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24/02/2023 | FRANCE | N°21/03375

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 24 février 2023, 21/03375


CKD/JH/KG





MINUTE N° 23/221





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE CO

LMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 24 Février 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03375

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUMD



Décision déférée à la Cour : 06 Juillet 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR



APPELANTE :



Madame [X] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Repré...

CKD/JH/KG

MINUTE N° 23/221

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 24 Février 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03375

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUMD

Décision déférée à la Cour : 06 Juillet 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR

APPELANTE :

Madame [X] [V]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoît NICOLAS, avocat au barreau de COLMAR

INTIMEE :

S.A.S. GROUPEMENT AMBULANCIER DU GRAND EST

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 452 33 7 6 11

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie BETTINGER, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [X] [V], née le 29 septembre 1977, a été engagée selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 2016 par la SARL Colmar ambulances, aux droits de laquelle vient la SAS Groupement ambulancier du Grand Est, en qualité d'auxiliaire ambulancier, premier degré, niveau A selon la classification de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport applicable à la relation contractuelle.

Elle a été élue titulaire au comité social et économique le 13 février 2018.

Mme [V] a démissionné de l'entreprise par courrier du 20 septembre 2018.

Elle a, le 22 juillet 2019, saisi le conseil de prud'hommes de Colmar aux fins de faire reconnaître un harcèlement moral, requalifier la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, et condamner l'employeur au paiement de différentes sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 6 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Colmar a':

- condamné la SAS Groupement ambulancier du Grand Est à payer à Mme [V] les sommes de':

* 191,65 € brut au titre des heures supplémentaires,

* 19,16 € brut au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2019,

* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [V] des autres demandes,

- débouté la SAS Groupement ambulancier du Grand Est de ses demandes,

- condamné la SAS Groupement ambulancier du Grand Est aux entiers frais et dépens.

Mme [X] [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 20 juillet 2021.

Dans ses dernières conclusions d'appel transmises au greffe par voie électronique le 27 septembre 2021, Mme [V] demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':

* condamné la SAS Groupement ambulancier du Grand Est à lui payer les sommes de 191,65 € brut au titre des heures supplémentaires, outre 19,16 € brut au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2019 et 500 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a déboutée de ses autres demandes,

- constater qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral,

- constater que la démission intervenue le 20 septembre 2018 est une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul,

- condamner la SAS Groupement ambulancier du Grand Est à lui payer les sommes de':

* 3.070,40 € brut au titre du préavis,

* 307,04 € au titre des congés payés sur préavis,

* 863,55 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 12.281,06 € brut au titre de l'indemnité de licenciement nul,

* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 3.254,89 € au titre des heures supplémentaires,

* 325,49 € au titre des congés payés afférents,

* 8.500 € au titre des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée hebdomadaire du travail,

* 9.211,20 € au titre du travail dissimulé par dissimulation d'heures,

* 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Groupement ambulancier du Grand Est aux entiers frais et dépens,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Groupement ambulancier du Grand Est de ses demandes.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 04 novembre 2021, la SAS Groupement ambulancier du Grand Est demande à la cour de :

- dire et juger l'appel formé par Mme [V] irrecevable et mal fondé,

- débouter Mme [V] de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Colmar le 6 juillet 2021';

- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 mars 2022.

Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS

I) Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

a) Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, Mme [V] sollicite le paiement d'une somme de 3.254,89 € au titre des heures supplémentaires non rémunérées. Elle considère que l'employeur a mis en 'uvre une modulation du temps de travail en dehors de tout cadre légal, ou conventionnel pour s'affranchir des durées maximales de temps de travail, et du paiement des heures supplémentaires.

La salariée produit deux décomptes des sommes réclamées au titre des heures supplémentaires (pièce n°8).

L'analyse de ces tableaux fait apparaître que les mentions relatives aux heures réalisées sont concordantes avec les récapitulatifs mensuels joints par l'employeur aux bulletins de paie et établis conformément aux feuilles de route hebdomadaires signées par la salariée.

Les tableaux récapitulatifs de l'employeur font distinctement apparaître l'amplitude de la journée de travail, la durée effective de travail, les temps de pause, ainsi que les heures supplémentaires au-delà de 35 heures.

Il appert de ces documents que le décompte des heures supplémentaires a bien été effectué par l'employeur sur la semaine, et non sur une autre période.

En outre, il a calculé la durée du travail conformément aux dispositions de l'accord conventionnel du 04 mai 2000 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail, modifié par l'avenant n°3 du 16 janvier 2008, qui prévoit le paiement des heures supplémentaires par l'application d'un coefficient à l'amplitude de travail.

La SAS GAGEST est fondée à contester les erreurs de calcul de Mme [V]. En effet, sur la base de l'amplitude hebdomadaire, la salariée a déduit un forfait de 35 heures sans application d'un coefficient, avant d'appliquer ce coefficient sur les heures supérieures à 35 heures.

Or, aux termes de l'article 2 de l'avenant précité, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants à temps plein, afin de tenir compte des périodes d'inaction (notamment au cours des services de permanence), de repos, repas, coupures et de la variation de l'intensité de leur activité, est décompté «'sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d'activité, prises en compte :

1. Services de permanence : pour 75 % de leurs durées ;

2. En dehors des services de permanence : pour 90 % de leurs durées'».

Ainsi, le coefficient devait être appliqué sur l'ensemble de l'amplitude hebdomadaire, et non uniquement au titre des seules heures d'amplitude au-delà de 35 heures.

A compter du mois d'août 2018, correspondant à la date d'entrée en vigueur de l'accord du 16 juin 2016 relatif à la durée et à l'organisation du travail dans les activités du transport sanitaire après extension, l'application d'un coefficient de 0,8 a été retenue uniquement pour les temps de permanence. Pour les autres amplitudes, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers est désormais calculé sur la base de leur amplitude diminuée des temps de pauses ou de coupures dans le respect des règles, des conditions et des limites fixées à l'article 5 ci-dessous.

En application des dispositions précitées, la salariée ne pouvait donc en aucun cas calculer le nombre d'heures supplémentaires selon la méthode proposée dans ses décomptes.

Il est en outre relevé que lorsqu'il existe une discordance entre le récapitulatif mensuel effectué par l'employeur et les feuilles de route hebdomadaires, l'employeur justifie ces éléments par les retards de la salariée (conformément aux relevés de pointage), en démontrant que la somme des amplitudes a été inexactement calculée par la salariée, et que certaines feuilles de route n'étaient pas complétées.

Par ailleurs, l'employeur justifie que la salariée a sollicité le report des heures supplémentaires effectuées dans un compteur de repos compensateur de remplacement au titre de l'année 2017, et que 116,96 heures sur les 122,53 heures enregistrées sur le compteur (pièce n°6 de l'intimée) ont été payées au mois de décembre 2017.

Enfin, l'employeur qui admet l'existence d'une heure supplémentaire impayée en 2016 et six heures supplémentaires non réglées en 2018, a été à bon droit condamné à leur paiement par les premiers juges qui ont, avec pertinence, ajouté une condamnation au paiement du reliquat de 5,57 heures non rémunérées par l'employeur au titre de l'année 2017 dont il n'est pas demandé l'infirmation à hauteur d'appel.

La cour en déduit que l'employeur fournit des éléments de nature à justifier tant de ses calculs que des horaires effectivement réalisés par la salariée, conformément aux dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail et que, lorsqu'il ne rapportait pas de tels justifications, il a été condamné au paiement des reliquats sollicités par la salariée.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé sur ce point.

b) Sur la demande indemnitaire au titre du travail dissimulé

Pour caractériser la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail, le salarié doit établir que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué.

En l'espèce, eu égard aux bulletins de paie produits mentionnant les heures supplémentaires accomplies, aux décomptes informatiques qui traduisent une comptabilisation respectueuse du temps du travail sur la base de feuilles de route contresignées par la salariée, l'erreur de 12,65 heures de travail au cours d'une période de deux ans dans le secteur particulièrement complexe du transport sanitaire de personnes ne permet pas de caractériser cet élément intentionnel.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a débouté Mme [V] de ce chef de demande.

II. Sur le non-respect des durées maximales de travail

L'article L.3121-20 du code du travail fixe la durée hebdomadaire maximale de travail à 48 heures au cours d'une période de référence d'une semaine.

L'article L.3121-35 du même code dispose que, sauf stipulations contraires dans une convention ou un accord mentionné à l'article L.3121-32, la semaine débute le lundi à 0 heure, et se termine le dimanche à 24 heures.

Selon l'article D.3312-7 du code précité, applicable aux entreprises de transport routier de personnes, la durée hebdomadaire du travail est calculée sur une semaine.

Pour le personnel roulant, la durée hebdomadaire du travail peut être déterminée sur la base d'une moyenne calculée sur deux semaines consécutives, à condition que cette période comprenne au moins trois jours de repos, et sous réserve, pour chacune de ces deux semaines, du respect des limites prévues aux articles L.3121-20 et L.3121-21 du code du travail.

L'article L.3121-16 du code du travail dispose que dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes consécutives.

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

En l'espèce, il résulte du récapitulatif « modèle 2 » établi mensuellement par l'employeur (pièce n°3 de l'appelante), que la durée effective de travail a été portée à 48,98 heures au titre de la 35ème semaine de l'année 2016, à 49,67 heures au titre de la 49ème semaine de l'année 2016, à 55,95 heures au titre de la 21ème semaine de l'année 2018 et à 51,05 heures au titre de la 23ème semaine de l'année 2018.

En outre, les feuilles de route hebdomadaires font apparaître à plusieurs reprises que le temps de pause de 20 minutes consécutives a été octroyé plus de six heures après la prise de poste de la salariée, notamment les 19 septembre 2016, 14 octobre 2016, 3 mars 2017, 24 avril 2017, 12 mai 2017,'3 juin 2017, 6 juin 2017, 21 juillet 2017, 8 septembre 2017, 13 septembre 2017, 6 décembre 2017, 9 avril 2018 et 19 avril 2018 (pièce n°3 de l'appelante), sans qu'il ne soit justifié que le temps passé avant l'octroi de cette pause ne constitue pas intégralement du temps de travail effectif.

L'employeur se contente d'indiquer que les limites maximales de la durée du travail sont respectées alors qu'il est établi que la durée maximale de travail effectif hebdomadaire, ainsi que la durée maximale de travail avant l'octroi de la pause légale, ont été dépassées à plusieurs reprises.

Le seul constat du dépassement des durées maximales de travail ouvre droit à réparation. Le jugement sera infirmé donc en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande.

La SAS Groupement ambulancier du Grand Est sera condamnée à verser à Mme [V] une indemnité de 2.000 € en compensation du préjudice occasionné.

III. Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient à la cour d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par la salariée en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits.

Il est rappelé que les faits invoqués par la salariée étant postérieurs à la loi du 8 août 2016, il lui incombe de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, dans l'affirmative, il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [V] fait valoir qu'elle a vécu une altération de ses conditions de travail ainsi qu'une forte pression, assimilables à du harcèlement moral, réclamant réparation du préjudice subi à hauteur de 5.000 €.

Pour caractériser l'existence d'un harcèlement moral, Mme [V] invoque tout d'abord l'absence d'organisation des pauses dans des conditions satisfaisantes. Elle

indique que des pauses se seraient déroulées à l'extérieur, en plein centre-ville au cours d'un épisode caniculaire, dans des zones dépourvues de fraîcheur, ou de sanitaires, voire éloignées des «'bases'» de regroupement du personnel.

Outre que la salariée ne détermine ni la période, ni les jours concernés par ses allégations, celle-ci indique dans ses propres conclusions qu'elle a pu rester dans son véhicule, et rejoindre deux «'bases'» climatisées. Mme [V] ne produisant pas le moindre élément permettant d'apprécier les conditions dans lesquelles se déroulaient les pauses, et ne contestant pas avoir été en mesure de pouvoir vaquer à des occupations personnelles, ce grief est insuffisamment établi.

S'agissant des conditions de travail qui auraient généré une situation quotidienne de stress en raison d'une surcharge de travail, la salariée expose':

- qu'en tant que déléguée du personnel et depuis le rachat de la société Colmar ambulances, sa charge de travail, hors temps de conduite, était importante';

- que les heures supplémentaires n'ont pas été payées, et les durées maximales de travail et temps de pause non respectés';

- que son accident du travail survenu le 10 août 2018 est la conséquence de l'altération de ses conditions de travail.

Pour étayer ses affirmations, l'appelante produit notamment des copies de SMS échangés avec les régulateurs, les feuilles de route hebdomadaires signées par l'employeur et contresignées par elle, un courrier adressé par le docteur [U], praticien hospitalier au pôle psychiatrie générale du Centre hospitalier d'[5], à son médecin traitant, ainsi que des certificats médicaux faisant état d'une baisse de son état psychique, et de la prescription d'antidépresseurs et d'anxiolytiques.

Si la requérante indique dans ses conclusions avoir demandé à son responsable de site de pouvoir travailler en matinée/après-midi, elle ne produit aucun élément au soutien de ses allégations.

En outre, s'agissant de l'accident du travail du 10 août 2018, le caractère professionnel de l'accident a été reconnu par la CPAM en ce qu'il est survenu au temps et le lieu du travail et qu'il a entrainé l'apparition soudaine d'une lésion. La prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle ne permet pas de considérer que les conditions de travail étaient intenables, ni d'établir que Mme [V] aurait perdu connaissance en man'uvrant son véhicule, alors qu'il n'y a eu aucun témoin de ce prétendu malaise, et que l'accident effectivement déclaré par l'employeur est le malaise survenu dans le bureau de son responsable de site dont les circonstances ne sont pas précisées.

Bien qu'il ait été précédemment jugé, que Mme [V] a régulièrement accompli des horaires excédant la durée maximale du travail hebdomadaire, que la pause légale de 20 minutes a été parfois attribuée au-delà de 6 heures de travail consécutives, et que certaines heures supplémentaires accomplies ne lui ont pas été réglées'; la salariée ne produit aucun courrier, compte-rendu d'entretien, ou témoignage alertant des difficultés constatées, alors qu'elle avait la qualité d'élue du personnel.

L'appelante justifie seulement avoir régulièrement formulé, sur les feuilles de route hebdomadaires contresignées par l'employeur, des observations relatives au non-respect des durées du travail, sans pour autant évoquer de surcharge.

Les échanges de SMS avec les membres de l'équipe de régulation ou les supérieurs hiérarchiques peuvent caractériser une situation anxiogène en raison de l'urgence impérative des missions, et une situation de stress en raison de l'absence de prévisibilité de certaines interventions. Pour autant même si ces contraintes peuvent aboutir à une altération de l'état de santé de la salariée, elles sont liées à la nature même des missions, et ne résultent pas d'une attitude de l'employeur.

Enfin il résulte des documents médicaux produits, notamment le courrier du 1er mars 2019 adressé par le docteur [U] au médecin traitant de la salariée, que cette dernière a présenté un épisode de dépression qu'à compter de la fin de l'année 2018.

Mais les antidépresseurs et anxiolytiques ont été prescrits à Mme [V] uniquement à compter du début d'année 2019, soit plusieurs mois après la fin de la relation contractuelle, et que la baisse de l'état psychique de Mme [V] s'est poursuivie au courant de l'année 2020.

Il résulte de l'ensemble des éléments invoqués par la salariée que, pris dans leur ensemble, les seuls faits matériellement établis ne permettent pas de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts sur ce chef.

IV. La requalification de la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail

L'appelante fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté sa demande de requalification de la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail et de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement nul ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes.

La jurisprudence définit la démission comme l'acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, et lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.

La seule existence d'un manquement de l'employeur ne suffit pas à ce que la démission soit qualifiée d'équivoque, il faut que le salarié justifie de l'existence d'un différend.

En l'espèce, Mme [V] a démissionné de son poste par courrier du 20 septembre 2018 sans émettre aucune réserve.

Si l'appelante considère que l'employeur avait connaissance des faits dont elle a été victime dès lors qu'en qualité de déléguée du personnel elle était souvent en désaccord avec la hiérarchie s'agissant des conditions de travail des salariés'; force est de constater qu'elle ne démontre pas avoir émis de doléance, tant en qualité de salariée, que de représentante du personnel, d'autant plus qu'elle avait bénéficié d'une formation CSE du 28 au 31 mai 2018.

En outre, il n'est pas établi que Mme [V] se trouvait dans un état dépressif au moment de la démission, dès lors que les éléments médicaux situent la dégradation de son état psychique à la fin d'année 2018, et que son traitement a été entamé en janvier 2019, soit postérieurement à sa sortie des effectifs de l'entreprise.

Ainsi, aucun élément ne caractérise de circonstances antérieures, ou contemporaines de la démission de nature à rendre celle-ci équivoque, d'autant que la salariée a formulé sa dernière observation relative au non-respect de la pause sur la feuille de route de la semaine du 16 avril 2018, soit plus de 5 mois avant la démission, et qu'elle n'a jamais contesté son amplitude avant l'introduction du recours prud'homal, dont il appert que le dernier manquement de l'employeur remonte à la semaine du 11 juin 2018.

De même, la saisine du conseil de prud'hommes, et la première invocation d'une situation de harcèlement moral, plus de 10 mois après la démission, ne peut valoir rétractation de celle-ci.

En conséquence, comme l'ont décidé les premiers juges, il est considéré que Mme [V] a exprimé sa volonté claire et non équivoque de démissionner.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail.

V. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions de première instance seront confirmées s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

Mme [V] succombant très largement sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

Par ailleurs l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou de l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Colmar du 06 juillet 2021en toutes ses dispositions, SAUF en ce qu'il déboute Mme [X] [V] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée hebdomadaire du travail,

Statuant à nouveau de ce chef et Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Groupement Ambulancier du Grand Est à verser à Mme [X] [V] la somme de 2.000 (deux mille) euros à titre de dommages et intérêts pour dépassement de la durée maximale de travail,

CONDAMNE Mme [X] [V] aux dépens de la procédure d'appel,

DÉBOUTE la SAS Groupement Ambulancier du Grand Est, et Mme [X] [V] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 24 février 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame çMartine'Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/03375
Date de la décision : 24/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-24;21.03375 ?
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