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09/08/2024 | FRANCE | N°22/00155

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 09 août 2024, 22/00155


CKD/KG





MINUTE N° 24/649



















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 09 AOUT 2024



Numéro d'inscription

au répertoire général : 4 A N° RG 22/00155

N° Portalis DBVW-V-B7G-HXYV



Décision déférée à la Cour : 16 Décembre 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE



APPELANTE :



S.A.S. SCHIEVER MILHUSA

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 808 606 750

[Adresse 2]

[Localité ...

CKD/KG

MINUTE N° 24/649

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 09 AOUT 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/00155

N° Portalis DBVW-V-B7G-HXYV

Décision déférée à la Cour : 16 Décembre 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.S. SCHIEVER MILHUSA

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 808 606 750

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe WITTNER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

Madame [C] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par M. [T] [J] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme DORSCH, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Madame SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [C] [H], née le 23 août 1965, a été engagée le 04 janvier 1996 en qualité d'agent de commerce et de distribution à temps plein par la société Mammouth sise à [Localité 6].

Le 25 mai 2015 le groupe Schiever a repris l'établissement en location gérance sous l'enseigne Auchan exploitée par la SAS Schiever Milhusa. Le contrat de travail a été transféré.

À compter du 1er novembre 2013 Madame [H], dont l'invalidité en 1ère catégorie avait été reconnue, a bénéficié d'un travail à temps partiel à raison de 17 heures hebdomadaires au poste d'employée commerciale à la boulangerie.

À compter du 1er mai 2018 elle a bénéficié d'une invalidité de 2ème catégorie, et a été déclarée salariée handicapée jusqu'au 30 avril 2027.

Madame [H] a été en arrêt de travail à compter du 09 octobre 2016.

Par avis du 02 mai 2018, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste avec des capacités restantes lui permettant de travailler à temps très partiel de 4 heures par semaine, sur un poste léger, sans manutention manuelle de charges lourdes, en évitant les gestes répétitifs des mains, avec possibilité d'alternance d'alterner la position debout et assise. Un poste de préférence de type administratif, accueil caisses minutes, pourrait convenir. Il est souhaitable pour lui permettre de poursuivre les soins de ne pas la faire travailler les mardi, mercredi, et samedi entre 11 heures et 14 heures.

La SAS Schiever Milhusa a proposé des postes de reclassement à [Localité 5], refusés par la salariée en raison de leur éloignement.

Par courrier du 1er août 2018 elle a licencié Madame [H] pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Madame [H] a, le 14 décembre 2018, saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse afin de contester le licenciement, et par ailleurs une modification du contrat de travail entraînant un rappel de salaire.

Par jugement du 16 décembre 2021, le conseil des prud'hommes de Mulhouse statuant en formation de départage a :

- dit que la société ne pouvait modifier la structure de la rémunération résultant d'un accord collectif dénoncé sans l'accord des salariés concernés,

- constaté que Madame [H] n'a pas donné son accord,

- condamné la SAS Schiever Milhusa à lui payer les sommes suivantes :

* 1.298,31 € bruts au titre de rappels de salaire pour l'intégration des primes ancienneté et GDI,

* 129,83 € bruts au titre des congés payés afférents avec les intérêts légaux à compter du 12 mars 2019,

- constaté que la société n'a pas respecté la procédure de licenciement pour inaptitude non professionnelle,

- dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- dit qu'il convient de faire application de du barème issu de l'article L 1235-3 du code du travail, condamne la société à payer à Madame [H] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts avec les intérêts légaux à compter du jugement,

- débouté Madame [H] pour le surplus,

- débouté la société de ses demandes,

- condamné la SAS Schiever Milhusa aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Schiever Milhusa a le 11 janvier 2022 interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Selon dernières conclusions d'appel N°3 transmises par voie électronique le 10 août 2023, la SAS Schiever Milhusa demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de débouter Madame [H] de l'ensemble de ses demandes, de la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, et à lui payer 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions dernières récapitulatives transmises reçues au greffe le 31 mai 2023, Madame [C] [H] représentée par un défenseur syndical demande à la cour de dire et juger que l'appel incident est recevable et bien fondé, et par conséquent :

- dire et juger que l'employeur a intégré les primes GDI et d'ancienneté en violation de l'accord de Madame [H],

- dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS Schiever Milhusa à lui payer les sommes de :

* 1.298,31 € bruts au titre de rappels de salaire pour l'intégration des primes ancienneté et GDI,

* 129,83 € bruts au titre des congés payés afférents avec les intérêts légaux à compter du 12 mars 2019,

* 24.498 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- si toutefois la cour appliquait l'article L 1235-3 du code du travail :

- condamner la société à lui verser 14.035 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- condamner la société aux entiers frais et dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 septembre 2023.

Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS

1. Sur les rappels de salaire

La société appelante conteste toute modification du contrat de travail en exposant que la prime GDI ne figure pas dans le contrat de travail des salariés, mais résulte d'un accord d'entreprise du 15 juillet 2013 remplacé par accord de substitution du 08 juin 2015 prévoyant la suppression de cette prime en l'intégrant à la rémunération de base. Elle explique que cet accord de substitution s'impose au salarié qui ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis sous l'empire de l'ancien accord, sauf clause contraire. Elle déclare que la seule exception résulte d'une clause contractuelle plus avantageuse que l'accord, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle ajoute qu'il en est de même pour la prime d'ancienneté.

Madame [H] au contraire affirme que cette modification qui entraîne un changement de la structure de sa rémunération, et en particulier du taux horaire ne peut lui être imposée sans son accord, et souligne qu'elle a refusé de signer l'avenant au contrat de travail du 07 juillet 2015.

S'il est exact que la prime GDI, et la prime d'ancienneté ne sont pas contractuelles, en revanche le taux horaire l'est. Et force est de constater qu'en intégrant ces deux primes dans le salaire de base, et augmentant le volume d'heures de 73,67 à 77,35 heures en ajoutant les pauses, l'employeur procède en réalité à la diminution du taux horaire contractuel. Il apparaît en effet que le taux horaire est passé de 10,21 € à 10,15 €. La diminution du taux horaire se répercutera sur le calcul des heures supplémentaires, et par ailleurs le salaire conventionnel mensuel apparaîtra artificiellement supérieur au minimum conventionnel, suite à l'intégration de ces deux primes.

Or sauf dispositions légales contraires, un accord collectif ne peut permettre à l'employeur de modifier unilatéralement le contrat de travail sans recueillir au préalable l'accord exprès du salarié.

Selon une jurisprudence désormais bien établie, la rémunération contractuelle du salarié est un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié, ni dans son montant, ni dans sa structure, sans son accord, peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération, voire plus avantageux.

L'accord exprès du salarié est requis, même en présence d'un nouvel accord collectif (Cass. soc. 15-9-2021 n° 19-15.732)

Le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que l'employeur ne pouvait modifier la structure de la rémunération sans l'accord des salariés, accord inexistant en l'espèce, et en ce qu'il a condamné la société appelante à payer à Madame [H] les sommes de 1.298,31 €, ainsi que les congés payés afférents.

2. Sur le licenciement pour inaptitude

L'article L 1226-2 du code du travail dispose notamment que :

Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe (').

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, par avis du 02 mai 2018, le médecin du travail a rendu l'avis d'inaptitude suivants :

" Inapte à son poste. Les capacités restreintes de la salariée lui permettant de travailler à temps très partiel (4 heures/semaine), sur un poste léger, sans manutention manuelle de charges lourdes, en évitant les gestes répétitifs des mains, avec possibilité d'alternance d'alterner la position debout/assise. Un poste de préférence de type administratif, accueil caisses minutes, pourrait convenir. Il est souhaitable pour lui permettre de poursuivre les soins de ne pas la faire travailler les mardi, mercredi, et samedi entre 11 heures et 14 heures. "

Suite à cet avis d'inaptitude l'employeur a par courrier du 17 mai 2018 interrogé la salariée sur son niveau d'études, l'étendue de ses connaissances en comptabilité, gestion, informatique, son degré de mobilité géographique, et a sollicité un curriculum vitae. Il a le même jour interrogé le médecin du travail, qui lui rappelait en retour le 28 mai 2018 son avis initial, ajoutant qu'un poste de caisse classique ne convenait pas, que l'alternance assise et debout ne sera pas aussi aisée que pour le poste en caisses minutes, et que Madame [H] peut porter jusqu'à 8 kg.

L'employeur a ensuite par courrier du 19 juin 2018 formulé des propositions de reclassement à trois postes tous situés à [Localité 5] au siège social : le poste de gestionnaire de paye et administration du personnel, celui d'agent administratif pôle fichier, les deux à hauteur de 17h33 par semaine, et celui d'agent administratif service paye à temps plein pour une durée de deux mois. Par un second courrier du 21 janvier 2018, l'employeur a précisé que les deux postes de gestionnaire de paye, et d'agent administratif étaient des postes à raison de quatre heures par semaine.

La salariée ne saurait arguer de la mauvaise foi de l'employeur au regard de l'envoi du courrier du 19 juin 2018. D'une part ce courrier a été rectifié dès le 21 juin 2018, l'employeur invoquant une erreur dans le premier courrier, et ce avant toute réaction de la salariée. Force est de constater que deux des trois propositions de reclassement étaient parfaitement compatibles avec les propositions du médecin du travail. Par ailleurs même situées au siège social de la société à [Localité 5], l'employeur avait l'obligation de formuler ces propositions.

La salariée a, par courrier du 26 juin 2018, sans commettre de faute, légitimement pu refuser ces propositions de reclassement situées à plus de 300 km de son domicile, pour seulement quatre heures de travail par semaine.

Cependant dans ce même courrier Madame [H] s'étonnait de l'absence de propositions de poste sur le site de [Localité 6], et citait les postes de trois collègues, à savoir Madame [Y], Madame [P], et Madame [V].

Par courrier du 06 juillet 2018 la société lui répondait sur ce point qu'il n'y avait aucun poste disponible et compatible avec les restrictions à proposer sur le magasin Auchan de [Localité 6], qu'il n'y a pas de possibilités de reclassement au sein du service administratif compte tenu de la réorganisation en cours, ni de possibilité sur un poste d'accueil, ou comportant uniquement des tâches de relevés de balisages. Enfin il ajoute que l'organisation actuelle des caisses ne permet pas d'affecter uniquement les collaborateurs aux seules caisses minutes.

Il convient d'examiner les trois postes cités par l'intimée.

La société intimée expose que Madame [Y] occupait le poste d'employé administratif à temps plein dans le domaine de l'informatique magasin, qu'elle a été mutée au cours de l'été 2018 et n'a pas été remplacée. Elle estime que ce poste n'aurait pas été compatible avec l'état de santé de Madame [H], en raison du temps de travail.

S'agissant du poste de Madame [E] [P] qui occupait un poste d'employée administratif de 30 heures hebdomadaires, elle fait valoir que cette salariée a quitté la société seulement le 1er septembre 2018, de sorte que le poste ne pouvait pas être proposé à Madame [H]. Elle reconnaît que cette salariée n'a pas été remplacée et que ses tâches ont été redistribuées.

Il résulte de la procédure qu'une réorganisation du service administratif était en cours suite au départ de deux salariées au cours de l'été 2018. Il résulte des propres écrits de l'employeur que ces salariées n'ont pas été remplacées, mais que leurs tâches ont été redistribuées entre d'autres salariés. Cette réorganisation qui précisément entraîne une répartition des tâches, aurait permis d'intégrer Madame [H] dans cette nouvelle organisation à hauteur de quatre heures par semaine. Il est à cet égard rappelé que compte tenu des trois propositions de reclassement sur des postes administratifs au siège social de la société, l'employeur estimait que Madame [H] disposait des capacités à occuper de tels postes.

Enfin, et de la même manière l'employeur explique que Madame [V] hôtesse d'accueil à temps plein a bénéficié en juillet 2018 d'une rupture conventionnelle, qu'elle n'a pas été remplacée, et que ses tâches ont été réparties sur d'autres collaborateurs. Il n'explique pas pour quel motif Madame [H] ne pouvait être intégrée dans cette répartition des tâches, qui ne pouvaient être dévolues à un unique salarié, mais étaient bien réparties entre plusieurs d'entre eux.

L'employeur soutient que ces postes n'étaient pas vacantes au moment du licenciement de Madame [H].

Il convient de rappeler les dates suivantes :

- 02 mai 2018 : avis d'inaptitude

- 11 juillet 2018 : convocation à l'entretien préalable au licenciement

- 25 juillet 2018 : entretien préalable

- 1er août 2018 : licenciement.

Madame [V] a selon les conclusions de l'employeur quitté la société en juillet 2018 suite à une rupture conventionnelle. Madame [H], produisant en pièce 27 un listing des effectifs au 31 juillet 2018 affirme que cette salariée a quitté l'entreprise le 13 juillet 2018. Cette date du 13 juillet 2018 n'est nullement contestée par la société appelante. Par conséquent ce poste était bien disponible au moment des recherches de reclassement, et en tout état de cause avant le licenciement de Madame [H].

S'agissant du poste de Madame [Y], l'employeur invoque une mutation interne au cours de l'été 2018 sans nullement en préciser la date. En tout état de cause une telle mutation, sans remplacement, et avec réorganisation du service suppose une anticipation.

Enfin s'agissant du poste de Madame [E] [P] l'employeur fait valoir que cette salariée a quitté l'entreprise le 1er septembre 2018 par rupture conventionnelle soit postérieurement au licenciement. Or là encore cette rupture conventionnelle n'a pas lieu soudainement le 1er septembre 2018, mais suppose une certaine anticipation compte tenu du respect d'une procédure, des délais contraints, et d'une autorisation de l'inspection du travail. D'ailleurs la répartition des tâches de cette salariée à fait naître un contentieux avec une autre salariée Madame [B], par ailleurs salariée protégée, qui a refusé la réalisation de ces nouvelles tâches administratives. Or il résulte l'entretien d'évaluation de Madame [B] du 26 juin 2018, qu'il lui a à cette date déjà été indiqué qu'elle sera amenée à réaliser des tâches administratives pour les besoins du service (Pièce 41), ce qui démontre que l'employeur anticipait le départ de Madame [P], et organisait la répartition de son service.

Il est également important de rappeler que dans son courrier du 26 juin 2018, à son employeur, Madame [H] énonçait précisément ces trois postes.

Enfin Madame [H] établit que des hôtesses de caisse ont bien été embauchées durant la période de recherche de reclassement jusqu'à son licenciement, ce qui n'est pas contesté. Là encore l'employeur ne démontre pas qu'il ne pouvait reclasser Madame [H] quatre heures par semaine, à une caisse minutes, ou même à des caisses libre-service, ces deux postes étant parfaitement compatibles avec les préconisations du médecin du travail.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que contrairement au jugement déféré, l'employeur n'a pas rempli loyalement son obligation de reclassement alors même qu'il réorganisait les services administratifs et répartissait les tâches des salariées partantes sans les remplacer, et auraient pu aisément intégrer Madame [H] dans cette réorganisation, ou encore lui confier quatre heures de caisse minutes ou de caisses libre-service par semaine à déduire des nouveaux contrats conclus.

Le non-respect de l'obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Il est surabondamment relevé que l'employeur ne rapporte pas la preuve que les élus du personnel ont été informés de tous les éléments concernant le reclassement de Madame [H]. C'est en effet à juste titre que le conseil des prud'hommes a relevé que le compte rendu du 12 juin 2018 de la réunion des délégués du personnel ne comporte aucune signature. Ce compte rendu par ailleurs particulièrement sibyllin ne comporte aucune référence à la réorganisation des services administratifs envisagée. Une copie de ce compte rendu du 12 juin 2018 signé " PO " est désormais produit par l'employeur en pièce 25 sans que celui-ci ne puisse expliquer pourquoi Madame [H] se trouve en possession d'un exemplaire non signé. Par ailleurs l'adjonction de cette signature PO, n'apporte pas plus de précisions aux représentants du personnel.

***

Le jugement qui a déclaré le licenciement pour inaptitude non professionnelle dépourvue de cause réelle et sérieuse est par conséquent confirmé.

3. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Sur la contestation du barème de l'article L 1235-3 du code du travail

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont dans leur décision du 16 décembre 2021 retenu la légalité du barème contesté.

Il conviendra de rajouter que la Cour de cassation par deux arrêts du 11 mai 2022 a définitivement validé les barèmes qui ne sont pas contraires à l'article 10 de la Convention N° 158 de l'OIT (Cass.Soc 11 mai 2022 N° 21-14.490 et N° 21-15.247)

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération (850,64 € (785,21 € x 13/12)) versée à la salariée, de son âge (52 ans), de son ancienneté (22 ans), de sa capacité restreinte à retrouver un emploi eu égard à sa formation et son expérience professionnelle, et à son aptitude, du fait qu'elle n'a pas recouvré d'emploi à ce jour, il y a lieu de condamner la SAS Schiever Milhusa, en application de l'article L 1235-3 du code du travail à payer à Madame [C] [H] la somme de 14.000 € bruts à titre de dommages et intérêts.

Le jugement ayant limité l'indemnisation à une somme de 10.000 € est par conséquent infirmé.

4. Sur les demandes annexes

Le jugement est confirmé s'agissant des frais irrépétibles, et des dépens.

À hauteur de cour, l'appelante qui succombe en toutes ses prétentions est condamnée aux entiers dépens de la procédure, ce qui entraîne le rejet de sa demande de frais irrépétibles. Par ailleurs l'équité commande de la condamner à payer une somme de 2.000 € à Madame [H] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4 L. 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l'espèce. Il y a par conséquent lieu de compléter le jugement.

Il convient d'ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées dans la limite de trois mois.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Mulhouse en formation de départage le 16 décembre 2021 en toutes ses dispositions, SAUF en ce qu'il condamne la SAS Schiever Milhusa à payer à Madame [C] [H] une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé, et Y ajoutant

CONDAMNE la SAS Schiever Milhusa à payer à Madame [C] [H] une somme de 14.000 € bruts (quatorze mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE le remboursement par la SAS Schiever Milhusa aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées le cas échéant à Madame [C] [H] dans la limite de trois mois à compter de la rupture en application de l'article L 1235-4 du code du travail ;

CONDAMNE la SAS Schiever Milhusa à payer à Madame [C] [H] une somme de 2.000 € (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SAS Schiever Milhusa de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Schiever Milhusa aux dépens de la procédure d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 09 août 2024, signé par Madame Christine DORSCH, Président de chambre et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/00155
Date de la décision : 09/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-09;22.00155 ?
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