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22/05/2023 | FRANCE | N°21/03801

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 22 mai 2023, 21/03801


MINUTE N° 23/283





























Copie exécutoire à :



- Me Soline DEHAUDT

- Me Emmanuel KARM



Copie aux parties

par LRAR







Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 22 Mai 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/038

01 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVCW



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 juin 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Haguenau





APPELANTE :



Madame [E] [L]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 9]



non comparante, représentée par Me Soline DEHAUDT...

MINUTE N° 23/283

Copie exécutoire à :

- Me Soline DEHAUDT

- Me Emmanuel KARM

Copie aux parties

par LRAR

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 22 Mai 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/03801 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVCW

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 juin 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Haguenau

APPELANTE :

Madame [E] [L]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 9]

non comparante, représentée par Me Soline DEHAUDT, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉS :

Monsieur [Y] [C]

[Adresse 3]

[Localité 5]

non comparant, représenté par Me Emmanuel KARM, avocat au barreau de STRASBOURG

Monsieur [O] [C]

[Adresse 3]

[Localité 5]

non comparant, représenté par Me Emmanuel KARM, avocat au barreau de STRASBOURG

G.A.E.C. DU DOMAINE DES CHAROLAIS

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Emmanuel KARM, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme MARTINO, Présidente de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Le Gaec du Domaine des Charolais exploite, en vertu d'un bail rural verbal, une parcelle située sur la commune de [Localité 9], section [Cadastre 4] numéro [Cadastre 1], appartenant à Madame [E] [L].

Par acte délivré par Maître [V], huissier de justice à [Localité 6] le 7 février 2014, Madame [L] a donné congé au Gaec du Domaine des Charolais pour le 11 novembre 2015, la bailleresse entendant reprendre les terres à son profit.

Par acte du 6 juillet 2014, le Gaec du Domaine des Charolais, Monsieur [Y] [C] et Monsieur [O] [C], exploitants agricoles, ont fait citer Madame [L] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Haguenau aux fins de voir annuler le congé, voir rappeler en conséquence que le Gaec sera en droit de poursuivre l'exploitation au-delà du 11 novembre 2015, de faire interdiction à la défenderesse de troubler la jouissance du locataire passé cette date sous peine d'engager sa responsabilité et de voir condamner Madame [L] à verser à chacun des demandeurs la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 11 janvier 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux de Haguenau a sursis à statuer dans l'attente de l'issue du recours administratif formé le 30 novembre 2015 par Madame [L] contre la décision du 30 septembre 2015 portant refus préfectoral d'autorisation d'exploiter et a réservé à statuer sur le surplus.

Par jugement définitif du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le refus d'exploiter.

Reprenant l'instance, les demandeurs ont fait valoir que le congé n'a pas été délivré à une date normale d'échéance ; que Madame [L] ne justifie pas avoir demandé une autorisation d'exploiter à la préfecture du Bas-Rhin et ne justifie ainsi pas avoir obtenu une autorisation faute d'un écrit du préfet la confirmant, n'a obtenu aucun récépissé d'enregistrement de son dossier par le service instructeur ni n'a valablement saisi l'administration de sa demande ; que le congé est de même irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas l'habitation qu'elle entend occuper après la reprise.

Madame [L] a conclu au rejet des demandes et a sollicité la validation du congé délivré, ainsi que condamnation des demandeurs à libérer la parcelle à la date d'échéance du congé, sous astreinte de 100 € par jour de retard, et à lui payer la somme de 2 000 € au titre des frais non compris dans les dépens.

Par jugement du 28 juin 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Haguenau a :

-annulé le congé délivré le 7 février 2014 pour l'échéance du 11 novembre 2015,

-dit que le Gaec du Domaine des Charolais, Monsieur [Y] [C] et Monsieur [O] [C] étaient en droit de poursuivre l'exploitation des parcelles au 11 novembre 2015,

-condamné Madame [L] à payer au Gaec du Domaine des Charolais la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Madame [L] à payer à Monsieur [Y] [C] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Madame [L] à payer à Monsieur [O] [C] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déclaré le jugement exécutoire de droit par provision,

-condamné Madame [L] aux entiers dépens de l'instance.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que s'agissant d'un bail verbal, le congé avait été délivré à une date valable d'échéance, soit le 11 novembre 2015, fin de l'année culturale qui suit le congé, plus de dix-huit mois après sa délivrance ; que Madame [L] ne justifiait pas remplir les conditions de reprise

pour l'exploitation personnelle, en ce qu'aucun document n'a été produit établissant l'autorisation tacite qui lui aurait été délivrée faute de réponse de l'administration dans un délai de quatre mois.

Cette décision a été notifiée à Madame [E] [L] par lettre recommandée avec avis de réception signé à une date non mentionnée.

Elle en a interjeté appel le 11 août 2021.

Par écritures datées du 12 octobre 2022 reprises oralement à l'audience du 13 mars 2023, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

-valider le congé délivré le 7 février 2014,

-condamner les intimés ainsi que tous occupants de leur chef à libérer la parcelle à la date d'échéance du congé, soit le 11 novembre 2015, sous astreinte de 100 € par jour de retard,

-débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes,

-condamner solidairement les intimés à payer à Madame [L] un montant de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner solidairement les intimés aux frais et dépens.

Elle fait valoir que le congé a été délivré plus de dix-huit mois avant la date d'échéance du 11 novembre 2015 ; qu'ainsi que l'a relevé le premier juge, s'agissant d'un bail verbal et en l'absence d'éléments quant au point de départ du contrat et donc de son expiration, le congé doit être regardé comme donné à une date valable d'échéance ; qu'elle remplit l'intégralité des conditions posées à l'article L 411-59 du code rural pour bénéficier de la reprise, en ce qu'elle est d'ores et déjà exploitante agricole et dispose du matériel nécessaire ; qu'elle réside à proximité du fonds ; que le congé n'est pas nul parce qu'elle n'aurait pas indiqué son adresse à l'issue de la reprise, alors que les intimés n'ont pu être induits en erreur ; qu'elle a sollicité de l'administration une autorisation préalable d'exploiter ; que le refus préfectoral a été annulé par décision du tribunal administratif de Strasbourg du 28 mars 2019 ; qu'elle a confirmé sa demande d'autorisation à l'administration par courrier du 14 octobre 2019 ; qu'aucune décision ne lui ayant été notifiée dans les quatre mois suivant sa demande, l'autorisation est réputée accordée,

l'administration ne pouvant plus lui opposer de refus passé ce délai ; qu'elle justifie de cette autorisation tacite ; que le congé doit donc être validé.

Par écritures notifiées le 12 mai 2022 et reprises oralement à l'audience, le Gaec du Domaine des Charolais, Monsieur [Y] [C] et Monsieur [O] [C] ont conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement déféré.

Ils sollicitent condamnation de l'appelante aux dépens, ainsi qu'à payer au Gaec la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que le courrier dont se prévaut Madame [L] en date du 14 octobre 2019 n'a pas été envoyé à la préfecture du Bas-Rhin [Adresse 7], de sorte que rien ne justifie que le préfet a été informé de sa demande et a été mis en mesure d'y répondre ; qu'elle n'a obtenu aucun récépissé d'enregistrement de son dossier par le service instructeur, prévue à l'article R 331-4 du code rural ; qu'ils sont recevables à soulever l'exception d'illégalité de l'autorisation prétendument tacite produite par la partie adverse, la nouvelle saisine n'ayant pas été faite à l'égard du préfet de région et la décision implicite obtenue postérieurement à l'échéance de congé, sans actualisation des éléments, ne pouvant avoir d'effet puisque les conditions posées à l'article L 441-49 du code rural lorsque le bail est prorogé dans l'attente d'une décision administrative doivent s'apprécier à la date de fin de la prorogation et non à la date d'effet du congé ; que le congé ne respecte par ailleurs pas les termes de l'article L 411-47 en ce qu'il ne mentionne pas l'adresse du bénéficiaire à la date du congé, Madame [L] n'apportant aucune précision dans le congé quant à l'habitation qu'elle entendra occuper après la reprise.

MOTIFS

Il sera relevé à titre liminaire que les intimés, qui concluent à la confirmation du jugement, ne contestent donc pas que le congé a été délivré pour une date valable d'échéance, soit le 11 novembre 2015, plus de dix-huit mois après sa délivrance.

En vertu des dispositions de l'article L 411-47 du code rural, à peine de nullité, le congé doit notamment :

-indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d'empêchement, d'un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l'habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris ;

En vertu des dispositions de l'article L 411-59 du code rural, le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine. Il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir. Le bénéficiaire de la reprise doit occuper lui-même les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l'exploitation directe. Le bénéficiaire de la reprise doit justifier par tous moyens qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application des deux alinéas précédents et qu'il répond aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées aux articles L. 331-2 à L. 331-5 ou qu'il a bénéficié d'une autorisation d'exploiter en application de ces dispositions.

Il est constant que Madame [L] a déposé une demande d'autorisation d'exploiter le 17 juillet 2015. Cette autorisation lui a été refusée par décision du 30 septembre 2015, annulée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 mars 2019.

L'appelante se prévaut d'une demande formée par lettre recommandée avec avis de réception datée du 14 octobre 2019, par laquelle elle a confirmé sa demande relative à une autorisation préalable d'exploiter une superficie de 48 ares 21 centiares de terres situées sur la commune de Soufflenheim, dont elle est propriétaire, à la suite de la décision du tribunal administratif du 28 mars 2019.

Cette lettre a été adressée à Monsieur le préfet, DDT du Bas-Rhin, [Adresse 2] et il est justifié de sa réception le 16 octobre 2019 par la DDT du Bas-Rhin.

Par lettre du 4 octobre 2021, la direction départementale des territoires a indiqué au conseil de Madame [L] de ce que celle-ci avait confirmé dans son courrier du 14 octobre 2019 sa demande d'instruction à la suite de la décision du tribunal administratif de Strasbourg du 28 mars 2019 ; que les délais d'instruction ont démarré à la date de réception de la demande de confirmation d'instruction et que Madame [L] est bénéficiaire d'une autorisation d'exploiter tacite de la parcelle précitée à compter du 14 février 2020.

Eu égard au courrier du 4 octobre 2021, il convient de relever que Madame [L] bénéficie d'une autorisation tacite d'exploiter. Les intimés ne peuvent arguer de l'illégalité de cette autorisation, dans la mesure où la demande de l'appelante ne constitue pas une nouvelle saisine de l'administration, mais la confirmation d'une demande antérieure à la suite de l'annulation de la décision préfectorale de refus par le tribunal administratif ; que cette confirmation de demande a été adressée auprès du service compétent pour instruire les demandes, sous l'autorité du préfet, ainsi qu'il est prévu à l'article R 331-4 du code rural ; que la demande d'autorisation d'exploiter a initialement été présentée antérieurement à la date d'effet du congé le 11 novembre 2015.

Conformément aux dispositions de l'article L 411-58 du code rural, le bail rural a été prorogé par la décision de sursis à statuer rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux le 11 janvier 2016, de sorte que les conditions de validité du congé fixées à l'article L 411-59 doivent être appréciées à la date de fin de la prorogation, c'est-à-dire à la fin de l'année culturale pendant laquelle l'autorisation devient définitive.

Si à cette date, l'autorisation d'exploiter est acquise, force est de constater que le congé délivré le 7 février 2014 ne remplit pas les conditions légales, en ce qu'il ne précise pas l'adresse que devra occuper la bénéficiaire du bien repris après la reprise, mais indique simplement son adresse à la date de la délivrance du congé ; qu'il est de jurisprudence de la Cour de cassation (arrêt troisième chambre 10 mars 2015), maintenue depuis, que cette omission place le preneur dans l'incapacité d'apprécier si la condition d'habitation à proximité du fonds était remplie ou non, faute d'indication de cette adresse ; que Madame [L] n'est donc pas fondée à soutenir que cette omission n'aurait pas pour effet d'induire en erreur le preneur, en ce que son adresse exacte, dont elle n'a pas changé depuis la délivrance de l'acte, figure sur le congé, puisque l'absence de toute précision sur son lieu d'habitation à l'issue du congé ne permettait pas au preneur de vérifier les conditions de validité du congé.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant au frais et dépens seront confirmées.

Partie perdante, Madame [L] sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à payer au Gaec du Charolais une somme globale de 1 200 € sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONDAMNE Madame [E] [L] à payer au Gaec Domaine des Charolais une somme de 1 200 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [E] [L] aux dépens de l'instance d'appel.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 21/03801
Date de la décision : 22/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-22;21.03801 ?
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