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30/08/2024 | FRANCE | N°24/02996

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 6 (etrangers), 30 août 2024, 24/02996


COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)





N° RG 24/02996 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILQA

N° de minute : 317/24





ORDONNANCE





Nous, Anne KERIHUEL, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;





Dans l'affaire concernant :



M. [X] [N] [W]



né le 1er janvier 1996 à [Localité 2] (SOUDAN)

de nationalité soudanaise



Actuellement retenu au centre

de rétention de [Localité 1]



VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.7...

COUR D'APPEL DE COLMAR

Chambre 6 (Etrangers)

N° RG 24/02996 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILQA

N° de minute : 317/24

ORDONNANCE

Nous, Anne KERIHUEL, Conseillère à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assistée de Iman SOUFIAN, greffière placée ;

Dans l'affaire concernant :

M. [X] [N] [W]

né le 1er janvier 1996 à [Localité 2] (SOUDAN)

de nationalité soudanaise

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1,R743-12 et suivantts R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;

VU l'arrêté d'expulsion pris le 28 avril 2022 par M. LE PRÉFET DE LA CÔTE D'OR à l'encontre de M. [X] [N] [W] ;

VU la décision de placement en rétention administrative prise le 13 juin 2024 par M. LE PRÉFET DE LA SAÔNE ET LOIRE à l'encontre de M. [X] [N] [W], notifiée à l'intéressé le 14 juin 2024 à 08h44 ;

VU l'ordonnance rendue le 17 juin 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg prologeant la rétention administrative de M. [X] [N] [W] pour une durée de vingt-huit jours à compter du 16 juin 2024, décision confirmée par le premier président de la cour d'appel de Colmar le 19 juin 2024 ;

VU l'ordonnance rendue le 15 juillet 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg prologeant la rétention administrative de M. [X] [N] [W] pour une durée de trente jours à compter du 14 juillet 2024, décision confirmée par le premier président de la cour d'appel de Colmar le 16 juillet 2024 ;

VU l'ordonnance rendue le 13 août 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg rejetant la demande de prolongation de la rétention administrative de M. [X] [N] [W], décision infirmée par le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Colmar le 14 août 2024 ;

VU la requête de M. LE PREFET DE LA SAONE ET LOIRE datée du 27 août 2024, reçue et enregistrée le même jour à 15h05 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de quinze jours supplémentaires à compter du 28 août 2024 de M. [X] [N] [W] ;

VU l'ordonnance rendue le 28 Août 2024 à 11h11 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, déclarant la requête de M LE PRÉFET DE LA SAONE ET LOIRE recevable et la procédure régulière, le déboutant de sa demande en prolongation de la mesure de rétention, ordonnant la remise en liberté de M. [X] [N] [W] et rappelant à l'intéressé qu'il a l'obligation de quitter le territoire français ;

VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. LE PREFET DE LA SAONE ET LOIRE par voie électronique reçu au greffe de la Cour le 29 août 2024 à 08h19 ;

VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE STRASBOURG par voie électronique reçu au greffe de la Cour le 29 août 2024 à 08h19 et la demande aux fins de déclarer cet appel suspensif conformément à l'article L743-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

VU la notification de la déclaration d'appel dont s'agit, faite respectivement à l'autorité administrative, à la personne retenue à 10h25 et à l'avocat de celle-ci, qui en ont accusé réception ;

VU l'ordonnance rendue le 29 août 2024 à 12h25 faisant droit à la demande de Monsieur le procureur de la République de Strasbourg aux fins de voir déclarer son appel suspensif ;

Le représentant de M. LE PREFET DE SAONE ET LOIRE, appelant, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 29 août 2024, n'a pas comparu, mais a fait parvenir sa déclaration d'appel en date du 29 août 2024 qui a été communiquée au conseil de la personne retenue.

Après avoir entendu M. [X] [N] [W] en ses déclarations par visioconférence, Maître Karima MIMOUNI, avocat au barreau de COLMAR, commise d'office, en ses observations pour le retenu et à nouveau l'intimé qui a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les appels ayant été interjetés dans les délais légaux, ils sont recevables.

Selon l'article L. 741-3, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

En application de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024 :

« A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »

Les critères énoncés ci-dessus n'étant pas cumulatifs, il suffit à l'administration d'établir l'un d'eux pour justifier d'une prolongation de la rétention.

Pour l'application du dernier alinéa de l'article précité à la requête en quatrième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, il appartient à l'administration de caractériser l'urgence absolue ou la menace pour l'ordre public établie dans les 15 jours qui précèdent la saisine du juge.

S'agissant de la menace à l'ordre public, critère pouvant être mobilisé par l'administration à l'occasion des troisième et quatrième prolongations de la mesure de rétention elle impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de ces ultimes prolongations, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l'administration. Elle a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

La menace pour l'ordre public doit faire l'objet d'une appréciation in concreto, au regard d'un faisceau d'indices permettant, ou non, d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé.

La commission d'une infraction pénale n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l'intéressé présenterait une menace pour l'ordre public (conseil d'Etat, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; conseil d'Etat, 12 février 2014, ministre de l'intérieur, n° 365644, A).

L'appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l'étranger en situation irrégulière fait peser sur l'ordre public (conseil d'Etat, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l'intérieur, B).

Au stade de la quatrième prolongation de la mesure de rétention administrative, il n'est pas exigé par le texte un nouveau comportement constitutif d'une menace à l'ordre public au cours des quinze derniers jours, mais bien que les éléments du dossier permettent de caractériser la persistance de ladite menace au cours de la période considérée.

En l'espèce, la demande de renouvellement du laissez-passer consulaire concernant M. [X] [N] [H] a été faite par l'administration le 9 août 2024 et celle-ci a été informée le 26 août 2024 que la récupération dudit laissez-passer aura lieu le 28 août 2024 à l'ambassade du Soudan à [Localité 3]. Dans sa requête du 27 août 2024 sollicitant une 4e prolongation de la rétention administrative de M. [X] [N] [H], le préfet de Saône-et-Loire mentionne que seuls les départs via l'office français de l'immigration et de l'intégration sont possibles mais que M. [X] [N] [H] a refusé l'aide au retour volontaire.

A l'audience, M. [X] [N] [H] a souligné qu'il n'y avait pas de « routing » pour procéder au vol de retour vers le Soudan. Il demande en conséquence la confirmation de la décision pour défaut de diligence de l'administration.

Il en résulte que l'administration n'établit pas être en mesure de disposer de documents de voyage à bref délai.

S'agissant de la menace à l'ordre public, M. [X] [N] [H] a été jugé en comparution immédiate et condamné par le tribunal correctionnel de Dijon par jugement du 9 janvier 2023 à la peine d'un an d'emprisonnement pour des faits de violence commise en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours en état de récidive légale, de menace de mort avec ordre de remplir une condition et violence sur un fonctionnaire de la police nationale suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours en état de récidive légale. Le tribunal correctionnel a également révoqué totalement pour 6 mois le sursis probatoire auquel il avait été condamné par arrêt de la cour d'appel de Dijon du 21 octobre 2021 pour des faits de destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, la peine prononcée étant de dix-huit mois d'emprisonnement dont six mois assortis d'un sursis probatoire.

L'état de récidive légale retenu par le tribunal correctionnel relève l'existence d'autres antécédents judiciaires ayant conduit à la condamnation définitive de M. [X] [N] [H].

Par décision du 29 juillet 2022, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin à son statut de réfugié en application de l'article L 511-7 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de la menace grave que sa présence en France constitue pour la société française. D'après le Préfet de Saône-et-Loire cette décision a été confirmée par la cour nationale du droit d'asile.

L'ensemble de ces éléments caractérise suffisamment une menace à l'ordre public demeurant actuelle et justifiant, à elle seule, une nouvelle prolongation de la mesure de rétention administrative, quand bien même l'administration n'a à ce jour pas de plan de vol pour un retour de l'intéressé au Soudan.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer la décision du juge des libertés et de la détention du 28 août 2024 et d'ordonner une quatrième prolongation de la rétention administrative de M. [X] [N] [H].

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARONS les appels de M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE et de M. LE PREFET DE SAONE ET LOIRE recevables en la forme ;

Au fond, y faisant droit ;

INFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge de la liberté et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 28 août 2024 ;

Et statuant à nouveau,

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [X] [N] [W] au centre de rétention administrative de [Localité 1], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quinze jours supplémentaires à compter du 28 août 2024 à 08h44 ;

RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont renconnus pendant la rétention :

- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin

- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix

DISONS avoir informé M. [X] [N] [W] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.

Prononcé à Colmar, en audience publique, le 30 Août 2024 à 16h04, en présence de

- l'intéressé par visio-conférence

- Maître Karima MIMOUNI, conseil de M. [X] [N] [W]

Le greffier, Le président,

reçu notification et copie de la présente,

le 30 Août 2024 à16h04

l'avocat de l'intéressé

Maître Karima MIMOUNI

comparante

l'intéressé

M. [N] [H]

comparant par visio-conférence

l'avocat de la préfecture

la SELARL CENTAURE

non-représentée

EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,

- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,

- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,

- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,

- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,

- ledit pourvoi n'est pas suspensif.

La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :

- au CRA de [Localité 1] pour notification à M. [X] [N] [W]

- à Me MIMOUNI Karima

- à M. LE PREFET DE SAONE ET LOIRE

- à la SELARL CENTAURE AVOCATS

- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.

Le Greffier

M. [X] [N] [W] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance

le À heures

Signature de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 6 (etrangers)
Numéro d'arrêt : 24/02996
Date de la décision : 30/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-30;24.02996 ?
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