COUR D'APPEL DE COLMAR
Chambre 6 (Etrangers)
N° RG 24/03072 - N° Portalis DBVW-V-B7I-ILUE
N° de minute : 324/24
ORDONNANCE
Nous, Franck WALGENWITZ, Président de chambre à la Cour d'Appel de Colmar, agissant par délégation de la première présidente, assisté de Manon GAMB, greffier ;
Dans l'affaire concernant :
M. [I] [H]
né le 03 Mai 1989 à [Localité 3] (ALGÉRIE)
de nationalité algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
VU les articles L.141-2 et L.141-3, L.251-1 à L.261-1, L.611-1 à L.614-19, L.711-2, L.721-3 à L.722-8, L.732-8 à L.733-16, L.741-1 à L.744-17, L.751-9 à L.754-1, L761-8, R.741-1, R.744-16, R.761-5 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile (CESEDA) ;
VU l'arrêté pris le 05 juillet 2024 par M. LE PREFET DU HAUT-RHIN faisant obligation à M. [I] [H] de quitter le territoire français ;
VU la décision de placement en rétention administrative prise le 29 août 2024 par M. LE PREFET DU HAUT-RHIN à l'encontre de M. [I] [H], notifiée à l'intéressé le même jour à 09h20 ;
VU le recours de M. [I] [H] daté du 11er septembre 2024, reçu et enregistré le même jour à 22h33 au greffe du tribunal, par lequel il demande au tribunal d'annuler la décision de placement en rétention administrative pris à son encontre ;
VU la requête de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN datée du 1er septembre 2024, reçue et enregistrée le même jour à 13h58 au greffe du tribunal, tendant à la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 26 jours de M. [I] [H] ;
VU l'ordonnance rendue le 03 Septembre 2024 à 11h25 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg, rejetant le recours de M. [I] [H], déclarant la requête de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN recevable et la procédure régulière, et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [I] [H] au centre de rétention de Geispolsheim, ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 26 jours à compter du 02 septembre 2024 ;
VU l'appel de cette ordonnance interjeté par M. [I] [H] par voie électronique reçue au greffe de la Cour le 04 Septembre 2024 à 09h26 ;
VU les avis d'audience délivrés le 04 septembre 2024 à l'intéressé, à Maître Boutheina ADIB, avocat de permanence, à [D] [V], interprète en langue kabyle assermenté, à M. LE PREFET DU HAUT-RHIN et à M. Le Procureur Général ;
Le représentant de M. LE PREFET DU HAUT-RHIN, intimé, dûment informé de l'heure de l'audience par courrier électronique du 04 septembre 2024, n'a pas comparu, mais a fait parvenir des conclusions en date du 04 septembre 2024, qui ont été communiquées au conseil de la personne retenue.
Après avoir entendu M. [I] [H] en ses déclarations par visioconférence et par l'intermédiaire de [D] [V], interprète en langue kabyle assermenté, Maître Boutheina ADIB, avocat au barreau de STRASBOURG, commis d'office, en ses observations pour le retenu, et à nouveau l'appelant qui a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel interjeté par Monsieur Monsieur [I] [H] le 4 septembre 2024 à 9h26, par déclaration écrite et motivée, à l'encontre de l'ordonnance rendue le 3 septembre 2024 (à 11h 25) par le juge des libertés et de la détention de Strasbourg, dans le délai prévu à l'article R. 743-10 du CESEDA est recevable.
Sur l'appel
Monsieur [I] [H] interjette appel de l'ordonnance du 3 septembre 2024 du juge des libertés et de la détention de Strasbourg ayant ;
ordonné la jonction de la procédure introduite par le recours de Monsieur [I] [H] sous le numéro 24/77 64 et celle introduite par la requête de Madame le préfet du Haut-Rhin enregistrée sous le numéro 24/77 61,
déclaré le recours de Monsieur [I] [H] recevable
rejeté ledit recours
ordonné la prolongation de la rétention de Monsieur [I] [H] au centre de rétention administrative de [Localité 1] pour une durée de 26 jours à compter du 2 septembre 2024.
Il est à noter que le recours ne porte pas sur la décision de jonction des deux procédures.
1) Sur la nullité de la procédure antérieure à la décision de placement en rétention
Le placement en rétention de Monsieur [I] [H] est intervenu à sa sortie de détention après sept mois d'incarcération ; la décision de placement lui a été notifiée plus exactement au moment de la levée de l'écrou.
Monsieur [I] [H] soulève dans un premier temps la nullité de la procédure au motif que la notification de la décision de placement en rétention et des droits aurait été irrégulier, faisant valoir que du fait de la concomitance de la levée d'écrou et de la notification de la décision de placement en rétention qui lui a été faite, l'intéressé n'aurait pas pu prendre réellement conscience de la situation et connaissance de ses droits.
D'une part, le premier juge a, à juste titre, relevé que l'intéressé a bien signé le procès-verbal de notification de ses droits à 9h20 et qu'au surplus, ses droits lui ont été à nouveau notifiés par le truchement d'un interprète, par téléphone. Aucun élément du dossier n'est de nature à permettre de douter du fait que l'interprète intervenu était agréé, ou encore que l'intéressé n'a pas compris ce qui lui était traduit, et ce d'autant plus qu'il n'a pas formulé de contestation à ce à ce moment. En outre, sachant qu'il était en séjour irrégulier en France depuis de nombreuses années, Monsieur [I] [H] ne saurait sérieusement prétendre avoir été surpris par cette notification et ne pas avoir compris la situation.
D'autre part, force est de rappeler qu'aucun texte n'impose à l'administration de notifier une décision de placement en rétention en accordant « un délai raisonnable » à l'étranger sortant de détention, de nature à interdire une notification au moment de la levée de l'écrou.
L'intéressé a en tout état de cause pu exercer l'ensemble de ses droits, puisqu'il a pu contacter un avocat choisi, introduit un recours en contestation de l'arrêté de placement dans les délais et pu bénéficier d'un interprète à l'audience tenue devant le Juge des Libertés et de la Détention. Aussi, ses allégations selon lesquelles il aurait signer les documents sans comprendre ce qui se passait sont dementies par l'exercice effectif de ses droits.
Dans ces conditions, aucune irrégularité ni atteinte substantielle à ses droits comme l'impose l'article L. 743-12 du CESEDA, ne sont démontrées.
L'appelant conteste également la réalité et le sérieux des diligences accomplies par l'autorité administrative, faisant valoir que l'administration n'aurait accompli aucune diligence à destination des autorités étrangères sur le fondement de la décision d'éloignement prise le 5 juillet 2024.
Il est important de rappeler que l'intéressé a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2021, non exécutée volontairement et qu'il ne conteste pas être en situation irrégulière sur le territoire national se contentant d'affirmer souhaiter y rester pour y assumer la paternité de son enfant né en 2023 et rester à proximité de ses proches.
Comme l'a à juste titre affirmé le juge des libertés et la détention, rien n'empêche l'administration d'accomplir des diligences en amont d'une décision d'éloignement, l'essentiel étant que celle-ci soit bien antérieure à l'admission en rétention administrative, ce qui est bien le cas en l'espèce, et en exécution d'une décision d'éloignement.
Le moyen selon lequel « la préfecture s'est basée sur une décision d'éloignement en date du 13 mars 2024 ne concerne pas le dossier de Monsieur [H] dans ses premières diligences ainsi que pour relancer l'autorité consulaire » ne saurait être accueilli en ce sens que la lecture des pièces du dossier démontre que l'arrêté préfectoral portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, du 13 mars 2024, concerne bien l'intéressé, et c'est bien en exécution de cette décision du 13 mars 2024 que des diligences ont été entreprises par l'autorité préfectorale.
C'est la seule obligation de quitter le territoire français du 05 juillet 2024, confirmée par le Tribunal administratif, qui constitue la base de la procédure et non la saisine des autorités étrangères.
En outre, il est cocasse de rappeler, qu'il ressort de la procédure pénale jointe (cf page 5 du jugement du 18 mars 2024) que l'intéressé admet être arrivé en France en 2021 « sans document d'identité », pour pouvoir se présenter sous un état civil douteux et tirer profit de cette incertitude.
Il ressort des développements précédents que la procédure antérieure à la décision de placement en rétention est valide.
2) Sur la décision de placement en rétention
Comme indiqué plus haut, le placement en rétention de Monsieur [I] [H] est intervenu à sa sortie de détention après sept mois d'incarcération.
L'intéressé avait en effet été interpellé le 15 mars 2024 et a été condamné le 18 mars 2024 pour des faits de violences sur la personne de sa partenaire et de dégradations de l'appartement de cette dernière. Il a commis cette infraction alors qu'il était en situation irrégulière sur le territoire national depuis plusieurs années, ayant déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2021 non exécutée volontairement.
L'appelant considère que l'administration n'a pas tenu compte du fait que durant ces sept mois d'incarcération, sa situation personnelle aurait évolué notamment en ce qui concernait son projet de reconnaître son enfant né en mai 2023 en France.
Cependant, il ne saurait sérieusement prétendre que l'administration aurait failli en ne l'interrogeant pas sur sa situation personnelle, une telle interrogation ne pouvant constituer une cause de « violation du caractère contradictoire du placement rétention ».
Il est rappelé que l'intéressé a été informé de placement, qu'à cette occasion il lui était expliqué les raisons et le fondement juridique de celui-ci.
L'appelant estime également que l'administration aurait commis une erreur d'appréciation au regard des garanties de représentation, en ce sens que contrairement à ce qui était indiqué par le préfet, il disposerait de garanties de représentation ayant de fortes attaches en France, par le biais de la présence de sa s'ur à [Localité 2], de son père, lui-même étant titulaire d'une carte individuelle d'admission à l'aide médicale valable jusqu'au 1er novembre 2024.
La cour constate que l'intéressé ne saurait sérieusement tirer argument de son souhait de reconnaître un enfant né en mai 2023, alors qu'il ne l'a pas fait avant son incarcération du 17 mars 2024, qu'il ne s'explique nullement sur le fait qu'il n'a pas honoré l'obligation qui lui était faite depuis 2021 de quitter le territoire national ou encore, lui qui prétend ne pas constituer une menace à l'ordre public, pourquoi il a été condamné en comparution immédiate le 18 mars 2024 à une peine de sept mois d'emprisonnement ferme.
Ce contexte ne milite nullement en faveur de la crédibilité de ses promesses selon lesquelles il pourrait être assigné à résidence et s'engage à répondre aux convocations faites par l'autorité administrative.
En outre il convient de rappeler que l'article L741-1 permet désormais de fonder la rétention sur la menace à l'ordre public en ce sens que le risque de soustraction peut être apprécié au regard de la menace à l'ordre public qu'une personne représente (loi 2024-44 du 26 janvier 2024 article 40). L'existence d'une condamnation pour des faits graves sur la mère de son enfant, permet de qualifier l'existence d'un risque à l'ordre public au sens de cet article.
Enfin il y a lieu de rajouter que l'intéressé n'a pas remis aux autorités un passeport en cours de validité, et qu'au moment de sa levée d'écrou il n'a déclaré aucune adresse.
Dans ces conditions, il convient de confirmer intégralement la décision de première instance qui a ordonné la prolongation de sa rétention pour une durée de 26 jours à compter du 2 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARONS l'appel de M. [I] [H] recevable en la forme ;
au fond, le REJETONS ;
CONFIRMONS l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg le 03 Septembre 2024 ;
RAPPELONS à l'intéressé les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention :
- il peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil ainsi que d'un médecin,
- il peut communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ;
DISONS avoir informé M. [I] [H] des possibilités et délais de recours contre les décisions le concernant.
Prononcé à Colmar, en audience publique, le 04 Septembre 2024 à 16h15, en présence de
- l'intéressé par visio-conférence
- Maître Boutheina ADIB, conseil de M. [I] [H]
- de l'interprète, lequel a traduit la présente décision à l'intéressé lors de son prononcé.
Le greffier, Le président,
reçu notification et copie de la présente,
le 04 Septembre 2024 Ã 16h15
l'avocat de l'intéressé
Maître Boutheina ADIB
l'intéressé
M. [I] [H]
en visio conférence
l'interprète
par téléphone
l'avocat de la préfecture
Me Morel
non-comparant
EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
- pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition,
- le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou en rétention et au ministère public,
- le délai du pourvoi en cassation est de deux mois à compter du jour de la notification de la décision, ce délai étant augmenté de deux mois lorsque l'auteur du pourvoi demeure à l'étranger,
- le pourvoi en cassation doit être formé par déclaration au Greffe de la Cour de cassation qui doit être obligatoirement faite par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation,
- l'auteur d'un pourvoi abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile,
- ledit pourvoi n'est pas suspensif.
La présente ordonnance a été, ce jour, communiquée :
- au CRA de [Localité 1] pour notification à M. [I] [H]
- à Maître Boutheina ADIB
- Ã M. LE PREFET DU HAUT-RHIN
- Ã la SELARL CENTAURE AVOCATS
- à M. Le Procureur Général près la Cour de ce siège.
Le Greffier
M. [I] [H] reconnaît avoir reçu notification de la présente ordonnance
le À heures
Signature de l'intéressé