SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la BANQUE RHONE ALPES
C/
[Y] [R] [J]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 14 MARS 2024
N° RG 21/01326 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FZP6
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 28 septembre 2021,
rendue par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 15/04230
APPELANTE :
SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la BANQUE RHONE ALPES La BANQUE RHONE ALPES en suite de la fusion-absorption de la BANQUE RHONE ALPES par le CREDIT DU NORD puis la fusion-absorption du CREDIT DU NORD par SOCIETE GENERALE intervenues le 1er janvier 2023, représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis :
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Delphine HERITIER, membre de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 16
assistée de Me Emmanuelle ORENGO, membre de la SCP LUSSAN / Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [Y] [R] [J]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6] (90)
domicilié :
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Eric SEUTET, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 108
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 octobre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 21 Décembre 2023 pour être prorogée au 25 janvier 2024, au 7 mars 2024 et au 14 Mars 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
La société civile de construction vente Pasteur a été constituée le 24 juin 2006 entre la SARL Les Piastres, la SARL BVM et la SAS BVM Promotion, cette dernière en assurant la gestion et ayant pour président successifs M. [X] [C], puis M. [Y] [J].
La société Pasteur a fait l'acquisition de terrains à batir situés à [Localité 7] pour y édifier une résidence de trois bâtiments L'Orée du Bois.
Pour financer cette opération de promotion immobilière, la société Pasteur s'est vue consentir, par la SA Banque Rhône Alpes, aux termes d'un acte notarié du 29 août 2006 :
- un prêt de 600.000 euros destiné à financer l'acquisition du terrain,
- une ouverture de crédit de 1.850.000 euros au titre du financement de la construction,
ces concours étant remboursables à échéance du 31 juillet 2008.
Par actes de 9 avril 2008 et 5 mai 2009, la Banque Rhône Alpes a fourni une garantie d'achèvement au profit des acquéreurs des lots des immeubles.
La société Pasteur ayant rencontré des difficultés de commercialisation des appartements, la Banque Rhône Alpes a accepté de proroger ses concours.
Par acte du 25 novembre 2008, M. [J] s'est porté caution solidaire de la SCCV Pasteur à hauteur de la somme de 500.000 euros pour une durée de trois ans.
ll a renouvelé son engagement pour trois ans par acte du 16 novembre 2011, et à nouveau pour 20 mois selon acte du 4 novembre 2014.
Par courriers du 19 juin 2015, la Banque Rhône Alpes a dénoncé la convention de compte courant et mis en demeure la SCCV Pasteur de rembourser la somme de 1.389.330,87 euros.
Par courrier recommandé du même jour, elle a également mis en demeure la caution de lui rembourser la somme de 500.000 euros.
Par acte du 4 décembre 2015, la Banque Rhône Alpes a fait assigner M. [Y] [J] devant le tribunal judiciaire aux fins de le voir condamner à exécuter son engagement de caution.
Par jugement du 28 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a :
- constaté que l'acte de cautionnement du 4 novembre 2014 est dépourvu de cause dès lors qu'il garantit le remboursement du crédit acquisition démarrage et accompagnement et de la garantie d'achèvement des constructions, non prorogé après le 31 mars 2014 et arrivé à échéance;
- constaté que l'acte de cautionnement du 4 novembre 2014 est nul ;
- débouté la Banque Rhône Alpes de ses demandes ;
- condamné la Banque Rhône Alpes à payer à M. [Y] [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Banque Rhône Alpes aux entiers dépens.
Suivant déclaration au greffe du 12 octobre 2021, la Banque Rhône Alpes a relevé appel de cette décision, en toutes ses dispositions, telles qu'elle les a énumérées dans son acte d'appel.
Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a placé la société Pasteur en liquidation judiciaire et par lettre recommandée du 7 juin suivant, la Banque Rhône Alpes a déclaré une créance de 409.032, 31 euros au titre du solde de l'ouverture de crédit.
Prétentions et moyens de la Société Générale, venant aux droits de la Banque Rhône Alpes:
Au terme de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 26 juin 2023, la Société Générale demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 28 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Dijon en ce qu'il a :
' constaté que l'acte de cautionnement du 4 novembre 2014 est dépourvu de cause dès lors qu'il garantit le remboursement du crédit acquisition démarrage et accompagnement et de la garantie d'achèvement des constructions, non prorogé après le 31 mars 2014 et arrivé à échéance,
' constaté que l'acte de cautionnement du 4 novembre 2014 est nul,
' débouté la Banque Rhône Alpes de ses demandes,
' condamné la Banque Rhône Alpes à payer à M. [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné la Banque Rhône Alpes aux entiers dépens,
et statuant à nouveau :
- déclarer Société Générale, venant aux droits de la Banque Rhône Alpes, recevable et bien fondée en son action à l'encontre de M. [J], en sa qualité de caution solidaire de la SCCV Pasteur,
en conséquence :
- condamner M. [J] à payer à Société Générale, venant aux droits de la Banque Rhône Alpes, la somme de 409.032,31 euros selon décompte arrêté au 12 mai 2022, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 12 mai 2022,
- condamner M. [J] à payer à Société Générale, venant aux droits de la Banque Rhône Alpes, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
La Société Générale soutient que l'engagement de caution de M [J] était valable à la date de son renouvellement aux motifs que :
- l'obligation garantie existait et qu'il est indifférent qu'elle soit devenue exigible à son terme,
- le cautionnement avait pour contrepartie la prorogation du terme de l'ouverture de crédit consentie à la société Pasteur,
- les prorogations du terme n'ont pas entrainé de novation de l'obligation garantie constituée du remboursement du concours bancaire consenti le 29 août 2006,
- l'acte de cautionnement n'est pas incomplet et permet la détermination de l'obligation garantie, puisqu'il se réfère à ce concours, ainsi qu'à ses conditions financières et de durée,
- l'arrivée du terme du concours n'en a pas modifié la nature juridique et il ne s'est pas transformé en découvert non autorisé,
- l'objet de l'acte de cautionnement du 4 novembre 2014 est bien le remboursement de ce concours initial et la cause de l'engagement pris par M. [J] est donc bien la prorogation du concours parvenu à son échéance, qui n'a pas libéré la caution,
- la prorogation des concours bancaires a été demandé par M. [J], en sa qualité de gérant de la société Pasteur, ce qu'il ne peut dénier en sa qualité de caution,
- l'exigibilité alléguée de la dette ne confère pas à M. [J] la double qualité de débiteur principal et de caution.
Prétentions et moyens de M. [J] :
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023, entend voir :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire du 28 septembre 2021, en ce qu'il :
constate que l'acte de cautionnement du 4 novembre 2014 est dépourvu de cause dès lors qu'il garantit le remboursement du crédit acquisition démarrage et accompagnement et de la garantie d'achèvement des constructions, non prorogé après le 31 mars 2014 et arrivé à échéance ;
constate que l'acte de cautionnement du 4 novembre 2014 est nul ;
déboute la Banque Rhône Alpes de ses demandes ;
condamne la Banque Rhône Alpes à payer à M. [Y] [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamne la Banque Rhône Alpes aux entiers dépens ;
en tout état de cause,
- débouter la Banque Rhône Alpes de l'intégralité de ses demandes et prétentions,
- condamner la Banque Rhône Alpes au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
M. [J] soutient que son engagement de caution contracté le 4 novembre 2014 est entaché de nullité dès lors que :
- il ne permet pas de déterminer la nature de l'obligation cautionnée,
- le cautionnement est dépourvu de cause puisqu'il se réfère au prêt consenti le 26 août 2006 alors que ce dernier, venu à échéance le 31 juillet 2008, est devenu depuis un découvert non autorisé, en l'absence de preuve de la ratification entre les parties d'une prorogation des concours le 19 septembre 2014,
- le cautionnement est dépourvu de contrepartie puisqu'à la date de l'engagement, il était déjà certain que la dette principale ne serait pas payée et qu'en raison de son caractère solidaire, la dette cautionnée était immédiatement exigible à l'encontre de la caution, la privant du caractère accessoire de son engagement.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des moyens des parties.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Selon les termes de l'acte sous seing privé du 4 novembre 2014, M. [J] s'est porté caution solidaire de la SCCV Pasteur pour un montant de 500.000 euros aux fins de garantir le remboursement du crédit acquisition, démarrage et accompagnement d'un montant ramené à 1.374.959, 66 euros ainsi que l'assiette résiduelle des garanties bancaires d'achèvement, consentis par la BanqueRhône Alpes suivant acte notarié du 29 août 2006.
1°) sur la nullité du cautionnement :
Selon les stipulations de l'acte notarié du 29 août 2006, les concours bancaires accordés à la société Pasteur étaient remboursables en principal, intérêts et accessoires à leur terme fixé au 31 juillet 2008.
Il résulte des pièces produites aux débats par la Banque que par actes sous seing privé des 10 septembre 2008, 22 septembre 2009, 15 février 2010, 9 mars 2011, 15 mai 2012 et 17 décembre 2013, elle a accepté de proroger ce terme successivement aux 31 juillet 2009, 31 décembre 2009, 31 décembre 2010, 31 décembre 2011, 31 mai 2013 et 31 mars 2014, les conditions de ces prorogations étant expressément acceptées par la société Pasteur.
Ces prorogations étaient conditionnées notamment par la souscription par M. [J] d'un engagement de caution, le 25 novembre 2008, puis par son renouvellement, intervenu le 16 novembre 2011.
Aucune de ces prorogations ne permet de caractériser l'intention des parties d'opérer novation de leurs obligations, celle-ci étant même expressément exclue par les courriers des 9 mars 2011 et 15 mai 2012, et elles n'ont donc pas opéré de modification de l'obligation cautionnée par M [J] qui est demeurée l'obligation de remboursement issue du prêt consenti le 29 août 2006, que la survenance du terme, de nature suspensive, n'a pas éteinte.
Par un dernier courrier du 19 septembre 2014, la Banque Rhône Alpes a consenti une nouvelle prorogation de l'échéance au 31 décembre 2014 sous la condition du renouvellement avant le 15 novembre 2014 et jusqu'au 30 juin 2016 des cautions solidaires de MM. [C] et [J], dirigeants successifs de la société Pasteur.
Si ce courrier n'a pas, à la différence des précédents, donné lieu à signature de la débitrice principale formalisant son acceptation, il convient de relever qu'il fait référence à une demande formulée par cette dernière à laquelle il répond et qu'il reprend les caractéristiques du crédit et ses conditions financières telles que les prorogations des 9 mars 2011 et 15 mai 2012 ont pu les modifier principalement sur le montant final des concours et le taux effectif global applicable.
Il est établi que tant M. [J], dirigeant de la société Pasteur, que M. [C] ont procédé au renouvellement de leurs engagements de caution au bénéfice de la Banque Rhône Alpes par acte des 4 et 5 novembre 2014.
Il ne peut dans ces conditions être considéré que la prorogation au 31 décembre 2014 du terme des concours bancaires n'a pas été acceptée par la société Pasteur, débitrice principal et demanderesse de cette prorogation dont les conditions tenant aux garanties ont été accomplies.
En conséquence, l'obligation garantie par les cautionnements successifs de M. [J], et particulièrement celui du 4 novembre 2014, est demeurée parfaitement identifiable comme résultant de l'acte de prêt du 29 août 2006.
Les prorogations du terme ainsi consenties sans novation des obligations, alliées à l'absence de toute réclamation du paiement par la Banque jusqu'en juin 2015, n'ont pas entrainé de modification de la nature des concours bancaires qui ne se sont pas transformés en découvert autorisé, l'acte de prêt prévoyant que l'utilisation même de ces crédits de trésorerie s'effectuerait par le biais d'opérations en comptes.
C'est donc une obligation dont le terme et l'exigibilité ont été consensuellement reportés au 31 décembre 2014 que M.[J] a accepté de cautionner le 4 novembre 2014, et ce dans le but de garantir le paiement au nouveau terme de l'obligation.
Il en résulte qu'à la date du cautionnement, la défaillance de la débitrice principale dont le terme suspensif de l'obligation de paiement se trouvait prorogé, n'avait aucun caractère de
certitude alors qu'ainsi que le précise un courrier de la Banque Rhône Alpes du 17 décembre 2013, cette prorogation avait pour finalité de permettre à la SCCV Pasteur de mener à bien la commercialisation des biens construits.
L'engagement de caution de M. [J] n'était donc pas privé de son caractère accessoire, à la date de sa souscription, ni dénué de cause et d'objet étant l'une des conditions à l'obtention par la SCCV Pasteur du report du terme de son obligation de remboursement du prêt et à la possibilité de parvenir à l'exécution de cette obligation avec le produit de la vente des biens.
En conséquence, le cautionnement souscrit le 4 novembre 2014 par M. [E] n'encourt aucune nullité et le jugement devra être infirmé.
2°) sur la demande en paiement :
La Société Générale se prévaut d'un solde de créance de 409.032,31 euros tel que déclaré à la procédure collective de la débitrice principale le 7 juin 2022 selon dernier décompte arrêté au 12 mai 2022.
Ce montant n'est pas contesté par M. [J] qui sera condamné au paiement en exécution de son engagement de caution solidaire de la SCCV Pasteur.
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Dijon en date du 28 septembre 2021 en tous ses chefs de dispositif soumis à la cour,
statuant à nouveau,
Condamne M. [Y] [J] à payer à la SA Société Générale, venant aux droits de la SA Banque Rhône Alpes, la somme de 409.032,31 euros, outre intérêts au taux contractuel à compter du 12 mai 2022,
Condamne M. [Y] [J] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne M. [Y] [J] à payer à la SA Société Générale, venant aux droits de la SA Banque Rhône Alpes, la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,