EP/KG
MINUTE N° 23/541
Copie exécutoire
aux avocats
Copie à Pôle emploi
Grand Est
le
La greffière
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRÊT DU 09 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04098
N° Portalis DBVW-V-B7F-HVSD
Décision déférée à la Cour : 07 Septembre 2021 par la formation paritaire du Conseil de prud'hommes de Colmar
APPELANT et INTIMÉ SUR APPEL INCIDENT :
Monsieur [K] [X]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Benoît NICOLAS, Avocat au barreau de Colmar
INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :
La Société Civile AVENIR EXPERTISES
représentée par son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Anne CROVISIER, Avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre, et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [K] [X] a été engagé, par la société civile Avenir Expertises, en qualité d'assistant comptable, selon contrat à durée indéterminée du 22 octobre 2015, à temps plein, avec effet au 23, poste classé au niveau IV, coefficient 220, régi par la convention collective nationale des cabinets d'experts comptables et de commissaires aux comptes.
Par lettre du 10 juillet 2019, Monsieur [K] [X] a notifié à la Société civile Avenir Expertises sa " démission " prenant " acte de la rupture du contrat ".
Par requête du 14 février 2020, Monsieur [K] [X] a saisi le Conseil de prud'hommes de Colmar de demandes de qualification de la prise d'acte en rupture aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnisations en conséquence, outre un rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires et des frais kilométriques.
Par jugement du 07 septembre 2021, ledit Conseil de Prud'hommes a :
- revalorisé la classification conventionnelle de Monsieur [K] [X] au niveau 4 coefficient 280.
- condamné la Société civile Avenir Expertises prise en la personne de son représentant légal à payer à Monsieur [K] [X] les sommes de :
* 6 471,58 euros au titre des heures supplémentaires, avec les intérêts au taux légal à compter du 14 février 2020, date de réception par l'employeur de sa première convocation.
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454-14 du code du travail.
- condamné la Société civile Avenir Expertises, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens de la présente procédure.
Par déclaration du 20 septembre 2021, Monsieur [K] [X] a interjeté appel dudit jugement en toutes ses dispositions sauf celle rejetant les demandes de la Société civile Avenir Expertises.
Par écritures transmises par voie électronique le 1er avril 2022, Monsieur [K] [X] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :
- revalorisé la classification conventionnelle de Monsieur [K] [X] au niveau 4 coefficient 280.
- condamné la société à lui payer la somme de 6 471,58 euros au titre des heures supplémentaires, avec les intérêts au taux légal à compter du 14 février 2020 ;
- condamné la société à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Et que la Cour, statuant à nouveau ;
- dise et juge que l'employeur a manqué gravement à ses obligations justifiant le bien-fondé de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
- dise et juge que cette prise d'acte produit les mêmes effets qu'un licenciement abusif.
- condamne la société à lui payer les sommes suivantes:
* 7 161,75 euros au titre du préavis,
* 716,17 euros au titre des congés payés afférents au préavis,
* 9 071,55 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 14 323,50 euros à titre de dommages et intérêts,
* 15 164,35 euros au titre des heures supplémentaires,
* 5 887,39 euros au titre des indemnités kilométriques,
* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et les dépens,
et le rejet de l'appel incident.
Par écritures transmises par voie électronique le 26 avril 2022, la Société civile Avenir Expertises, qui a formé un appel incident, sollicite l'infirmation partiellement du jugement entrepris, et, que la Cour, statuant à nouveau, à titre principal :
- déboute Monsieur [K] [X] de toute demande au titre des heures supplémentaires,
En tout état de cause,
- confirme le jugement pour le surplus ;
- condamne Monsieur [K] [X] à lui payer les sommes suivantes :
* 6 000 euros au titre des frais irrépétibles en première instance,
* 4 000 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel,
outre les dépens de première instance, d'appel principal et incident.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 4 mai 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Liminaire
L'intimée se présente comme la " Sarl Sc Avenir Expertises ".
Or, l'action initiale a été introduite contre la société civile Avenir Expertises (qui est inscrite sous le numéro 802 627 612), qui a, seule, la qualité d'employeur, au regard des mentions en bas de page du contrat de travail, la Sarl ayant été radiée en 2013.
De même, la déclaration d'appel a bien été formée contre la société civile Avenir Expertises.
Dès lors, le jugement entrepris est affecté d'erreurs matérielles, dès lors qu'il a été rendu contre la " Sarl Sc Avenir Expertises ", que la Cour rectifiera.
I. Sur la classification de l'emploi
Selon l'article 4.1. de la convention collective précitée, la grille générale des emplois correspond à la classification des emplois et non des individus à qui ils sont confiés.
La grille générale des emplois comprend cinq niveaux d'interventions, définies qualitativement :
N.5. Exécution.
N.4. Exécution avec délégation.
N.3. Conception assistée.
N.2. Conception et animation.
N.1. Direction.
A l'intérieur de chaque niveau, les emplois sont caractérisés par trois critères :
- définition qualitative des tâches en fonction de leur complexité technique, de l'étendue de la délégation, de l'ampleur de la responsabilité et du degré d'autorité hiérarchique ;
- niveau de formation requis : il s'agit de la formation de base nécessaire à l'exécution correcte des tâches ;
- expérience professionnelle : il s'agit de la maturité professionnelle pour la maîtrise des fonctions. Ce critère traduit l'acquisition et la maîtrise des techniques professionnelles, la capacité de jugement, l'aptitude à gérer des situations nouvelles.
L'expérience professionnelle résulte normalement d'un temps de pratique minimal qui est fonction du diplôme détenu et des formations professionnelles suivies par le salarié.
Chaque emploi de la grille générale défini en fonction de ces trois critères est identifié par un poste de référence auquel est affecté un coefficient.
Le classement des emplois tient compte également d'un certain nombre de caractères spécifiques relevant d'une grille d'adaptation.
En fonction de ce système, le coefficient représentatif d'un emploi spécifique s'obtient en ajoutant au coefficient du poste de référence auquel il correspond les éventuelles majorations prévues par la grille d'adaptation.
Ce cumul ne peut conduire à affecter à un emploi un coefficient relevant d'un niveau d'intervention plus élevé que celui auquel correspond le poste de référence considéré.
Si tel était le cas, la majoration de points résultant de l'application de la grille d'adaptation se trouverait plafonnée pour rester dans la limite des coefficients correspondant au niveau du poste de référence.
En l'espèce, Monsieur [K] [X] ne formule aucune demande de reclassification de poste au statut cadre coefficient 330 niveau 3, au dispositif de ses écritures à hauteur d'appel, alors que la procédure est écrite et que la Cour n'est saisie, en application de l'article 954 du code de procédure civile, que par les prétentions au dispositif des écritures.
Pour autant, il appartient à la Cour de vérifier si le défaut d'application de la classification relative aux fonctions exercées, invoqué comme cause de rupture, était justifié.
Les premiers juges ont reclassé les fonctions de Monsieur [K] [X] au niveau 4 coefficient 280, sans préciser, d'ailleurs, à partir de quelle date.
En l'espèce, Monsieur [K] [X] n'invoque aucune autre classification, que celle de coefficient 330, pour la période antérieure au 1er janvier 2019.
Il est un fait constant que Monsieur [K] [X] n'a obtenu le diplôme supérieur de comptabilité et de gestion (sous le vocable Dscg, qui est d'un niveau Bac +5) qu'au mois de décembre 2018.
Selon avenant du 1er juillet 2016 relatif aux classifications (de la Ccn), le Dscg est requis pour tous les postes à compter des fonctions d'assistant principal, niveau 4, coefficient 280.
Il en résulte qu'en tout état de cause, Monsieur [K] [X] ne pouvait pas bénéficier d'une classification supérieure à un coefficient 260 avant le 1er janvier 2019.
Le coefficient 280 est ainsi défini par l'avenant précité :
" Complexité des tâches et responsabilité : travaux d'analyse et de résolution de situations complexes, faisant appel à des connaissances pratiques et théoriques approfondies. L'assistant principal rédige les notes de synthèse et rapports. Son activité reste soumise à la validation d'un membre de l'ordre des experts-comptables ou de la compagnie des commissaires aux comptes ou d'un responsable hiérarchique.
Formation initiale : DSCG, master.
Expérience : outre la formation initiale, ce poste requiert une expérience professionnelle préalable, en cabinet ou en entreprise. "
L'avenant précité définit le coefficient 330, niveau 3 (statut cadre) comme suit :
" Complexité des tâches et responsabilité : occupe une fonction de cadre le salarié apte à définir un programme de travail dans le respect des orientations qui sont données par un membre de l'ordre des experts-comptables ou de la compagnie des commissaires aux comptes ou un responsable hiérarchique. Il anime et coordonne une équipe restreinte ou supervise l'activité des salariés des entreprises clientes. Peut également occuper une fonction de cadre, le salarié dont la formation technique spécifique lui permet d'exercer des missions requérant la mise en 'uvre de ses connaissances de façon autonome et responsable (exemples : diplômes d'école d'ingénieurs, des facultés de droit, de sciences économiques, des écoles supérieures de commerce '). Il rend compte de façon permanente et régulière de l'état d'avancement des travaux.
Formation initiale master ou équivalent.
Expérience : outre la formation initiale, ce poste requiert une expérience professionnelle préalable, en cabinet ou en entreprise. "
Or, Monsieur [K] [X] ne justifie pas, soit qu'il animait et coordonnait une équipe, alors qu'il prétend qu'il exerçait seul sur l'agence de [Localité 3], soit qu'il supervisait l'activité des salariés des entreprises clientes.
L'employeur justifie, également, par l'attestation de témoin de Monsieur [Z] [F] que les problématiques fiscales et l'arrêté des comptes annuels, de ce client, étaient validés avec Monsieur [C] [O], et que Monsieur [X] était sous la supervision de Monsieur [O].
La mention " chef de mission " sur les cartes de visite, de Monsieur [X], à destination des clients, ne vaut aucunement reconnaissance par l'employeur d'un statut de cadre ou d'une classification avec coefficient 330, alors qu'une telle mention n'est pas reprise par la convention collective et vise uniquement à rassurer les entreprises clientes sur la capacité de leur interlocuteur à régler des situations complexes, la classification " assistant ", reconnue par la convention collective, pouvant être mal perçue par des entreprises clientes.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a reclassifier les fonctions de Monsieur [K] [X] au niveau 4 coefficient 280. Cette reclassification prenant effet à compter du 1er janvier 2019.
L'avenant du 2 février 2018, sur les rémunérations, stipule, pour un coefficient 280, une rémunération brute annuelle minimale de 25 333, 72 euros, pour 35 heures par semaine, et une prime d'ancienneté annuelle de 322, 80 euros pour une ancienneté d'au moins 3 ans et inférieure à 6 ans.
Il résulte des bulletins de paie de l'année 2019 que la rémunération de base, effectivement perçue, était supérieure à ces montants.
L'avenant du 5 avril 2019 prévoyait également une rémunération minimale inférieure à celle effectivement perçue pour une durée de travail de 35 heures.
En conséquence, si la classification retenue par l'employeur (coefficient 220) était erronée, elle n'a entraîné aucune conséquence sur la rémunération, Monsieur [X] ayant toujours perçu une rémunération supérieure au minimum conventionnel.
II. Sur les heures supplémentaires
En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Cass. Soc. 21 octobre 2020 pourvoi n°19-15.453).
En l'espèce, Monsieur [X] produit :
- un décompte, par semaine, avec indication du nombre d'heures supplémentaires, taux horaire, taux de majoration et montant, pour l'année 2016 à 2019 inclus,
- des documents intitulés " feuille de présence employé " de l'année 2016 à 2019 incluse, indiquant le nombre d'heures par semaine, et le nombre d'heures supplémentaires,
- un procès-verbal de constat dressé le 26 novembre 2019, par Me [N] [M], huissier de justice, relevant les heures d'ouverture, indiquées sur internet, des locaux de la société Avenir Expertises à [Localité 3], justifiant d'heures d'ouverture du lundi au vendredi inclus de 8H à 12H et de 13H30 à 18 H (soit 8H30 par jour),
- des attestations de témoin de Messieurs [Z] [F], [E] [P], et [B] [D] faisant état d'entretiens en dehors des heures d'ouverture du cabinet en soirée et le samedi matin,
Ces décomptes, et pièces, apparaissent suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement.
De son côté, l'employeur produit :
- des échanges de courriels avec Monsieur [X] entre les 27 juin et 10 juillet 2018,
- un courriel de Madame [H] à Monsieur [X], du 2 juillet 2019, rappelant à ce dernier de saisir ses heures de travail et de remplir son planning,
- un courriel de Madame [H] du 4 janvier 2018 à Monsieur [X] demandant à ce dernier de saisir ses heures de travail pour les 14, 15, 16, 22 décembre 2017, et faisant état de 3H15 et 3H45 travaillés, respectivement, les 20 et 21 décembre 2017,
- la copie d'une partie de l'agenda papier attribué à Monsieur [X] 2017,
- un extrait du compte Table Ronde Française sur Facebook avec la photographie de Monsieur [X],
- un extrait de l'agenda Outlook attribué à Monsieur [X] de mars 2018 à juin 2019.
Il invoque, dans les motifs de ses écritures, la fin de non recevoir de prescription au visa de l'article L 3245-1 du code du travail.
Toutefois, la fin de non recevoir de prescription d'une action est une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, et, en application de l'article 954 du même code, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Or, la prétention de prescription (partielle) de l'action en paiement de salaire ne figure pas au dispositif des écritures de la société civile Avenir Expertises, de telle sorte que la Cour n'est pas saisie de cette prétention.
L'employeur soutient également que :
- le salarié ne produit rien de précis et vérifiable, et se contente d'effectuer un calcul en fonction des horaires d'ouverture de l'agence de [Localité 3].
Toutefois, il résulte des motifs supra que les éléments sont suffisamment précis et que la charge de la preuve de la réalisation d'heures supplémentaires ne repose pas sur le salarié.
Il fait également valoir que :
- les horaires d'ouverture de l'agence de [Localité 3] ne sont pas significatifs car lorsque Monsieur [X] était en clientèle, les locaux étaient fermés, nonobstant les horaires affichés,
- le salarié a mis en compte des heures de travail pendant ses périodes de congés,
- Monsieur [X] a été rappelé à l'ordre, plusieurs fois, sur son obligation d'indiquer ses horaires de travail, ce dont il s'abstenait régulièrement,
- Monsieur [X] a mis en compte 5 heures supplémentaires, pour la semaine du 18 au 24 décembre 2017 alors que les courriels démontrent qu'il n'a effectué que 3H15, le 20 décembre, et 3H45, le 21 décembre 2017,
- Monsieur [X] n'a jamais revendiqué la réalisation d'heures supplémentaires lorsque des rappels lui ont été faits,
- Monsieur [X] met des heures supplémentaires en compte, même les semaines où il y a eu, au moins, 1 jour férié (lundi de pâques, 1er et 8 mai, vendredi saint), alors qu'il ne travaillait pas pendant les jours fériés.
- le salarié est gérant d'une agence immobilière " Solus'immo " depuis, au moins, décembre 2018, recherche des biens et fait visiter des éventuels acquéreurs, de telle sorte qu'il occupait une partie de son temps de travail à gérer sa société.
Ce faisant, l'employeur invoque, pour partie, les conséquences de sa propre turpitude en n'ayant pas procédé au contrôle du temps de travail, l'employeur ne pouvant s'absoudre de son obligation de contrôle du temps de travail en invoquant l'absence d'envoi par le salarié de déclarations relatives au temps de travail.
Il en résulte qu'en tenant compte des jours fériés, des congés du salarié apparaissant sur les bulletins de paie, des horaires, connus, déclarés par ce dernier à l'employeur, et des incohérences entre les mentions de l'agenda et le décompte du salarié, la Cour est en mesure de fixer à 8 000 euros brut le montant des heures supplémentaires.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu la somme de 6 471, 57 euros.
III. Sur les indemnités kilométriques
En application de l'article 1315, devenu à compter du 1er octobre 2016, l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Pour la première fois, dans sa lettre de " démission " ou " prise d'acte de la rupture ", du 10 Juillet 2019, Monsieur [K] [X] a invoqué des indemnités kilométriques impayées pour la période d'octobre 2015 à juin 2017, alors qu'il est un fait constant que Monsieur [K] [X] établissait, au cours de l'exécution de son contrat de travail, des notes de remboursement des frais kilométriques.
Pour le même motif que précédemment, en l'absence de prescription soulevée au dispositif des écritures de la société civile Avenir Expertises, la Cour n'est pas saisie de cette fin de non recevoir.
Il appartient au salarié de rapporter la preuve des déplacements nécessités par l'exercice de l'activité professionnelle pour prétendre au paiement de sommes supérieures à celles versées par l'employeur au titre des frais kilométriques.
Or, le salarié se contente de produire un tableau qu'il a, lui-même, établi, avec des données forfaitaires (d'octobre 2015 à janvier 2016 inclus : tous les jours, A/R [Localité 3]-[Localité 4] ; de février 2016 à juin 2019 : 2 A/R par semaine [Localité 3]-[Localité 4]).
Dès lors, Monsieur [K] [X] est défaillant dans la charge de l'administration de la preuve.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il débouté Monsieur [K] [X] de sa demande d'indemnité à ce titre.
IV. Sur la qualification de la lettre du 10 juillet 2019
La prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Si un tel manquement, invoqué contre l'employeur, est fondé, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement abusif, en cas contraire, elle produit les effets d'une démission du salarié.
Dans sa lettre de " démission et de prise d'acte de la rupture ", Monsieur [K] [X] fait état de manquements de l'employeur à savoir :
- application d'un coefficient non conforme aux fonctions exercées, en l'espèce, 220 au lieu de 330, avec une rémunération inférieure, dans ces conditions, au minimum conventionnel, et une absence de cotisations aux caisses pour cadre,
- des heures supplémentaires effectuées, non payées, qu'il chiffrera postérieurement,
- des indemnités kilométriques impayées pour la période du 23 octobre 2015 au 13 juin 2017.
Il résulte des motifs précités que :
- la revendication du coefficient 330, et du statut de cadre, était mal fondée, et Monsieur [K] [X] a perçu une rémunération supérieure au minimum conventionnel, malgré le fait qu'il aurait dû bénéficier d'un coefficient 280 à compter du 1er janvier 2019,
- la contestation de Monsieur [K] [X], sur des frais kilométriques impayés, est mal fondée.
Si Monsieur [K] [X] a effectué des heures supplémentaires non payées, comme les premiers juges, la Cour relève que les manquements de l'employeur, à ce titre, ont duré pendant plusieurs années, sans que Monsieur [K] [X] ne s'en plaigne ou n'effectue une quelconque réclamation avant sa lettre du 10 Juillet 2019, de telle sorte qu'ils n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail.
Il n'est pas plus établi que le défaut d'application d'un coefficient 280, à compter du 1er janvier 2019, apparaissait suffisamment grave pour justifier l'absence de poursuite du contrat, dès lors que les parties étaient en discussion pour la création d'une Sarl Avenir Expertises [Localité 3] avec association avec Monsieur [X] (pièces n°13-2 de ce dernier).
Il en résulte que ces manquements n'apparaissaient pas d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat, et, ce, aux torts de l'employeur.
Dès lors, la lettre du 10 juillet 2019 s'analyse comme une démission.
En conséquence, le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [X] de ses demandes de prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur et d'indemnisations en conséquence (préavis, congés payés sur préavis, dommages et intérêts, et indemnité de licenciement) sera confirmé.
V. Sur les demandes annexes
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
Succombant pour l'essentiel, Monsieur [K] [X] sera condamné aux dépens d'appel.
Chaque partie succombant partiellement, l'équité commande qu'il n'y ait pas condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 7 septembre 2021 du Conseil de prud'hommes de Colmar SAUF en ses dispositions relatives à la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires ;
Statuant à nouveau, sur le chef infirmé, et y ajoutant :
RECTIFIE le jugement précité en ce que la société Avenir Expertises est une société civile et non une Sarl ;
CONDAMNE la société civile Avenir Expertises à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 8 000 euros (huit mille euros) bruts, à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires ;
DÉBOUTE Monsieur [K] [X] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés à hauteur d'appel ;
DÉBOUTE la société civile Avenir Expertises de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés à hauteur d'appel ;
CONDAMNE Monsieur [K] [X] aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 09 juin 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre, et Madame Corinne Armspach-Sengle, Greffière.
La Greffière, Le Président,