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09/06/2023 | FRANCE | N°21/04387

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 09 juin 2023, 21/04387


EP/KG





MINUTE N° 23/516





















































Copie exécutoire

aux avocats





le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRÊT DU 09 JUIN 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG

21/04387

N° Portalis DBVW-V-B7F-HWBZ



Décision déférée à la Cour : 21 Septembre 2021 par la formation paritaire du Conseil de prud'hommes de Colmar





APPELANT :



Monsieur [L] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, Avocat à la Cour





INTIMÉE :



S.A.S. GROUPEMENT AMBUL...

EP/KG

MINUTE N° 23/516

Copie exécutoire

aux avocats

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRÊT DU 09 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04387

N° Portalis DBVW-V-B7F-HWBZ

Décision déférée à la Cour : 21 Septembre 2021 par la formation paritaire du Conseil de prud'hommes de Colmar

APPELANT :

Monsieur [L] [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, Avocat à la Cour

INTIMÉE :

S.A.S. GROUPEMENT AMBULANCIER DU GRAND EST

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 452 33 7 6 11

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélie BETTINGER, Avocat au barreau de Mulhouse

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre, et Mme ARMSPACH-SENGLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] [U] a été engagé en qualité d'ambulancier dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, à compter du 1er août 2009, par la société Ambulances Gurly (le salarié prétendant à compter de juillet 2009 mais sans élément probant), aux droits de laquelle intervient désormais la Sas Groupement Ambulancier du Grand Est (ci-après sous le vocable Gagest).

A son terme, soit à compter du 1er février 2010, les parties s'engageaient dans le cadre d'une relation de travail à durée indéterminée, selon avenant.

Monsieur [U] occupait un poste d'ambulancier, second degré coefficient B, pour un emploi à temps complet.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des transports routiers et auxiliaires de transport.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juillet 2019, Monsieur [U] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 août 2019, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par requête du 27 septembre 2019, Monsieur [L] [U] a saisi le Conseil de prud'hommes de Colmar de demandes de contestation de son licenciement, d'indemnités en conséquence, outre d'indemnité pour préjudice distinct.

Par jugement du 21 septembre 2021, ledit Conseil a :

- dit et jugé la demande recevable mais non fondée,

- débouté Monsieur [L] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de toutes les demandes qui en découlent,

- débouté Monsieur [L] [U] de sa demande de dommages et intérêts distincts,

- dit et jugé équitable que chaque partie supporte ses propres frais irrépétibles,

- rejeté toute autre prétention des parties,

- dit et jugé que les parties supporteront respectivement leurs frais et dépens de procédure.

Par déclaration du 14 octobre 2021, Monsieur [L] [U] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par écritures transmises par voie électronique le 9 janvier 2023, Monsieur [L] [U] sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et que la Cour, statuant à nouveau, :

- condamne la société Gagest à lui payer les sommes suivantes :

* 3 987,86 euros au titre du préavis,

* 398,78 euros au titre des congés payés y afférents,

* 17 945,37euros à titre de dommages et intérêts,

* 4 486,34 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 5 000 euros au titre du préjudice distinct ;

le tout avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

En tout état de cause,

- déboute la société Gagest de l'intégralité de ses demandes ;

- condamne la société Gagest à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel, y compris ceux exposés pour l'exécution de la décision à intervenir.

Par écritures transmises par voie électronique le 30 janvier 2023, la Sas Groupement Ambulancier du Grand Est (Gagest) sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de Monsieur [L] [U] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 7 février 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de l'administration de la preuve de la faute grave repose sur l'employeur (dans le même sens, notamment, Cass. Soc. 20 mars 2019 n° 17-22.068).

En l'espèce, il est reproché au salarié, dans la lettre de licenciement qui fixe les débats, un harcèlement moral et sexuel commis à l'encontre de l'une des collègues de travail.

Pour justifier de la faute grave, l'employeur produit :

1. une attestation de témoin de Madame [M] [Z] selon laquelle elle a travaillé 3 ou 4 fois avec Monsieur [L] [U].

Elle indique que :

- la 2ème fois, il lui a posé une question déplacée, à savoir " et sinon, ton copain est satisfait au lit ' ",

- la fois suivante, il lui a dit " 'j'aurais bien une idée pour que tu me remercies mais ton copain ne sera pas d'accord ",

- la dernière fois, il lui a fait un cours sur la masturbation et lui a demandé : " et toi, tu te masturbes ' ", puis, plus tard dans la journée, lui a indiqué : " tu sais, je regarde souvent tes photos Facebook ' J'ai une copine, mais je suis pas contre un plan à 3 "

- alors qu'elle travaillait avec un autre collègue et qu'elle s'était endormie sur un canapé, il l'a réveillée, lui a dit d'aller au lit et devant son refus, lui a indiqué : " dans ces cas là, tu peux venir sur mes genoux ".

- gênée elle en a parlé à 2 autres collègues qui sont allés voir Monsieur [D], (responsable de site à [Localité 4]).

2. Un procès-verbal de la réunion de la commission d'enquête du 24 juillet 2019, mise en place par l'employeur, avec un compte rendu des auditions réalisées le même jour, dont Madame [Z] et Monsieur [G].

Un témoin, qui se révèlera être Monsieur [X] [I], a été entendu à sa demande et a indiqué que Monsieur [G] avait caressé la cuisse et le genou de Madame [Z], lors de la " scène du canapé ", et dit à la plaignante qu'elle pouvait dormir sur ses genoux.

Cette personne a précisé que Madame [Z] était paniquée à l'idée de travailler en tournée avec Monsieur [G] et lui a rapporté les attitudes et propos équivoques de Monsieur [G].

3. Une attestation de témoin de Monsieur [X] [I] confirmant ces propos sur une caresse de Monsieur [G] sur la cuisse de Madame [Z] et ajoutant qu'un matin, alors qu'il était en équipage avec les deux, Monsieur [G], venant dire bonjour à Madame [Z], a précisé : " Tu es plus belle que sur ta photo de profil Facebook ". Madame [Z] lui a confirmé les propos qu'il avait entendus.

Monsieur [L] [U] prétend que les documents sur la base desquels le licenciement est fondé, ne lui ont pas été remis.

Toutefois, les pièces précitées ont été transmises contradictoirement dans le cadre de l'instance, de telle sorte qu'il n'existe aucune violation du principe du contradictoire.

Il ajoute que :

- l'employeur n'a pas procédé à une enquête impartiale au motif que Monsieur [W], directeur des ressources humaines, et Monsieur [S], secrétaire du Ccst, ont essayé de le piéger en jouant sur les mots, alors que Monsieur [S] a " préparé à l'entretien " des salariés en cherchant à les influencer,

- il a porté plainte auprès du procureur de la République pour diffamation à l'encontre de Madame [Z] qui, elle, n'a déposé aucune plainte pour les faits dénoncés,

- il produit des attestations de témoin de collègues de travail, de son ancienne compagne et de sa compagne actuelle, ne relevant aucun propos ou geste déplacé et louant son comportement personnel et professionnel.

Il conteste le caractère probant des déclarations de :

- Madame [Z] au motif que le 8 avril 2019, jour d'un des faits dénoncés, Madame [Z] a eu un échange de Sms avec lui jusqu'au 12 avril, démontrant des relations d'amitiés,

- Monsieur [I] au motif que ce dernier s'est présenté spontanément, alors que les autres salariés convoqués ont précisé n'avoir rien constaté, et que s'il avait été témoin de la " scène du canapé ", il est surprenant qu'il n'ait pas réagi.

A. Sur le caractère (im) partial de l'enquête de la Commission mise en place par l'employeur

Il y a lieu de constater que la Commission comprenait sur 4 membres, le secrétaire du Comité économique et social, et le secrétaire de la Commission santé sécurité et conditions de travail, de telle sorte que sa composition n'apparaît pas criticable.

L'audition de Monsieur [I], devant la Commission d'enquête, le 24 juillet 2019, ne permet pas de remettre en cause l'impartialité de cette dernière.

En effet, le procès-verbal de la réunion de la Commission précise que " les collègues de travail susceptibles de fournir toutes précisions utiles sur la réalité ou non des faits, ainsi que de produire tous compléments utiles à la manifestation de la vérité, seront également entendus ".

Enfin, Monsieur [L] [U] ne rapporte pas la preuve que des membres de la Commission d'enquête aient cherché à influencer les déclarations des salariés entendus.

S'il soutient que Monsieur [S] a demandé à Madame [M] [R] de se mettre à la place de la victime ou encore à Monsieur [N] [V] de faire ressortir son côté femme et de se mettre à la place de la victime, cette affirmation n'est établie par aucun élément probant ; aucune attestation de témoin, ni aucun courrier, de ces deux personnes, à ce sujet, ne sont produits.

Il en résulte qu'aucun élément ne permet d'écarter le caractère impartial de l'enquête menée par la Commission mise en place par l'employeur.

B. Sur la force probante des attestations et déclarations de Madame [Z] et de Monsieur [I]

1. Madame [Z] a fait des déclarations suffisamment précises qui démontreraient un intérêt de nature sexuel de Monsieur [U] à son encontre.

Monsieur [U] a reconnu, selon le résumé de son audition devant la Commission d'enquête, avoir touché Madame [Z], mais en lui tapotant l'épaule pour la réveiller, lors de la " scène du canapé ".

Madame [Z], nouvellement embauchée, n'avait aucun intérêt à mettre en cause Monsieur [U] pour des faits particulièrement graves d'harcèlement sexuel.

Ses propos sont confirmés pour la " scène du canapé " par un témoin direct, Monsieur [I], qui précise, en outre, que Monsieur [U] a caressé la jambe de Madame [Z].

L'absence de plainte pénale de Madame [Z] n'enlève pas le caractère probant d'une dénonciation de faits à l'employeur.

La Cour relève que, d'une part, les Sms produits par Monsieur [L] [U], échangés avec Madame [Z], entre le 8 avril et le 12 avril 2019, ne font pas preuve de relations d'amitié, mais uniquement de relations de travail, Madame [Z] ayant eu besoin de Monsieur [U] pour compléter sa déclaration d'accident du travail, et, que, d'autre part, ces Sms ne permettent pas d'écarter l'existence de propos déplacés ayant pu être tenus par Monsieur [U] le 8 avril 2019.

2. Monsieur [I] n'avait, comme Madame [Z], aucun litige personnel connu, avant leurs déclarations, avec Monsieur [U], et également aucun intérêt à dénoncer des faits qui ne pouvaient que leur attirer des problèmes éventuels avec l'employeur et leurs collègues de travail.

La force probante des déclarations de Madame [Z] et de Monsieur [I] ne saurait être écartée au motif que les autres salariés, et l'ancienne concubine et la concubine actuelle de Monsieur [U], n'ont jamais constaté de propos ou comportement déviants de ce dernier.

C. Sur la synthèse

La Cour en conclut que l'employeur rapporte la preuve de propos et gestes déplacés à caractère sexuel de Monsieur [L] [U] sur la personne de Madame [M] [Z].

Madame [Z] n'ayant pas répondu favorablement aux avances, à peine voilées, de Monsieur [U], suite aux premiers faits, les questions de nature sexuelle et intimes, déplacées, posées par Monsieur [U], constituent déjà, à elles-seules, des faits répétés de harcèlement sexuel.

Or, constitue une faute grave des faits constitutifs de harcèlement sexuel pratiqués par un salarié sur une collègue de travail, ces faits représentant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En conséquence, le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de ses demandes d'indemnisation et de rappel de salaire (au titre du préavis) outre de congés payés y afférents, pour licenciement abusif, sera confirmé.

En outre, il sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts distincts, dès lors qu'il n'est pas établi que l'employeur ait commis la moindre faute dans le licenciement de Monsieur [U], qui ne comporte aucune brutalité, l'employeur ayant procédé à une enquête au cours de laquelle le salarié a été entendu, et ce, avant même l'entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement.

II. Sur les demandes annexes

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [L] [U] sera condamné aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du même code, il sera condamné à payer à la Sas Groupement Ambulancier du Grand Est la somme de 1 000 euros.

Sa demande, à ce titre, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 21 septembre 2021 du Conseil de prud'hommes de Colmar ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [L] [U] à payer à la Sas Groupement Ambulancier du Grand Est la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Monsieur [L] [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [L] [U] aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 09 juin 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre, et Madame Corinne Armspach-Sengle, Greffière.

La Greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/04387
Date de la décision : 09/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-09;21.04387 ?
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