CL/BL
CHSCT EDG GDF
"opérateur réseaux"
C/
ELECTRICITE DE FRANCE
GAZ DE FRANCE
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 03 Avril 2007
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 03 AVRIL 2007
No
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL No 06/01578
Décision déférée à la Cour : ORDONNANCE de REFERE du 01 AOUT 2006, rendue par le Président du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON
RG 1ère instance : 05/00365
APPELANT :
LE COMITE D'HYGIENE DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL de l'établissement EDF GDF "opérateur réseaux" (CHSCT)
Ayant son siège :
65 rue de Longvic
21000 DIJON
représenté par la SCP FONTAINE-TRANCHAND et SOULARD, avoués à la Cour
assisté de Me BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
SA ELECTRICITE DE FRANCE
dont le siège social est
22/30 avenue de Wagram
75008 PARIS
SA GAZ DE FRANCE
dont le siège social est
23 rue Philibert Delorme
75840 PARIS CEDEX 17
représentées par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour
assistées de la SCP SCHAF-CODOGNET et VERRA, avocats au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Février 2007 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur LITTNER, Conseiller le plus ancien, présidant la Chambre désigné à ces fonctions par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 22 décembre 2006, Président, ayant fait le rapport
Monsieur RICHARD, Conseiller, assesseur,
Madame VIEILLARD, Conseiller, assesseur,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme GARNAVAULT,
ARRET rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
SIGNE par Monsieur LITTNER, Conseiller, et par Madame GARNAVAULT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Le 16 mars 2005, 5 agents de la Base Comptage Mutualisée de Bourgogne déposaient un "droit de retrait" au motif que s'était instauré un conflit autour d'une convention passée entre EDF et FRANCE TELECOM portant sur l'interprétation de l'ITE ( Information Technique Electricité) 97 - 24, particulièrement sur la notion de protection des installations et des personnes.
Cette ITE 97 - 24 est composée :
- d'une convention passée entre EDF et FRANCE TELECOM intitulée "Desserte des sites électriques d'EDF " contenant répartition des prestations respectives de FRANCE TELECOM et d'EDF,
- du document FRANCE TELECOM : L 97001 intitulé "Raccordement au réseau de télécommunications des sites et ouvrages électriques HTA et HTB d'EDF ", établi en commun avec FRANCE TELECOM et EDF, définissant des règles applicables en matière de protection des installations et des personnels de FRANCE TELECOM en fonction des services de télécommunications utilisés par EDF.
Les membres du CHSCT considèrent que les nouvelles directives données par la direction ne respectent pas les prescriptions techniques issues de l'ITE en ce qui concerne :
- la limite du point critique et la mise en oeuvre du dispositif d'isolement galvanique pour les postes en zone rurale,
- l'installation des parafoudres.
Le 13 juin 2005, le CHSCT s'est réuni pour étudier les problèmes soulevés par l'application de l'ITE 97 - 24 et ont décidé, contre l'avis du président, la désignation d'un expert, sur le fondement de l'article L. 236 - 9 du code du travail.
Les sociétés EDF et GDF l'ont assigné devant le président du tribunal de grande instance de DIJON, statuant comme en matière de référé, pour obtenir l'annulation de cette délibération.
Par ordonnance du 1er août 2006, ce magistrat a annulé la délibération du CHSCT "Opérateurs Réseaux" du 13 juin 2005 en ce qu'il a décidé la réalisation d'une expertise et laissé la charge des dépens de l'instance au CHSCT.
Le CHSCT de l'établissement d'EDF GDF "Opérateurs Réseaux" a fait appel.
Dans ses dernières écritures, en date du 6 novembre 2006, auxquelles il est fait référence par application de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, il soutient d'une part que les moyens de forme qui lui sont opposés par les sociétés intimées ne sont pas fondés, d'autre part que sa demande de désignation d'un expert est justifiée par l'existence d'un projet important affectant les conditions de sécurité et les conditions de travail et par l'existence d'un risque grave et il sollicite en conséquence le rejet de la demande d'annulation de la délibération.
Il demande que les sociétés intimées soient condamnées à prendre en charge les honoraires de l'avocat constitué par lui, arrêtés à la somme de 8.500 €.
Les sociétés EDF GDF, par conclusions du 14 novembre 2006, auxquelles il est pareillement fait référence, demandent la confirmation de l'ordonnance en faisant valoir :
- que la question de la désignation d'un expert n'avait pas été inscrite à l'ordre du jour,
- que la mission de l'expert n'a pas été définie,
- que la durée de la mission n'a pas été déterminée,
- qu'aucun projet important ne peut être invoqué,
- qu'aucun risque grave n'a été constaté dans l'établissement.
Elles considèrent qu'il y a abus de droit de la part du CHSCT, ce qui doit conduire à laisser à sa charge les dépens de l'instance.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'à la suite du droit de retrait exercé par plusieurs salariés, qui invoquaient les difficultés d'application de l'ITE 97 - 24, le CHSCT a été réuni le 13 juin 2005, avec l'ordre du jour suivant :
- application de la note ITE 97 - 24,
- droit de retrait déposé au comptage ;
Attendu qu'à l'issue des débats, qui ont porté sur les modalités d'application de l'ITE 97 - 24 et sur les instructions données par la direction pour l'appliquer en tout ou en partie, les membres du CHSCT ont décidé à l'unanimité ( 7 voix pour ) de faire appel à un expert, mesure que le président a contestée ;
Attendu que les sociétés intimées considèrent que la délibération ayant ordonné cette mesure doit être annulée dès lors qu'elle n'était pas inscrite à l'ordre du jour, que la mission donnée à l'expert n'était pas définie et le délai de sa réalisation non précisé et que les conditions exigées par l'article L. 236 - 9 n'étaient pas réunies ;
Qu'il doit en premier être relevé :
- qu'une autre délibération du CHSCT en date du 15 décembre 2005, a réitéré en tant que de besoin la délibération votée le 13 juin 2005,
- que, lors de la réunion du CHSCT du 30 juin 2005, le président a indiqué que la question des parafoudres était réglée dans la mesure où il était procédé au remplacement systématique des éclateurs après signalement des agents ;
Qu'il résulte de cette décision qu'une partie des difficultés qui avaient été invoquées dans les décisions de retrait a été résolue peu après la réunion du 13 juin 2005 ;
1. Sur l'inscription à l'ordre du jour
Attendu que la circulaire PERS 961 prévoit que l'ordre du jour des réunions du CHSCT est établi par le président et le secrétaire et qu'il est communiqué aux membres du comité et à l'inspection du travail 15 jours au moins à l'avance ;
Attendu que l'ordre du jour de la réunion du 13 juin 2005 était le suivant :
- application de la note ITE 97 - 24,
- droit de retrait déposé au comptage ;
Que l'examen du procès verbal des débats démontre que les questions examinées sont bien relatives à ce qui était inscrit à l'ordre du jour ;
Que les désaccords persistant entre les membres du CHSCT et le président sur les modalités d'application de cette ITE ont conduit les premiers à voter la désignation d'un expert agréé ;
Attendu que cette décision, en lien direct avec les questions inscrites à l'ordre du jour, était l'une des conséquences possibles des échanges intervenus au cours de la réunion ;
Qu'elle était nécessairement incluse dans les questions inscrites à l'ordre du jour ;
Que ce moyen n'est pas fondé ;
2. Sur les conditions d'application de l'article L. 236 - 9 du code du travail
Attendu qu'il apparaît nécessaire à la cour d'examiner si les conditions nécessaires pour recourir à un expert sont réunies avant de rechercher, dans l'affirmative, si la mission donnée à celui-ci était suffisamment déterminée ;
Attendu que l'article L. 236 - 9 du code du travail permet au CHSCT de faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est constaté dans l'établissement ou en cas de projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail ;
* sur la notion de projet important
Attendu que l'appelant soutient que la nouvelle interprétation de l'ITE 97 - 24 constitue une décision importante puisqu'elle touche directement les mesures de sécurité destinées à protéger les installations de FRANCE TELECOM vis à vis des risque électriques provoqués par les défauts d'isolement dans ces ouvrages électriques et qu'elle concerne la totalité des salariés du service concerné ;
Mais attendu qu'il doit être rappelé que l'abandon de l'installation des parafoudres ne peut plus être invoqué pour les motifs précédemment énoncés ;
Attendu ensuite que l'interprétation donnée par la direction consistant à appliquer exclusivement le paragraphe 2.4.3.1 de l'ITE, sans se reporter au paragraphe 2.3.3.1., dans la mesure où il y a, selon elle une contradiction dans cette note, qui existe depuis 1997, ne constitue pas un projet pouvant avoir une incidence sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ;
Qu'il ne peut au surplus être qualifié d'important alors que, de l'avis de tous, le nombre d'interventions de branchements de télé-relève sur la tête de câbles FRANCE TELECOM du client en zone rurale, opérations seules concernées par cette interprétation, est d'un nombre particulièrement limité et que le nombre de salariés concerné est faible par rapport à l'ensemble de ceux qui relèvent du CHSCT ;
* sur l'existence d'un risque grave
Attendu que le CHSCT considère que les exigences de la direction font courir des risques mortels aux salariés de FRANCE TELECOM, ce qui génère un stress important chez les salariés des sociétés intimées ;
Mais attendu qu'il doit tout d'abord être relevé qu'aucun accident ni incident n'a été constaté dans l'établissement depuis la nouvelle interprétation de l'ITE 97 - 24 reprochée à la direction ;
Attendu que les sociétés intimées font observer à juste titre que le "risque limité" évoqué par le président lors de la réunion du 13 juin 2005 n'était relatif qu'à l'installation de parafoudres quelques jours plus tard, ce qui n'est plus en cause, et non au respect de la zone de terre critique ;
Attendu que les indications données par l'appelant ne suffisent pas à caractériser des éléments précis, objectifs et significatifs démontrant que l'application de lITE 97 - 24 préconisée par la direction constitue pour les salariés un risque grave ; que le stress invoqué mais qui n'est démontré par aucun élément, n'est pas susceptible de constituer ce risque ;
Que le Conseil Technique Electricité de Dijon, consulté dès le 1er mars 2006, a fait connaître, dans sa réponse du 21 mars, que les deux paragraphes de l'ITE en cause ( 2.4.3.1. et 2.3.3.1. ) n'étaient pas contradictoires, que la desserte aérienne prise en exemple en 2.3.3.1. n'interdisait ni la desserte souterraine ni l'utilisation de la ligne téléphonique appartenant au client et que la ligne de télérelève pouvait être située sur la tête de câble FRANCE TELECOM du client ;
Attendu enfin qu'il n'est pas démontré que le président ait dit qu'il voulait " couvrir juridiquement " les salariés, les propos qui lui sont prêtés étant sur ce point contestés ;
Attendu que les conditions exigées par l'article L. 236 - 9 du code de travail n'étant pas réunies, l'annulation de la délibération du 13 juin 2005 doit être confirmée ;
Que cette annulation doit s'étendre à la délibération du 15 décembre 2005, qui avait pour objet de confirmer la première mais qui ne pouvait avoir pour effet de la régulariser alors au surplus qu'aucune élément nouveau n'était alors invoqué ;
Qu'il doit être ajouté à titre surabondant que le premier juge avait également considéré à juste titre que la mission donnée à l'expert ( "conditions de travail et conditions d'exercice des agents du service relève dans le cadre de l'organisation du travail - cadrage légal sur la prévention des risques du service de télé relève - ITE 97 - 24 ) , particulièrement vague et imprécise, ne pouvait être confirmée, étant rappelé qu'il n'appartient pas à l'expert de définir lui-même la mission qui lui est proposée ;
3. Sur l'abus de droit
Attendu que les sociétés intimées soutient que l'action engagée par le CHSCT constitue un abus de droit, ce qui a pour conséquence qu'aucune somme ne doit être mise à leur charge ;
Mais attendu qu'il n'est pas contesté que les dispositions de l'ITE 97 - 24 ont fait l'objet d'une nouvelle interprétation, qui ont d'ailleurs conduit la direction à soumettre la question au Conseil Technique Electricité de Dijon, ce qui démontre que la difficulté était certaine et sérieuse ;
Qu'à la suite de la réunion du 13 juin 2005, la direction a d'ailleurs modifié sa position en ce qui concerne le changement des parafoudres ;
Que ces éléments démontrent suffisamment qu'aucun abus ne peut être reproché au CHSCT ;
Attendu que le CHSCT ne disposant pas de fonds propres et étant une instance distincte du comité d'entreprise, l'employeur doit supporter les frais de procédure et les honoraires d'avocat dès lors qu'aucun abus de la part de celui-ci n'est établi ;
Que les sociétés intimées doivent donc supporter les frais de procédure et les honoraires d'avocat, étant observé pour ces derniers qu'à défaut de facture, il y a lieu de retenir la somme de 3.000 € ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme l'ordonnance entreprise sauf sur la charge des dépens,
Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant,
Annule la délibération du CHSCT "Opérateurs Réseaux " du 15 décembre 2005 en ce qu'elle a réitéré la décision de recourir à un expert,
Dit que le CHSCT n'a pas commis un abus de droit,
Condamne en conséquence les sociétés Electricité de France et Gaz de France à prendre en charge les honoraires de l'avocat du CHSCT, fixés à 3.000 € et à supporter les dépens d'instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,