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29/08/2024 | FRANCE | N°22/01976

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 sb, 29 août 2024, 22/01976


MINUTE N° 24/621

















NOTIFICATION :







Copie aux parties



- DRASS







Clause exécutoire aux :



- avocats

- parties non représentées













Le





Le Greffier



REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB



ARRET DU 29 Août 2024





Numéro d

'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 22/01976 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H24H



Décision déférée à la Cour : 06 Avril 2022 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



Madame [H] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Eric BALMITGERE, avocat au barreau de ...

MINUTE N° 24/621

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 29 Août 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 22/01976 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H24H

Décision déférée à la Cour : 06 Avril 2022 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [H] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Eric BALMITGERE, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHIN

Service contentieux

[Adresse 2]

[Localité 3]

Comparante en la personne de Mme [I] [J], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. LEVEQUE, Président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. LEVEQUE, Président de chambre

Mme GREWEY, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par M. LEVEQUE, Président de chambre,

- signé par M. LEVEQUE, Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige

Sur contestation par Mme [H] [U], après vaine saisine de la commission de recours amiable, d'une décision du 6 mars 2019 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle une maladie du 6 octobre 2018 qualifiée « lombosciatique gauche, fragment discal L5-S1 », le tribunal judiciaire de Strasbourg, par jugement du 6 avril 2022, a :

- débouté Mme [U] de son recours ;

- dit que la pathologie du 6 octobre 2018 ne peut être prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

- débouté Mme [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné celle-ci aux dépens.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu, au visa des articles L. 461-1 et R. 142-24-2 des maladies professionnelles, que la maladie correspondait au tableau n° 98 des maladies professionnelles, lequel conditionne la prise en charge de la hernie discale L5-S1au fait que celle-ci comporte une atteinte radiculaire de topographie concordante, ce qui n'est pas le cas de la maladie déclarée ; qu'en cette absence de correspondance, la maladie ne pourrait être prise en charge que si l'incapacité physique permanente (IPP) en résultant était au moins égale à 25 %, ce que le médecin-conseil de la caisse a écarté sans que l'intéressée conteste cet avis ; que la caisse, en prenant sa décision le 6 mars 2019 au regard d'un certificat médical initial du 6 octobre 2018 et d'une déclaration du 23 octobre 2018 après avoir avisé la requérante de la nécessité d'un délai complémentaire dans les trois mois de la déclaration, avait respecté le délai réglementaire ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale que Mme [U], qui pouvait contester l'avis du médecin-conseil de la caisse en demandant une expertise technique mais qui s'en était abstenue, n'était pas recevable à demander une expertise devant le tribunal.

Mme [U] a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 22 avril 2022, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception expédié le 19 mai 2022.

L'appelante, par conclusions récapitulatives enregistrées le 14 mai 2024, demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

- réparer le jugement en ce qu'il omet de statuer sur ses demandes avant dire droit tendant à la transmission du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), à ordonner une expertise médicale, et à ce que le tribunal se réserve le contrôle de l'expertise ;

avant dire droit,

- ordonner la transmission au CRRMP pour avis conformément à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

- ordonner une expertise médicale judiciaire prévue à l'article R. 142-24 ancien devenu R.142-17-1 et à l'article L. 141-1 du code précité ;

en tout état de cause,

- dire que la caisse a reconnu tacitement le caractère professionnel de la maladie ;

- annuler la décision de rejet de prise en charge du 6 mars 2019 ;

- reconnaître le caractère professionnel de la maladie ;

- condamner la caisse à lui payer 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.

L'appelante soutient que la maladie déclarée comporte une atteinte radiculaire de topographie concordante et correspond ainsi à la maladie du tableau n° 98 ; qu'en application de l'article R. 141-1 du code précité, l'apparition d'une contestation d'ordre médical entre sa position et celle de la caisse devait conduire celle-ci à ordonner une expertise technique dans les quinze jours ; que le tribunal a omis de statuer sur sa demande d'expertise médicale judiciaire pour apprécier l'origine professionnelle de la maladie et le taux d'IPP ; que la caisse, avant de prendre une décision, aurait dû consulter le CRRMP conformément à l'article L. 461-1 du même code ; que la caisse a reconnu tacitement le caractère professionnel de la maladie faute d'avoir statué sur la demande de prise en charge dans le délai de trois mois imparti à l'article R. 441-10 du même code, sans pouvoir justifier du courrier de prolongation du 18 janvier 2019 qu'elle invoque conformément à l'article R. 414-4, n'ayant justifié que de la notification du refus de prise en charge ; et que, subsidiairement, le taux d'IPP doit être réexaminé en application des dispositions combinées des articles L. 461-1 et R.142-24-2.

La caisse, par conclusions en date du 2 mai 2023, demande à la cour de :

- rejeter toutes les demandes de l'appelante ;

- confirmer le jugement ;

- et condamner Mme [U] aux dépens.

L'intimée soutient que les conditions du tableau ne sont pas remplies dès lors que le médecin-conseil a expressément relevé une absence de radiculopathie et que le scanner invoqué par l'appelante, postérieur à la déclaration de la maladie, ne peut être pris en considération ; que la caisse n'avait pas à saisir de CRRMP pour une maladie figurant au tableau mais n'en remplissant pas les conditions de prise en charge médicale, à l'inverse de ce qu'elle devait faire soit pour une maladie remplissant les conditions médicales mais pas les conditions administratives, ou pour une maladie hors tableau occasionnant une IPP d'au moins 25 % ; que les autres pathologies invoquées par la requérante sont postérieures à la déclaration de la maladie litigieuse et sont dès lors indifférentes à son appréciation ; que la caisse a respecté le délai d'instruction réglementaire de trois mois dont elle avait régulièrement notifié à l'intéressée la prolongation pour la même durée ; et enfin qu'est irrecevable la demande d'expertise présentée par Mme [U] alors qu'elle n'avait usé des voies de recours qui lui permettaient de contester l'avis du médecin conseil.

À l'audience du 16 mai 2024, les parties ont demandé le bénéfice de leurs écritures, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la reconnaissance tacite du caractère professionnel de la maladie

L'article R. 441-10, dans sa rédaction applicable à l'époque de l'instruction de la demande, était ainsi rédigé : « La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie. ['] Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu. ». L'article R. 441-14 disposait alors que « Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception [et que] à l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu. »

En l'espèce, la déclaration de maladie est parvenue à la caisse le 23 octobre 2028 et a fait courir un délai d'instruction initial de trois mois qui expirait le 23 janvier 2019. La caisse produit toutefois la notification d'un courrier du 18 janvier 2019 avisant l'intéressée d'une prorogation de délai de trois maximum, courrier qui est parvenu à l'intéressée le 22 janvier suivant, ainsi qu'en atteste l'avis de réception. La caisse a pris sa décision le 6 mars 2019, avant expiration du nouveau délai de six mois qui expirait le 23 avril suivant.

Ainsi, la caisse ayant régulièrement notifié la prolongation de délai puis pris sa décision avant l'expiration du délai prorogé, aucune reconnaissance tacite du caractère professionnel de la maladie ne s'est produite.

Sur les conditions médicales du tableau des maladies professionnelles

Le tableau n° 98 des maladies professionnelles vise, au titre des affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes, la sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante, ainsi que la radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5, avec atteinte radiculaire de topographie concordante. L'existence d'une atteinte radiculaire est ainsi une condition médicale réglementaire de prise en charge de la maladie visée au tableau.

L'avis chirurgical établi le 20 décembre 2018 après IRM par le Dr [D] mentionne expressément l'absence de radiculopathie. Aucun document en faveur d'une atteinte radiculaire de topographie concordante aux vertèbres L5 S1 n'est invoqué.

L'apparition postérieure d'une pathologie des vertèbres cervicales, qui concerne une autre région du corps et qui n'était pas mentionnée à la date de la déclaration de la pathologie litigieuse, est sans incidence sur la conformité de celle-ci aux conditions du tableau.

Dès lors, les conditions médicales du tableau n'étant pas remplies, la présomption d'imputabilité professionnelle énoncée à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ne joue pas.

Sur la demande d'expertise

La première expertise demandée est celle visée à l'article R. 142-24 ancien devenu du code de la sécurité sociale, suivant lequel, lorsque le différend fait apparaître en cours d'instance une difficulté d'ordre médical relative à l'état du malade, le tribunal ne peut statuer qu'après mise en 'uvre de la procédure d'expertise médicale prévue à l'article L. 141-2.

Ce texte est toutefois inapplicable à l'espèce, dès lors que le différend médical n'est pas apparu en cours d'instance, mais bien avant, dès la décision de refus de prise en charge du 6 mars 2019, de sorte qu'il appartenait à l'intéressée de demander l'expertise lorsqu'elle a contesté cette décision devant la commission de recours amiable. Elle ne justifie pas l'avoir fait, produisant une requête devant la commission de recours amiable qui ne concerne pas le refus de prise en charge du 6 mars 2019, mais une autre décision prise par la caisse le 1er août 2019, relative à une autre pathologie.

Quant à l'obligation pour la caisse d'ordonner elle-même l'expertise, invoquée par l'appelante au visa de l'article R. 141-1, elle ne dispensait par l'intéressée d'en faire elle-même la demande, ainsi que ce texte lui en offre la possibilité.

Il en résulte, comme l'a retenu le premier juge, que la demande d'expertise formée pour la première fois devant le tribunal est irrecevable.

Au surplus, l'expertise n'apparaît pas utile, alors d'une part que près de six années se sont écoulées, ce qui rend difficile de déterminer l'état de santé de l'intéressée à la date de déclaration de la pathologie litigieuse, et alors d'autre part, s'agissant de l'examen des pièces par l'expert, que la seule pièce produite qui intéresse l'atteinte radiculaire exigée au tableau n° 98 pour la prise en charge de la maladie, ne la mentionne que pour en constater l'absence, ainsi que relevé précédemment.

Au surplus encore, une expertise judiciaire, régie à l'article 146 du code de procédure civile, ne peut être envisagée pour pallier la carence probatoire de la victime, qui n'apporte aucun indice en faveur de la présence de l'atteinte radiculaire manquante.

En conséquence, ajoutant au jugement qui effectivement omet de statuer sur ce point, rejettera la demande d'expertise médicale.

Sur la saisine du CRRMP

Il résulte des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale que le CRRMP ne peut être utilement saisi que dans deux cas.

En premier lieu lorsque une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Tel n'est pas le cas de la maladie litigieuse puisqu'elle ne correspond pas à la définition du tableau n°98 en raison de l'absence d'atteinte radiculaire de topographie concordante.

En second lieu, peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé, lequel est de 25 %.

Tel n'est pas le cas d'espèce, en l'absence de contestation de l'avis du médecin-conseil selon lequel la pathologie ne permettait pas d'envisager une IPP de 25 % ou plus, et en l'absence de production par Mme [U] de la moindre pièce en ce sens.

En conséquence, aucun des cas de transmission du dossier au CRRMP n'étant caractérisé, la cour, ajoutant au jugement qui omet également de statuer de ce chef, la cour rejettera la demande de transmission au CRRMP.

Sur la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle

Il résulte des précédents éléments que la maladie déclarée ne remplit pas les conditions médicales du tableau des maladies professionnelles invoquées. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [U] de son recours tendant à l'annulation de la décision de la décision de rejet de prise en charge du 6 mars 2019 et à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;

Rejette la demande d'expertise ;

Rejette la demande de transmission au CRRMP ;

Confirme le jugement rendu entre les parties le 6 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Strasbourg ;

Déboute Mme [H] [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens d'appel.

La greffière Le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 sb
Numéro d'arrêt : 22/01976
Date de la décision : 29/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-29;22.01976 ?
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