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02/09/2024 | FRANCE | N°23/04120

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 02 septembre 2024, 23/04120


MINUTE N° 24/378





























Copie exécutoire à :



- Me Ahlem

RAMOUL-BENKHODJA

- Me Christine BOUDET





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 02 Septembre 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/04120 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IF7

B



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 octobre 2023 par le juge de l'exécution de Mulhouse





APPELANTE :



Madame [F] [N] divorcée [X]

[Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/4425 du 12/12/2023 accordée par l...

MINUTE N° 24/378

Copie exécutoire à :

- Me Ahlem

RAMOUL-BENKHODJA

- Me Christine BOUDET

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 02 Septembre 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/04120 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IF7B

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 octobre 2023 par le juge de l'exécution de Mulhouse

APPELANTE :

Madame [F] [N] divorcée [X]

[Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/4425 du 12/12/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Représentée par Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA, avocat au barreau de COLMAR

INTIMÉE :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 1]

Représentée par Me Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mai 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme FABREGUETTES, présidente de chambre

Mme DESHAYES, conseillère

Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. BIERMANN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Par jugement en date du 8 décembre 2020, le juge des contentieux de la protection au tribunal judiciaire de Mulhouse a notamment condamné solidairement Monsieur [C] [X] et Madame [F] [X] née [N], à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 37 501,73 euros, correspondant au solde restant après résiliation d'un contrat de prêt du 7 juin 2018, avec intérêts au taux contractuel de 4,89 % l'an à compter du 30 décembre 2019 outre 2 923,82 euros au titre de l'indemnité contractuelle avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 décembre 2019.

Cette décision a été signifiée à Madame [N] épouse [X] par acte du 22 décembre 2020.

La société BNP Paribas Personal Finance a, en exécution de la décision susvisée assortie de la formule exécutoire, fait signifier à Madame [X] le 5 mars 2021 un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation de son véhicule, le 9 mars 2021 un avis d'immobilisation de ce véhicule et un procès-verbal d'enlèvement puis le 10 mars 2021 un commandement de payer saisie-immobilisation.

Par arrêt en date du 7 novembre 2022 et arrêt complétif du 20 février 2023, la cour d'appel de ce siège a annulé le jugement du 08 décembre 2020 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse dans ses dispositions concernant les rapports entre la société BNP Paribas Personal Finance et Madame [N] épouse [X].

Par assignation en date du 15 avril 2021, Madame [N] divorcée [X] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Mulhouse afin de voir prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie-immobilisation ainsi que du procès-verbal d'enlèvement après immobilisation signifié le 10 mars 2021 et du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation et voir condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui payer les sommes de :

-8 800 € en réparation du préjudice de jouissance subi durant plus d'un an et demi,

-3 000 € en réparation de son préjudice moral,

-1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a également sollicité que soit ordonné à la société BNP Paribas Personal Finance de procéder à la levée de son inscription au fichier des incidents de paiement sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Elle faisait valoir n'avoir jamais souscrit avec son ex-époux le contrat de prêt qui lui était opposé, ce dernier ayant imité sa signature et n'avoir eu connaissance ni de l'assignation à comparaître devant le tribunal judiciaire de Mulhouse ni de la signification de ce jugement ; qu'elle a été privée de son véhicule pendant dix-huit mois alors qu'elle a une santé précaire.

La société BNP Paribas Personal Finance a résisté à la demande faisant valoir qu'elle n'a pas commis de faute, que les mesures d'exécution ont été immédiatement levées suite à la décision de la cour d'appel et a indiqué qu'avait été levée l'inscription de Madame [N] au fichier des incidents de paiement des particuliers.

Par jugement en date du 20 octobre 2023, le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Mulhouse a :

-constaté que les demandes relatives à la levée des mesures d'exécution forcée et à la radiation du FICP sont devenues sans objet,

-débouté les parties de leurs autres demandes,

-dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

-rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a constaté que le véhicule avait été restitué, que le créancier a procédé à la mainlevée des mesures d'exécution forcée dès réception de l'arrêt d'appel et qu'il n'était pas démontré qu'il aurait commis une faute dans le recours à la voie d'exécution forcée.

Cette décision a été notifiée à Madame [N] le 3 novembre 2023 et elle en a relevé appel suivant déclaration en date du 20 novembre 2023, étant précisé que le 18 novembre 2023, date d'expiration du délai d'appel, était un samedi.

L'affaire a été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile par ordonnance du président de la chambre en date du 6 décembre 2023.

Par conclusions d'appel notifiées le 8 janvier 2024, Madame [N] conclut à l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de :

-prononcer la nullité du commandant de payer valant saisie immobilisations ainsi que du procès-verbal d'enlèvement après immobilisation signifié le 10 mars 2021 et du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation,

-constater que Madame [N] a pu reprendre possession de son véhicule le 4 janvier 2023,

-condamner la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Madame [N] la somme de 8 800 € en réparation du préjudice de jouissance subi,

Subsidiairement,

-condamner la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Madame [N] la somme de 800 € en réparation du préjudice de jouissance subi,

En tout état de cause,

-condamner la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Madame [N] la somme de 3 000 € en réparation du préjudice moral subi,

-ordonner à la société BNP Paribas Personal Finance de procéder à la désinscription de Madame [N] du fichier des incidents de paiement sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

-débouter la société BNP Paribas Personal Finance de l'intégralité de ses demandes,

-condamner la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Madame [N] la somme de 1 800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700-2 du code de procédure civile,

-condamner la société BNP Paribas Personal Finance en tous les frais et dépens de la procédure y compris ceux relatifs au commandement de payer valant saisie immobilisation ainsi que du procès-verbal d'enlèvement après immobilisation et du procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation.

Au soutien de son appel, Madame [N] reprend son argumentation de première instance et se déclare victime des agissements frauduleux de Monsieur [X], son ex-époux, contre lequel elle a déposé une plainte pénale.

Elle fait grief à la société BNP Paribas Personal Finance de ne pas avoir attendu la décision de la cour d'appel avant de procéder à l'exécution forcée de la décision de première instance alors que son conseil avait adressé à la banque un courrier dans lequel il expliquait la situation de sa cliente, totalement étrangère au contrat de prêt et n'ayant à aucun moment, antérieurement à la saisie de son véhicule, été informée de la procédure suivie devant le tribunal judiciaire de Mulhouse.

À titre subsidiaire, elle fait valoir que la société BNP Paribas Personal Finance n'a pas été diligente pour lui permettre de récupérer son véhicule alors qu'au surplus le garagiste tentait de lui imposer des frais d'immobilisation qu'elle n'avait pas à régler.

Elle considère avoir subi un préjudice financier et moral du fait de l'immobilisation de son véhicule, de la difficulté à rentrer en possession de ce dernier et de son inscription sur le fichier des interdits bancaires.

Par écritures notifiées le 2 février 2024, la société BNP Paribas Personal Finance conclut à la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et au débouté des demandes présentées par Madame [N] dont elle sollicite la condamnation aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée admet que l'annulation par la cour d'appel de Colmar le 7 novembre 2022 du jugement du 8 décembre 2020 a entraîné l'annulation ipso facto des mesures d'exécution entreprises, ce qu'elle a reconnu dès la procédure de première instance de sorte que les demandes formées à hauteur d'appel apparaissent sans objet.

Elle considère n'avoir commis aucune faute puisqu'elle a fait saisir le véhicule en exécution d'un jugement assorti de l'exécution provisoire signifié à Madame [N] et avoir exécuté son obligation de restitution du véhicule, conséquence de l'annulation du jugement du 8 décembre 2020, dans un délai tout à fait raisonnable alors que Madame [N] ne justifie pas lui avoir signifié l'arrêt du 7 novembre 2022.

Elle conteste à titre subsidiaire la réalité comme le montant des préjudices mis en compte.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation des mesures d'exécution

En vertu de l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.

Dès lors en l'espèce que le jugement du 8 décembre 2020, fondant les poursuites initiées à son encontre, a été annulé par décision de la cour d'appel de céans en date du 7 novembre 2022, Madame [N] est fondée en sa demande d'annulation des mesures d'exécution entreprises à son encontre par la société BNP Paribas Personal Finance sur la base du titre annulé.

Il y a donc lieu, infirmant la décision déférée, de faire droit à cette demande quand bien même le véhicule saisi a été restitué, de sorte que la société BNP Paribas Personal Finance devra faire son affaire personnelle des frais relatifs aux actes d'exécution annulés.

Sur la demande de désinscription de Madame [N] au fichier des incidents de paiement

Si la société intimée affirme avoir procédé à la désinscription de Madame [N] du FICP dès le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, elle n'en rapporte aucunement la preuve.

Il convient donc de faire droit à la demande de Madame [N] de ce chef et le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages intérêts

Madame [F] [N] entend voir réparer le préjudice qu'elle a subi par suite de la privation de son véhicule pendant environ dix-huit mois suite à l'exécution par le créancier du jugement du 8 décembre 2020, finalement annulé par la cour d'appel de Colmar.

Elle n'indique pas quel est le fondement juridique de sa demande.

S'il convient de rappeler qu'en vertu de l'article L 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, l'exécution forcée qui peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire, n'a lieu qu'aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables et de rétablir ainsi le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent sans qu'il soit nécessaire de relever l'existence d'une faute, il n'en demeure pas moins que le juge de l'exécution et partant la cour d'appel, qui n'a ici d'autres pouvoirs que ceux du juge de l'exécution, n'a pas le pouvoir, hors des cas limitativement prévus par le code des procédures civiles d'exécution, de délivrer un titre exécutoire.

Aux termes de l'article L 121-2 du même code, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le créancier à des dommages intérêts en cas d'abus de saisie.

En l'espèce, la société BNP Paribas Personal Finance, qui n'était pas tenue de différer l'exécution du jugement du 8 décembre 2020, assorti de l'exécution provisoire, dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar saisie de l'appel interjeté par Madame [N] à son encontre, était fondée à mettre en 'uvre les mesures d'exécution forcée litigieuses dès lors qu'elle disposait d'un titre exécutoire constatant une créance exigible.

Elle n'a en conséquence commis aucune faute en diligentant les voies d'exécution querellées.

Par ailleurs, il est de jurisprudence qu'une abstention fautive ne peut être reprochée au créancier qu'à compter de la signification de la décision portant annulation du titre exécutoire sur le fondement duquel ont été engagées les mesures d'exécution forcée (Cass civ 2° 28 juin 2001).

Faute pour elle de justifier de la signification à la société BNP Paribas Personal Finance de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar annulant le titre exécutoire fondant les poursuites, Madame [N], qui a pu récupérer son véhicule le 4 janvier 2023, n'est pas fondée à se prévaloir de la négligence de la créancière pour obtenir l'octroi de dommages intérêts.

En revanche, dès lors que la société intimée ne justifie pas avoir fait lever l'inscription de Madame [N] au fichier des incidents de paiement, il convient de considérer qu'elle a commis une négligence fautive justifiant l'allocation à cette dernière d'une somme de 150 € en réparation de son préjudice moral.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Partie perdante à hauteur d'appel, la société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée aux dépens et à payer à l'avocat de Madame [N] la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 2° du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré sans objet la demande d'annulation des voies d'exécution entreprises ainsi que la demande tendant à voir ordonner la désinscription de Madame [N] au fichier des incidents de paiement des particuliers et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts formée par cette dernière,

Et statuant à nouveau de ces chefs,

ANNULE le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation signifié le 5 mars 2021, le commandement de payer valant saisie immobilisation signifié le 10 mars 2021, le procès-verbal d'enlèvement après immobilisation en date du 9 mars 2021,

CONDAMNE la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Madame [F] [N] la somme de 150 € à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

ORDONNE à la société BNP Paribas Personal Finance de procéder à la désinscription de Madame [F] [N] au fichier des incidents de paiement des particuliers (FICP) et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,

CONFIRME la décision déférée pour le surplus,

Et y ajoutant,

REJETTE la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société BNP Paribas Personal Finance à payer à Maître Ramoul-Benkhodja, avocat de Madame [N], la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 2° du code de procédure civile,

CONDAMNE la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens en ce compris les frais relatifs à la procédure de saisie et d'enlèvement du véhicule de Madame [N].

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 23/04120
Date de la décision : 02/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-02;23.04120 ?
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