MINUTE N° 23/104
NOTIFICATION :
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :
- avocats
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB
ARRET DU 09 Février 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 19/03559 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HE7T
Décision déférée à la Cour : 29 Mai 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG
APPELANTE :
URSSAF [Localité 1]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Comparante en la personne de Mme [B] [N], munie d'un pouvoir
INTIMEE :
Société [4]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
PORTUGAL
Représentée par Me Edith COLLOMB-LEFEVRE, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme GREWEY, Conseiller
M. LAETHIER, Vice-Président placé
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme KERLE, adjoint administratif faisant fonction de greffier, assistée de Mme JACQUAT, greffier stagiaire
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HERBO, Président de chambre,
- signé par Mme HERBO, Président de chambre, et Mme KERLE, adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société [4] est une société de droit portugais qui exerce une activité de construction civile générale et de travaux publics.
La société [2] est une filiale de la société [4].
Par lettre d'observations du 19 mars 2015, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de [Localité 5] (ci-après l'URSSAF) a notifié à la société [4] un redressement d'un montant de 680 438 euros pour la période du 1er janvier 2010 au 30 septembre 2013 au titre des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L 8222-1 du code du travail.
L'URSSAF indique dans sa lettre d'observations qu''un contrôle opéré en avril 2013 a permis d'établir que la société [4] a fait travailler 56 de ses salariés en France pour le compte de la société [2] entre le 1er janvier 2010 et le 30 septembre 2013 sans déclarer leurs rémunérations auprès du [3] ([3]) dépendant de l'URSSAF d'[Localité 1].
Un procès verbal de travail relevant l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité a été établi à l'encontre de la société [4] et transmis au Procureur de la République (procès-verbal n° 2014/12 clos le 23 février 2015).
Par courrier du 24 avril 2015, la société [4] a contesté le travail dissimulé qui lui est reproché et le redressement qui en découle.
Par courrier en réponse du 6 juillet 2015, l'URSSAF a maintenu le redressement.
Une mise en demeure du 23 décembre 2015 a été notifiée par l'URSSAF d'[Localité 1] à la société [4] pour un montant total de 832 698 euros (680 438 euros de cotisations et 152 260 euros de majorations de retard).
Par courrier du 22 janvier 2016, la société [4] a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF d'[Localité 1].
Par courrier envoyé le 14 juin 2016, la société [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin d' un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par décision du 14 novembre 2016, notifiée par courrier du 28 novembre 2016, la commission de recours amiable a explicitement rejeté le recours de la société [4].
Par jugement du 29 mai 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg a :
- Donné acte à l'URSSAF de ce qu'elle abandonne le redressement concernant l'année 2010,
- déclaré la demande de disjonction sans objet,
- débouté la société de droit portugais [4] de voir annuler le redressement de la lettre d'observations du 19 mars 2015, la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 18 avril 2016 et la décision expresse de rejet de la commission de recours amiable du 28 novembre 2016 en raison de l'accord tacite pris par l'URSSAF lors du précédent contrôle de la société [2],
- débouté la société de droit portugais [4] de voir annuler le redressement de la lettre d'observations du 19 mars 2015, la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 18 avril 2016 et la décision expresse de rejet de la commission de recours amiable du 28 novembre 2016 en raison du non-respect du principe du contradictoire et des droits de la défense,
- annulé le redressement de la lettre d'observations du 19 mars 2015, la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 18 avril 2016 et la décision expresse de rejet de la commission de recours amiable du 28 novembre 2016 en raison du non-respect des règles relatives à la communication de pièces,
- dit n'y avoir lieu à examiner les demandes subsidiaires,
- condamné l'URSSAF d'[Localité 1] à payer à la société de droit portugais [4] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'URSSAF d'[Localité 1] aux entiers dépens de la présente instance,
- débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens et prétentions,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le jugement a été notifié à la société [4] le 15 juillet 2019 et à l'URSSAF d'[Localité 1] le 8 juillet 2019.
L'URSSAF d'[Localité 1] a interjeté appel par courrier recommandé envoyé le 22 juillet 2019.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 8 décembre 2022.
Par conclusions du 21 novembre 2022, soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF d'[Localité 1] demande à la cour de :
- Déclarer l'appel de l'URSSAF recevable en la forme, l'accueillir quant au fond,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'annulation du redressement en raison d'un accord tacite,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'annulation du redressement en raison du non-respect du principe du contradictoire,
- infirmer le jugement au surplus,
- statuant à nouveau :
- A titre principal,
- valider le redressement opéré par l'URSSAF pour son entier montant soit 631 366 euros,
- reconventionnellement, condamner la société [4] à régler cette somme à l'URSSAF,
- à titre subsidiaire,
- valider le redressement opéré par l'URSSAF pour un montant de 462 346 euros en cotisations, prenant ainsi en compte la minoration opérée par l'URSSAF suite à la production des certificats A1 valables pour 8 salariés,
- prendre acte de ce que l'URSSAF recalculera le montant des majorations de retard dues sur ce montant de 462 346 euros,
- condamner la société [4] au montant de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter toute autre prétention de la société [4].
Par conclusions reçues au greffe le 8 décembre 2021, soutenues oralement à l'audience, la société [4] demande à la cour de :
A titre principal :
- Confirmer le jugement du TGI de Strasbourg du 29 mai 2019 en ce qu'il a annulé le redressement de la lettre d'observations du 19 mars 2015, la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 18 avril 2016 et la décision expresse de rejet de la commission de recours amiable du 28 novembre 2016 en raison des règles relatives à la communication de pièces.
A titre subsidiaire :
- Annuler le redressement de la lettre d'observations du 19 mars 2015, la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 18 avril 2016 et la décision expresse de rejet de la commission de recours amiable du 28 novembre 2016 en raison de l'accord tacite pris par l'URSSAF lors du précédent contrôle de la société [2],
- par conséquent, infirmer le jugement du TGI de Strasbourg sur ce point.
- Annuler le redressement de la lettre d'observations du 19 mars 2015, la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 18 avril 2016 et la décision expresse de rejet de la commission de recours amiable du 28 novembre 2016 en raison du non-respect du principe du contradictoire et des droits de la défense,
- par conséquent, infirmer le jugement du TGI de Strasbourg sur ce point.
- Annuler le redressement de la lettre d'observations du 19 mars 2015, la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 18 avril 2016 et la décision expresse de rejet de la commission de recours amiable du 28 novembre 2016 en raison de l'absence de fraude au détachement et de travail dissimulé commis par la société [4] et de l'absence de manquement de la société [2] à ses obligations en matière de vigilance,
- par conséquent, infirmer le jugement du TGI de Strasbourg sur ce point.
- Annuler le redressement de la lettre d'observations du 19 mars 2015, la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015, la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable née le 18 avril 2016 et la décision expresse de rejet de la commission de recours amiable du 28 novembre 2016 en raison du non-respect des règles relatives à la taxation forfaitaire,
- par conséquent, infirmer le jugement du TGI de Strasbourg sur ce point.
- Débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes.
- Condamner l'URSSAF à régler à la société la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions précitées pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, malgré l'ordre des prétentions adopté par l'appelante dans ses conclusions, la cour précise qu'elle examinera en premier lieu la demande d'infirmation du jugement et les moyens soulevés à l'appui de cette demande.
Sur la recevabilité de l'appel :
Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.
Sur le moyen d'annulation de la procédure de contrôle tiré du non-respect des règles relatives à la communication de pièces :
Le jugement déféré a annulé le redressement au motif qu'avant le 12 juillet 2014, les agents de contrôle de l'URSSAF ne pouvaient pas se faire présenter et obtenir copie des documents permettant de vérifier les conditions et la réglementation applicable à un détachement temporaire par une entreprise étrangère, c'est à dire la liste des travailleurs détachés et les déclarations de détachement.
Au soutien de son appel, l'URSSAF fait valoir que le travail dissimulé et son contrôle par les agents assermentés était déjà codifié avant le 12 juillet 2014 et que l'ajout apporté à l'article L8271-6-2 du code du travail par la loi du 10 juillet 2014 ne concerne pas le travail dissimulé mais les conditions de détachement au regard du droit du travail. L'URSSAF soutient que le contrôle sanctionne le travail dissimulé résultant de l'impossibilité pour la société de justifier de la situation de détachement dont elle se prévaut et non la fraude au détachement.
L'appelante explique qu'en demandant à la société [4] la production d'éventuels certificats A1 (anciennement E101), les inspecteurs du recouvrement n'ont fait qu'ouvrir la possibilité à la société de justifier de la situation de ses salariés travaillant sur le sol français non déclarés auprès des institutions françaises. Elle ajoute que les inspecteurs doivent nécessairement avoir accès aux informations relatives aux salariés détachés pour évaluer la dissimulation d'emploi salarié et de dissimulation d'activité.
En réplique, la société [4] soutient que le redressement fait suite à un contrôle sur pièces de la société [2] et que l'URSSAF a notamment sollicité auprès de la société [4], par courrier recommandé du 12 août 2013, la liste des salariés détachés et informations sur le détachement ainsi que les déclarations de détachement adressées à la DIRECCTE.
L'intimée affirme que l'URSSAF ne disposait pas du droit d'obtenir communication de ces documents avant le 12 juillet 2014 et que le redressement fondé sur des documents obtenus illégalement doit être annulé.
La société [4] fait valoir que la fraude au détachement ne constitue un nouveau cas de travail dissimulé par dissimulation d'activité que depuis la loi Avenir du 5 septembre 2018 qui prévoit un 3° à l'article L 8221-3 du code du travail et que l'URSSAF tente vainement d'enlever toute notion de détachement dans sa procédure de contrôle alors que le procès-verbal de travail dissimulé et la lettre d'observations font clairement référence aux dispositions légales sur le détachement.
En matière de lutte contre le travail illégal, l'URSSAF a la possibilité d'effectuer un contrôle soit dans le cadre spécifique de l'article L.8211-1 du code du travail, soit dans le cadre d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale par les employeurs et les travailleurs indépendants prévu par l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, aux seules fins de recouvrement des cotisations afférentes, mais doit déterminer la procédure mise en oeuvre et la respecter sans pouvoir cumuler les règles applicables, chacune de ces procédures étant régies par des règles procédurales distinctes.
En l'espèce, il est constant que le contrôle de la société [4] a été effectué dans le cadre de l'article L.8211-1 du code du travail.
Aux termes de l'article L.8271-1 du code du travail, les infractions de travail illégal mentionnées à l'article L.8211-1 sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l'article L.8271-1-2 dans la limite de leurs compétences respectives.
L'article L.8271-6-2 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 applicable au contrôle litigieux, dispose que « pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 peuvent se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions du présent livre ».
Le livre auquel fait référence cet article est relatif à la lutte contre le travail illégal.
L'article L.8271-6-2 du code du travail a été modifié par l'article 7 de la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014.
La nouvelle version, entrée en vigueur le 12 juillet 2014, prévoit que « pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 peuvent se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions du présent livre et du chapitre II du titre VI du livre II de la première partie ».
Le chapitre II du titre VI du livre II de la première partie du code du travail vise les conditions de détachement et la réglementation applicable aux salariés détachés temporairement par une entreprise non établie en France.
Il ressort des travaux parlementaires et notamment du rapport n° 487 de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 30 avril 2014, que la modification apportée à l'article L 8271-6-2 du code du travail avait pour objet de renforcer les pouvoirs des agents de contrôle chargés de lutter contre le travail illégal en les autorisant à se faire présenter des documents relatifs au détachement temporaire de salariés par une entreprise non établie en France et en obtenir copie immédiate.
Avant le 12 juillet 2014, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014, les agents de contrôle ne pouvaient pas se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions du chapitre II (conditions de détachement et réglementation applicable) du titre VI (salariés détachés temporairement par une entreprise non établie en France) du livre II (contrat de travail) de la première partie du code du travail.
La cour rappelle que les pouvoirs d'investigation des agents de contrôle de l'URSSAF sont d'interprétation stricte et ils ne peuvent, même pour les besoins de la détection d'une éventuelle évasion sociale, les outrepasser.
Le respect de ces dispositions affecte la validité des opérations de contrôle.
En l'espèce, dans le cadre du contrôle de la société [2], il est établi que l'URSSAF du [Localité 5] a demandé à la société [4], par courrier du 12 août 2013, de lui adresser les documents suivants :
« - liste de tous les salariés de la société [4] depuis 2009 en précisant leur période d'emploi, que ceux-ci travaillent au Portugal ou dans un autre pays de l'Union Européenne,
- pour chaque facture de prestations de service adressée par la société [4] depuis 2009 à la société [2], la liste des salariés détachés faisant l'objet de la facture émise ; de plus, pour chacun des salariés détachés figurant dans cette liste, il conviendra de préciser la période de détachement, le lieu du détachement du salarié concerné ainsi que le montant facturé à ce titre par la société [4],
- les certificats A1 ou E 101 émanant de l'organisme de sécurité sociale portugais pour chacun des salariés détachés mentionnés sur la liste précitée,
- les déclarations de détachement adressées à la Direccte pour les salariés mentionnés sur la liste précitée,
- les bilans financiers et comptables 2009 à 2013 de la société [4]. »
Cependant, comme indiqué précédemment, aucune disposition légale n'autorisait les agents de contrôle de l'URSSAF à se faire présenter des documents relatifs au détachement temporaire de salariés par une entreprise non établie en France et en obtenir copie.
Les documents obtenus illégalement fondent le redressement opéré puisque la lettre d'observations du 19 mars 2015 et le procès-verbal de travail dissimulé établi le 23 février 2015, auquel elle renvoie, font expressément référence aux règles du détachement.
Il est notamment rappelé dans le procès-verbal de travail dissimulé qu'en application des dispositions de l'article L 1262-4 du code du travail, « une entreprise membre de la communauté européenne qui détache temporairement des salariés sur le territoire national est soumise aux dispositions légales et conventionnelles du droit du travail français ».
Pour échapper à l'application des dispositions de l'article L.8271-6-2 du code du travail, l'URSSAF soutient que son contrôle sanctionne le travail dissimulé résultant de l'impossibilité pour la société de justifier de la situation de détachement.
Cependant, l'article L 8271-9 du code du travail, dans sa version en vigueur applicable jusqu'au 20 juin 2014, prévoit que « pour la recherche et la constatation des infractions aux interdictions du travail dissimulé, les agents de contrôle peuvent se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents suivants, quels que soient leur forme et leur support :
1° Les documents justifiant que l'immatriculation, les déclarations et les formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ont été effectuées ainsi que ceux relatifs à l'autorisation d'exercice de la profession ou à l'agrément lorsqu'une disposition particulière l'a prévu ;
2° Les documents justifiant que l'entreprise a vérifié, conformément aux dispositions des articles L. 8222-1 ou L. 8222-4, que son ou ses cocontractants ont accompli les formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ou des réglementations d'effet équivalent de leur pays d'origine ;
3° Les devis, les bons de commande ou de travaux, les factures et les contrats ou documents commerciaux relatifs aux prestations exécutées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8221-1 ».
L'article L 8221-3, auquel renvoie l'article L 8271-9, prévoit depuis la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, entrée en vigueur le 7 septembre 2018, qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations, s'est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l'employeur de ces derniers exerce dans l'Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.
Ainsi, la fraude au détachement ne constituait pas un cas de travail dissimulé par dissimulation d'activité au moment du contrôle de la société [4] et l'URSSAF d'[Localité 1] ne peut se prévaloir des dispositions des articles L 8271-9 et L 8221-3 du code du travail pour justifier la légalité des investigations diligentées par ses agents de contrôle.
Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé le redressement notifié aux termes de la lettre d'observations du 19 mars 2015 et la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015.
Le procédure étant irrégulière et le redressement annulé, il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens soulevés par les parties quant à la validité et au bien fondé du redressement.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Succombant, l'URSSAF d'[Localité 1] sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire droit à la demande formée par la société [4] sur le même fondement à hauteur de la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu le 29 mai 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il a annulé le redressement notifié aux termes de la lettre d'observations du 19 mars 2015 et la mise en demeure subséquente du 23 décembre 2015,
Y ajoutant :
CONDAMNE l'URSSAF d'[Localité 1] aux dépens de la procédure d'appel,
DEBOUTE l'URSSAF d'[Localité 1] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'URSSAF d'[Localité 1] à payer à la société [4] la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greff ier, Le Président,