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13/12/2022 | FRANCE | N°22/00278

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 13 décembre 2022, 22/00278


SD/LL















NORFI - CAISSE RÉGIONALE NORMANDE DE FINANCEMENT



C/



[X] [L]



[G] [H] épouse [L]



[W] [N]



SCP Yves RAYBAUDO - Cyril COURANT - Jean Christophe LETROSNE & Véronique SCIBLO






































































>Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022



N° RG 22/00278 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F4VV



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : jugement du 22 février 2022,

rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Mâcon - RG : 21/00311















APPELANTE :



NORFI -...

SD/LL

NORFI - CAISSE RÉGIONALE NORMANDE DE FINANCEMENT

C/

[X] [L]

[G] [H] épouse [L]

[W] [N]

SCP Yves RAYBAUDO - Cyril COURANT - Jean Christophe LETROSNE & Véronique SCIBLO

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 13 DECEMBRE 2022

N° RG 22/00278 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F4VV

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 février 2022,

rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Mâcon - RG : 21/00311

APPELANTE :

NORFI - CAISSE RÉGIONALE NORMANDE DE FINANCEMENT, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège :

[Adresse 2]

[Localité 1]

assistée de Me Virginie ROSENFELD, membre de la SCP ROSENFELD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, et représentée par Me Georges BUISSON, membre de la SELARL CABINET COTESSAT-BUISSON, avocat au barreau de MACON, postulant

INTIMÉS :

Monsieur [X] [L]

né le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 7] (ALGÉRIE)

[Adresse 10]

[Localité 5]

Madame [G] [H] épouse [L]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 9]

[Adresse 10]

[Localité 5]

assistés de Me Caroline CERVEAU-COLLIARD, membre de la SELARL C3LEX, avocat au barreau de LYON, plaidant, et représentés par Me Laurent CHARLOPIN, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 113

Monsieur [W] [N]

[Adresse 8]

[Localité 6]

SCP Yves RAYBAUDO - Cyril COURANT - Jean-Christophe LETROSNE & Véronique SCIBLO

[Adresse 8]

[Localité 6]

non représentés

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 octobre 2022 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, Président,

Sophie DUMURGIER, Conseiller, ayant fait le rapport,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2022,

ARRÊT : rendu par défaut,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Au terme d'un acte authentique reçu le 17 août 2006 par Me [N], notaire à [Localité 6], la Caisse Régionale Normande de Financement a consenti à M. et Mme [X] [L] un prêt de 207 000 euros remboursable en 240 mensualités, destiné à financer l'acquisition en l'état de futur achèvement d'un lot de copropriété dans un ensemble immobilier situé à [Localité 11], « résidence du parc de Lissieu », destiné à la location.

Ce prêt s'inscrivait dans le cadre d'un programme immobilier commercialisé par la société Apollonia.

Le prêt a été remboursé jusqu'en décembre 2009 et la déchéance du terme a été prononcée le 18 mai 2010.

Au cours de l'année 2009, les époux [L] ont déposé plainte contre le notaire pour escroquerie, faux et usage de faux, délit de tromperie, violation des dispositions du code monétaire et financier et de la loi Scrivener.

Ils se sont constitués partie civile dans l'information en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille, à l'encontre de la société Apollonia et des notaires.

Agissant en vertu de l'acte authentique de prêt du 17 août 2006, la Caisse Régionale Normande de Financement (NORFI) a fait pratiquer, le 8 mars 2021, une saisie attribution sur les loyers détenus par la SARL Garden city Lissieu pour le compte des époux [L], pour le recouvrement d'une créance de 316 310,93 euros.

Cette saisie a été dénoncée aux débiteurs par acte d'huissier du 15 mars 2021.

Par acte du 14 avril 2021, M. et Mme [X] [L] ont fait assigner la société NORFI devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Mâcon aux fins de voir, à titre principal, annuler l'acte de saisie attribution et ordonner la mainlevée de la saisie, à titre subsidiaire, ordonner la mainlevée de la saisie aux motifs que l'exécution de l'acte notarié du 17 aout 2006 est prescrite, que la créance n'est pas certaine et que la mesure d'exécution forcée est inutile, et, à titre infiniment subsidiaire, cantonner la saisie attribution au seul capital restant dû de 196 820,47 euros en concluant à la déchéance du droit aux intérêts et à la réduction de la clause pénale à zéro.

Ils sollicitaient également l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive et d'une indemnité de procédure de 3 000 euros.

La société NORFI a, par actes des 25 et 28 juin 2021, assigné en intervention forcée M. [W] [N] et la SCP Raybaudo Courant Letrosne et Sciblo.

Ces appels en cause ont été joints à l'instance principale le 14 septembre 2021.

Le créancier poursuivant a conclu à l'irrecevabilité de la contestation des époux [L] et au rejet de l'ensemble de leurs demandes, et, à titre subsidiaire, en cas de remise en cause de la validité du titre exécutoire, à la condamnation des appelés en cause à le relever de toute condamnation qui serait mise à sa charge.

Me [N] et la SCP Raybaudo Courant Letrosne et Sciblo ont conclu au rejet de la demande d'annulation de la copie exécutoire de l'acte de prêt et au rejet des demandes de la banque.

Par jugement rendu le 22 février 2022, le juge de l'exécution de Mâcon a :

- déclaré M. et Mme [L] recevables en leurs demandes,

- débouté M. et Mme [L] de leur demande de nullité de la saisie-attribution pour défaut de titre exécutoire,

- constaté la prescription de l'action en exécution de l'acte notarié du 17 août 2006,

- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution effectuée entre les mains de la société Garden City Lissieu et dénoncée à M. et Mme [L] le 15 mars 2021,

- déclaré l'appel en intervention forcée délivré à l'encontre de M. [W] [N] et de la SCP Raybaudo Courant Letrosne et Sciblo recevable,

- débouté la Caisse régionale normande de financement (NORFI) de ses demandes à l'encontre de M. [W] [N] et de la SCP Raybaudo Courant Letrosne et Sciblo,

- débouté la Caisse régionale normande de financement (NORFI) de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- débouté M. et Mme [L] de leur demande de dommages-intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- débouté M. [W] [N] et la SCP Raybaudo Courant Letrosne et Sciblo de leur demande à l'encontre de M. et Mme [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Caisse régionale normande de financement (NORFI) de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse régionale normande de financement (NORFI) à verser à M. et Mme [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Caisse régionale normande de financement (NORFI) aux entiers dépens.

La Caisse régionale normande de financement (NORFI) a régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration inscrite au greffe le 3 mars 2022, limité aux chefs de dispositif de la décision ayant déclaré M. et Mme [L] recevables en leurs demandes, constaté la prescription de l'action en exécution de l'acte notarié du 17/08/2010, ordonné la mainlevée de la saisie-attribution effectuée et l'ayant déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, ayant débouté les parties pour leurs demandes (sic), l'ayant déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'ayant condamnée à verser à M. et Mme [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 31 mai 2022, la première présidente de la présente cour a rejeté la demande de suspension de l'exécution provisoire de droit attachée au jugement et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en réservant les dépens.

Aux termes de conclusions n°3 notifiées le 12 octobre 2022, auxquelles il est référé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la société NORFI demande à la cour de :

Vu l'article L 111-7 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu les articles L 137-2 et L 312-33 du code de la consommation (dans leur rédaction applicable aux faits),

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu les articles 2241 et 2243 du code civil,

Vu les articles 1131 et suivants du code civil,

- réformer le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Mâcon le 22 février 2022 en ce qu'il a :

' déclaré M. et Mme [L] recevables en leurs demandes,

' constaté la prescription de l'action en exécution de l'acte notarié du 17/08/2010 (sic),

' ordonné la mainlevée de la saisie-attribution effectuée,

' débouté la Caisse régionale normande de financement de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

' débouté les parties pour leurs demandes (sic),

' débouté la Caisse régionale normande de financement de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la Caisse régionale normande de financement à verser à M. et Mme [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la Caisse régionale normande de financement aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer irrecevable la contestation des époux [L] à l'encontre de la saisie attribution réalisée le 8 mars 2021 entre les mains de la SAS Garden City Lissieu,

- débouter les époux [L] de toutes leurs demandes, fins et prétentions à son encontre,

En tout état de cause,

- débouter les époux [L] de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre,

- condamner les époux [L] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de leur résistance abusive,

- confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Mâcon le 22 février 2022 pour le surplus,

- valider la mesure querellée,

- prendre acte de son désistement d'instance à l'égard seulement de Me [W] [N] et la SCP Raybaudo Courant Letrosne et Sciblo,

- condamner les époux [L] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les époux [L] aux entiers dépens.

Au terme de conclusions notifiées le 6 octobre 2022, auxquelles il est référé pour l'exposé des moyens au soutien de leurs prétentions, les époux [L] demandent à la Cour de :

Vu les articles L 111-3 et L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'article 1231-5 du code civil

Vu les articles L 312-7 et L312-33 du code de la consommation,

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution de Mâcon le 22 février 2022 en ce qu'il a :

' déclaré M. et Mme [L] recevables en leurs demandes,

' constaté la prescription de l'action en exécution de l'acte notarié du 17/08/2006,

' ordonné la mainlevée de la saisie-attribution effectuée,

' débouté la Caisse régionale normande de financement (NORFI) de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

' débouté la NORFI, Me [W] [N] et la SCP Raybaudo Courant Letrosne et Sciblo de toutes leurs demandes fins et prétentions,

' condamné la Caisse régionale normande de financement (NORFI) à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la Caisse régionale normande de financement (NORFI) aux entiers dépens,

- infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution de Mâcon en qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau,

- constater le caractère inutile ou abusif de la saisie-attribution pratiquée par la NORFI et condamner la NORFI à leur verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

A titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement rendu par le juge de l'exécution de Mâcon le 22 février 2022 sur les chefs d'appel énoncés par la NORFI,

Statuant à nouveau,

- ordonner la nullité de l'acte de saisie attribution du 8 mars 2021 et de sa dénonciation du 15 mars suivant,

- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution sur les loyers de la société Garden City Lissieu,

A titre plus subsidiaire,

- constater l'absence d'exigibilité de la saisie-attribution du 8 mars 2021 (sic),

- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution sur les loyers de la société Garden City Lissieu du 8 mars 2021,

A titre encore plus subsidiaire,

- constater l'inutilité de la saisie attribution du 8 mars 2021,

- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution sur les loyers de la société Garden City Lissieu du 8 mars 2021,

A titre encore bien plus subsidiaire,

- cantonner la saisie attribution au seul capital restant dû de 196 820,47 euros,

- constater le caractère inutile ou abusif de la saisie-attribution pratiquée par la NORFI et condamner la NORFI à leur verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

En tout état de cause,

- débouter la NORFI de l'ensemble de ses demandes à leur égard,

- condamner solidairement la NORFI et Me [W] [N] in solidum avec la SCP Raybaudo Courant Letrosne et Sciblo à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de la procédure a été prononcée le 18 octobre 2022, avant l'ouverture des débats.

SUR CE

L'appelante, tout en intimant Me [W] [N] et la SCP Raybaudo Courant Letrosne et Sciblo, qui n'ont pas constitué avocat, ne leur a pas fait signifier sa déclaration d'appel comme l'exige l'article 905-1 du code de procédure civile.

La caducité de la déclaration d'appel à l'égard de ces deux intimés a été relevée d'office à l'audience par la cour, sans que les parties ne souhaitent formuler d'observations.

En application de l'article 905-1 susvisé, il convient de prononcer la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de Me [W] [N] et de la SCP Raybaudo Courant Letrosne.

- Sur la recevabilité de la contestation des débiteurs saisis

La société NORFI maintient en cause d'appel que les époux [L] ne démontrent pas avoir formé leur contestation dans les formes requises par l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution puisqu'ils ne justifient pas que cette contestation a été dénoncée, le jour où elle a été formée ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'huissier qui a procédé à la saisie.

Elle relève que les intimés se contentent de produire la copie d'un courrier adressé à la SCP Synergie huissiers 13, huissier instrumentaire, mentionnant « LRAR » sans préciser le numéro de la lettre recommandée avec accusé de réception, et qu'ils ne produisent pas la preuve de la réception du courrier par l'huissier instrumentaire, l'accusé de réception versé aux débats n'étant pas revêtu du tampon de l'étude.

Les époux [L] objectent que la jurisprudence admet, qu'en l'absence de disposition imposant un mode de preuve spécifique, la preuve de l'expédition d'une lettre recommandée avec accusé de réception ne résulte pas exclusivement de la production d'un récépissé délivré à l'expéditeur par les services postaux, et ils ajoutent que l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution et la jurisprudence prise pour son application n'exigent pas que le courrier adressé à l'huissier instrumentaire mentionne le numéro de lettre recommandée avec accusé de réception utilisé par la poste ni que l'avis de réception soit tamponné de l'étude de l'huissier instrumentaire.

Ils affirment produire plusieurs éléments permettant d'établir le lien entre le pli recommandé dont ils se prévalent et leur contestation.

Au terme de l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.

Comme l'a rappelé le premier juge, la preuve de l'expédition de la lettre recommandée avec accusé de réception au moyen de laquelle la contestation est dénoncée à l'huissier instrumentaire n'est soumise à aucun mode de preuve spécifique.

Les débiteurs saisis ont formé leur contestation par acte du 14 avril 2021 et ils versent aux débats :

- un courrier émanant de leur huissier de justice, Me [U], daté du 14 avril 2021, portant la référence C030141, adressé à la SCP Synergie Huissiers 13, au terme duquel l'expéditeur remet à l'huissier instrumentaire la copie de l'acte qu'il signifie ce jour à la suite de la saisie-attribution pratiquée le 8 mars 2021,

- l'avis de réception émanant de la SCP Synergie Huissiers 13, portant la même référence, qui est revêtu de la signature du destinataire, dont la date est illisible mais qui a été réceptionné par la SELARL Actojuris dont Me [U] est associée, le 20 avril 2021,

- et enfin le feuillet de dépôt de la lettre recommandée avec accusé de réception litigieuse qui porte le même numéro que l'avis de réception signé par l'huissier instrumentaire, soit le n°1A 190 724 4117 8.

Le premier juge a ainsi pu considérer à bon droit que le lien entre la lettre produite et l'accusé de réception joint était établi et que les époux [L] justifiaient de la dénonciation de leur contestation à l'huissier instrumentaire selon les modalités et délais prévus par l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la contestation formée par les époux [L].

- Sur la prescription de l'exécution forcée de l'acte authentique de prêt

Sur le délai applicable

Il résulte de l'application combinée des articles L 111-3 et L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution que l'exécution des titres exécutoires mentionnés au 4° de l'article L 111-3, à savoir les actes notariés revêtus de la formule exécutoire, reste soumise au délai de prescription de la créance qu'ils constatent.

S'agissant en l'espèce d'un prêt immobilier, les époux [L] maintiennent à hauteur d'appel que le délai biennal de l'article L 137-2 du code de la consommation doit s'appliquer, contestant avoir la qualité de commerçant ou de professionnel.

Ils font valoir que monsieur ne s'est inscrit au registre du commerce et des sociétés que dans le cadre du montage conçu et mis en oeuvre par la société Apollonia, non pas pour exercer l'activité de loueur de meublé professionnel, étant chirurgien dentiste, mais pour bénéficier des avantages fiscaux attachés à ce statut.

Ils affirment que l'inscription au RCS n'est qu'une présomption simple de la qualité de commerçant qui cède en l'espèce devant le déroulement des faits et de la procédure pénale.

Ainsi que l'a exactement retenu le premier juge, le prêt accordé par la NORFI aux époux [L] était destiné à financer l'achat d'un bien immobilier en vue de sa location, dans le cadre d'une vaste opération d'investissements immobiliers leur permettant d'acquérir en deux ans et demi, pour une somme de près de 4 millions d'euros, vingt quatre biens destinés à la location à usage commercial et non à un usage personnel ou familial, ce qui justifiait l'inscription de l'époux au registre du commerce et des sociétés en tant que loueur professionnel de meublés. Il en résulte que le prêt litigieux était destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur.

L'exécution forcée du titre exécutoire de la société NORFI est donc soumise à la prescription de de l'article L 110-4 du code de commerce.

Sur l'acquisition de la prescription

En application des dispositions de l'article L 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans, délai ramené à cinq ans par la loi réformant la prescription du 17 juin 2008.

A l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, emportant son exigibilité.

Il est constant en l'espèce que la déchéance du terme a été prononcée le 18 mai 2010, qui constitue le point de départ du délai quinquennal de prescription pour le capital restant dû.

A cette date, les échéances des mois de décembre 2009 à avril 2010 étaient impayées.

La mesure d'exécution forcée contestée a été mise en oeuvre le 8 mars 2021, plus de cinq ans après chacune des échéances impayées et la déchéance du terme.

L'appelante prétend que la prescription a été interrompue par l'action qu'elle a dirigée contre les époux [L], par acte du 8 juin 2010, devant le tribunal de grande instance d'Evry, aux fins notamment de les voir condamner à lui verser la somme de 215 292,13 euros en principal au titre du prêt consenti le 17 août 2006.

Elle fait valoir que cette action en paiement, qui a fait l'objet d'un sursis à statuer par ordonnance du juge de la mise en état du 7 avril 2011, jusqu'à ce que la juridiction pénale se soit prononcée définitivement sur les faits visés par l'information ouverte au tribunal judiciaire de Marseille, concerne la même créance que celle objet de la voie d'exécution contestée, et elle considère que la distinction que font les intimés entre prescription du titre exécutoire et prescription de la créance est artificielle.

Elle prétend que le prêteur, lorsqu'il sollicite la condamnation des emprunteurs au paiement des sommes prêtées et de leurs accessoires, interrompt la prescription de sa créance, même si celle-ci est constatée dans un titre notarié, conformément à l'article 2242 du code civil et ce jusqu'à l'extinction de l'instance, laquelle est toujours en cours en l'espèce.

Elle reproche au juge de l'exécution de s'être contredit en retenant que les deux actions ont une fin identique et en considérant que l'interruption de la prescription au fond n'est pas susceptible de s'étendre à l'action en recouvrement forcé.

Les époux [L] considèrent que l'action en paiement initiée à leur encontre par la banque devant le tribunal de grande instance d'Evry n'a aucun effet sur la procédure d'exécution de l'acte notarié.

Ils se prévalent d'un arrêt rendu le 19 mars 2020 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui retient que l'action en exécution d'un titre exécutoire constitue une instance distincte de celle engagée afin de faire établir judiciairement l'existence d'une créance et que le régime de prescription applicable doit être examiné pour chacune de ces actions, et ils soutiennent que les deux actions ne tendent pas aux mêmes fins.

Ils en déduisent que l'interruption de la prescription de l'action en reconnaissance de la créance n'a pas pour effet d'interrompre la prescription de l'exécution du titre.

En application de l'article 2241 du code civil, la Cour de cassation juge que, si en principe l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoique ayant des causes distinctes, tendent aux mêmes fins, de telle sorte que la deuxième est virtuellement comprise dans la première.

Si l'action diligentée par la société NORFI devant le tribunal de grande instance d'Evry aux fins notamment de condamnation des époux [L] au solde du prêt consenti le 17 août 2006 et la mesure d'exécution forcée contestée tendent au même but, le recouvrement de la créance du prêteur, la seconde action n'est pas virtuellement comprise dans la première dès lors qu'elle pouvait être exercée de manière autonome puisque le créancier disposait d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible depuis le 18 mai 2010, lui permettant de pratiquer une saisie-attribution.

C'est donc à bon droit que le premier juge, après avoir constaté que la société NORFI disposait, dès le 18 mai 2010, d'une alternative procédurale claire, à savoir pratiquer une saisie-attribution sur la base du seul acte notarié ou engager une action pour faire établir judiciairement l'existence de sa créance et disposer d'un titre exécutoire protégé par une prescription plus longue en application de l'article L 111-3 1° du code des procédures civiles d'exécution, a considéré que la saisie-attribution litigieuse était une action autonome et distincte de l'instance au fond et qu'il en a déduit que l'engagement de l'instance au fond n'avait pas interrompu le délai de prescription de l'exécution forcée de l'acte notarié de prêt revêtu de la formule exécutoire.

Aucun acte interruptif de prescription d'une autre nature n'ayant été accompli entre le 18 mai 2010 et le 8 mars 2021, le jugement mérite confirmation en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de la société NORFI et ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur les sommes détenues par la SARL Garden city Lissieu pour le compte des époux [L].

- Sur la demande indemnitaire des époux [L]

Les époux [L], appelants incidents, sollicitent l'allocation d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie inutile ou abusive, en se fondant sur les dispositions de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Ils considèrent que la banque ne pouvait pas mettre en oeuvre une voie d'exécution alors qu'elle ne pouvait pas ignorer la nature douteuse de sa créance et qu'elle a ainsi cherché à exercer sur eux une pression psychologique et financière.

La banque conclut au rejet de cet appel incident, considérant que les intimés sont mal fondés à solliciter des dommages-intérêts alors qu'ils n'ont pas remboursé leur prêt depuis plus de 11 ans et que le caractère abusif de la saisie qu'elle a mise en oeuvre n'est pas établi.

En poursuivant l'exécution d'un acte notarié de prêt constatant une créance liquide et exigible, la société NORFI n'a pas commis de faute intentionnelle, la mainlevée de la saisie n'ayant été prononcée qu'en raison de la prescription de l'action, dont l'appréciation ne relevait pas de l'évidence.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté les époux [L] de leur demande indemnitaire, en l'absence d'abus de saisie.

- Sur les dépens et les frais de procédure

L'appelante qui succombe supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il est également équitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure non compris dans les dépens exposés en appel par les débiteurs saisis.

Elle sera ainsi condamnée à leur verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Prononce la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de M. [W] [N] et de la SCP Raybaudo Courant Letrosne,

Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 22 février 2022 par le juge de l'exécution de Mâcon,

Y ajoutant,

Condamne la Caisse régionale normande de financement (NORFI) à payer à M. et Mme [X] [L] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse régionale normande de financement (NORFI) aux entiers dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00278
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;22.00278 ?
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