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09/08/2024 | FRANCE | N°22/00696

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 09 août 2024, 22/00696


CKD/KG





MINUTE N° 24/628



















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 09 AOUT 2024



Numéro d'inscription

au répertoire général : 4 A N° RG 22/00696

N° Portalis DBVW-V-B7G-HYV7



Décision déférée à la Cour : 01 Février 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG



APPELANTE :



Madame [M] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Anne-Catherine BOUL, avocat au barreau de STRASBOURG



IN...

CKD/KG

MINUTE N° 24/628

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 09 AOUT 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/00696

N° Portalis DBVW-V-B7G-HYV7

Décision déférée à la Cour : 01 Février 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [M] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne-Catherine BOUL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

S.A.R.L. GEA TUCHENHAGEN FRANCE

Prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 398 93 3 0 28

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme DORSCH, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [M] [L], née le 07 mars 1960, a été engagée par la SARL Univalve, le 01 juillet 1999, par contrat à durée indéterminée, en qualité d'assistante commerciale, selon niveau III, échelon 3, coefficient 240.

La société Univalve est devenue la SARL Gea Tuchenhagen France (" Gea Tuchenhagen"), le 01 janvier 2008.

La relation de travail était régie par la convention collective départementales des industries métallurgiques, mécaniques et connexes du Bas-Rhin.

En juillet 2020, la SARL Gea Tuchenhagen a fait l'objet par courriel et par téléphone d'une tentative d'escroquerie aux faux ordres de virement bancaire.

Madame [L] a donné suite aux courriels frauduleux et a procédé à quatre virements bancaires au profit d'un compte étranger, pour un montant total de 290.884,53 €. L'organisme bancaire a rejeté les virements et, ainsi, a déjoué la fraude.

Par courrier recommandé du 14 août 2020, Madame [L] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 août 2020.

Par lettre recommandée avec accusé de réception, datée du 27 août 2020, elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement, et sollicitant sa requalification conventionnelle, Madame [L] a saisi le conseil des prud'hommes de Strasbourg, le 29 décembre 2020.

Par jugement du 01 février 2022, le conseil des prud'hommes a :

- débouté Mme [L] de sa demande de requalification statut cadre ;

- jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SARL Gea Tuchenhagen à lui payer la somme de 10.000 € à   titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SARL Gea Tuchenhagen à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la SARL Gea Tuchenhagen à tous les frais et dépens.

Mme [L] a interjeté appel de la décision le 16 février 2022.

Par dernières conclusions, transmises par voie électronique le 09 mai 2022, Madame [M] [L] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de requalification de ses fonctions, et en ce qu'il a limité à la somme de 10.000 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et, statuant à nouveau, de :

- dire et juger que sa classification ne correspondait pas aux fonctions réellement exercées ;

- dire et juger qu'au vu des fonctions réellement exercées, depuis le 01 mars 2017, elle aurait dû bénéficier du statut de cadre, position II, coefficient 100 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Eu égard au licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

À titre principal,

* 20.643,85 € nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 12.478,00 € bruts au titre du préavis,

* 1.248,00 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

* 50.992,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

À titre subsidiaire, si le statut cadre ne devait pas lui être attribué,

* 50.992,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

- condamner la société à lui verser la somme de 3.000 € ou telle autre somme qu'il plaira à la cour d'arbitrer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux éventuels frais et dépens, y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier de justice, et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement sans exclusion du droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier.

Par dernières conclusions, transmises par voie électronique le 01 février 2023, la SARL Gea Tuchenhagen demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable la demande de reclassification conventionnelle, jugé que le licenciement de Madame [L] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et lui a alloué 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et, ainsi, statuant à nouveau, de :

- débouter Madame [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- la condamner à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens.

À titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [L] de sa demande de reclassification conventionnelle ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 10.000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau,

- fixer à due proportion le montant des dommages et intérêts alloués au titre du licenciement et formuler ce montant en brut ;

- débouter Madame [L] du surplus de ses demandes.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023.

Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyés aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS

I. Sur la classification

1. Sur la prescription

La SARL Gea Tuchenhagen affirme que la demande de Madame [L], tendant à obtenir sa requalification, portant sur l'exécution du contrat de travail est prescrite, car formée plus de deux ans après le jour où elle a connu les faits lui permettant d'exercer son droit.

Il est constant que la détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande.

Ainsi une action tendant au paiement d'une créance de salaire fondée sur la contestation d'une classification professionnelle est soumise à la prescription de trois ans prévus par l'article L 3245-1 du code du travail.

Or, il convient de noter que Madame [L] ne formule pas de demande de rappel de salaire suite à sa demande de reclassification, de sorte que l'application de l'article L. 3245-1 du code du travail est exclue.

En effet elle convient qu'elle perçoit un salaire annuel brut de 38.244 € alors que le salaire minimum conventionnel d'un cadre position II coefficient 1, est de 29.068 €

Sa demande de reclassification vise à obtenir paiement d'une indemnité de préavis de 12.464,18 € bruts, outre les congés payés afférents, selon l'article 27 de la convention collective, et une indemnité conventionnelle de licenciement de 20 643,85 € en vertu de l'article 29 de la convention collective.

Son action vise par conséquent uniquement à contester les indemnités de rupture.

L'article L. 1471-1 du code du travail, en son alinéa 2, dispose : " Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par 12 mois à compter de la notification de la rupture ".

En l'espèce, Madame [L] a été licenciée par lettre du 27 août 2020 remis en main propre le jour même.

Elle a saisi le conseil des prud'hommes par demande de déposer le 29 décembre 2020, soit dans le délai de 12 mois de sorte que son action n'est pas prescrite.

Le jugement entrepris, avec substitution de motifs, est confirmé en ce qu'il a jugé la demande recevable.

2. Sur la classification " cadre "

L'appelante revendique la position II coefficient 100 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui concerne l'ingénieur ou le cadre qui est affecté à un poste de commandement en vue d'aider le titulaire ou qui exerce dans les domaines scientifique, technique, administratif, commerciale, ou de gestion, des responsabilités limitées dans le cadre des missions, ou des directives reçues de son supérieur hiérarchique.

Madame [L] affirme qu'elle avait une procuration sur les comptes de la société, et se prévaut d'une note de service du 27 février 2017, signée par Monsieur [G] [K], directeur général des ventes, informant les salariés qu'à compter du 1er mars 2017, elle prendra la responsabilité du back-office à [Localité 5]. Cette note mentionne :

" Elle me représentera totalement et aura tous mes pouvoirs pour ce qui concerne la gestion du personnel.

Son rôle sera de vérifier que les tâches définies ensemble soient correctement effectuées, par les bonnes personnes, dans le meilleur délai, afin de satisfaire au mieux nos clients.

Dans ses fonctions elle devra me faire un rapport hebdomadaire sur les activités du bac office, ainsi que sur le respect des horaires de chacun.

Elle aura la possibilité de signer les factures dont le montant est inférieur à 200 € pour nous éviter de perdre du temps. ".

La société intimée conteste que Madame [L] n'ait jamais été affectée à un poste de commandement sur les autres salariés, ajoute qu'elle a simplement été nommée responsable administrative, et qu'elle effectuait des tâches administratives élémentaires, sans aucun engagement, ni encadrement de personnel, tel qu'il résulte d'ailleurs des deux entretiens annuels versés aux débats.

Il résulte en effet de l'article 21 B précité, de la convention collective, que le cadre doit être affecté à un poste de commandement en vue d'aider le titulaire.

Il convient de vérifier la réalité des fonctions exercées par la salariée, et en particulier si elle occupait un poste de commandement.

Or force est de constater que Madame [L] ne nomme pas les salariés sur lesquelles elle aurait exercé un commandement, qu'elle ne précise pas la nature du commandement, ni ne mentionne une quelconque tâche de commandement. Dans les deux entretiens d'évaluation qu'elle produit en annexes 7 et 8, il n'est fait référence à aucune tâche de commandement, ou un besoin de formation dans ce domaine.

Elle est selon la note de service précité uniquement chargée de vérifier que les tâches sont correctement effectuées par les bonnes personnes et dans les meilleurs délais, de vérifier le respect des horaires de chacun et d'en faire un rapport hebdomadaire à son responsable. Cette vérification, et ce rapport ne caractérise pas une tâche de commandement.

La société intimée produit l'attestation de Monsieur [G] [K] directeur général des ventes. Madame [L] conclut que ce témoignage est dépourvu de toute objectivité et qu'il ne peut être sérieusement contesté qu'il a été rédigé pour le besoin de la cause. Pour autant elle procède par simple affirmation, n'a pas déposé de plainte pénale à l'encontre du rédacteur qui a par ailleurs renseigné une attestation parfaitement conforme à l'article 202 du code de procédure civile. Le seul lien de subordination de son auteur ne justifie pas à l'écarter des débats.

Monsieur [G] [K] témoigne que Madame [L] était sous ses ordres directs et effectuait l'entièreté de la partie administrative des tâches suivantes : factures, paiements, récapitulatif des relevés d'heures, gestion des tickets restaurant, relance de paiement, mise à jour du tableau de commande, relation avec le cabinet comptable, relation avec la banque. Il n'y pas là de tâches de commandement.

Il précise que la salariée : " n'avait aucune fonction d'encadrement et ne me rendais pas compte des activités de ses collègues en back-office envers lesquels il n'y avait aucun rapport de supériorité hiérarchique. Elle devait simplement vérifier que chacun faisait les heures demandées et était présent sur site car elle était la plus ancienne "

Il convient en dernier lieu de souligner que Madame [L] affirme à tort avoir disposé " d'un pouvoir étendu à l'égard des banques ", alors que son autonomie en matière de signature des factures était limitée à un montant inférieur à 200 €.

Il résulte de ce qui précède que Madame [L] n'établit nullement avoir été affectée à un poste de commandement, de sorte qu'elle ne peut revendiquer la qualification sollicitée de cadre. Le jugement qui a rejeté ce chef de demande est par conséquent confirmé

II. Sur le licenciement

Par une lettre connue des parties en date du 27 août 2020, Madame [L] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse pour les motifs résumés en page 6 de la lettre de la manière suivante :

" Nous sommes contraints de prononcer votre licenciement pour cause réelle et sérieuse portant sur des actions et interventions à risque financier grave pour l'entreprise, sur le non-respect d'une procédure interne sensible et des consignes de sécurité informatique, sur la modification d'un élément ayant été porté au dépôt d'une plainte officielle au nom de l'entreprise, ainsi que sur la communication à des tiers de données et documents confidentiels et sensibles "

Il n'est pas contesté que la société a le 28 juillet 2020 fait l'objet d'une tentative d'escroquerie au virement bancaire, et que Madame [L] a été l'interlocutrice des escrocs.

Le conseil des prud'hommes a jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que Madame [L] serait en réalité une victime qu'elle était sous emprise, a été incapable de distinguer le vrai du faux, et que c'est de bonne foi qu'elle a cru obéir aux instructions de son supérieur.

Or l'analyse des éléments factuels versés aux débats ne permet pas de retenir une telle interprétation.

- Sur le non-respect des consignes de sécurité, et la communication à des tiers de données et documents confidentiels

Monsieur [P] directeur informatique France a, par un courriel du 17 juin 2020 recommandé aux salariés d'être vigilants pour éviter que le groupe ne soit la cible de cyber criminels, et de prévenir les attaques malveillantes. Des règles de prévention à suivre étaient indiquées.

Par un second mail du 22 juillet 2020 ce même directeur informait les salariés que des tentatives de phishing circulaient au sein du groupe et leur demandait :

" soyez vigilants et bien vérifier l'expéditeur de votre mail. Ne pas cliquer sur les liens contenus dans ces mails et ne jamais répondre ou transférer ces mails. Ces mails sont à supprimer ou à déplacer dans le dossier " courrier indésirable ".

Aussi vous avez cette bannière qui vous informe que le mail a été envoyé hors domaine GEA et demande à être prudent face aux liens et pièces jointes

" This message is from un EXTERNAL SENDER -be cautious particulary with links attachement " "

La tentative d'escroquerie a eu lieu le 28 juillet 2020, soit seulement six jours après le second message.

En effet le 28 juillet 2020 à 14h16 Madame [L] recevait un message depuis une double adresse " [Courriel 6] " et " [Courriel 8] ", le message comportant le bandeau d'avertissement indiqué par le directeur informatique le 22 juillet 2020.

Or il résulte de la procédure que Madame [L] a répondu à ce message provenant d'une adresse ne correspondant pas aux adresses habituelles du groupe ([Courriel 9].), et pour la seconde à une adresse suspecte, avec une signature ne correspondant pas aux standards de l'entreprise, et surtout en ne tenant pas compte du bandeau d'alerte.

En répondant à ce courriel la salariée n'a pas tenu compte des directives toutes récentes du directeur informatique.

En réponse par courriel du 28 juillet 2020 à 15h02 heures, elle précisait les coordonnées bancaires de l'entreprise et adressait un extrait de compte reprenant le solde débiteur et l'ensemble des mouvements bancaires du mois de juillet.

Elle écrivait certes par un message le 29 juillet 2020 à 8h 06 adressé à un prétendu avocat avec copie à une adresse mail toujours non officielle, qu'elle souhaite l'accord de son supérieur Monsieur [K] pour l'opération.

Mais là encore elle n'a eu aucune réaction à la suite d'une réponse, comportant des fautes d'orthographe, attribuée à Monsieur [K] (en vacances) depuis une adresse non conforme à celle de l'entreprise, mentionnant qu'il faut dialoguer uniquement sur ce nouveau mail qu'il venait de fournir, et surtout comportant là encore le bandeau d'avertissement.

Enfin, alors que son autorisation de paiement était limitée à un montant inférieur à 200 €, elle va procéder à quatre virements bancaires pour un montant total de 290.884,53 €.

Il résulte de ce qui précède que Madame [L] n'a pas respecté les règles basiques de sécurité informatique rappelées quelques jours avant la tentative d'escroquerie par le directeur informatique. Il apparaît étonnant qu'elle n'a tenu aucun compte des bandeaux d'avertissement, qu'elle a répondu à des adresses ne correspondant pas à la nomenclature de celles de l'entreprise, à des messages comportant des fautes d'orthographe, des signatures inhabituelles, et indiquant que dorénavant il fallait dialoguer sur ce nouveau mail. Il apparaît en outre qu'elle a communiqué des extraits bancaires aux escrocs, et a donné des ordres de virement pour plus de 290.000 € alors que son autorisation se limitait à 200 €.

- Sur la modification d'un élément ayant été porté au dépôt d'une plainte officielle au nom de l'entreprise.

Le conseil des prud'hommes n'a pas statué sur ce grief.

Les deux parties conviennent que Madame [L] a été chargée de déposer plainte auprès de la banque locale.

Or elle indique que dans son dépôt de plainte (procès-verbal d'audition du 31 juillet 2020-pièce 23), avoir réceptionné le 28 juillet 2020 un mail de Monsieur [R] [Z] provenant de l'adresse : " [Courriel 7] ". Or tel n'est nullement le cas, puisque précisément il lui est reproché d'avoir répondu à un message ne correspondant pas cette une adresse électronique officielle du groupe, mais aux adresses " [Courriel 6] ", et " [Courriel 8] "

Elle a également communiqué aux forces de l'ordre un message où cette seconde adresse, totalement inconnue, a disparu, tout comme a disparu le bandeau d'avertissement.

Il résulte de l'attestation de Madame [F] [I] que le mail litigieux avait été supprimé de la boîte de réception de Madame [L] y compris dans les éléments supprimés, mais qu'il a finalement pu être retrouvé en remontant les échanges auxquels la salariée avait répondus. C'est à fort juste titre que l'employeur qualifie cette attitude de particulièrement déloyale.

Ce comportement achève de démontrer que contrairement au jugement déféré le comportement de la salariée est fautif en raison du non-respect des consignes élémentaires de sécurité informatique, de la transmission à des tiers de documents confidentiels, puis de sa transformation du mail communiqué aux forces de l'ordre en supprimant les éléments l'incriminant.

- Sur la synthèse

Il résulte de ce qui précède que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse, de sorte que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement en est dépourvu, et a alloué à la salariée une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts. Madame [L] ne peut-être que déboutée de ces chefs de demande.

III. Sur les demandes annexes

Compte-tenu de la solution du litige le jugement doit également être infirmé en ce qu'il a alloué à la salariée une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné l'employeur à tous les frais et dépens.

L'appelante qui succombe est condamnée aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel, et que par voie de conséquence ses demandes de frais irrépétibles sont rejetées.

Enfin l'équité commande de la condamner à payer une somme de 1.000 € à la société intimée en application des dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu le 1er février 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Strasbourg en ce qu'il a jugé que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, a condamné la SARL Gea Tuchenhagen France à payer à Madame [L] les sommes de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, et 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à tous les frais et dépens ;

CONFIRME le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et Y ajoutant

DIT et JUGE que le licenciement de Madame [M] [L], repose sur une cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE Madame [M] [L] de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE Madame [M] [L] aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel ;

CONDAMNE Madame [M] [L] à payer à la SARL Gea Tuchenhagen France une somme de 1.000 € (mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Madame [M] [L] de ses demandes de frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 09 août 2024 et signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre, et par Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 22/00696
Date de la décision : 09/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-09;22.00696 ?
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