, ce qui par l'effet de l'existence du contrat de travail apparent fait présumer un lien de subordination qui, au cas d'espèce, n'est pas contesté à compter du 1er mars 2017.

b. Sur la prescription

M. [D] [H] soutient que les faits concernant la conclusion d'une formation en perfectionnement de management sur dix jours à compter du mois d'avril 2017 sans l'accord de sa hiérarchie sont prescrits, de sorte que la société ne pouvait les invoquer lors de l'engagement de la procédure de licenciement le 17 juillet 2017.

Selon l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, une formation en perfectionnement de management de 10 jours sur la période du 1er avril 2017 au 16 mars 2018 a été conclue par Monsieur [H]. Si celui-ci justifie de sa participation aux actions de formation en ce domaine lorsqu'il était dirigeant d'entreprise, il ne conteste pas avoir souscrit à ce nouveau cycle de formation alors qu'il n'exerçait plus la fonction de dirigeant de la SAS [H].

Or la facture du 03 avril 2017 émise par l'association dispensant la formation, a, selon tampon d'entrée, été réceptionnée par la société [H] le 6 avril 2017 soit au moment où M. [D] [H] n'en était plus le dirigeant.

Ce grief, nécessairement connu de la société le 6 avril 2017, soit antérieurement au 17 mai 2017, est prescrit dès lors qu'il n'est par ailleurs pas reproché au salarié des faits de même nature.

En effet pour pouvoir invoquer des faits anciens à l'appui d'une nouvelle faute, il est nécessaire qu'il y ait un lien entre ces faits fautifs successifs, qu'ils soient de même nature, ou procèdent d'un comportement identique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

c. Sur la réalité et la matérialité des griefs retenus par l'employeur

Il est reproché au salarié :

* dans une période de transition et de situation fragile de la société, d'avoir pris 22 jours de congés au cours du premier semestre 2017, sans en avoir informé l'employeur,

* une absence de finalisation des potentiels et objectifs par client et par commercial à horizon fin 2017 lors d'une réunion du 8 juin 2017,

* de n'avoir jamais produit de reporting commercial mensuel centralisé,

d'être désengagé de ses dossiers, en particulier au sujet des portes UL, celui-ci se contentant de transférer les courriels d'un salarié sans émettre d'avis ou d'observation,

* d'avoir remis en cause la stratégie définie par la nouvelle direction de la société par deux courriels des 6 et 29 juin 2017 après avoir tenté de saper l'autorité de la direction en émettant des ordres contraires à ceux émanant des représentants du groupe.

Il appert des éléments versés aux débats qu'en réponse à l'invitation au comité de direction auquel était convié M. [H] les 21 et 22 juin 2017, celui-ci a simplement informé l'assistante de la société de ses congés sur la période du 9 au 26 juin 2017, démarche qui ne saurait être confondue avec une autorisation de l'employeur.

Quand bien même l'appelant précise qu'il assurait depuis de nombreuses années une permanence au sein de la société durant la période estivale, sa situation s'est trouvée modifiée au 1er mars 2017 puisque celui-ci n'était plus directeur général, en sorte qu'il était tenu, comme tout salarié, de recueillir la validation de sa période de congés payés à compter de cette date.

Fait-il état d'un solde de congés payés de 36 jours au moment de la rupture de son contrat de travail, il apparaît que M. [H] a bénéficié de plusieurs jours de congés payés durant les mois de mars, avril et mai 2017, de sorte qu'il n'était pas dans l'impossibilité d'en bénéficier, ce qu'il ne soutient d'ailleurs pas.

Le grief tenant à la prise de congés sans autorisation de l'employeur, dont la matérialité n'est pas contestée, est ainsi établi.

Concernant les prévisions commerciales actualisées à horizon fin 2017, M. [H] ne conteste pas que celles-ci devaient initialement être transmises pour le 19 juin au plus tard. Quand bien même elles ont été avancées au 8 juin 2017 en raison des dates de congés unilatéralement décidées par M. [H] du 9 au 26 juin 2017, le salarié avait informé l'assistante du groupe Gorgé dès le 4 mai 2017 de sa période de congés, de sorte que celui-ci n'est pas fondé à se prévaloir d'un court délai pour répondre à cette demande qui devait être finalisée avant son départ en congé. Il ne saurait davantage, au soutien de son allégation de court délai, se référer à la note de service communiquée le 2 juin 2017 qui n'est qu'une suite de la réunion des 16 et 17 mai 2017 déterminant la nouvelle organisation commerciale.

Alors qu'il était chargé de piloter l'activité commerciale «'projets'» avec M. [C], directeur du développement commercial, M. [H] n'a pas, avant son départ en congé ' ni durant celui-ci ainsi qu'il l'allègue sans preuve ', complété les objectifs qualitatifs et perspectives d'actions du client EDF avec lequel il traitait directement. Tant les tableaux annexés aux courriels de M. [C] des 17 et 19 juin 2017 que le contenu de ce dernier courriel démontrent l'incomplétude des éléments transmis à la direction.

Ce grief de la présentation d'un travail inachevé et incomplet de la part d'un directeur commercial est par conséquent constitué.

Au sujet du reporting commercial, la note de service du 31 mai 2017 met clairement à la charge de M. [H] l'établissement d'un reporting mensuel d'activité pour le commerce des projets en France et à l'international. Il appert de cette note que le reporting commercial devait être assuré par M. [H], en se basant sur une remontée intermédiaire de M. [C]. Alors que ce reporting n'est pas justifié, le salarié ne saurait imputer la responsabilité de sa carence sur un membre de son équipe placé sous sa responsabilité.

Ce grief est également établi.

Le fait concernant le désengagement de M. [H] de certains de ses dossiers, en particulier au sujet des «'portes UL'» n'est toutefois pas caractérisé, car si le salarié s'est contenté de transférer la demande de M. [T], directeur général de la société Nucléaction, à M. [A] sans émettre d'avis ou d'observation, le transfert s'est opéré dès le lendemain matin et une réponse circonstanciée à la demande initiale a été apportée le jour même sans nécessiter d'observations de la part de M. [H].

Le grief tendant au désengagement de M. [H] n'est dès lors pas constitué.

Enfin, s'agissant de la remise en cause de la stratégie définie par la société, l'appelant a usé de son droit à la liberté d'expression qu'il n'a pas outrepassé, tant dans son courriel du 6 juin 2017 (pièce n°15 de l'intimée) que dans son email du 29 juin 2017 (pièce n°25 de l'appelant). Les écrits échangés avec les seuls dirigeants du groupe Gorgé ne sont pas irrespectueux, quand bien même le salarié fait part d'une situation déplaisante qu'il a ressenti en raison de son éviction des réunions commerciales depuis la démission de ses fonctions de directeur général de la SAS [H].

Ce grief n'est pas davantage constitué.

3. Sur la véritable cause du licenciement

L'étendue des pouvoirs du juge prud'homal l'oblige à vérifier la cause exacte du licenciement au sens de l'article L.1232-1 du code du travail.

En l'espèce, M. [D] [H] soutient que la véritable cause de son licenciement résulte d'un souhait du groupe Gorcé de l'évincer de la société [H] afin d'en prendre pleinement le contrôle.

Il indique que la nouvelle direction de la société [H] en février 2017 s'est efforcée de le déstabiliser en évinçant l'intégralité de son entourage professionnel proche, à savoir le directeur administratif et financier licencié en juin 2017, Mme [X] et M. [Z], directeur de la division nucléaire France, licenciés pour faute grave le 11 octobre 2017, en sollicitant du tribunal d'instance d'Illkirch le 20 octobre 2017 l'annulation de la désignation de sa fille en qualité de membre du CHSCT, en déposant une demande d'autorisation de licenciement de celle-ci en décembre 2017.

Les allégations de M. [D] [H] concernant les méthodes de déstabilisation évoquées ne sont toutefois pas établies.

En effet, diverses personnes constituant l'entourage proche et familial de Monsieur [H] travaillent encore pour la société, l'inspection du travail a considéré que l'insuffisance professionnelle de Mme [K] [H] est caractérisée (pièce n°26 de l'intimée) et il est justifié que cette dernière a, au demeurant, conclu une rupture conventionnelle avec la SAS [H].

Au surplus, la cour considère qu'il est insuffisamment établi que l'offre d'emploi de directeur commercial publiée par le cabinet de recrutement Hays durant les dernières semaines d'exécution du contrat de travail de l'appelant concerne un poste au seins de la SAS [H] (pièce n°27 de l'appelant).

4. Sur la synthèse

Les faits retenus, à savoir la prise de nombreux jours de congés payés au cours du premier semestre 2017, sans en avoir informé l'employeur, l'inachèvement des objectifs commerciaux avant le départ en congé malgré la fixation d'une date limite et l'absence de production de reporting commercial mensuel centralisé, qui traduisent une impossibilité pour le salarié d'accepter son changement de statut et l'état de subordination juridique dans lequel il se trouvait désormais lié avec la SAS [H] depuis la démission du mandat social qu'il occupait dans cette même société, sont caractéristiques d'une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le licenciement pour faute grave prononcé par l'employeur est justifié et proportionné compte-tenu des fonctions de directeur commercial occupées par M. [D] [H].

Ainsi, le jugement ayant conclu que le licenciement repose sur une faute grave et ayant débouté le salarié de ses demandes chiffrées résultant de la rupture du contrat de travail est confirmé.

II. Sur les demandes de rappel de salaire

1. Sur la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents

L'appelant sollicite, sur la base du salaire qui lui a été versé en octobre 2014, un rappel de salaire de juin 2015 à juillet 2017 au motif que la diminution de sa rémunération de base suite à la prise de fonction de président de la société [H] Hong-Kong en novembre 2014 n'a fait l'objet d'aucun avenant à son contrat de travail.

Or, M. [D] [H] a exercé les fonctions de directeur général de la SAS [H] depuis le 1er janvier 2011 (pièce n°5'de l'intimée), soit antérieurement à la conclusion du contrat de travail en qualité de directeur commercial avec ladite société qu'il dirigeait.

La modification de la structure de sa rémunération est donc intervenue en dehors de tout lien de subordination juridique dont l'existence, sur la période courant jusqu'à la démission de ses fonctions de directeur général de la SAS [H], n'est pas rapportée.

En outre, il résulte de l'e-mail du 29 juin 2016 envoyé par M. [W] [E] à M. [D] [H] concernant la rémunération de ce dernier, qualifiée d'«'usine à gaz'» (pièce n°40 de l'appelant), ainsi que fiches individuelles d'augmentation du 24 août 2016, que ces modifications ont été décidées par M. [H] en concertation avec le groupe Gorcé au moment où M. [H] était directeur général de la société [H].

De plus, M. [H] a confirmé, par courriel du 20 février 2017 adressé à M. [V], directeur général du pôle PSI du groupe Gorcé, la diminution de sa rémunération en qualité de directeur commercial en raison du versement d'une rémunération dans l'entreprise hongkongaise (pièce n°45 de l'appelant) à la suite d'une réorganisation initiée au sein de la société [H] consistant en la filialisation de ses activités et la création de la société [H] Hong-Kong.

M. [H] a été destinataire et participant direct des échanges au sujet de la modification de la structure de sa rémunération compte-tenu du régime social hongkongais et des nouvelles fonctions de Président de la société asiatique qu'il dirigeait.

Compte-tenu des fonctions réellement exercées par M. [D] [H], celui-ci avait vu son statut et ses missions au sein de la société [H] subsister à l'identique après sa prise de fonction de Président de la société [H] Hong-Kong.

Enfin, il résulte des nombreuses pièces versées aux débats que la réorganisation de la structure de la rémunération de M. [D] [H] intervenue à cette date n'a pas entraîné de diminution mais, au contraire, s'est accrue.

Du tout, il ressort des pièces et éléments des débats qu'en dépit de l'absence d'avenant à son contrat de travail de directeur commercial au sein de la société que M. [H] dirigeait en qualité de directeur général, celui-ci a bien donné son accord à la modification de la structure de sa rémunération.

Par conséquent, le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour connaître de demandes salariales se rapportant à des fonctions techniques exercées pendant la durée du mandat social jusqu'en 28 février 2017.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Pour la période du 1er mars 2017 à juillet 2017, aucune évolution n'est intervenue dans la structure de sa rémunération par rapport à celle qui a été déterminée lorsque M. [D] [H] était dirigeant de la société.

Le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté M. [D] [H] de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents au titre de cette période.

2. Sur la demande d'arriérés de rémunération variable et les congés payés afférents

Considérant illicite la prise en charge par la société [H] Hong-Kong des deux tiers de la rémunération variable supportée par la société [H] jusqu'en 2014, M. [D] [H] réclame la condamnation de la SAS [H] au paiement d'arriérés de rémunération variable de mai 2015 à août 2016.

Les demandes de M. [H] se rapportent cependant toutes à la période pendant laquelle il exerçait son mandat social et durant laquelle l'existence d'un lien de subordination n'est pas rapportée, de sorte que par réformation du jugement entrepris il convient de déclarer la juridiction prud'homale incompétente pour connaître de ces demandes.

III. Sur les demandes annexes

Le jugement déféré doit être confirmé s'agissant des dépens et de l'indemnisation décidée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À hauteur de cour, M. [D] [H] qui succombe en ses prétentions est condamné aux dépens de la procédure d'appel, et par voie de conséquence, sa demande de frais irrépétibles est rejetée.

Il sera, en outre, condamné à payer à la SAS [H] une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Strasbourg du 11 mai 2021, SAUF en ce qu'il déboute M. [D] [H] de sa demande au titre d'arriérés de salaires et de congés payés afférents pour la période antérieure au 1er mars 2017'ainsi que de ses demandes de rémunération variable et des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés, et y ajoutant

DECLARE incompétente la juridiction prud'homale au titre de la demande d'arriérés de rémunération fixe pour la période antérieure au 1er mars 2017, ainsi que de la demande d'arriérés de rémunération variable';

CONDAMNE M. [D] [H] aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE M. [D] [H] à payer à la SAS [H] la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel';

DÉBOUTE M. [D] [H] de sa demande au titre l'article 700 du Code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/02611
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;21.02611 ?
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