GD/BD
M. LE DIRECTEUR GENERAL DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS, agissant pour le compte de l'administration des douanes et des droits indirects
C/Jean-Maurice Y...
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 08 Novembre 2007
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2007
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL No 05/00608
Décision déférée à la Cour : JUGEMENT du 24 JANVIER 2005, rendu par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE DIJONRG 1ère instance : 11/04/400
APPELANT :
M. LE DIRECTEUR GENERAL DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS, agissant pour le compte de l'administration des douanes et des droits indirectsdomicilié :18/22 rue de Charonne75011 PARIS
représenté par Maître LINDON, substituant Me Jean-Marc FEDIDA, avocats au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur Jean-Maurice Y...demeurant :...89130 SARRY
représenté par la SCP ANDRE - GILLIS, avoués à la Courassisté de Maître Linda AZIZI avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2007 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame DUFRENNE, Président de Chambre, Président, ayant fait le rapport, Madame VIGNES, Conseiller, assesseur,Monsieur BESSON, Conseiller, assesseur,qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame CREMASCHI
ARRET rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
SIGNE par Madame DUFRENNE, Président de Chambre, et par Madame CREMASCHI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 27 août 1991, les services des douanes ont procédé à la saisie de deux hélicoptères appartenant à la société Bradiston France (la société) dont M. Jean Maurice Y..., gérant minoritaire, s'était porté caution pour différents contrats.
Le 24 novembre 1992, le tribunal de commerce d'Auxerre a ouvert à l'encontre de la société une procédure de redressement judiciaire qui a pris fin par la liquidation judiciaire prononcée par la même juridiction le 9 mars 1993.
L'action publique mise en mouvement à l'encontre de M. B..., directeur général de la société, auquel il a été reproché de s'être livré sans autorisation au commerce de matériel de guerre, d'avoir tenté d'importer sans autorisation des matériels de guerre de catégorie 2 et d'avoir importé des marchandises prohibées, a pris fin à la suite du rejet, par arrêt du 30 octobre 1997, du pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la Chambre correctionnelle de cette cour du 13 mars 1996 confirmant la décision de relaxe rendue par le tribunal correctionnel de Dijon le 8 juin 1995 et ordonnant la main levée de la saisie.
Se prévalant des dispositions de l'article 402 du Code des douanes, le liquidateur judiciaire de la société a, suivant acte d'huissier du 4 décembre 2001, formé à l'encontre de l'administration des Douanes et Droits indirects une action en indemnisation que le tribunal d'instance de Dijon a accueillie par jugement du 20 février 2003 condamnant l'administration à lui payer ès qualités une somme de 284 681,87 € à titre de réparation des préjudices subis et 400,00 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Faisant valoir qu'en sa qualité de caution il avait été condamné au règlement de plusieurs dettes de la société, M. Y... a, suivant acte d'huissier du 24 février 2004, saisi le tribunal d'instance de Dijon d'une action ayant pour principal objet de faire juger que l'administration des Douanes et Droits indirects a commis une faute en procédant à la saisie des deux hélicoptères et que cette faute est directement à l'origine de la liquidation judiciaire de la société,obtenir la réparation de son préjudice financier.
Par décision du 24 janvier 2005, le tribunal a déclaré recevable l'action introduite par M. Y... à l'encontre de l'administration des Douanes et Droits indirects,dit que l'administration des Douanes et Droits indirects a commis une faute en procédant à la saisie de deux hélicoptères de la société Bradiston,sursis à statuer sur les demandes d'indemnisation de M. Y...,ordonné une expertise en confiant à M. André C... mission notamment deexposer la situation économique et financière de la société depuis sa création, dire les caractéristiques du marché dans lequel la société intervenait en 1991 (l'achat, la vente et la location d'aéronefs), déterminer autant que possible les perspectives offertes à la société par l'évolution de ce marché compte tenu des capacités de développement de l'entreprise et de ses relations avec les partenaires financiers,décrire les conséquences de la saisie pratiquée le 27 août 1991 sur la situation économique et financière de la société,pour le cas où le lien de causalité serait retenu, donner tous éléments permettant au tribunal de quantifier le préjudice subi par M. Y... en sa qualité d'associé de la société quant à la perte de sa participation dans le capital social, de son compte courant, de sa rémunération, de sa crédibilité bancaire, des dividendes qu'il aurait dû percevoir et de tout autre préjudice,d'une manière générale faire toute constatation et formuler toutes observations utiles à la solution du litige,réservé les dépens.
L'administration des Douanes et Droits indirects a formé appel par déclarations expédiées les 4 et 16 mars 2005.
Par conclusions récapitulatives déposées le 25 septembre 2007, elle sollicite la Cour de à titre principal,au visa de l'article 401 du Code des douanes,déclarer M. Y... irrecevable en son action,à titre subsidiaire,au visa des articles 1315, 1354 et suivants du Code civil, 9, 232 et 238 alinéa 3 du nouveau Code de procédure civile,débouter M. Y... de son action,le condamner à lui payer la somme de 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,au visa de l'article 367 du Code des douanes,dire n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
Par conclusions récapitulatives et additionnelles déposées le 7 et visées le 25 septembre 2007, M. Y... demande pour sa part à la Cour deau visa des dispositions des articles 401 et suivants du Code des douanes, 1382 et suivants du Code civil et 378 du nouveau Code de procédure civile,le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes,à titre principal,surseoir à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par le tribunal d'instance de Dijon suite au dépôt du rapport d'expertise,réserver les dépens,à titre subsidiaire,confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'administration des Douanes et Droits indirects a commis une faute en procédant à la saisie de deux hélicoptères de la société Bradiston,sursis à statuer sur ses demandes d'indemnisation,ordonné une expertise,condamner l'administration des Douanes et Droits indirects à lui verser la somme de 15 000,00 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,la condamner aux entiers dépens.
Les moyens oralement présentés au soutien de ces prétentions sont ceux énoncés dans les écritures que les parties ont déposées à l'audience du 25 septembre 2007 et auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l'action de M. Y...
Attendu que l'administration des Douanes et Droits indirects conteste la recevabilité de l'action engagée par M. Y... en faisant valoir qu'en sa qualité d'associé il a déjà été indemnisé de son préjudice puisque le liquidateur de la société Bradiston France a obtenu le paiement de l'indemnité prévue à l'article 402 du Code des douanes,
qu'en sa qualité de caution il lui appartient d'exercer le recours subrogatoire prévu par l'(ancien) article 2029 du Code civil (devenu l'article 2306 du Code civil),qu'en toute hypothèse il ne peut agir sur le fondement des dispositions de l'article 401 du Code des douanes ;
Mais attendu, s'agissant du moyen tiré du défaut de droit à agir sur le fondement des dispositions de l'article 401 du Code des douanes, que ce texte est inséré au "§ 1er. - Responsabilité de l'administration" de la "Section II. - Responsabilité civile" du "Chapitre V Responsabilité et solidarité" du "Titre XII Contentieux et recouvrement" du Code des douanes ; que le premier juge a justement relevé qu'il était rédigé en termes généraux et pouvait être invoqué par toute personne prétendant être victime d'un fait commis par les employés de l'administration des douanes dans l'exercice et pour raison de leurs fonctions ; que M. Y... est bien recevable à agir, sur le fondement de ce texte, pour faire reconnaître la responsabilité de l'administration des Douanes et Droits indirects du fait de la saisie opérée le 27 août 1991 et faire valoir son droit à réparation ;
Attendu, s'agissant des moyens tirés de la nécessité d'exercer le recours subrogatoire ( dont dispose la caution qui a payé la dette) et de l'existence de la réparation obtenue sur le fondement des dispositions de l'article 402 du Code des douanes, que ces moyens touchent le fond du litige ; qu'ils ne peuvent entraîner l'irrecevabilité de la demande ;
que les dispositions du jugement déclarant recevable l'action introduite par M. Y... seront confirmées ;
Sur le bien-fondé de l'action de M. Y...
Attendu, sur la demande de sursis à statuer, que M. Y... prétend qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente de la décision que le tribunal d'instance rendra à la suite du dépôt, par l'expert, de son rapport ;
Mais attendu que l'appel formé par l'administration des Douanes et Droits indirects a pour effet de déférer à la connaissance de la Cour la question qui porte sur l'existence ou non d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité et peut être tranchée sans qu'il soit nécessaire de disposer du résultat des investigations confiées à l'expert ;
qu'il n'y a pas lieu à sursis ;
Attendu, sur la faute reprochée, que M. Y... se prévaut d'agissements fautifs au moment puis postérieurement à la saisie ;
Attendu, s'agissant des agissements du 27 août 1991, que l'administration des Douanes et Droits indirects soutient qu'en se retranchant derrière les décisions rendues à l'égard de la société Bradiston France pour relever que la preuve de la faute était déjà faite, le premier juge a méconnu le caractère relatif de la chose jugée ;
Mais attendu qu'il a été définitivement jugé que le délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées reproché au directeur général de la société Bradiston France n'était pas constitué ;
qu'en l'absence d'infraction, les saisies pratiquées ne peuvent qu'être reconnues dépourvues de fondement et fautives ;
que les dispositions du jugement disant que l'administration des Douanes et Droits indirects a commis une faute en procédant à la saisie de deux hélicoptères de la société Bradiston méritent donc d'être confirmées ;
Attendu, s'agissant des agissements postérieurs au 27 août 1991, que M. Y... n'examine les agissements de l'administration des Douanes et Droits indirects postérieurement à la saisie que pour conclure que celle-ci a procédé de manière totalement hâtive et excessive à la saisie des actifs de la société Bradiston ;
que le caractère fautif de cette saisie étant admis, il n'y a pas lieu de se prononcer plus avant sur le comportement de l'administration des Douanes et Droits indirects postérieurement à la saisie ;
Attendu, sur l'expertise, que l'administration des Douanes et Droits indirects soutient que le premier juge a méconnu les dispositions des articles 232 et 238 du nouveau Code de procédure civile en ordonnant une expertise et en déléguant au technicien commis mission de déterminer l'existence d'un éventuel lien de causalité entre le préjudice allégué par M. Y... et l'action du service ; qu'elle prétend par ailleurs que cette mesure est injustifiée puisqu'il résulte des éléments de la cause et en particulier de l'aveu même effectué par M. Y... dans une précédente instance que ce lien de causalité fait défaut ;
Mais attendu d'abord que le premier juge n'a pas confié à l'expert mission de porter une appréciation d'ordre juridique sur l'existence d'un lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice allégué (mais seulement celle de donner tous éléments permettant de quantifier le préjudice de M. Y... pour le cas où le lien de causalité serait retenu) ; Attendu ensuite que les déclarations contenues dans les écritures déposées par M. Y... pendant le cours de l'instance engagée par un créancier selon lesquelles "les problèmes de la société Bradiston étaient survenus très rapidement après sa création" et d'autre part "il a insisté sur le fait qu'il n'avait jamais occupé de fonctions techniques ou commerciales dans le domaine de l'aéronautique, ce qui devait d'autant plus appeler l'attention de la SFDIC" ne peuvent être retenues comme constituant un aveu de l'absence de lien de causalité entre la saisie fautive en litige et le préjudice invoqué ;
Attendu enfin que le premier juge a justement considéré qu'il ne disposait pas d'éléments suffisants pour statuer sur les conséquences de la saisie pratiquée le 27 août 1991 ;
que les dispositions du jugement ordonnant une mesure d'expertise seront confirmées ;
Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de ce texte ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement du tribunal d'instance de Dijon du 24 janvier 2005,
Ajoutant,
Déboute M. Y... de sa demande de sursis à statuer,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.