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26/01/2023 | FRANCE | N°21/01539

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 sb, 26 janvier 2023, 21/01539


MINUTE N° 23/82



















NOTIFICATION :







Copie aux parties







Clause exécutoire aux :



- avocats

- parties non représentées











Le







Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB



ARRET DU 26 Janvier 2023





Numéro d'inscription au réper

toire général : 4 SB N° RG 21/01539 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRDW



Décision déférée à la Cour : 24 Mars 2021 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE :



S.A.R.L. [6]

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représentée par Me Cédric D'OOGHE, avocat au barreau de STRASBOURG, sub...

MINUTE N° 23/82

NOTIFICATION :

Copie aux parties

Clause exécutoire aux :

- avocats

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 26 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 21/01539 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRDW

Décision déférée à la Cour : 24 Mars 2021 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.R.L. [6]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Cédric D'OOGHE, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me TSCHAN, avocat au barreau de STRASBOURG

Me [A], de la SELAS [5]

Commissaire à l'exécution du plan

[Adresse 1]

[Localité 4]

INTIMEE :

URSSAF ALSACE

[Adresse 9]

[Localité 2]

Comparante en la personne de Mme [G] [K], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,

Mme GREWEY, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,

- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

A la suite d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance-chômage et de garantie des salaires ayant porté sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 pour son établissement n° SIRET [N° SIREN/SIRET 3] sis [Adresse 7], l'URSSAF d'Alsace a adressé à la société [6] une lettre d'observations du 30 septembre 2015 portant sur plusieurs chefs de redressement, duquel est résulté un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance-chômage et d'AGS d'un montant total de 114.041 euros.

Par courrier du 29 octobre 2015, la SARL a fait part de ses observations à l'URSSAF.

Par courrier du 2 novembre 2015, l'URSSAF d'Alsace a informé la société contrôlée de la minoration du redressement opéré à son encontre.

L'URSSAF d'Alsace a réclamé le paiement des cotisations sociales et contributions de sécurité sociale par une mise en demeure du 25 novembre 2015 pour un montant total de 126.376 euros, dont 112.053 euros de cotisations de sécurité sociale redressées et 14.323 euros de majorations de retard.

La SARL a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF d'Alsace d'un recours contre cette décision puis, le 8 décembre 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin en contestation de la décision implicite de rejet de la commission. Elle s'est acquittée de la somme de 3.018 euros le 6 janvier 2016.

Par décision du 21 mars 2016 notifiée le 8 avril 2016, la commission de recours amiable a explicitement rejeté la requête de la société.

Par jugement du 5 mars 2018, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société [6].

L'Urssaf d'Alsace a établi une déclaration de créance définitive le 11 octobre 2018.

Par jugement du 4 mars 2019, le tribunal a prononcé un jugement arrêtant le plan de redressement judiciaire pour une durée de dix ans et la SELAS [A] ' [5], en la personne de Maître [W] [A], a été nommé commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 24 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg, auquel le contentieux a été transféré, a, dans l'instance opposant la SARL [6] à l'URSSAF d'Alsace :

. déclaré recevable le recours de la SARL [6],

. validé les chefs du redressement opéré par l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la SARL [6] n°3, 4, 5, 7 et 10 et validé le chef de redressement n°8 sur la somme versée à M. [I] [T],

. annulé le redressement portant sur le point n° 6 de la lettre d'observations,

minoré l'assiette du redressement portant sur les frais sans justificatifs de la somme de 943,23 euros (chef de redressement n° 8 de la lettre d'observations),

. validé partiellement la mise en demeure du 25 novembre 2015 pour un montant de 105.842,77 euros en cotisations auxquelles se rajoutent les majorations de retard,

. fixé la créance de l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la SARL [6] à une somme de 102.824,77 euros en cotisations auxquelles se rajoutent les majorations de retard,

. dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens de l'instance,

. débouté la SARL [6] de sa demande de voir condamner l'URSSAF d'Alsace à lui verser une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.

La SARL [6] a interjeté appel par déclaration du 9 avril 2021 (numéro RG 21/1539).

L'URSSAF d'Alsace a interjeté appel à l'encontre de cette décision le 16 avril 2021 (numéro RG 21/1976).

Par ordonnance du 2 décembre 2021, la jonction des procédures a été prononcée par la présente cour et la procédure s'est poursuivie sous le numéro RG 21/1539.

Par conclusions datées du 30 novembre 2021 et visées le du 13 octobre 2022, reprises oralement à l'audience, la SARL [6] demande à la cour de :

. infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 4 mars 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a annulé le redressement portant sur le point n°6 de la lettre d'observations,

. confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le redressement portant sur le point n° 6 de la lettre d'observations,

. ordonner la décharge des cotisations supplémentaires réclamées au titre des postes 3, 4, 5, 7, 8 et 10,

. annuler les redressements opérés,

. annuler les pénalités de retard,

. débouter l'URSSAF de l'ensemble des demandes,

. condamner l'URSSAF en tous les frais et dépens ainsi qu'à une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions datées du 17 août 2022 et visées le 19 août 2022, reprises oralement à l'audience, l'URSSAF d'Alsace demande à la cour de :

. ordonner la mise en cause du commissaire à l'exécution du plan,

. débouter la société [6] de son recours au fond,

. confirmer le jugement querellé en ce qu'il a validé les chefs de redressement opérés par l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la SARL [6] portant sur les points n° 3, 4, 5, 7, 8 et 10 de la lettre d'observations,

. infirmer ledit jugement en ce qu'il a annulé le redressement portant sur le point n° 6 de la lettre d'observations, minoré l'assiette de redressement portant sur le point n° 8 de la lettre d'observations, validé partiellement la mise en demeure du 25 novembre 2015 pour un montant de 105.842,77 euros en cotisations auxquelles se rajoutent les majorations de retard, fixé la créance de l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la SARL à une somme de 102.824,77 euros en cotisations auxquelles se rajoutent les majorations de retard,

. valider le redressement portant sur le point n° 6 de la lettre d'observations) pour 5.267 euros,

. valider le redressement portant sur le point n° 8 de la lettre d'observations pour 18.761 euros, subsidiairement constater que le calcul effectué par le tribunal est erroné, valider le redressement pour un montant de 18.213 euros, à titre infiniment subsidiaire inviter l'URSSAF d'Alsace à effectuer le recalcul des cotisations dues pour ce chef de redressement,

. valider la mise en demeure du 25 novembre 2015 pour son entier montant de 112.053 euros en cotisations et de 14.323 euros en majorations de retard,

. constater que la société a versé la somme de 3.018 euros le 6 janvier 2016, correspondant aux redressements non contestés,

. fixer la créance de l'URSSAF au montant de 108.876,18 euros en cotisations et de 14.323 euros en majorations de retard au titre des années 2012, 2013 et 2014,

. condamner la société [6] aux frais et dépens,

. rejeter toute demande de condamnation de l'URSSAF à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure,

. rejeter toutes autres demandes formulées par la société [6].

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Interjeté dans les forme et délai légaux, les appels sont recevables.

A titre liminaire, la cour rappelle que les points n° 1 (580 euros), 2 (1.357 euros) et 9 (1.081 euros) de la lettre d'observations du 30 septembre 2015 n'ont pas fait l'objet de contestation, et que la société s'est acquittée de la somme de 3.018 euros le 6 janvier 2016.

Sur la mise en cause du commissaire à l'exécution du plan

Aux termes de l'article 369 du code de procédure civile, l'instance est notamment interrompue par l'effet du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur.

Selon l'article 372 du même code, les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue.

En l'espèce, le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 24 mars 2021 a été rendu dans l'instance opposant la SARL [6] à l'URSSAF d'Alsace malgré l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société le 5 mars 2018, soit lorsque l'instance était interrompue au profit de la SARL [6] en application du premier des deux textes précités.

Cependant, en relevant appel de ce jugement par déclaration d'appel du 9 avril 2021, ladite société a sollicité l'infirmation partielle du jugement déféré, de sorte qu'elle a tacitement confirmé cette décision à son égard qui ne saurait donc être déclarée non avenue.

L'URSSAF justifie qu'en cours de procédure d'appel ses conclusions du 17 août 2022 par lesquelles elle demandait notamment la mise en cause du commissaire à l'exécution du plan ont été notifiées à Maître [A], es qualité de commissaire à l'exécution du plan, par lettre recommandée avec avis de réception réceptionnée le 19 août 2022.

Celui-ci a été convoqué par le greffe de la cour à l'audience de plaidoirie du 13 octobre 2022 selon lettre recommandée avec avis de réception réceptionnée le 21 septembre 2022, et ne s'est ni présenté ni fait représenter à l'audience.

Le présent arrêt sera dès lors réputé contradictoire à l'égard de l'ensemble des parties.

Sur la prise en charge par l'employeur de contraventions (point n° 3 de la lettre d'observations ' 1.469 euros en cotisations)

Il résulte des constatations de l'inspecteur du recouvrement que la société [6] a pris en charge 27 contraventions pour des infractions routières commises au cours de la période contrôlée.

La SARL fait grief au jugement déféré d'avoir validé le redressement opéré sur ce point au motif que la prise en charge des contraventions constitue un avantage en espèces soumis à cotisations et contributions sociales dès lors qu'il n'est pas établi que le travailleur salarié ou assimilé les a engagées dans l'intérêt de l'employeur.

L'appelante indique qu'à l'exception de quatre contraventions, les auteurs des infractions routières ne sont pas connus. Elle estime qu'il ne peut y avoir un avantage en nature lorsque son bénéficiaire est inconnu. Elle reproche au jugement un défaut de réponse à cet argument.

Le jugement déféré rappelle cependant le principe d'assujettissement aux cotisations sociales des avantages en nature ou en argent alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail résultant de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale ainsi que la jurisprudence qui a reconnu l'existence d'un avantage en espèces constitué par la prise en charge par l'employeur des amendes réprimant une contravention du code de la route commise par un salarié ou assimilé.

Il n'appartient pas à l'URSSAF de démontrer qu'un salarié ou assimilé était au volant de l'un des véhicules achetés ou loués par l'entreprise au moment de l'infraction, mais à l'employeur, qui ne peut ignorer l'identité de la personne à laquelle le véhicule a été con'é le jour de la commission de l'infraction, de justifier que la personne pour laquelle la contravention a été acquittée n'était pas salariée de l'entreprise.

Le fait pour l'employeur de taire le nom du conducteur du véhicule ayant commis l'infraction et d'assumer la charge financière de la contravention ne permet pas de l'exonérer des cotisations et contributions sociales sur l'avantage en nature correspondant à l'économie de frais que le salarié ou assimilé aurait normalement dû supporter.

Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement.

Sur les acomptes, avances prêts non récupérés (point n° 4 de la lettre d'observations ' 959 euros en cotisations)

Il résulte de la lettre d'observations du 30 septembre 2015, d'une part qu'un prêt consenti par la SARL [6] à M. [P] [N] en 2012 n'a jamais été remboursé et, d'autre part, qu'un prêt de 1.000 euros accordé à M. [X] [C] a été partiellement remboursé cependant qu'un solde débiteur de 879,87 euros constaté pour ce prêt en fin d'exercice 2012 a été soldé par un débit du compte-courant d'associé apparu dans la comptabilité de l'entreprise en 2013.

Considérant que ces remboursements n'ont pas été effectués par les salariés et qu'ils représentaient un élément de rémunération, l'inspecteur du recouvrement a procédé à la réintégration des sommes non remboursées dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.

La société appelante conteste le jugement en ce qu'il a validé le redressement sur ce point.

Elle soutient qu'il n'y a pas d'avantages en espèces dès lors que ces montants font l'objet de prêts qui doivent être remboursés ; que s'agissant du prêt consenti à M. [N], elle n'a en aucun cas renoncé à être remboursée par celui-ci et que, s'agissant de M. [C], le remboursement a eu lieu par son compte-courant.

La cour constate cependant que, concernant le prêt consenti à M. [N], la société est dans l'impossibilité de produire une convention de prêt conclue entre les parties ainsi que l'inspecteur du recouvrement l'avait établi. De plus, cette somme n'a jamais été remboursée depuis 2012.

Concernant le prêt consenti à M. [C], celui-ci a fait l'objet d'un remboursement par compte-courant d'associé et non par un simple virement de compte-courant ordinaire ainsi qu'en atteste l'écriture comptable du compte 455000 en 2013 alors que le salarié n'a pas la qualité d'associé de la société.

Du tout, c'est donc la confirmation du jugement qui s'impose sur ce point.

Sur les frais professionnels non justifiés ' restauration hors des locaux de l'entreprise ' indemnités de transport (point n° 5 de la lettre d'observations ' 20.214 euros en cotisations)

La SARL conteste la validation du redressement opéré sur ce point par le jugement entrepris.

Ce dernier ayant rappelé et reproduit l'ensemble des dispositions légales et réglementaires applicables à la résolution du litige, il convient de s'y référer.

Sur les frais de repas

Il n'est pas débattu que tant les ouvriers que M. [Z], mandataire social (gérant), ont perçu des paniers de chantier.

Considérant que la société [6] n'a pas apporté d'éléments probants permettant d'attester de la réalité des chantiers (de la date des chantiers, des lieux des chantiers, de notes de frais), ni de justifier de la présence des salariés et de M. [Z] sur lesdits chantiers, le jugement a validé les régularisations opérées par l'inspecteur du recouvrement.

A hauteur d'appel, la société [6] se contente de rappeler qu'elle est une entreprise spécialisée dans l'isolation thermique extérieure ainsi que dans la peinture de façade, crépis et ravalement de façade et que son activité se déroule sur des chantiers qui nécessitent que ses salariés s'y déplacent, sans pour autant rapporter la preuve des déplacements des ouvriers qui ont perçu des paniers de chantier.

Elle n'a produit, durant le contrôle et la phase contradictoire, aucun suivi des lieux de déplacement des salariés ou des notes de frais. En s'abstenant de mettre l'inspecteur du recouvrement en mesure de contrôler la réalité des déplacements professionnels de ses salariés et partant de permettre à celui-ci de vérifier les frais supplémentaires de repas auxquels les salariés pouvaient être exposés, la société ne peut revendiquer le caractère professionnel de ces frais par des circonstances de fait non justifiées.

Quand bien même le versement des indemnités repas est prévu par les dispositions conventionnelles applicables à la SARL, celles-ci ne dispense pas l'employeur de rapporter la preuve des déplacements des salariés sur des chantiers pour bénéficier du régime social de faveur.

S'agissant des indemnités forfaitaires allouées occasionnellement à M. [Z], il convient de rappeler que l'article 1er, second alinéa, de l'arrêté du 20 décembre 2002 prévoit que les allocations forfaitaires versées aux gérants minoritaires de SARL et SELARL, PDG et directeurs généraux de SA et de SELAFA, présidents et dirigeants de SAS, ne peuvent être, pour l'exercice de leur fonction de dirigeant, exonérées de cotisations.

La SARL entend préciser que les indemnités repas auraient été versées à M. [Z], non dans le cadre de son mandat social, mais à l'occasion de la surveillance des chantiers dont il aurait la charge, celui-là exerçant selon l'appelante une activité salariée de « poseur en isolation », cependant qu'elle ne produit pas davantage d'éléments probants permettant d'attester de la présence de celui-ci sur des chantiers.

Il s'ensuit que la réintégration dans l'assiette des cotisations et contributions sociales des indemnités repas versées est justifiée.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé le redressement sur ces points.

Sur les frais de transport

En l'absence de preuve des déplacements effectués par les salariés sur les chantiers, l'inspecteur du recouvrement a également réintégré les indemnités de transport dans l'assiette des charges sociales, redressement qui a été validé par le tribunal.

La société conteste ce redressement au motif que le chiffre d'affaires réalisé résulte du travail effectué sur ses chantiers nécessitant des déplacements professionnels.

A l'appui de ses écritures d'appel, elle a produit en annexe 9 des justificatifs concernant quatre chantiers.

Aucun de ces éléments, ni notes de frais ou suivi de l'activité des salariés indiquant le lieu de chantier, la distance parcourue, les véhicules utilisés et les cartes grises afférentes n'ont cependant été produits au stade du contrôle ou lors de la phase contradictoire.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a validé le redressement correspondant à la réintégration de ces frais dans l'assiette des cotisations et contributions sociales en application de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale.

Sur l'avantage en nature véhicule : principe et évaluation ' hors cas des constructeurs et concessionnaires (point n° 6 de la lettre d'observations ' 5.267 euros en cotisations)

Contrairement aux allégations de l'appelant, l'URSSAF a formé appel incident sur l'annulation du redressement relatif à l'avantage en nature véhicule, en sorte que sur ce point le litige est dévolu à l'appréciation de la cour.

Il n'est pas débattu que deux véhicules de type Audi Q5 ont été loués par la société, l'un pour le gérant, M. [M] [Z], jusqu'en janvier 2014 et l'autre pour son associé, M. [H] [D], jusqu'en janvier 2012. De plus, la société a acheté un véhicule de type Land Rover le 3 mars 2014.

Constatant qu'il n'y avait pas de restriction dans l'utilisation de ces véhicules, l'inspecteur du recouvrement a, en l'absence de preuve de dépenses réellement engagées, évalué l'avantage en nature véhicule des trois véhicules selon la méthode du forfait, avec limitation à 12 % du prix d'achat TTC.

L'URSSAF reproche aux premiers juges d'avoir considéré qu'il lui appartenait de démontrer que, sur la période considérée, les véhicules de la société ont été utilisés dans le cadre privé par le gérant et l'associé.

Elle considère que le tribunal a inversé la charge de la preuve d'un avantage en nature.

La cour rappelle que l'article L242-1 du code de la sécurité sociale pose le principe selon lequel, pour le calcul des cotisations sociales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail. Cette règle concerne le salaire et s'étend également à tous ses accessoires ainsi qu'aux avantages en nature et aux revenus de remplacement.

Sont constitutifs d'avantage en nature, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge.

Selon l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.

Ce texte envisage ensuite les modalités de calcul selon le choix opéré par l'employeur.

La charge de la preuve de ce que les véhicules mis à disposition des salariés sont affectés à un usage exclusivement professionnel incombe à l'employeur.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, qu'il n'y a pas de restriction dans l'utilisation de ces trois véhicules affectés au gérant et à son associé.

A hauteur d'appel, la SARL se contente d'affirmer que ces véhicules sont utilisés à titre exclusivement professionnel par les associés et qu'il n'y aurait pas d'utilisation à titre privé au motif que MM. [Z] et [D] sont chacun propriétaires d'un véhicule privé affecté à leur usage personnel.

Les seuls éléments produits aux débats sont la carte grise du véhicule citroën Picasso C4 de M. [O] [Z] (et non du gérant, M. [M] [Z]) ainsi que la carte grise du véhicule Peugeot 307 de M. [D].

En l'absence de restriction concernant l'utilisation des véhicules loués puis acheté par la société dont elle assurait entièrement la charge et mis à disposition du gérant et de son associé, il convient de retenir que ceux-ci ont bénéficié d'un avantage personnel en nature véhicule, quand bien même l'un d'entre eux a possédé un véhicule personnel.

C'est dès lors à bon droit que l'inspecteur du recouvrement a soumis ces avantages en nature à cotisations et contributions sociales selon des modalités de calcul non débattues.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a annulé le redressement sur ce point, ce dernier devant être validé pour son entier montant de 5.267 euros.

Sur les rémunérations non déclarées : rémunérations non soumises à cotisations (point n° 7 de la lettre d'observations ' 30.986 euros en cotisations)

En application de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale précité, toutes les sommes versées aux travailleurs ou assimilés en contrepartie ou à l'occasion du travail sont considérées comme des rémunérations pour le calcul des cotisations sociales.

Elles donnent lieu à l'application des contributions sociales en application des articles L136-1 et L136-2 du code de la sécurité sociale et de l'article 14 de l'ordonnance 96-50 du 14 janvier 1996.

En l'espèce, l'intégration de la somme de 34.985 euros dans l'assiette des cotisations et contributions sociales réclamées au titre de l'année 2013 résulte de la différence constatée par l'inspecteur du recouvrement entre le montant figurant sur la DADS (5.635 euros) et le montant débité du compte de salaire du gérant (31.854 euros net soit 40.620 euros brut).

Pour l'année 2014, l'examen du Grand livre a fait apparaître une différence entre les sommes déclarées à titre de rémunération du gérant (13.713 euros) et les sommes mises à disposition du gérant selon le débit enregistré sur le compte du salaire de gérant (31.922 euros net, soit 40.710 euros brut), soit une différence de 26.997 euros qui n'a pas été soumise aux charges sociales et qui a été réintégrée dans leur assiette.

La SARL indique que son gérant, M. [M] [Z], a été en arrêt maladie au cours des exercices 2013 et 2014, qu'il n'a touché aucune indemnité journalière à ce titre ce qui explique que la société lui a versé une aide sous forme d'avance sur dividendes futurs.

Elle considère que les sommes perçues pendant la maladie ne peuvent être qualifiées de salaire ou de contrepartie du mandat social en l'absence de prestation de travail et de fonction remplie durant la maladie.

Aucun élément probant n'a cependant été fourni par la SARL à l'inspecteur du recouvrement permettant de démontrer ces allégations.

En outre, l'arrêt maladie ne fait pas obstacle à la qualification des sommes débitées du compte de salaire du gérant de rémunération dès lors que M. [M] [Z] dispose d'un lien organique avec cette société en qualité de gérant.

Il résulte de ces éléments que les sommes versées à M. [Z] en 2013 et 2014 par débit du compte de salaire du gérant sont comprises dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé le redressement sur ce point.

Sur les primes diverses (point n° 8 de la lettre d'observations ' 18.761 euros en cotisations après minoration)

En l'absence de justificatif des sommes comptabilisées sur le compte « 618900 Dépenses sans justif ' a réint. » du Grand livre 2014, l'inspecteur du recouvrement a réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions sociales la somme de 32.684,54 euros qui correspond au solde de ce compte.

Trois écritures sous le compte « 467200 [I] [T] » n'ayant pas été justifiées malgré plusieurs demandes de l'URSSAF, cette dernière a également réintégré la somme totale de 3.000 euros dans l'assiette des charges sociales 2013.

A l'issue du contrôle, la société a fait parvenir en annexe de son courrier d'observations des pièces analysées par l'URSSAF qui ont permis une minoration du redressement initial de 20.749 euros à 18.761 euros.

Le tribunal a accepté de minorer ce dernier montant de 943,23 euros en considérant comme ayant un lien avec l'activité professionnelle, la dépense d'achat d'un téléphone portable (744 euros) et de sa coque (29,99 euros), ainsi que des dépenses alimentaires faites en semaine (88,20 euros et 81,04 euros).

L'URSSAF fait grief au jugement du tribunal d'avoir accepté le caractère professionnel de ces dépenses alors d'une part que ces dépenses présentent un caractère personnel, d'autre part que le tribunal a procédé à la minoration du redressement et non de l'assiette du redressement et, enfin, qu'aucun élément objectif n'a été produit durant le contrôle ou la phase contradictoire permettant de justifier du remboursement d'un acompte payé par M. [T].

La SARL rétorque que toutes les dépenses en question ont été engagées à l'occasion de l'activité de la société et pour le compte de celle-ci. Elle indique que ces dépenses intègrent les frais de déplacement en Turquie en raison de la participation du gérant aux salons et à l'association des entrepreneurs.

Il convient de confirmer le principe de la minoration du redressement litigieux s'agissant de la prise en compte, au titre des frais professionnels, de l'achat du téléphone portable et de ses coques de protection pour le montant total de 773,99 euros (744+29,99), mais non des dépenses alimentaires de 88,20 euros dont l'achat a été crédité sur le compte fidélité d'une autre personne que les dirigeants de la SARL et concerne essentiellement des épices et biscuits chocolatés, ni la facture de 81,04 euro non datée correspondant à l'achat de diverses petites fournitures de produits du quotidien, des biscuits, de nombreuses sucreries et des bouquets de roses.

Pour le surplus, l'adresse mentionnée sur la facture pour le changement de carte grise n'est pas celle de l'entreprise, celle-là mentionnant au titre du genre de véhicule « voiture particulière », les voyages ont été effectués dans un cadre familial et, en tout état de cause, sans justification de salon ou d'événement professionnel démontrant la participation de la société [6] en Turquie, le même constat s'imposant concernant la location de plusieurs cars de 30 et 62 places pour des transferts vers l'aéroport de [Localité 8] pour le donneur d'ordre M. [U] [S].

D'autres dépenses ont été exposées pour des chaussures de sport, des frais de restaurant ou d'achats alimentaires les samedis, dimanches ou à des jours non identifiés, d'achats d'épices, de boissons énergisantes sans nourriture, d'une chambre double payée un lundi à 2h18 du matin et une autre concernant une nuitée le dimanche, de dépenses de marchandises non identifiables celles-ci étant désignées par la mention de « consommation ».

Les autres dépenses inscrites au compte contrôlé par l'inspecteur du recouvrement ne sont pas justifiées.

Enfin, si l'appelante indique qu'un client de la SARL [6], M. [I] [T], aurait payé un acompte qui lui a été remboursé, il n'y a aucune trace de l'acompte, ni devis, ni bon de commande. L'attestation de M. [T] (pièce n° 13 de l'appelante), outre qu'elle n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 202, troisième alinéa, du code de procédure civile, mentionne la perception de chèques de la SARL et des travaux réalisés mais ne fait nullement état d'un acompte versé.

Le redressement est dès lors fondé s'agissant de la régularisation opérée sur les versements non justifiés à M. [T] en 2013 (1.756 euros).

Par ailleurs, en tenant compte de la minoration (de 774 euros) de la base de redressement (la base s'établissant à 28.490 euros), le total des cotisations et contributions sociales relatif aux « dépenses sans justif » s'élève à 16.555 euros pour l'année 2014, ce qui conduit à valider le chef de redressement visé au point n° 8 de la lettre d'observations à la somme de 18.311 euros.

Sur les comptes courants débiteurs (point n° 10 de la lettre d'observations ' 31.379 euros en cotisations)

Il résulte des constatations de l'inspecteur du recouvrement que le compte-courant du gérant et le compte-courant d'associé étaient en position débitrice en 2012 et en 2013, respectivement de 12.154 euros au 13 décembre 2012 puis de 2.000 euros au 26 juillet 2013 et de 16.623 euros au 27 décembre 2012 puis 38.662 euros au 30 décembre 2013.

Le compte-courant d'associé a été rééquilibré les 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013 par une distribution anticipée sur les bénéfices d'un montant de 42.000 euros ainsi qu'une créance de 89.929 euros sur la caisse.

Or, les premiers juges ont rappelé avec pertinence que les sommes mises à dispositions d'un dirigeant par inscription au débit du compte-courant du dirigeant personne physique d'une SARL constituent des éléments de rémunération au sens de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale.

Selon la société, il convient de se placer au moment de l'établissement des comptes annuels pour apprécier si les comptes-courants présentent une position débitrice ou non.

La situation du compte-courant d'associé débiteur est cependant interdite dans les SARL lorsque le compte-courant d'associé est détenu par les dirigeants et associés personnes physiques.

Dans tous les cas, quand bien même le compte d'associé a été rééquilibré en fin d'exercice par l'affectation d'autres comptes, des débits au profit du gérant ont été comptablement enregistrés et doivent s'analyser en une avance de fonds considérée comme une rémunération soumise aux charges sociales, de sorte que ces opérations ont permis de rémunérer le gérant de la SARL [6].

Dès lors, il convient de valider le redressement dont l'assiette a été calculée par l'URSSAF en fonction des constatations des soldes débiteurs du compte-courant d'associé.

Sur la synthèse

Compte-tenu du paiement de la somme de 3.018 euros intervenu le 6 janvier 2016, la créance de l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la SARL [6] doit être fixée à la somme de 108.585 euros (1.469 + 959 + 20.214 + 5.267 + 30.986 + 18.311 + 31.379 euros) en cotisations et contributions sociales au titre des années 2012, 2013 et 2014, auxquelles se rajoutent les majorations de retard, rappel étant fait que selon l'article L243-5 du code de la sécurité sociale, en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les pénalités, majorations de retard et frais de poursuites dus par le redevable à la date du jugement d'ouverture sont remis, sauf si le passif déclaré résulte en tout ou partie du constat de l'infraction mentionnée à l'article L8221-1 du code du travail.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Partie qui succombe pour l'essentiel, la SARL [6] doit être condamnée aux dépens d'appel et sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l'appel recevable ;

CONSTATE la mise en cause du commissaire à l'exécution du plan de la SARL [6] ;

CONFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 24 mars 2021 sauf en ce qu'il a annulé le redressement portant sur la mise à disposition d'un véhicule (point n°6 de la lettre d'observations), minoré l'assiette du redressement portant sur les frais sans justificatifs de la somme de 943,23 euros, validé partiellement la mise en demeure du 25 novembre 2015 pour un montant de 105.842,77 euros en cotisations auxquelles se rajoutent les majorations de retard et fixé la créance de l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la SARL [6] à une somme de 102.824,77 euros en cotisations auxquelles se rajoutent les majorations de retard ;

INFIRME le jugement de ces chefs ;

Statuant à nouveau, dans la limite des chefs de jugement infirmés,

VALIDE le chef de redressement n° 6 (avantage en nature véhicule : principe et évaluation ' hors cas des constructeurs et concessionnaires) opéré par l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la SARL [6] pour son entier montant de 5.267 euros en cotisations et contributions sociales ;

VALIDE le chef de redressement n° 8 (primes diverses) opéré par l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la SARL [6], pour un montant de 18.311 euros en cotisations et contributions sociales au titre des années 2013 et 2014 ;

VALIDE partiellement la mise en demeure du 25 novembre 2015 pour son montant de 111.603 euros en cotisations et contributions sociales auxquelles se rajoutent les majorations de retard ;

FIXE la créance de l'URSSAF d'Alsace à l'encontre de la SARL [6] à une somme de 108.585 euros en cotisations et contributions sociales au titre des années 2012, 2013 et 2014, auxquelles se rajoutent les majorations de retard ;

CONDAMNE la SARL [6] aux dépens d'appel ;

REJETTE la demande de la SARL [6] tendant à la condamnation de l'URSSAF d'Alsace à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 sb
Numéro d'arrêt : 21/01539
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;21.01539 ?
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