GLQ
MINUTE N° 24/229
Copie exécutoire
aux avocats
Copie à Pôle emploi
Grand Est
le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 12 MARS 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04025 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVOF
Décision déférée à la Cour : 10 Août 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR
APPELANT :
VVF VILLAGES
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR
INTIMEE :
Madame [D] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par M. [H] [L] (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat à durée indéterminée à temps partiel du 06 mars 2000, l'association ABRAPA a embauché Mme [D] [T] en qualité d'agent administratif pour exercer ses fonctions au sein de la maison de vacances « [3] » à [Localité 2].
Le 24 juillet 2001, Mme [D] [T] a conclu avec l'association ABRAPA un contrat de qualification à temps complet pour une durée de 24 mois. La relation de travail s'est poursuivie après le terme du contrat de qualification fixé le 31 juillet 2003.
A compter du 1er décembre 2003, l'association VAL a repris la gestion de la maison de vacances « [3] ». Cette reprise s'est accompagnée du transfert des salariés concernés. L'intitulé de la qualification applicable à Mme [D] [T] a été modifié à cette occasion sans donner lieu à la signature d'un avenant au contrat de travail, Mme [D] [T] étant désormais salariée en qualité de réceptionniste.
A compter du 1er janvier 2006, les associations VAL et VVF VILLAGES ont fusionnées pour ensuite devenir l'association VVF VILLAGES.
Le 1er septembre 2015, Mme [D] [T] a été élue déléguée du personnel titulaire sous étiquette du syndicat CGT dans le collège ouvrier/ employé / maîtrise. Son mandat s'est achevé le 1er septembre 2018.
A compter du mois d'octobre 2015, Mme [D] [T] a été placée en arrêt de travail pour maladie. Son arrêt a été prolongé jusqu'au 30 novembre 2018.
A l'issue d'une visite médicale de pré-reprise organisée le 29 novembre 2018, Mme [D] [T] a été déclarée inapte au poste de réceptionniste et apte à un poste d'agent de bureau.
Dans le cadre de son obligation de reclassement, l'association VVF VILLAGES a proposé à Mme [D] [T] un poste d'agent administratif qualifié au siège de l'association à [Localité 4]. Suite à la visite médicale du 17 janvier 2019, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude au poste proposé au titre du reclassement.
Mme [D] [T] bénéficiant du statut protecteur jusqu'au 1er mars 2019, l'employeur a consulté le CSE le 15 janvier 2019 sur la déclaration d'inaptitude et la proposition de reclassement puis le 14 février 2019 sur le projet de licenciement pour inaptitude.
Le 21 février 2019, l'association VVF VILLAGES a sollicité l'autorisation de l'inspection du travail pour procéder au licenciement de Mme [D] [T]. Par décision du 17 avril 2019, l'inspection du travail a considéré que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement.
Le 16 mai 2019, le CSE a émis un avis défavorable sur la proposition de reclassement sur un poste de responsable d'hébergement pour la saison d'été à [Localité 6]. Le 06 et le 22 juin 2019, le médecin du travail a émis deux avis d'inaptitude de la salariée sur ce poste.
Le 25 juillet 2019, l'association VVF VILLAGES a convoqué Mme [D] [T] pour un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 16 août 2019.
Par courrier du 23 août 2019, l'association VVF VILLAGES a notifié à Mme [D] [T] son licenciement pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude.
Le 12 février 2020, Mme [D] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Colmar pour faire reconnaître une situation de harcèlement moral et solliciter à titre principal la nullité du licenciement.
Par jugement du 10 août 2021, le conseil de prud'hommes a :
- dit que la demande de Mme [D] [T] est recevable et partiellement fondée,
- déclaré recevable la note en délibéré produite par Mme [D] [T],
- débouté l'association VVF VILLAGES de ses demandes de rejet des pièces numérotées 62 à 69 et 70 à 71,
- condamné l'association VVF VILLAGES au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2020 :
* 840,67 euros bruts au titre du salaire du 1er au 13 décembre 2018 et 84,67 euros brut au titre des congés payés y afférents,
* 656,89 euros bruts au titre de prorata sur le 13ème mois,
* 5 820 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis, et 582 euros brut au titre des congés payés y afférents,
* 5 351 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,
- débouté Mme [D] [T] de sa demande de rappel de salaire du 17 au 23 août 2018,
- condamné l'association VVF VILLAGES au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
* 1 055,86 euros nets au titre de dommages et intérêts pour impossibilité de prendre ses congés payés du fait de l'employeur,
* 3 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,
* 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 46 560 euros nets au titre de la nullité du licenciement,
- condamné l'association VVF VILLAGES à remettre à Mme [D] [T] le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi sous peine d'une astreinte de 20 euros par jour de retard sur l'ensemble des documents à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement,
- condamné l'association VVF VILLAGES aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné l'association VVF VILLAGES à rembourser à Pôle emploi les allocations chômage versées à Mme [D] [T] dans la limite de quatre mois d'indemnités,
- rejeté toute autre demande des parties.
L'association VVF VILLAGES a interjeté appel le 07 septembre 2021.
Par ordonnance du 17 août 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable les conclusions déposées par Mme [D] [T] le 25 mars 2021.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 juin 2022, l'association VVF VILLAGES demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a
- condamnée au paiement des sommes suivantes :
* 6 560 euros au titre de la nullité de licenciement,
* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
* 20 000 euros au titre du harcèlement moral,
- condamnée au paiement d'une astreinte de 100 euros par jour de retard relative à la production d'une attestation Pôle Emploi conforme,
- condamnée au paiement d'un rappel de salaire du 1er au 13 décembre 2018,
- condamnée au paiement d'un rappel de salaire au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
- condamnée au paiement d'un rappel de salaire à titre de prorata sur le 13ème mois,
- condamnée au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférent,
- condamnée au paiement d'un reliquat d'indemnité de licenciement,
- condamnée au paiement d'un rappel de salaire de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,
- condamnée au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter Mme [D] [T] de ses demandes et de la condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 05 octobre 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 20 juin 2023 et mise en délibéré au 12 mars 2024.
MOTIFS
Vu l'article 954 du code de procédure civile,
Les conclusions de Mme [D] [T] ayant été déclarées irrecevables par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 août 2022, Mme [D] [T] est réputée s'approprier les motifs du jugement dans le cadre de la présente instance (2e Civ., 10 janvier 2019, pourvoi n° 17-20.018). Par ailleurs, les pièces communiquées par l'intimée au soutien de ses conclusions doivent elles-mêmes être déclarées irrecevables, en application de l'article 906 du code de procédure civile.
Sur le salaire du 1er au 13 décembre 2018
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail,
En application de ce texte, le salarié qui, à l'issue de son arrêt de travail, se tient à la disposition de l'employeur pour passer la visite médicale de reprise, a droit au paiement de sa rémunération (Soc., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-18.437).
En l'espèce, il résulte du jugement et des conclusions de l'association VVF VILLAGES que l'arrêt de travail de Mme [D] [T] a pris fin le 30 novembre 2018 et que la salariée s'est présentée pour reprendre son poste dès le 1er décembre 2018, sans attendre la visite médicale de reprise. L'employeur précise qu'il s'y est opposé dans l'attente de la visite de reprise initialement organisée le 06 décembre 2018 et qui s'est finalement tenue le 13 décembre 2018, au motif que l'avis du médecin du travail dans le cadre de la prévisite ne pouvait être considéré comme un avis d'aptitude. L'employeur a par ailleurs repris le paiement du salaire le 14 janvier 2019, à l'issue du délai d'un mois à compter de l'examen médical d'inaptitude prévu par l'article L. 1226-4 du code du travail.
Il convient en outre de relever que Mme [D] [T] n'était pas en arrêt de travail à partir du 1er décembre 2018 puisque, dans le certificat médical du 1er décembre 2018, le médecin traitant de Mme [D] [T] ne prescrit aucun arrêt de travail mais un temps partiel pour raison médicale du 1er au 31 décembre 2018.
Il résulte de ces éléments que la salariée s'était tenue à la disposition de l'employeur entre la fin de son arrêt de travail et la date de la visite de reprise et que l'association VVF VILLAGES était, de ce fait, tenue au paiement du salaire pendant cette période. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'association VVF VILLAGES au paiement de la somme de 840,67 euros bruts au titre du salaire du 1er au 13 décembre 2018 et de la somme de 84,67 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Sur les dommages et intérêts pour impossibilité de prendre les congés
Pour solliciter l'infirmation du jugement sur ce point, l'association VVF VILLAGES se borne à indiquer que Mme [D] [T] aurait été intégralement payée des congés non pris durant l'exécution du contrat de travail tout en expliquant que les absences de la salariée ont abouti à faire augmenter le compteur des congés payés qu'elle n'a pas pu solder pendant la période de reprise de quatre mois en 2015. L'employeur ne fait par ailleurs état d'aucun élément susceptible de remettre en cause les calculs retenus par le conseil de prud'hommes, lesquels font apparaître que les quarante-six jours de congés non pris pour la période de 2014 à 2017 n'ont été indemnisés qu'à hauteur de 3 062,94 euros alors que l'employeur était redevable d'une somme de 4 118,80 euros.
Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association VVF VILLAGES au paiement de la somme de 1 055,86 euros nets à titre de dommages et intérêts pour impossibilité de prendre ses congés payés du fait de l'employeur.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Pour caractériser l'existence d'un harcèlement moral, le jugement a retenu les éléments suivants :
- l'entrave à l'exercice du mandat de délégué du personnel :
Le conseil de prud'hommes a retenu que l'employeur n'aurait pas fourni à Mme [D] [T] le logiciel nécessaire à ses fonctions ni l'ordinateur portable mis à la disposition de tous les délégués du personnels.
Toutefois, s'il résulte du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel - collège ouvriers, employeurs, maîtrises du 27 octobre 2015 (pièce n°42) que la direction avait annoncé qu' « à terme, chaque élu délégué du personnel devrait pouvoir disposer d'un ordinateur équipé du pack office avec la création d'une boîte mail professionnelle », le procès-verbal de la réunion du 23 novembre 2017 ne comporte aucune mention permettant de considérer que Mme [D] [T] ne disposait pas d'une boîte mail professionnelle comme mentionné dans le jugement. Cet élément n'apparaît donc pas matériellement établi.
- la progression professionnelle entravée :
Le conseil de prud'hommes a considéré qu'était susceptible de caractériser un harcèlement moral le fait de ne pas avoir tenu compte des formations suivies par Mme [D] [T] pour la faire évoluer sur le plan salarial. Cet élément n'est pas contesté par l'employeur et doit donc être considéré comme matériellement établi.
- un rappel à l'ordre injustifié :
Il résulte du jugement et des conclusions de l'employeur que Mme [D] [T] a fait l'objet d'un rappel au règlement intérieur par un courrier du 29 août 2014 sur les absences non autorisée. Le courrier fait état du fait que la salariée aurait déclarée à sa directrice qu'elle ne souhaitait pas reprendre son poste malgré l'absence de prolongation de son arrêt de travail parce qu'elle devait être admise à l'hôpital dans un délai d'une semaine. L'existence de ce rappel du règlement intérieur est ainsi matériellement établi.
- le refus de déclaration d'un accident du travail :
Il résulte du jugement que cet élément ne résulte que d'une affirmations de la salariée dans le courrier qu'elle a adressé à l'employeur le 12 septembre 2014 pour contester le rappel au règlement qui lui avait été adressé. Les seules déclarations de la salariée sont toutefois insuffisantes pour démontrer la réalité de cet élément qu'il convient donc d'écarter.
- le non-respect de la législation sur les conges payés :
Dès lors qu'il a été statué ci-dessus que l'association VVF VILLAGES n'avait pas versé l'intégralité des congés dues à la salariée, cet élément est matériellement établi.
- le non-respect des préconisations du médecin du travail :
Le jugement retient contre l'employeur le fait de ne pas avoir respecté l'obligation de reclassement et de réintégration de Mme [D] [T] à son retour de congé maladie le 1er décembre 2018. Il est matériellement établi que l'employeur a refusé que Mme [D] [T] reprenne son poste à la fin de son arrêt de travail le 1er décembre 2018.
Le conseil de prud'hommes a enfin écarté la rupture conventionnelle que Mme [D] [T] reprochait à l'association VVF VILLAGES d'avoir proposé puis refusé.
Les faits matériellement établis, à savoir l'absence d'évolution professionnelle et le rappel au règlement intérieur, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Il appartient donc à l'employeur de démontrer que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
S'agissant de l'absence d'évolution professionnelle, l'employeur explique qu'il n'a aucune obligation de modifier la fonction de la salariée pour prendre en compte de nouvelles compétences acquises dans le cadre d'un congé individuel de formation. Il sera en outre relevé que, dans le jugement du 10 août 2021, le conseil de prud'hommes ne fait état d'aucune demande en ce sens de la part de la salariée, l'employeur mentionnant uniquement un courrier du 05 septembre 2018 aux termes duquel Mme [D] [T] sollicitait une rupture conventionnelle du contrat de travail en évoquant le fait qu'elle aurait souhaité évoluer professionnellement. L'employeur démontre ainsi que l'absence d'évolution professionnelle de Mme [D] [T] est étrangère à tout harcèlement moral.
Par ailleurs, l'employeur fait valoir à juste titre que seul l'avis du médecin du travail à l'issue de la visite de reprise pouvait déterminer si la salariée était apte ou non à reprendre son poste de travail. Il ne pouvait dès lors autoriser la salariée à reprendre son poste dès le 1er décembre 2018, sans attendre la visite de reprise, ce qui aurait constitué un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Dans ces conditions, cet élément apparaît étranger à tout harcèlement moral.
S'agissant du non-paiement des congés payés, l'employeur fait valoir que, lorsque la salariée a repris son poste à l'issue d'un congé individuel de formation au mois de juin 2015, l'ordre des départs en congés était déjà fixé et que l'employeur ne pouvait pas anticiper le fait qu'elle serait placée en arrêt de travail quatre mois après sa reprise. Le jugement ne fait par ailleurs état d'aucune demande de congés de Mme [D] [T] qui aurait été refusée au cours de cette période et, au vu des explications fournies par l'employeur, il convient de constater que cet élément est étranger à tout harcèlement moral.
Enfin, si l'employeur ne produit aucun élément pour démontrer que le rappel au règlement intérieur du 29 août 2014 était justifié, ce fait unique est en toute hypothèse insuffisant pour caractériser à lui seul une situation de harcèlement moral dès lors que celle-ci doit résulter d'agissements répétés.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que Mme [D] [T] avait été victime de harcèlement moral et condamné l'association VVF VILLAGES au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, Mme [D] [T] étant déboutée de cette demande.
Sur le licenciement
Dès lors que le harcèlement moral n'est pas établi, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement nul en raison de ce harcèlement moral et en ce qu'il a condamné l'association VVF VILLAGES au paiement de la somme de 46 560 euros pour licenciement nul, Mme [D] [T] étant déboutée de ces demandes.
Le conseil de prud'hommes n'a pas examiné la demande subsidiaire relative à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Les conclusions de l'intimée ayant été déclarées irrecevables, la cour constate qu'elle n'est saisi d'aucune demande à ce titre et qu'il ne lui appartient donc pas de se prononcer sur le respect de l'obligation de reclassement par l'employeur.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Pour condamner l'association VVF VILLAGES au paiement de la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral, le conseil de prud'hommes se borne à indiquer que le cumul de l'indemnisation au titre du harcèlement moral et au titre du préjudice moral est admis. Il ne fait toutefois état d'aucun élément susceptible d'établir la réalité du préjudice moral indemnisé. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement sur ce point et de débouter Mme [D] [T] de cette demande.
Sur le reliquat d'indemnité de licenciement
Vu les articles L. 1234-9, L. 1234-11 et R. 1234-1 et suivants du code du travail,
Vu l'article 55 de la convention collective,
Il convient de constater que, pour mettre à la charge de l'employeur un reliquat au titre de l'indemnité de licenciement, le conseil de prud'hommes a retenu une ancienneté de 19,75 années qui ne prend pas en compte la déduction des trois années de suspension du contrat de travail pour maladie appliquée par l'employeur, ces périodes n'étant pas prises en compte pour calculer l'indemnité de licenciement.
Il apparaît en outre que le calcul appliqué par le conseil de prud'hommes est erroné puisqu'il a retenu qu'un tiers de mois de salaire pendant 9,75 années correspondait à 6,79 mois de salaire alors que cela correspond à 3,25 mois de salaire.
Au vu de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande au titre du reliquat d'indemnité de licenciement et Mme [D] [T] sera déboutée de cette demande.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés
Dès lors que le licenciement n'est pas nul et que Mme [D] [T] n'était pas en mesure d'exécuter le préavis, elle ne peut prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis ni aux congés et au prorata du treizième mois au titre de la période de préavis. Le jugement sera donc infirmé et Mme [D] [T] sera déboutée de ces demandes.
Sur l'astreinte
Si l'association VVF VILLAGES produit une attestation Pôle emploi rectifiée, prenant en compte la date d'embauche du 06 mars 2000, aucun élément ne justifie d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné cette production sous astreinte.
Sur le remboursement des indemnités versées par Pôle emploi
Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Dès lors qu'il a été jugé que le licenciement n'était pas nul, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le remboursement des indemnités qui auraient été versées par Pôle emploi.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné l'association VVF VILLAGES aux dépens et à verser à Mme [D] [T] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de l'issue du litige, il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens qu'elle aura exposés et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans la limite de l'appel, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Colmar du 10 août 2021 en ce qu'il a :
- condamné l'association VVF VILLAGES au paiement des sommes de 840,67 euros bruts au titre du salaire du 1er au 13 décembre 2018 et de 84,67 euros brut au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 14 février 2020,
- condamné l'association VVF VILLAGES au paiement de la somme de 1 055,86 euros nets à titre de dommages et intérêts pour impossibilité de prendre ses congés payés du fait de l'employeur, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné l'association VVF VILLAGES à remettre à Mme [D] [T] le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi sous peine d'une astreinte de 20 euros par jour de retard sur l'ensemble des documents à compter du 15ème jour suivant la notification du présent jugement ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [D] [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de nullité du licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement nul, de dommages et intérêts pour préjudice moral, de reliquat d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de prorata du treizième mois pendant le préavis ;
LAISSE les dépens à la charge de la partie qui les aura exposés ;
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 13 mars 2024 Signé par Madame Christine DORSCH, Président de chambre et Madame Martine Thomas; Greffier.
Le greffier Le Président