MINUTE N° 23/88
NOTIFICATION :
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 26 Janvier 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 19/00406 - N° Portalis DBVW-V-B7D-G7R4
Décision déférée à la Cour : 19 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du BAS-RHIN, devenu le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
SAS ETABLISSEMENTS [E]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Orlane AUER, avocat au barreau de COLMAR, avocat postulant,
et Me David FRANCK, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant, substitué par Me COMMISSIONE, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
URSSAF ALSACE
[Adresse 4]
[Localité 1]
Comparante en la personne de Mme [F] [Z], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme GREWEY, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Etablissements [E] a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires par l'URSSAF d'Alsace portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.
Il en est résulté un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS de 52.821 euros concernant quatre chefs de redressement, notifié par lettre d'observations du 19 septembre 2017.
Par courrier du 2 octobre 2017, la société a fait valoir ses observations s'agissant de l'assujettissement aux cotisations et contributions sociales des rémunérations versées au président du conseil de surveillance de la SAS Etablissements [E].
Par courrier en réponse du 2 novembre 2017, l'URSSAF d'Alsace a informé la SAS Etablissements [E] du maintien du rappel de cotisations et contributions sociales pour son entier montant.
Par la suite, l'organisme notifiait à la cotisante une mise en demeure du 17 novembre 2017 pour un montant total de 59.966 euros dont 52.821 euros au titre des cotisations et 7.145 euros au titre des majorations de retard.
Par courrier du 22 novembre 2017, la société saisissait la commission de recours amiable de l'URSSAF d'Alsace.
La SAS a formé un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
En sa séance du 22 mai 2018, la commission de recours amiable a décidé du rejet explicite de la requête de la SAS Etablissements [E].
Par requête du 12 août 2018, la SAS Etablissements [E] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin aux fins de contester la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable.
Vu l'appel interjeté par la SAS Etablissements [E] le 14 janvier 2019 à l'encontre du jugement du 19 décembre 2018 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin qui, dans l'instance l'opposant à l'URSSAF d'Alsace, a :
. ordonné la jonction des deux dossiers,
. confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du Bas-Rhin du 22 mai 2018,
. validé le redressement opéré par l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la société Etablissements [E] pour son entier montant de 52.821 euros en cotisations et 7.145 euros en majorations de retard,
. condamné la société Etablissements [E] à payer ce montant à l'URSSAF,
. débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions ;
Vu les conclusions visées le 15 novembre 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la SAS Etablissements [E] demande à la cour de :
. déclarer l'appel recevable et bien fondé,
. infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
. annuler la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du Bas-Rhin du 22 mai 2018,
. annuler le redressement opéré par l'URSSAF d'Alsace à son encontre pour son entier montant,
. condamner l'URSSAF aux entiers frais et dépens de l'instance ainsi qu'à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions visées le 10 septembre 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'URSSAF d'Alsace demande à la cour de :
. dire et juger bien-fondé le redressement afférent à l'assujettissement et affiliation au régime général des présidents et dirigeants de SAS pour un montant de 77.965 euros en cotisations (point n°1 de la lettre d'observations),
. constater que la société Etablissements [E] ne s'est pas acquittée des chefs de redressement non contestés, à savoir la somme de 2.458 euros (point n°2 de la lettre d'observations pour 1.636 euros et point n°4 de la lettre d'observations pour 822 euros),
. constater que le crédit d'un montant de 27.602 euros n'a pas été contesté par la société Etablissements [E] (point n°3 de la lettre d'observations),
. confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a validé le redressement,
. rejeter la demande de condamnation de l'URSSAF d'Alsace au paiement de la somme 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamner la société Etablissements [E] au paiement des frais et des dépens,
. débouter la société de ses plus amples demandes ;
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;
MOTIFS
Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.
Sur l'assujettissement et l'affiliation au régime général des présidents et dirigeants de SAS (point n°1 de la lettre d'observations : redressement de 77.965 euros en cotisations)
Sur le forfait social / assiette / crédit dégagé suite à réintégration dans l'assiette de cotisations (point n°3 de la lettre d'observations : crédit de cotisations de 27.602 euros)
Il n'est pas débattu que les dispositions de l'article L311-3 du code de la sécurité sociale sont applicables au différend opposant les parties.
Il résulte de l'article L227-5 du code de commerce que les statuts fixent les conditions dans lesquelles une société par actions simplifiées est dirigée.
Selon les dispositions des articles L225-83 et L225-84 du code de commerce, dans leur rédaction alors en vigueur, applicables aux sociétés anonymes, l'assemblée générale peut allouer aux membres du conseil de surveillance, en rémunération de leur activité, à titre de jetons de présence, une somme fixe annuelle que cette assemblée détermine sans être liée par des dispositions statutaires ou des décisions antérieures. Le montant de celle-ci est porté aux charges d'exploitation. Sa répartition entre les membres du conseil de surveillance est déterminée par ce dernier.
Il peut être alloué, par le conseil de surveillance, des rémunérations exceptionnelles pour les missions ou mandats confiés à des membres de ce conseil.
En application de l'article L225-85 du même code, également applicable aux sociétés anonymes, les membres du conseil de surveillance ne peuvent recevoir de la société aucune rémunération, permanente ou non, autre que celles qui sont prévues aux articles L225-81, L225-83 et L225-84 et, le cas échéant, celles dues au titre d'un contrat de travail correspondant à un emploi effectif.
L'article L311-3, 23°, du code de la sécurité sociale, indique dans ses différentes versions applicables à la période litigieuse, que les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées et des sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation d'affiliation aux assurances du régime général de la sécurité sociale.
Ces dispositions ne concernent donc, en principe, ni les membres du conseil de surveillance, ni a fortiori le Président du conseil de surveillance d'une société par actions simplifiées qui, chargés de contrôler la gestion de la société, n'occupent pas des fonctions de direction.
Toutefois, compte-tenu de la liberté dont disposent les fondateurs dans la rédaction des statuts, il ne saurait être exclu que les statuts d'une société par actions simplifiée confient au président de son conseil de surveillance, voire aux membres dudit conseil, de véritables pouvoirs de direction.
Dans ce cas, il appartient à l'Urssaf qui entend soumettre aux cotisations de sécurité sociale les rémunérations versées aux membres d'un conseil de surveillance, de rapporter la preuve de l'exercice d'une activité professionnelle ou de la réalité du mandat social d'un dirigeant social.
En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations du 19 septembre 2017 que, d'une part, les statuts de la SAS Etablissements [E], lesquels figurent parmi la liste des documents consultés par l'inspecteur du recouvrement, précisent à l'article 15 que la rémunération versée aux membres du conseil de surveillance est fixée chaque année par décision des associés prise à la majorité simple du capital ;
d'autre part, que les procès-verbaux de l'assemblée générale ordinaire des mois de décembre des années 2014, 2015 et 2016 précisent dans la deuxième résolution la rémunération du Président du conseil de surveillance ainsi que le montant des jetons de présence par exercice social ;
ensuite, que les sommes sont comptabilisées sur les comptes 6411300 « Rémun.Prés.Cons.Surveillance » des grands livres des comptes et ont été soumises au forfait social à 20 %.
Considérant que le président du conseil de surveillance est une personne physique et qu'il perçoit une rémunération, l'URSSAF a estimé que les conditions d'assujettissement au régime général de M. [P] [E], président du conseil de surveillance, étaient remplies. Elle a, en conséquence, procédé à la réintégration de ses rémunérations en 2014, 2015 et 2016 dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.
Le jugement a confirmé l'application de l'article L311-3, 23° du code de la sécurité sociale à M. [P] [E] et a validé le principe de la réintégration des rémunérations versées à celui-ci dans le cadre de ses fonctions de président du conseil de surveillance dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.
A l'appui de sa demande de réformation du jugement entrepris, la SAS Etablissements [E] soutient pour l'essentiel que M. [P] [E] ne saurait être considéré comme un dirigeant, de droit ou de fait, de l'entreprise.
En l'espèce, aux termes des statuts, la SAS Etablissements [E] dispose d'un Président, d'un Directeur général et d'un conseil de surveillance -celui-ci présidé par M. [P] [E]- ; le conseil de surveillance doit essentiellement veiller au respect des statuts, contrôler la gestion de la société par le Président, et le cas échéant, le directeur général, et a en outre une fonction de conseil relative à la détermination des orientations stratégiques et des objectifs à long terme de la société.
Il est précisé que le président du conseil de surveillance est chargé de convoquer le conseil et d'en diriger les débats, qu'il dispose de pouvoirs dont l'étendue est équivalente à celle exercée par le président du conseil de surveillance des sociétés anonymes.
En outre, aux termes des statuts, tout investissement de plus de 150.000 euros HT doit, à l'initiative du Président, être soumis à l'avis préalable du conseil de surveillance, et si les décisions du conseil de surveillance de la SAS Etablissements [E] sont prises à la majorité des membres présents, chaque membre disposant d'une voix, le président du conseil de surveillance a une voix prépondérante en cas d'égalité de voix. M. [P] [E] peut donc décider seul d'investissements importants de la société Etablissements [E].
Par ailleurs, si la société Etablissements [E] fait valoir, en se référant aux attestations de plusieurs de ses collaborateurs, dont notamment M. [V] [J], directeur technique, entré dans la société le 15 juin 2009, que l'URSSAF ne rapporte pas la preuve de ce que M. [P] [E] a accompli un quelconque acte positif de gestion ou d'administration de la société, il ressort d'un avis au BODACC n°137B du 21 juillet 2015 que, s'agissant de la SAS Etablissements [E] dont le président est M. [C] [E], M. [P] [E] a été désigné, avec effet au 20 novembre 2003, comme « personne ayant le pouvoir d'engager à titre habituel la société ».
La déclaration de modification M2, complétée par M. [C] [E] le 11 décembre 2014, indique en outre M. [P] [E] en qualité de dirigeant de la société Etablissements [E].
La SAS reconnaît au surplus dans ses conclusions que cette modification a permis à M. [E] d'être habilité à pouvoir engager la société à titre habituel. Quand bien même l'appelante considère que cette possibilité donnée à l'intéressé est, notamment au regard de la pratique des délégations et subdélégations de pouvoirs, insuffisante à établir la qualité de dirigeant à l'encontre de celui-ci, elle ne produit aucune délégation de pouvoirs dans un domaine spécialisé.
Il sera de surcroît relevé que si la société soutenait dans sa réponse à la lettre d'observations que l'intéressé percevait des jetons de présence, il apparaît des statuts, d'une part que la rémunération de M. [E] est fixée annuellement, de sorte que le caractère permanent est contradictoire avec celle de jetons de présence, alors que, d'une part, les statuts n'utilisent pas le terme de jeton de présence mais de « rémunération » et, d'autre part, ce qui n'est pas débattu, que les sommes concernées sont versées à partir du compte 641 de la société, compte intitulé « Rémun.Prés.Cons.Surveillance ».
Dans la mesure où le président du conseil de surveillance possède un pouvoir de choix d'investissements, sa mission dépasse le cadre de la convocation des membres du conseil de surveillance et de la direction des débats, encore celle du contrôle des comptes annuels et des vérifications qu'il juge nécessaires, de sorte qu'il ne peut dès lors être valablement contesté que M. [P] [E] effectue des actes positifs de gestion et de direction de la société Etablissements [E].
Il résulte du tout, sans qu'il y ait lieu de viser les informations administratives résultant des sites internet societe.com et intuiz.altares.fr, que M. [P] [E] a bien la qualité de dirigeant de la société Etablissements [E] et doit être affilié au régime général pour les rémunérations perçues en qualité de président du conseil de surveillance de la SAS Etablissements [E].
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Partie qui succombe, la SAS Etablissements [E] sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande devant la cour, fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
DECLARE l'appel interjeté recevable ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE la SAS Etablissements [E] aux dépens d'appel ;
DEBOUTE la SAS Etablissements [E] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile devant la cour.
Le Greffier, Le Président,