EP/KG
MINUTE N° 23/547
Copie exécutoire
aux avocats
Copie à Pôle emploi
Grand Est
le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 09 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02203
N° Portalis DBVW-V-B7F-HSJV
Décision déférée à la Cour : 29 Mars 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR
APPELANT :
Monsieur [S] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me David EBEL, avocat au barreau de COLMAR
INTIMEE :
S.A.S. AUTEL FRANCE
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 481 588 325
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Harold CHARPENTIER, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [S] [O] a été engagé par la Sas Autel France, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à effet au 9 janvier 2014, en qualité de responsable des stocks et approvisionnements.
En dernier état, il occupait des fonctions de responsable du service Sav.
Le 24 octobre 2019, il a été entendu par Monsieur [W], représentant de l'employeur, pour des faits d'injures au préjudice d'un autre salarié, qui ont fait l'objet d'un avertissement envoyé le 25 octobre 2019, outre pour des faits d'insubordination envers le dirigeant de la société.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 octobre 2019, Monsieur [S] [O] est convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2019, la Sas Autel France lui a notifié son licenciement pour motif disciplinaire à savoir des faits d'injures répétées au préjudice de son responsable les 24 octobre 2019, et le 25 octobre 2019 avec déplacements de valises diagnostiques de façon agressive.
Par requête du 6 mars 2020, Monsieur [S] [O] a saisi le Conseil de prud'hommes de Colmar, section commerce, de demandes de contestation de son licenciement et d'indemnité pour licenciement abusif, outre aux fins de réparation d'un préjudice moral.
Par jugement du 29 mars 2021, ledit conseil a :
- dit le licenciement fondé,
- débouté Monsieur [S] [O] de l'ensemble de sa demande,
- condamné Monsieur [S] [O] aux entiers frais et dépens.
Par déclaration du 23 avril 2021, Monsieur [S] [O] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.
Par écritures transmises par voie électronique le 4 août 2022, Monsieur [S] [O] sollicite l'infirmation du jugement, et que la Cour, statuant à nouveau :
- dise et juge son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- annule l'avertissement du 25 octobre 2019,
- condamne la Sas Autel France à lui payer les sommes de :
* 13 866 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,
Subsidiairement,
* 2 311 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,
En tout état de cause,
* 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié,
* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel.
Par écritures transmises par voie électronique le 19 janvier 2022, la Sas Autel France sollicite :
A titre principal,
- la confirmation du jugement entrepris,
- la déclaration d'irrecevabilité des demandes de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et relatives à l'annulation " du licenciement ",
- la condamnation de Monsieur [S] [O] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens,
A titre subsidiaire,
- la limitation à 3 mois de salaire des dommages et intérêts en l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,
- le rejet des demandes de dommages et intérêts et relatives à l'annulation de l'avertissement.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 10 mars 2023.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
I. Sur l'avertissement du 25 octobre 2019
Selon l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Selon l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Selon lettre du 25 octobre 2019, Monsieur [S] [O] a fait l'objet d'un avertissement pour :
- le 23 octobre, s'être adressé à un employé de façon injurieuse,
- le 24 octobre, avoir insisté auprès de Monsieur [W], président de la société, alors que ce dernier lui avait demandé de revenir plus tard, l'entretien ne se déroulant pas de manière calme, ce qui constituerait une insubordination.
La demande d'annulation de l'avertissement a été formée, pour la première fois, à hauteur d'appel.
Dans les motifs de ses écritures, la Sas Autel France invoque l'irrecevabilité de cette demande, comme étant nouvelle, mais, au dispositif desdites écritures, la Sas Autel France soulève l'irrecevabilité de la demande d'annulation " du licenciement ".
Monsieur [S] [O] ne demandant pas l'annulation du licenciement, mais que ce dernier soit déclaré sans cause réelle et sérieuse, le dispositif des écritures de la Sas Autel France est affecté d'une erreur matérielle, et la Cour est bien saisie d'une fin de non recevoir concernant la demande d'annulation de l'avertissement.
La demande d'annulation de l'avertissement et, en conséquence, d'indemnisation pour avertissement injustifié, ne tendent pas aux mêmes fins que la contestation du licenciement, et ne constituent ni l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de cette dernière.
En conséquence, la demande d'annulation de l'avertissement du 25 octobre 2019, et la demande d'indemnisation, pour avertissement injustifié, sont irrecevables comme constituant des demandes nouvelles.
II. Sur le licenciement
Selon L 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Monsieur [S] [O] fait valoir que :
- la lettre de licenciement est signée au nom de Monsieur [J] [W] (président) avec la mention " P.O. " (pour ordre),
- le signataire de la lettre de licenciement est Monsieur [Z] [U], qui est le comptable non salarié de la Sas Autel France, dès lors que ce dernier exerce comme prestataire de service au sein de la Sas Page,
- le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que le signataire de la lettre de licenciement est un tiers à l'entreprise.
La Sas Autel France réplique qu'il s'agit d'un vice de procédure et non d'un vice de fond rendant sans cause réelle et sérieuse le licenciement.
Il résulte de la comparaison de la signature de la lettre de licenciement avec celle du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 2 janvier 2017 de l'associé unique de la Sasu Page, outre des statuts de cette dernière, que Monsieur [Z] [U] est le signataire de la lettre de licenciement du 8 novembre 2019.
Selon les statuts de la Sasu Page, cette société a pour objet social : la mise à disposition de personnels administratifs, la gestion de sites internet, et plus généralement, toutes opérations industrielles, commerciales, financières, mobilières ou immobilières, se rapportant directement ou indirectement à l'objet social ou susceptibles d'en faciliter l'extension ou le développement.
Il est établi que Monsieur [U] exerce une activité dans une entreprise tiers à la société Autel France, et il ne résulte d'aucun élément que Monsieur [U] aurait, par ailleurs, une activité salariée au sein de la société Autel France, cette dernière n'ayant pas même indiqué l'identité du signataire de la lettre de licenciement.
La finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme ; il s'ensuit que la signature pour ordre de la lettre de licenciement au nom de l'employeur par une telle personne ne peut être admise (Cass. Soc. 26 avril 2017 n°15-25.204).
En conséquence, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de telle sorte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé, et débouté Monsieur [O] de sa demande d'indemnisation pour licenciement abusif.
III. Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la demande subsidiaire
En application de l'article L 1235-3 du code du travail, la Sas Autel France employant plus de 11 salariés, au regard de l'ancienneté du salarié de 5 ans, de son âge (47 ans au moment du licenciement), de son préjudice, justifié par :
- les attestations Pôle Emploi des 22 avril 2021 et 26 octobre 2021 justifiant de la perception de l'aide au retour à l'emploi, du 5 mars 2020 au 3 septembre 2021, de l'ordre d'environ 1 200 euros par mois,
- une attestation de paiement d'indemnités journalières, de la Cpam du Haut-Rhin, pour la période du 2 mars 2020 au 15 juin 2020,
et du salaire moyen de référence de 2 311 euros bruts, en fonction de la moyenne des 12 derniers mois figurant sur l'attestation destinée à Pole Emploi, établie par l'employeur,
la Cour condamnera la Sas Autel France à payer à Monsieur [S] [O] la somme de 11 000 euros bruts (étant rappelé que depuis la version, de l'article L 1235-3 précité, en application des ordonnances Macron, la condamnation ne peut qu'être en brut et non en net).
Au regard des écritures de Monsieur [O], la demande, d'indemnisation pour non respect de la procédure de licenciement, n'a été formulée qu'en cas de licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, de telle sorte que la Cour n'a pas à examiner cette demande.
IV. Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral distinct
Monsieur [S] [O] ne justifie pas du caractère vexatoire, ou brutal, du licenciement, ni même d'un préjudice distinct de celui indemnisé par les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou les intérêts moratoires de la créance.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [S] [O] de la demande, à ce titre.
V. Sur le remboursement à Pole Emploi
Aux termes de l'article L 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4, L 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ;
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l'espèce ;
Il conviendra en conséquence d'ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées, en l'espèce, dans la limite de 3 mois.
VI. Sur les demandes annexes
Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, étant relevé que les premiers juges ont omis, au dispositif de leur décision, de statuer sur la demande, au titre des frais irrépétibles, de la Sas Autel France.
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement, la Cour condamnera la Sas Autel France à payer à Monsieur [S] [O] la somme de 2 000 euros, outre les dépens de première instance.
La demande de la Sas Autel France, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour les frais exposés en première instance qu'à hauteur d'appel, sera rejetée.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la Sas Autel France sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 29 mars 2021 du Conseil de prud'hommes de Colmar SAUF en ce qu'il a débouté Monsieur [S] [O] de sa demande d'indemnisation pour préjudice moral distinct ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
DIT le licenciement, de Monsieur [S] [O], dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la Sas Autel France à payer à Monsieur [S] [O] la somme de 11 000 euros bruts (onze mille euros), à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DECLARE irrecevables la demande d'annulation de l'avertissement du 25 octobre 2019 et la demande d'indemnisation pour avertissement injustifié ;
ORDONNE le remboursement par la Sas Autel France aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées le cas échéant à Monsieur [S] [O] dans la limite de 3 mois à compter de la rupture sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail ;
CONDAMNE la Sas Autel France à payer à Monsieur [S] [O] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la Sas Autel France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel ;
CONDAMNE la Sas Autel France aux dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 09 juin 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Corinne Armspach-Sengle, Greffier.
Le Greffier, Le Président,