MINUTE N° 144/2023
Copie exécutoire à
- la SCP CAHN G./[O] T./
[Z]
- Me Guillaume HARTER
- la SELARL ARTHUS
Le 16 mars 2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 16 Mars 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 17/00625 - N° Portalis DBVW-V-B7B-GMGI
Décision déférée à la cour : 26 Juin 2014 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANT, demandeur à la reprise d'instance, intervenant volontaire et intimé sur incident :
1/ Monsieur [V] [N] en sa qualité d'héritier de Mme [E] [U] née [F], sa mère décédée, elle-même héritière de sa mère décédée Mme [Y] [P] veuve [F]
demeurant [Adresse 4]
1/ représenté par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.
Avocat plaidant : Me SCHULTZ-MARTIN, avocat à Strasbourg.
APPELANT, intervenant volontaire et intimé sur incident :
2/ Monsieur [C] [U]en sa qualité d'époux et d'héritier de Madame [E] [F] décédée le 8 juillet 2019, elle-même héritière de sa mère Madame [Y] [P] veuve [F] décédée le 15 février 2015.
demeurant [Adresse 2].
2/ représenté par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour
INTIMÉS et appelants sur incident :
1/ Monsieur [T] [A]
2/ Madame [J] [H] épouse [A]
demeurant ensemble [Adresse 1]
représentés par la SELARL ARTHUS, société d'avocats à la cour.
Avocat plaidant : Me FRIEDRICH, avocat à Strasbourg.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 Décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre
Madame Myriam DENORT, Conseiller
Madame Nathalie HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Par jugement du 10 avril 2006, le tribunal de grande instance de Strasbourg a fait droit à l'adoption simple de Mme [J] [H] veuve [F] par [Y] [P].
Par acte notarié du 11 août 2006, [Y] [P] a vendu à M. [T] [A] et Mme [J] [H], son épouse, pour un prix de 184 500 euros un immeuble situé [Adresse 3] en se réservant un droit d'usage et d'habitation pour sa vie durant.
Par jugement du 17 mars 2011, le juge des tutelles d'Illkirch Graffenstaden a placé [Y] [P] sous tutelle et a désigné, M. [C] [U], son gendre, en qualité de tuteur.
Le 19 mai 2011, [Y] [P], représentée par son tuteur, M. [C] [U], a fait assigner M. [T] [A] et Mme [J] [H] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg afin notamment de voir annuler la vente intervenue le 11 août 2006.
Par jugement du 26 juin 2014, ce tribunal a :
sur les demandes principales, débouté [Y] [F] représentée par son tuteur ad hoc, de toutes ses prétentions ;
sur la demande reconventionnelle :
* condamné [Y] [F] représentée par son tuteur ad hoc à verser aux époux [A], au titre des charges de copropriété, la somme de 11 606,79 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 Juin 2013, date de la demande,
* condamné [Y] [F] représentée par son tuteur ad hoc à régler les charges de copropriété telles que définies à l'acte authentique de vente du 11 aout 2006, à compter du mois d'avri1 2013,
* dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte,
* débouté les époux [A] de leur demande de dommages-intérêts ;
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur des époux [A] ;
- condamné [Y] [F] représentée par son tuteur ad hoc aux entiers dépens.
Le tribunal a, en premier lieu, constaté que la rédaction de l'article 414-1 du code civil, en vigueur depuis le 1er janvier 2009, et de l'article 489 ancien du même code applicable jusqu'à cette date, était identique, les deux textes disposant que, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit et que c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de 1'acte.
Il a, ensuite, retenu que l'article 503 ancien du code civil en vigueur au moment de 1'acte litigieux était applicable à la cause, aux termes duquel les actes passés par une personne antérieurement à son placement sous tutelle peuvent être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits.
Le tribunal a indiqué qu'il résultait des pièces versées aux débats ainsi que des explications fournies par les parties qu'après le décès de son mari survenu le 30 juillet 2005, [Y] [P] s'était retrouvée attributaire des biens de la communauté conformément à la convention matrimoniale incluse dans le contrat de mariage, qu'elle avait confié le règlement de la succession de son époux à Me [I], notaire à [Localité 7], dans le cadre duquel, elle avait rencontré, à de nombreuses reprises, M. [W], clerc de notaire, qui avait été le rédacteur de plusieurs actes, notamment de vente, parmi lesquels figurait 1'acte litigieux.
Il a précisé que ce clerc de notaire affirmait, dans un courrier du 17 janvier 2012, que lesdits actes avaient été établis sur la base de la volonté clairement exprimée d'[Y] [P] et des explications reçues, cette dernière apparaissant comme parfaitement à même d'analyser et de diligenter les actes en cause, à une époque où elle était en très mauvais termes avec sa fille, [E] [F].
Il a relevé que le 9 novembre 2009, Me [L], huissier de justice à [Localité 7], avait constaté, à la requête de [Y] [P], l'état de saleté repoussante dans lequel se trouvait son appartement, cette dernière lui ayant indiqué, lors de son intervention, que Mme [J] [H] qui avait été son assistante de vie et son aide ménagère, avait cessé toute activité ménagère depuis trois ans, préférant se limiter à des fonctions de dame de compagnie.
Il a fait état de ce que le placement sous tutelle de [Y] [P] avait été effectué sur la base notamment du certificat médical du docteur [K] lequel, le 28 avril 2011, énonçait qu'elle avait effectué un bilan complet chez cette patiente, entre le 8 décembre 2010 et le 28 mars 2011, lequel avait révélé qu'à cette époque, celle-ci présentait des troubles majeurs des fonctions supérieures en lien avec une maladie d'Altzheimer avancée et un éthylisme important, 1'histoire de la maladie remontant à plus de six ans avec l'apparition d'une conduite inadaptée et de troubles du comportement.
Il a également précisé qu'en décembre 2011, [Y] [F] représentée par son tuteur, avait saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg, d'une demande tendant à la révocation de l'adoption de Mme [J] [H] et qu'une information avait été ouverte au tribunal de grande instance de Strasbourg contre cette dernière, soupçonnée d'abus de faiblesse sur la personne d'[Y] [P], le docteur [M] requis par le parquet de Strasbourg ayant examiné l'intéressée et établi un rapport le 2 juillet 2012 dont il ressortait qu'[Y] [P] avait été suivie pendant plusieurs années et au moins jusqu'en 2002 par le docteur [B] qui la décrivait comme une personne fragile prenant régulièrement des benzodiazépines et ayant tendance à s'alcooliser, qu'à la fin du mois de septembre 2004, elle avait été hospitalisée pendant quelques jours à la demande d'un tiers, à savoir sa fille [E], pour
éthylisme aigu et incurie, les médecins notant alors une négation de sa consommation d'alcool, une personnalité paranoïaque, une pauvreté du jugement sans hallucination, angoisse et tristesse de l'humeur, ce qui avait amené l'expert à conclure qu'au jour de son expertise, [Y] [P] était vulnérable, cette vulnérabilité existant au moins depuis son hospitalisation du mois de septembre 2004 puisque, apparente à partir de cette date.
Le tribunal en a conclu que si [Y] [P] présentait, avant la conclusion de la vente litigieuse, des difficultés d'ordre psychique accompagnées d'une alcoolisation et souffrait déjà des premières atteintes de la maladie d'Altzheimer au courant de l'année 2006, soit à l'époque de la vente aux époux [A], il n'en demeurait pas moins que la preuve n'apparaissait pas suf'samment rapportée que les troubles présentés étaient d'une gravité telle qu'ils avaient eu pour conséquence de la priver de la faculté de consentir valablement à l'acte en cause lequel avait été réalisé en présence d'un notaire dont la mission consiste notamment à s'assurer de la qualité du consentement donné par toutes les parties et qui se doit même de refuser de prêter son concours pour l'établissement d'actes impliquant des personnes ne paraissant pas jouir de leur libre arbitre.
Il a encore indiqué que rien ne permettait d'exclure, qu'en dépit d'une certaine vulnérabilité, [Y] [P] qui entretenait de très mauvaises relations avec sa 'lle [E], en 2006, et qui avait déjà vendu la plus grande partie de ses biens lui appartenant dans des conditions qui ne sont pas discutées, avait en parfaite connaissance de cause, entendu céder, tout en s'en réservant l'usage sa vie durant, le bien immobilier lui appartenant à [Localité 5], à des personnes dont elle se sentait alors plus proche.
Il a alors rejeté la demande de nullité pour cause d'insanité de la vente en cause.
Sur la demande fondée sur l'article 503 ancien du code civil, le tribunal a considéré qu'en admettant même qu'il soit suffisamment démontré que la cause qui a déterminé l'ouverture, en 2011, d'une tutelle en faveur d'[Y] [P] ait été connue des époux [A] au moment de la passation de l'acte en cause et que la condition de notoriété soit ainsi remplie, il n'était pas suffisamment établi que la détérioration pathologique qui avait justi'é l'ouverture de la tutelle quelques années plus tard, existait déjà au mois d'août 2006, la nullité prévue par l'article 503 ancien précité n'ayant, pour le juge, qu'un caractère facultatif, quand bien même les conditions exigées par ce texte seraient réunies. Il a alors relevé qu'il n'était pas démontré que le prix payé par les acquéreurs, nécessairement réduit du fait du droit d'usage et d'habitation viager consenti à la venderesse, était anormalement bas au regard des usages suivis en la matière.
Considérant que, d'une part, l'acte de vente en cause mettait à la charge de la venderesse les impôts autres que les taxes foncières, les primes d'assurance contre l'incendie et les autres charges, l'intégralité des dépenses incluses dans le budget provisionnel de la copropriété, sans que cet accord ne soit toutefois opposable au syndicat des copropriétaires et, d'autre part, que les époux [A] justi'aient avoir reçu du syndicat des copropriétaires des appels de fonds correspondant à des provisions sur charges sans qu'il soit contesté qu'ils les aient réglés, le tribunal a condamné [Y] [P] à leur payer la somme de 11 606,79 euros, les dispositions de l'article 1312 du code civil n'étant pas applicables ainsi que les charges de copropriété telles que définies à l'acte de vente du 11 août 2006, à compter du mois d'avril 2013.
[Y] [P] représentée par son tuteur a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 8 juillet 2014.
Elle est décédée le 15 février 2015.
Par ordonnance du 13 mars 2015, le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption d'instance.
Le 7 avril 2015, [E] [F] a déclaré reprendre l'instance en sa qualité d'héritière d' [Y] [P].
L'affaire a été radiée le 10 juin 2015.
Le 1er février 2017, Me [O], pour le compte de [E] [F], sa cliente et de Mme [J] [H], a transmis à la cour par voie électronique un acte de reprise d'instance et une requête en sursis à statuer jusqu'à l'obtention des jugements civils et pénaux mettant en cause les époux [A].
Sur requête en incident des époux [A], le conseiller chargé de la mise en état, par ordonnance du 27 septembre 2017 a :
' déclaré nuls l'acte de reprise d'instance et la requête déposés le 1er février 2017 ainsi que les conclusions déposées le 13 juin 2017 par la SCP Cahn et associés en ce que ces actes ont été faits pour Mme [J] [H] ;
' dit n'y avoir lieu de déclarer nuls ces actes en ce qu'ils ont été faits pour [E] [F] ;
' déclaré recevable l'intervention de [E] [F] et la reprise par celle-ci de l'instance engagée par [Y] [P] ;
' dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur l'action publique engagée à l'encontre de M. [T] [A] et Mme [J] [H] du chef d'abus de confiance ;
' ordonné le sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg sur l'action en révocation d'adoption simple engagée à l'encontre de Mme [J] [H].
Le tribunal judiciaire de Strasbourg, par jugement du 26 août 2021, a ordonné la révocation de l'adoption simple de Mme [J] [H] par [Y] [P].
[E] [F] étant décédée le 8 juillet 2019, M. [V] [N], son fils et M. [C] [U], son mari ont déclaré reprendre l'instance en leur qualité d'héritiers.
L'instruction de l'affaire a été clôturée le 9 novembre 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 9 décembre 2021, M. [U] demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris ;
statuant à nouveau :
à titre principal :
dire et juger que l'état d'insanité d'esprit d'[Y] [P] à la date du 11 août 2006 est constitué et d'une gravité suffisante pour justifier l'annulation de la vente intervenue concernant le bien sis [Adresse 3],
annuler la vente intervenue sur le fondement de l'article 489 ancien du code civil,
dire n'y avoir lieu à restitution du prix de vente ;
à titre subsidiaire :
dire et juger que la cause de la mise sous tutelle d'[Y] [P] existait notoirement à l'époque de la signature de l'acte de vente litigieux,
annuler la vente intervenue sur le fondement de l'article 503 ancien du code civil,
dire n'y avoir lieu à restitution du prix de vente ;
en tout état de cause :
rejeter l'appel incident des époux [A],
les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
condamner solidairement les époux [A] au paiement d'une indemnité d'occupation du bien sis [Adresse 3] de 950 euros par mois à compter du 15 février 2015, date du décès d'[Y] [P] et de la réunion entre les mains des époux [A] de la pleine propriété du bien, soit la somme de 78 375 euros arrêtée au 6 décembre 2021 et à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir,
condamner solidairement les époux [A] au paiement d'une indemnité de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts,
les condamner solidairement, outre les frais et dépens, au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 pour la première instance et 12 000 euros pour l'appel.
Au soutien de ses demandes, M. [U] se prévaut des dispositions de l'article 489 ancien du code civil en vigueur au jour de la régularisation de l'acte authentique en 2006 lequel prévoyait que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit et que ceux qui agissaient en nullité pour cette cause devaient prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Il indique que la seule présence d'un notaire ne fait pas peser sur les parties une présomption irréfragable de santé mentale et de consentement valable et que l'enquête pénale a révélé que M. [W] qui avait attesté des capacités cognitives d'[Y] [P] avait une position ambiguë, de sorte que son attestation est irrecevable et dépourvue de toute pertinence.
Il précise que les époux [A] ont contraint [Y] [P] à réinvestir l'argent tiré de la vente dans des contrats d'assurance-vie dont ils étaient les bénéficiaires, de sorte que le prix d'acquisition, au final, est nul et souligne que la vente litigieuse est intervenue dans le même temps qu'un très grand nombre d'actes, tous passés en faveur des époux [A], ce qui permet de démontrer l'insanité d'esprit d'[Y] [P] (contrat d'assurance vie le 29 juillet 2005, achat d'une voiture de marque Mercedes pour 33 000 euros pour Mme [A] en avril 2006, importants virements financiers dès 2006 ').
Il en conclut que la preuve de l'insanité d'esprit d'[Y] [P] à cette période et au jour de l'acte en cause résulte de la multiplicité et de la gravité des actes passés à ses dépens et au profit des époux [A], la chambre des appels correctionnels ayant, dans son arrêt définitif, constaté cet état d'insanité, et ce, dès 2004, consistant en un état démentiel qualifié de mixte (Alzheimer avancé et vasculaire avec un éthylisme important), associé à de graves troubles de la mémoire, une désorientation temporelle, des troubles des fonctions praxiques et gnosiques.
M. [U] fait également état des constatations du banquier d'[Y] [P], qui gérait ses comptes depuis 1980, lequel a constaté l'existence de troubles mentaux et une confusion apparente de cette dernière au début des années 2000 laquelle était connue des époux [A].
Il ajoute que M. [T] [A] a lui-même admis devant la cour des appels correctionnels avoir constaté qu'[Y] [P] était dans un état de vulnérabilité et de confusion tout au long du processus de vente de la maison d'[Localité 6] laquelle est intervenue concomitamment à la vente de l'appartement litigieux.
Il évoque la décision du tribunal judiciaire de Strasbourg qui a constaté l'insanité d'esprit d'[Y] [P] lors de l'adoption simple pour en ordonner la révocation, cette adoption étant concomitante à la vente litigieuse.
M. [U] entend rappeler que les troubles mentaux d'[Y] [P] avaient justifié une hospitalisation sous contrainte en 2004.
A titre subsidiaire, M. [U] demande l'application de l'article 503 ancien du code civil qui prévoit que les actes antérieurs au jugement de tutelle pourront être annulés si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où ils ont été faits, puisque [Y] [P] a été placée sous tutelle par jugement du 17 mars 2011, les causes qui ont déterminé l'ouverture de la tutelle existant notoirement à l'époque de l'acte de vente, ce qui résulte de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Colmar, qui porte la condamnation définitive des époux [A] pour abus frauduleux de la faiblesse d'une personne vulnérable et recel de cette infraction pour une période de prévention débutant au 1er mars 2005, le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil trouvant à s'appliquer.
M. [U] soutient que le préjudice existe puisque le prix d'acquisition dû par les époux [A] a en réalité été injecté dans des contrats d'assurance vie au bénéfice de Mme [A].
M. [U] entend mettre en compte une indemnité d'occupation à compter du décès d'[Y] [P], le 15 février 2015, date à laquelle les époux [A] ont obtenu l'entière propriété de l'appartement, à raison de 950 euros par mois, soit un montant total de 78 375 euros arrêté au 6 décembre 2021 et à parfaire à la date de l'arrêt.
M. [U] argue encore de ce que le préjudice subi par [Y] [P] puis par Mme [F] puis par lui-même perdure depuis plus de quinze ans, de sorte que les époux [A] doivent être condamnés solidairement à verser aux ayants droit d'[Y] [P] la somme de 40 000 euros au titre de leur préjudice moral.
M. [U] conclut au débouté de la demande des époux [A] en restitution du prix d'acquisition, de la majoration pour la valeur du droit d'usage et d'habitation et de leur demande en règlement du montant des charges prétendument impayées par [Y] [P].
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 24 mai 2022, M. [N] demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'il a versé aux débats, l'acte de décès de [E] [F] sa mère et repris en sa qualité d'héritier de celle-ci, l'instance initiée de son vivant par feue [Y] [P], sa grand-mère, en annulation de la vente consentie le 11 août 2006 aux époux [A] et donc en infirmation du jugement 26 juin 2014, procédure poursuivie par [E] [F] en sa qualité d'héritière d'[Y] [P] ;
en conséquence :
constater la reprise et par suite la poursuite de la présente procédure n°RG 17/00625 initiée de son vivant par feue [Y] [P] en infirmation du jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 26 juin 2014 et poursuivie par [E] [F] ;
rejeter l'appel incident de M. et Mme [A] ;
les débouter de leurs demandes, fins et conclusions ;
sur appel principal :
infirmer le jugement rendu le 26 juin 2014 par le tribunal de grande instance de Strasbourg ;
statuant à nouveau :
à titre principal :
dire et juger que l'état d'insanité d'esprit d'[Y] [P] à la date du 11 août 2006 est constitué et d'une gravité suffisante pour justifier l'annulation de la vente intervenue concernant le bien sis [Adresse 3],
en conséquence, annuler la vente intervenue sur le fondement de l'article 489 ancien du code civil ;
à titre subsidiaire :
dire et juger que la cause de la mise sous tutelle d'[Y] [P] existait notoirement à l'époque de la signature de l'acte de vente litigieux,
en conséquence, annuler la vente du bien sis [Adresse 3] sur le fondement de l'article 503 ancien du code civil ;
en tout état de cause :
dire et juger les époux [A] infondés à solliciter en cas d'annulation de la vente, restitution du prix de la nue-propriété figurant à l'acte (184 500 euros) majoré de 79 071 euros au titre d'une valeur d'usage et d'habitation ;
les débouter, en tout état de cause, de toute demande de restitution, les époux [A] ayant déjà perçu restitution du prix (et même au-delà) par le jeu de la clause bénéficiaire stipulée à leur profit du contrat d'assurance-vie souscrit au nom d'[Y] [P] contemporain de l'acte annulé et sur lequel le produit de la
vente ainsi que celui d'autres ventes immobilières effectuées par cette dernière ont été déposés ainsi que l'a constaté le juge pénal ;
condamner les époux [A] solidairement au paiement d'une indemnité d'occupation du bien sis [Adresse 3] de 950 euros par mois à compter du 15 février 2015, date du décès d'[Y] [P] et de la réunion entre les mains des époux [A] de la pleine propriété du bien soit la somme de 83 125 euros arrêtée provisoirement au 31 mai 2022 à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir ;
condamner les époux [A] solidairement au paiement d'une indemnité de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
les condamner solidairement, outre les frais et dépens, au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 pour la première instance et 12 000 euros pour l'appel.
M. [N] se prévaut également des dispositions de l'article 489 ancien du code civil.
Il fait également valoir que l'intervention du notaire ne peut être retenue comme élément de gage concernant les actes passés au nom d'[Y] [P], soulignant que l'étude notariale a participé à l'organisation du non-paiement du prix de la vente litigieuse par les acquéreurs par dépôt du produit de cession sur un contrat d'assurance-vie au nom de la venderesse avec l'acquéreur en tiers bénéficiaire.
Il ajoute que l'insanité d'esprit d'[Y] [P] a été reconnue par la juridiction pénale laquelle s'est notamment fondée sur des éléments médicaux et que M. [S] a fait état de la confusion apparente de l'intéressée et de son état de faiblesse.
Il indique qu'outre le comportement post adoption de Mme [J] [H] vis-à-vis de son adoptante, le tribunal a constaté que la requête en adoption (fin 2005) comportait déjà une motivation fallacieuse et que, [Y] [P] présentait, dès avril 2006, des troubles mentaux, l'adoption ayant été prononcée le 10 avril 2006.
A titre subsidiaire, M. [N] demande l'annulation de l'acte en cause sur le fondement de l'article 503 ancien du code civil, la question de la notoriété au moment de la passation de l'acte litigieux, soit août 2006, ayant été tranchée par la juridiction pénale qui lie le juge civil.
M. [N] s'oppose à la restitution des fonds ainsi qu'à la majoration, dès lors que la vente concerne une nue-propriété et que les époux [A] n'ont jamais payé le prix de la vente litigieuse, donation déguisée à leur endroit grâce au dépôt du prix de vente sur un contrat d'assurance-vie au nom de la venderesse avec clause de bénéfice à leur profit.
M. [N] considère que les époux [A] sont redevables d'une indemnité d'occupation, ce qui ne s'analyse pas comme une demande nouvelle puisqu'il est possible de faire juger les questions nées de la survenance d'un fait.
Il demande également la condamnation solidaire des époux [A] à payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts faisant état de ce que ces derniers ont poursuivi leur mauvaise cause du vivant d'[Y] [P] puis vis-à-vis de [E] [F] sans jamais proposer la restitution du bien en cause et s'y opposant même par tous moyens alors qu'ils ont été condamnés pénalement et malgré la révocation de l'adoption de Mme [A] par [Y] [P].
S'agissant du paiement des charges impayées M. [U] considère que les époux [A] ayant obtenu la propriété d'[Y] [P] à son décès sont redevables des charges afférentes à ce bien et que, pour la période antérieure, les charges de copropriété afférentes ne sont pas dues puisque la juridiction pénale a établi que les époux [A] n'ont en réalité jamais payé l'acquisition de l'appartement et que pour l'ensemble de leurs charges courantes, les époux [A] les ont fait supporter par le patrimoine d'[Y] [P].
Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 3 octobre 2022, les époux [A] demandent à la cour de :
sur l'appel principal :
débouter M. [V] [N] et M. [C] [U] en leur qualité d'héritiers de [E] [F] décédée le 8 juillet 2019, elle-même héritière de [Y] [P] décédée le 15 février 2015, de l'intégralité de leurs fins, moyens, conclusions et demandes ;
subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement du 26 juin 2014 du tribunal de grande instance de Strasbourg et d'annulation de l'acte de vente du 11 août 2006 :
ordonner la restitution par [Y] [P] représentée par son tuteur ad'hoc, M. [X] [G], du prix correspondant à la vente de l'immeuble, soit 184 500 euros, représentant la nue-propriété et 79 071 euros correspondant au droit d'usage et d'occupation, soit un montant total de 263 571 euros,
dire que ce montant portera intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance rendue par le tribunal de grande instance de Strasbourg ;
en tout état de cause :
débouter M. [V] [N] et M. [C] [U] de l'ensemble de leurs demandes y compris indemnitaires ;
condamner conjointement et solidairement M. [V] [N] et M. [C] [U] à leur payer un montant de 83 125 euros à titre d'indemnité d'occupation du bien sis [Adresse 3], calculée à hauteur de 950 euros par mois, à compter du 15 février 2015, date du décès d'[Y] [P] ;
confirmer le jugement du 26 juin 2014 du tribunal de grande instance de Strasbourg en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il :
a fixé à la somme de 11 706,79 euros la condamnation d'[Y] [P] représentée par son tuteur ad'hoc à leur verser au titre des charges de copropriété,
a dit n'y avoir lieu d'assortir à la condamnation d'[Y] [P] à régler les charges de copropriété telles que définies à l'acte authentique de vente du 11 août 2006 à compter du mois d'avril 2013 d'une astreinte,
les a déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts,
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en leur faveur,
infirmer sur ces seules dispositions précitées ;
statuant à nouveau :
condamner conjointement et solidairement M. [V] [N] et M. [C] [U] à leur verser, au titre des charges de copropriété, la somme de 25 639,70 euros, somme à parfaire à la date du prononcé de l'arrêt, augmentée des intérêts au taux légal à compter des conclusions du 1er décembre 2014 ;
dire et juger y avoir lieu d'assortir la condamnation conjointe et solidaire de M. [V] [N] et de M. [C] [U] à régler les charges de copropriété telles que définies à l'acte authentique de vente du 11 août 2006 à compter du mois d'avril 2013 et ce, sous astreinte de 50 euros par jour à compter de la demande de règlement ;
condamner conjointement et solidairement M. [V] [N] et M. [C] [U] à leur payer un montant de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts par application des dispositions de l'article 1382 ancien du code civil ;
condamner conjointement et solidairement M. [V] [N] et M. [C] [U] à leur payer un montant de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles de première instance et un montant de 10 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles à hauteur de cour ;
condamner conjointement et solidairement M. [V] [N] et M. [C] [U] aux entiers frais et dépens d'appel nés de l'appel principal et incident.
Au soutien de leurs demandes, les époux [A] font valoir que l'insanité d'esprit d'[Y] [P] au moment de la vente intervenue le 11 août 2006, n'est pas établie, les documents médicaux faisant état de pathologies sans qu'il puisse être établi l'existence d'une affectation des facultés mentales ou une insanité d'esprit en 2006, l'alcoolisme chronique étant totalement distinct d'une quelconque insanité d'esprit au moment de la passation de l'acte.
Ils rappellent que l'acte en cause a été passé devant notaire, ce qui induit que ce dernier se soit assuré qu'[Y] [P] jouissait des facultés mentales nécessaires aux engagements qui étaient pris.
Les époux [A] indiquent que la cause ayant déterminé la tutelle n'existait pas et n'était en tout état de cause pas notoire à l'époque de la vente, soit le 11 août 2006.
Ils entendent rappeler que ni l'appelante ni ses héritiers ne contestent le prix de vente ni les conditions de celle-ci, que ce soit s'agissant du prix payé par les acquéreurs que du droit d'usage et d'habitation viager consenti à la venderesse.
Les époux [A] arguent de ce qu'en cas d'annulation de l'acte, il y a effacement rétroactif du contrat, de sorte qu'[Y] [P] devra restituer le prix qu'elle a perçu ainsi que le prix équivalent à la valeur du droit d'usage et d'habitation qui lui a été concédé.
S'agissant de la demande d'indemnité d'occupation soumise à la prescription quinquennale, les époux [A] soutiennent que cette demande est irrecevable car nouvelle et non fondée puisqu'au décès d'[Y] [P], ils n'ont pu occuper ni obtenir la restitution des clés de la part de la succession, qui continuait, par conséquent, à l'occuper, ce qui perdure.
Les époux [A] réclament des dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que le paiement des charges tel que le prévoit l'acte de vente et une indemnité d'occupation puisque les héritiers ne leur ont pas restitué les locaux.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d'annulation de l'acte de cession du 11 août 2006
Aux termes des dispositions de l'article 489 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce, à savoir à la date de l'acte de cession en cause, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit ; c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
A cette fin, M. [N] produit un certificat médical établi le 28 avril 2011 par le Docteur [K], gériatre lequel indique qu'il a effectué un bilan complet d'[Y] [P] sur la période allant du 8 décembre 2010 au 28 mars 2011 et relève que l'histoire de la maladie remonte à plus de six ans avec l'apparition de conduite inadaptée et des troubles du comportement. Le médecin fait état de tests psychométriques qui ont révélé des troubles des fonctions supérieures majeurs avec une désorientation temporo/spatiale complète, des troubles de la mémoire immédiate et des troubles majeurs du jugement ; elle mentionne également la réalisation d'une IRM cérébrale qui témoigne d'une maladie d'Alzheimer avancée associée à de nombreuses lésions vasculaires et l'existence d'un éthylisme important avec perte d'autonomie. Elle conclut à l'existence d'un état démentiel sévère Alzheimer et vasculaire mettant l'intéressée dans une position de fragilité majeure, incapable d'effectuer la gestion administrative de son quotidien et de nature à la mettre en position d'être en état de faiblesse depuis le début des troubles.
Il s'en déduit que Mme [P] est atteinte d'un trouble mental depuis l'année 2005 soit antérieurement à l'acte de cession litigieux.
M. [N] produit encore un rapport médical d'expertise établi le 2 juillet 2012 par le docteur [R] [M] sur réquisitions du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg lequel confirme le diagnostic susvisé en précisant bien qu'étant atteinte et de la maladie d'Alzheimer et d'une maladie vasculaire, [Y] [P] présente un état démentiel mixte qui évolue, selon lui, depuis au moins dix ans, laquelle la met en état de faiblesse et de vulnérabilité, encore aggravé par un alcoolisme chronique avéré actuellement sevré mais dont elle souffre depuis de nombreuses années. Le médecin ajoute que la vulnérabilité d'[Y] [P] est apparente depuis septembre 2004.
Il s'en déduit que le trouble mental est avéré et existe depuis au moins le mois de juillet 2002.
L'acte de cession en cause a été signé le 11 août 2006 par [Y] [P], soit dans la période où elle était déjà atteinte du trouble mental décrit ci-avant, de sorte qu'il y a lieu de l'annuler sur le fondement des dispositions de l'article 489 déjà cité, la présence d'un notaire au moment de la signature de l'acte de vente n'étant pas de nature à mettre en doute le diagnostic médical posé avec certitude.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef. Les parties doivent être remises dans l'état antérieur où elles se trouvaient avant l'acte de vente du 11 août 2006.
Considération prise de cette nullité, outre la restitution du bien aux ayants-droit d'[Y] [P], venderesse, il est ordonné à M. [N] et M. [U], ayants-droit de cette dernière à restituer aux époux [A] la somme de 184 500 euros correspondant au prix de vente versé, le fait que les fonds versés par ces derniers aient été ensuite placés par la défunte sur des contrats d'assurance-vie au profit de Mme [A], étant sans lien avec l'acte de cession.
La somme de 184 500 euros portera intérêts au taux légal à compter de la date du jugement entrepris soit le 26 juin 2014, tel que demandé.
Sur les demandes de paiement d'une indemnité d'occupation
Les époux [A], dans les moyens de leurs conclusions, font état de l'irrecevabilité de cette demande pour être nouvelle en appel mais ne concluent pas à cette irrecevabilité dans le dispositif de leurs conclusions, de sorte que la cour n'est pas saisie de ce chef de demande tendant à ce que l'irrecevabilité soit constatée.
Considérant que depuis le décès d'[Y] [P] soit le 15 février 2015, les époux [A], se prévalant des clauses de l'acte de cession qui est annulé, occupent, de ce fait, indûment l'immeuble en cause, il y a lieu de les condamner solidairement à payer aux héritiers d'[Y] [P] une indemnité d'occupation de 950 euros par mois à compter du 15 février 2015 soit la somme de 92 150 euros arrêtée au 16 mars 2023, étant souligné que les époux [A] ne justifient pas qu'après le décès d'[Y] [P], ils n'ont pas été mis en mesure d'occuper le logement ni d'en obtenir les clés et que la succession l'a occupé.
Leur occupation des lieux s'oppose à ce qu'ils demandent une indemnité d'occupation aux héritiers d'[Y] [P] lesquels, au demeurant, au regard de l'annulation de la vente, auraient été légitimes à occuper le bien en cause.
Sur la demande en paiement des charges de copropriété
L'acte de cession du 11 août 2006 prévoyait que le vendeur en sa qualité de bénéficiaire d'un droit d'usage et d'habitation devait continuer à acquitter l'intégralité des dépenses incluses dans le budget prévisionnel de la copropriété, ces dépenses n'incombant à l'acquéreur qu'au jour de l'extinction du droit d'usage et d'habitation réservé par le vendeur. Il y était également précisé que cette convention n'avait d'effet qu'entre les parties à l'acte de cession et ne pouvait pas être opposée au syndicat des copropriétaires, l'acquéreur, en sa qualité de copropriétaire restant seul et entièrement responsable du paiement des provisions exigibles du budget prévisionnel à l'égard du syndicat des copropriétaires.
Les époux [A] produisent des appels de provisions sur charges qui leur ont été adressés par le syndic de la copropriété, ce qui est tout à fait cohérent au regard des mentions de l'acte de cession précitées.
Cependant, force est de relever que les époux [A] ne justifient pas, pour autant, avoir payé la somme qu'ils réclament, de sorte que leur demande formulée de ce chef est rejetée. Le jugement est donc infirmé de ce chef.
Sur les demandes de dommages et intérêts
La présente procédure a mis en exergue que les époux [A] ont laissé [Y] [P] signer l'acte de cession en cause alors qu'ils la savaient atteinte d'un trouble mental pour la fréquenter depuis des années et régulièrement, cette opération s'inscrivant dans une volonté de dépouiller [Y] [P] de ses biens telles que le démontrent l'adoption simple déjà évoquée laquelle a été annulée et la condamnation pénale de Mme [H] pour abus de faiblesse et de M. [A] pour recel de biens provenant d'un abus de faiblesse.
Au regard du préjudice qui en découle, il y a lieu de condamner solidairement les époux [A] à payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 5 000 euros à M. [N] et celle de 5000 euros M. [U].
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.
Les époux [A] sont déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive dès lors que les développements ci-dessus démontrent que la procédure d'[Y] [P] reprise par sa fille [E] [F] puis l'époux et le fils de celle-ci était justifiée.
Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais de procédure
Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.
Les époux [A] sont condamnés solidairement aux dépens de la procédure de premier ressort et d'appel.
Ils sont également condamnés solidairement à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
pour la procédure de première instance, la somme de 4000 euros à M. [N] et celle de 4000 euros à M. [U],
pour la procédure d'appel, la somme de 8000 euros à M. [N] et celle de 8000 euros à M. [U].
Les époux [A] sont déboutés de leur d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :
INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 26 juin 2014 sauf en ce qu'il a :
débouté les époux [A] de leur demande de dommages et intérêts,
dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des époux [A] ;
Statuant de nouveau et y ajoutant :
ANNULE la vente avec réserve de droit d'usage et d'habitation par [Y] [P] à M. [T] [A] et Mme [J] [H], faite par acte notarié du 11 août 2006 pour un prix de 184 500 euros portant sur l'immeuble situé [Adresse 3] ;
en conséquence :
ORDONNE à M. [V] [N] et M. [C] [U], ayants-droit d'[Y] [D] de restituer à M. [T] [A] et Mme [J] [H] la somme de 184 500 (cent quatre vingt quatre mille cinq cents) euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2014 ;
CONDAMNE solidairement M. [T] [A] et Mme [J] [H] à payer à M. [V] [N] et M. [C] [U], ayants-droit d'[Y] [P] la somme de 92 150 (quatre vingt douze mille cent cinquante) euros à titre d'indemnité d'occupation pour la période du 15 février 2015 au 16 mars 2023, date du présent arrêt ;
CONDAMNE solidairement M. [T] [A] et Mme [J] [H] à payer, à titre de dommages et intérêts :
* la somme de 5 000 (cinq mille) euros à M. [V] [N],
* la somme de 5 000 (cinq mille) euros à M. [C] [U] ;
- DEBOUTE M. [T] [A] et Mme [J] [H] :
* de leur demande d'indemnité d'occupation,
* de leur demande en paiement de la somme de 25 639,70 euros au titre des charges de copropriété,
* de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée à hauteur d'appel ;
- CONDAMNE solidairement M. [T] [A] et Mme [J] [H] aux dépens de la procédure de première instance et aux dépens d'appel ;
- CONDAMNE solidairement M. [T] [A] et Mme [J] [H] à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
* pour la procédure de premier ressort, la somme de 4 000 (quatre mille) euros à M. [C] [U] et celle de 4 000 (quatre mille) euros à M. [V] [N],
* pour la procédure d'appel, la somme de 8 000 (huit mille) euros à M. [C] [U] et celle de 8000 (huit mille) euros à M. [V] [N].
Le greffier, Le président,