SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la BANQUE RHONE ALPES
C/
[Z] [F] [D]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème chambre civile
ARRÊT DU 14 MARS 2024
N° RG 21/01327 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FZQP
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 28 septembre 2021,
rendue par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 15/04232
APPELANTE :
SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la BANQUE RHONE ALPES en suite de la fusion-absorption de la BANQUE RHONE ALPES par le CREDIT DU NORD puis la fusion-absorption du CREDIT DU NORD par SOCIETE GENERALE intervenues le 1er janvier 2023, représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis :
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Delphine HERITIER, membre de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 16
assistée de Me Emmanuelle ORENGO, membre de la SCP LUSSAN / Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [Z] [F] [D]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Eric SEUTET, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 108
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 octobre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 21 Décembre 2023 pour être prorogée au 25 janvier 2024, au 7 mars 2024 et au 14 Mars 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
La société civile de construction vente (SCCV) Bonaparte a été constituée le 24 juin 2006 entre la SARL Les Piastres, la SARL BVM et la SAS BVM Promotion, cette dernière en assurant la gestion et ayant pour président successifs M. [J] [S], puis M. [Z] [D].
La SCCV Bonaparte a fait l'acquisition d'un terrain à batir situé à [Localité 6] pour y édifier une résidence de cinq bâtiments dénommée « [7] ».
Pour financer cette opération de promotion immobilière, la société Bonaparte s'est vue consentir, par la SA Banque Rhône Alpes, aux termes d'un acte notarié du 13 juillet 2007 :
- un prêt de 700.000 euros destiné à financer l'acquisition du terrain,
- une ouverture de crédit de 1.750.000 euros au titre du financement de la construction,
ces concours étant remboursables à échéance du 30 juin 2009.
Par acte du 3 juillet 2007, M. [D] s'est porté caution solidaire de la SCCV Bonaparte à hauteur de la somme de 450.000 euros pour une durée de quatre ans.
ll a renouvelé cet engagement pour quatre ans par acte du 16 novembre 2011.
La société Bonaparte ayant rencontré des difficultés de commercialisation des appartements et par courriers du 17 juin 2015, la Banque Rhône Alpes a dénoncé la convention de compte courant et mis en demeure la SCCV Bonaparte de rembourser la somme de 743.757, 47 euros.
Par courrier recommandé du même jour, elle a également mis en demeure M. [D] de verser la somme de 450.000 euros.
Par acte d'huissier du 4 décembre 2015, la Banque Rhône Alpes a fait assigner M. [Z] [D] devant le tribunal judiciaire aux fins de le voir condamner à exécuter son engagement de caution.
Par jugement du 28 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a :
- constaté que l'acte de cautionnement du 30 juin 2011 est dépourvu de cause dès lors qu'il garantit le remboursement du crédit acquisition démarrage et accompagnement et de la garantie d'achèvement des constructions, non prorogé entre le 31 mai 2011 et le 17 août 2011 et arrivé à échéance ;
- constaté que l'acte de cautionnement du 30 juin 2011 est nul ;
- débouté la Banque Rhône Alpes de ses demandes ;
- condamné la Banque Rhône Alpes à payer à M. [Z] [D] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Banque Rhône Alpes aux entiers dépens.
Suivant déclaration au greffe du 12 octobre 2021, la Banque Rhône Alpes a relevé appel de cette décision, en toutes ses dispositions, telles qu'elle les a énumérées dans son acte d'appel.
Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a placé la société Bonaparte en liquidation judiciaire et par lettre recommandée du 7 juin suivant, la Banque Rhône Alpes a déclaré au passif une créance de 832.101, 46 euros au titre du solde de l'ouverture de crédit, qui a été admise pour ce montant par ordonnance du 22 mai 2022 .
Prétentions et moyens de la Société Générale :
Au terme de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 29 août 2023, la Société Générale, venant aux droits de la SA Banque Rhône Alpes, demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
constaté que l'acte de cautionnement du 30 juin 2011 est dépourvu de cause dès lors qu'il garantit le remboursement du crédit acquisition démarrage et accompagnement et de la garantie d'achèvement des constructions, non prorogé entre le 31 mai 2011 et le 17 août 2011 et arrivé à échéance ;
constaté que l'acte de cautionnement du 30 juin 2011 est nul ;
débouté la Banque Rhône Alpes de ses demandes ;
condamné la Banque Rhône Alpes à payer à M. [D] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la Banque Rhône Alpes aux entiers dépens,
statuant à nouveau :
- déclarer Société Générale, venant aux droits de la Banque Rhône Alpes, recevable et bien fondée en son action à l'encontre de M. [D] en sa qualité de caution solidaire de la SCCV Bonaparte,
en conséquence :
- condamner M. [D] à payer à Société Générale, venant aux droits de la Banque Rhône Alpes, la somme de 450.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2015, date de la mise en demeure,
- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner M. [D] à payer à Société Générale, venant aux droits de la Banque Rhône Alpes, la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- le condamner aux entiers dépens.
La Société Générale soutient que l'engagement de caution de M [D] était valable à la date de son renouvellement aux motifs que :
- l'obligation garantie existait et qu'il est indifférent qu'elle soit devenue exigible à son terme,
- le cautionnement avait pour contrepartie la prorogation du terme de l'ouverture de crédit consentie à la société Bonaparte,
- les prorogations du terme n'ont pas entrainé de novation de l'obligation garantie constituée du remboursement du concours bancaire consenti le 13 juillet 2007,
- l'acte de cautionnement n'est pas incomplet et permet la détermination de l'obligation garantie, puisqu'il se réfère à ce concours, ainsi qu'à ses conditions financières et de durée,
- l'arrivée du terme du crédit n'en a pas modifié la nature juridique et il ne s'est pas transformé en découvert non autorisé,
- l'objet de l'acte de cautionnement du 30 juin 2011 est bien le remboursement de ce concours initial et la cause de l'engagement pris par M. [D] est donc bien la prorogation du concours parvenu à son échéance, qui n'a pas libéré la caution,
- la prorogation des concours bancaires a été demandé par M. [D], en sa qualité de gérant de la société Bonaparte, ce qu'il ne peut dénier en sa qualité de caution,
- l'exigibilité alléguée de la dette ne confère pas à M. [D] la double qualité de débiteur principal et de caution.
Prétentions et moyens de M. [D] :
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023, M. [D] entend voir :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- en tout état de cause,
- débouter la Banque Rhône Alpes de l'intégralité de ses demandes et prétentions,
- condamner la Banque Rhône Alpes au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
M. [D] soutient que son engagement de caution contracté le 30 juin 2011 est entaché de nullité dès lors que :
-l'acte ne fait aucune référence aux prorogations/ renouvellements et modifications du prêt et ne permet pas de déterminer la nature de l'obligation cautionnée,
- le cautionnement est dépourvu de cause puisque signé le 30 juin 2011 alors que le prêt consenti le 13 juillet 2007 est venu à échéance le 30 juin 2009, devenant un découvert non autorisé exigible, la caution ne pouvant se prévaloir des délais accordés au débiteur,
- le cautionnement est dépourvu de contrepartie puisqu'à la date de l'engagement, il était déjà certain que la dette principale ne serait pas payée et qu'en raison de son caractère solidaire, la dette cautionnée était immédiatement exigible à l'encontre de la caution, la privant du caractère accessoire de son engagement.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des moyens des parties.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Selon les termes de l'acte sous seing privé du 30 juin 2011, M. [D] s'est porté caution solidaire de la SCCV Bonaparte pour un montant de 450.000 euros aux fins de garantir le remboursement du crédit acquisition, démarrage et accompagnement d'un montant ramené à 1.200.000 euros ainsi que l'assiette résiduelle des garanties bancaires d'achèvement, consentis par la Banque Rhône Alpes, suivant acte notarié du 13 juillet 2007.
1°) sur la nullité du cautionnement :
Selon les stipulations de l'acte notarié du 13 juillet 2007, les concours bancaires accordés à la société Bonaparte étaient remboursables en principal, intérêts et accessoires à leur terme fixé au 30 juin 2009.
Il résulte des pièces produites aux débats par la banque que par actes sous seing privé des 22 septembre 2009, 28 juillet 2010, 17 août 2011, 3 mai 2012 et 16 octobre 2013, elle a accepté de proroger ce terme successivement aux 30 juin 2010, 31 mai 2011, 31 décembre 2011, 31 janvier 2013 et 31 décembre 2013, les conditions de ces prorogations étant expressément acceptées par la société Bonaparte.
Aucune des prorogations du terme ne permet de caractériser l'intention des parties d'opérer novation de leurs obligations, celle-ci étant même expressément exclue par les courriers d'acceptation de la banque, et elles n'ont donc pas opéré de modification de l'obligation cautionnée par M. [D] qui est demeurée l'obligation de remboursement issue du prêt consenti le 13 juillet 2007, que la survenance du terme, de nature suspensive, n'a pas éteinte.
Les courriers d'acceptation par la banque de la prorogation de l'échéance du prêt se réfèrent à une demande formulée en ce sens par la SCCV Bonaparte et reprennent les caractéristiques du crédit et ses conditions financières, notamment le taux d'intérêts dont il apparaît qu'il a été modifié à l'occasion du premier report du terme le 22 septembre 2009 au profit du taux EU03M + 1, 75 %, taux porté à la connaissance de la caution à l'occasion du renouvellement de son engagement le 30 juin 2011.
En conséquence, l'obligation garantie par les cautionnements successifs de M. [D], et particulièrement celui du 30 juin 2011, est demeurée parfaitement identifiable comme résultant de l'acte de prêt du 13 juillet 2007.
Les prorogations du terme ainsi consenties sans novation des obligations, alliées à l'absence de toute réclamation du paiement par la Banque jusqu'en juin 2015, n'ont pas entrainé de modification de la nature des concours bancaires qui ne se sont pas transformés en découvert autorisé, l'acte de prêt prévoyant que l'utilisation même de ces crédits de trésorerie s'effectuerait par le biais d'opérations en comptes.
C'est donc une obligation dont le terme et l'exigibilité ont été consensuellement et successivement reportés jusqu'au 31 décembre 2013 que M. [D] a accepté de cautionner le 30 juin 2011, et ce dans le but de garantir le paiement au nouveau terme de l'obligation.
Il en résulte qu'à la date du cautionnement, la défaillance de la débitrice principale dont le terme suspensif de l'obligation de paiement se trouvait prorogé, n'avait aucun caractère de certitude alors qu'ainsi que le précise un courrier de la Banque Rhône Alpes du 16 octobre 2013, cette prorogation avait pour finalité de permettre à la SCCV Bonaparte de mener à bien la reprise par un bailleur social d'un des bâtiments construits.
L'engagement de caution de M. [D] n'était donc pas privé de son caractère accessoire, à la date de sa souscription, ni dénué de cause et d'objet étant l'une des conditions à l'obtention par la SCCV Bonaparte du report du terme de son obligation de remboursement du prêt et à la possibilité de parvenir à l'exécution de cette obligation avec le produit de la vente des biens.
En conséquence, le cautionnement souscrit le 30 juin 2011, par M. [D] n'encourt aucune nullité et le jugement devra être infirmé.
2°) sur la demande en paiement :
La Société Générale se prévaut de l'admission définitive de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Bonaparte pour la somme de 832.101, 46 euros.
En exécution de son engagement de caution solidaire de la SCCV Bonaparte, M. [D] devra être condamné au paiement dans la limite de son cautionnement soit 450.000 euros.
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Dijon en date du 28 septembre 2021 en tous ses chefs de dispositif soumis à la cour,
statuant à nouveau,
Condamne M. [Z] [D] à payer à la SA Société Générale, venant aux droits de la SA Banque Rhône Alpes, la somme de 450.000 euros, outre intérêts au taux contractuel à compter du 19 juin 2015,
Condamne M. [Z] [D] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne M. [Z] [D] à payer à la SA Société Générale, venant aux droits de la SA Banque Rhône Alpes, la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,