DOSSIER N 06 / 02492 ARRÊT DU 07 Mars 2007 4ème CHAMBRE VM
COUR D'APPEL DE DOUAI
4ème Chambre-No
Prononcé publiquement le 07 Mars 2007, par la 4ème Chambre des Appels Correctionnels,
Sur appel d'un jugement du T. CORRECT. DE DUNKERQUE du 07 FÉVRIER 2006
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X...Benoît Jules Julien né le 21 Mars 1960 à BOURBOURG Fils de X...Alfred et de Y...Josiane De nationalité française Gardien de la paix ...Prévenu, appelant, libre, comparant Assisté de Maître BROUWER David, Avocat au barreau de DUNKERQUE
LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE appelant,
A...Dimitri, ... Comparant, partie civile, appelant
COMPOSITION DE LA COUR : Président : Christine PARENTY, Conseillers : Michel BATAILLE, Anne-Marie GALLEN.
GREFFIER : Edith BASTIEN aux débats et Odette MILAS au prononcé de l'arrêt.
MINISTÈRE PUBLIC : Bertrand CHAILLET, Substitut Général.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 31 Janvier 2007, le Président a constaté l'identité du prévenu.
Ont été entendus :
Madame PARENTY en son rapport ;
X...Benoît Jules Julien en ses interrogatoires et moyens de défense ;
Le Ministère Public, en ses réquisitions :
Les parties en cause ont eu la parole dans l'ordre prévu par les dispositions des articles 513 et 460 du code de procédure pénale.
Le prévenu et son Conseil ont eu la parole en dernier.
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé le 07 Mars 2007.
Et ledit jour, la Cour ne pouvant se constituer de la même façon, le Président, usant de la faculté résultant des dispositions de l'article 485 du code de procédure pénale, a rendu l'arrêt dont la teneur suit, en audience publique, et en présence du Ministère Public et du greffier d'audience.
DÉCISION : VU TOUTES LES PIÈCES DU DOSSIER,
LA COUR, APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ CONFORMÉMENT A LA LOI, A RENDU L'ARRÊT SUIVANT :
Monsieur X...Benoit, sur les dispositions pénales et civiles, suivi par le ministère public sur les dispositions pénales, suivis par la partie civile sur les dispositions civiles ont successivement et régulièrement fait appel du jugement du 7 février 2006 du tribunal correctionnel de Dunkerque qui a condamné le prévenu à un mois d'emprisonnement avec sursis et 500 euros d'amende, en répression du délit de violence par une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'une incapacité n'excédant pas 8 jours qui lui était reproché. Par ailleurs, sur le plan civil, il a été condamné à verser à la partie civile un euro à titre de dommages et intérêts et le tribunal a accédé à sa demande de non-inscription de la condamnation au Bulletin no2.
Devant le tribunal correctionnel de Dunkerque, il était prévenu :
d'avoir à Dunkerque et dans le ressort du Tribunal de Grande Instance, le 25 septembre 2005, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, alors qu'il était dépositaire de l'autorité publique, volontairement commis des violences sur A...Dimitri, ces violences ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas 8 jours, infraction prévue par ART. 222-13 AL. 1 7o C. PÉNAL et réprimée par ART. 222-13 AL. 1, ART. 222-44, ART. 222-45, ART. 222-47 AL. 1 C. PÉNAL.
Monsieur X...Benoit a été cité à personne ; il est présent de même que la partie civile ; il s'agit d'un arrêt contradictoire.
Sur l'action publique
Sur la procédure
Le conseil du prévenu in limine litis a déposé des conclusions aux fins de voir déclarer nulle la citation délivrée sur le lieu de travail du prévenu à savoir le commissariat de police.L'incident a été joint au fond par la cour. Monsieur l'avocat général a fait remarquer qu'il était légitime de convoquer un fonctionnaire de police sur son lieu de travail ; c'est par des motifs pertinents et que la cour adopte que le tribunal a rejeté cette exception de nullité. Aux termes de l'article 565 du code de procédure pénale, la nullité d'un exploit ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la personne concernée. Il est ici établi que Monsieur X...a été joint, que le procédé de le citer au commissariat n'a eu aucune conséquence préjudiciable pour sa défense de sorte qu'il est clair qu'en l'absence de grief, la nullité n'est pas encourue. La cour confirme la décision attaquée sur ce point.
Sur le fond
A l'instar des premiers juges le supplément d'information sollicité tendant à voir ordonner une contre-expertise sera rejeté, le rapport du médecin expert étant précis, complet et répondant à toutes les questions.
Le 12 octobre 2005, Madame E...épouse F...Nathalie a porté plainte au commissariat de Dunkerque.
Elle a indiqué qu'elle avait écrit au Procureur de la République le 27 septembre 2005 afin de se plaindre des conditions dans lesquelles son fils mineur Dimitri A...avait été interpellé par la police. Elle a expliqué que dans la nuit du 24 au 25 septembre 2005 vers 3 heures du matin des policiers s'étaient présentés à son domicile pour lui demander d'aller chercher Dimitri au commissariat.
Elle a relaté ensuite les conditions d'interpellation de son fils telles qu'il les lui a rapportées et telles qu'il les a décrites lorsqu'il a été entendu le même jour, à la suite de sa mère, par les policiers.
La nuit du samedi au dimanche 25 septembre, il a participé à un anniversaire au Happy Days à Dunkerque avec un ami, Kévin H.... Après la soirée, Dimitri a conduit le scooter de son camarade, celui-ci se mettant à l'arrière. Aucun des deux n'avait mis de casque.A un moment, Kévin a mis un coup de casque sur le rétroviseur d'une voiture. Dimitri s'est aperçu juste après qu'une voiture les suivait, précisant qu'elle n'avait pas de gyrophare. Il a pris peur, a accéléré, a perdu le contrôle du scooter en passant sur une pelouse, et ils sont tous les deux tombés. Kévin a réussi à repartir avec le scooter. Trois policiers composaient la patrouille de la Brigade Anti Criminalité qui les avait poursuivis et qui est intervenue. Dimitri en a donné une description qui a permis par la suite de les identifier et de déterminer leur rôle selon lui ; l'un d'eux, Monsieur Benoit X...a immédiatement bloqué la nuque de Dimitri alors qu'il était allongé à terre, un autre, Monsieur Gérard I..., s'est mis à la poursuite de Kévin, et Le troisième policier Monsieur Nicolas J...est resté sur place et alors que Dimitri était encore au sol, il lui a mis un coup de pied dans le bassin. Après l'avoir menotté, ils lui ont dit de se relever, lui ont demandé qui l'accompagnait, il n'a pas répondu de suite et Monsieur Benoit X..., qu'il a décrit comme très agressif, lui a mis deux claques sur la nuque. Il a indiqué le nom de son ami, a été plaqué contre la voiture de police et questionné très rapidement. Monsieur Nicolas X...est parti dans la voiture parler à la radio, et Monsieur Benoit X..., énervé parce que Dimitri A...ne répondait pas assez rapidement aux questions posées, a montré à celui-ci ses deux poings en lui demandant lequel il voulait, puis en l'absence de réponse, lui a porté un coup simultané des deux poings sur les deux oreilles. Immédiatement après le coup, son oreille droite a sifflé et il a eu mal. Il a ensuite été emmené au commissariat dans le véhicule de police, dont le chauffeur, qui lui faisait la morale sur un ton agressif, était Monsieur Benoit X.... Au commissariat, il a fait l'objet d'un contrôle d'alcoolémie, qui s'est avéré positif (0,27 mg / l). Il a été entendu par un autre policier, Monsieur Arnaud K..., mais n'a pas osé lui dire qu'il avait été violenté, notamment du fait de la présence au commissariat des trois policiers qui l'avaient interpellé.
Sa mère a indiqué dans sa plainte qu'au retour de son fils du commissariat, elle a constaté qu'il était abasourdi, qu'il pleurait, qu'il avait une marque rouge au niveau de la tempe droite, une plaie au côté droit du ventre, un coup à la jambe, et qu'il se plaignait de douleurs aux oreilles.
Le lendemain, les douleurs persistant, Dimitri a consulté un médecin de garde qui l'a orienté vers l'hôpital, où l'ORL a diagnostiqué une perforation du tympan.
Les trois policiers ont été entendus. Messieurs I...et J...ont affirmé qu'ils ont voulu procéder à l'interpellation du fait de la dégradation du rétroviseur, qu'ils ont constaté que le conducteur du scooter s'est rapprocher exprès du véhicule dégradé et qu'ils ont mis le gyrophare.
Après la chute du scooter, son conducteur s'est trouvé coincé, une jambe au dessous. Ils se sont mis à poursuivre le passager qui s'est relevé et est reparti avec le scooter et sont revenus environ trois minutes après. Ils ont trouvé Dimitri A...assis à terre, mains menottées dans le dos sous la surveillance de leur collègue Benoit X..., seul, selon eux, à avoir procédé à l'interpellation du jeune homme, à laquelle ils n'ont pas assisté. Dans le véhicule de police, ce dernier ne s'est plaint d'aucune douleur, ni d'avoir reçu des coups.
Monsieur J...a donc nié lui avoir donné un coup de pied et même avoir été présent lors de son interpellation.
Monsieur X...a affirmé qu'il a plaqué Dimitri A...au sol en mettant un bras au-dessus de son épaule droite et l'autre sous son bras gauche, qu'ils ont chuté au sol et qu'il s'est assis à califourchon sur lui alors qu'il était face contre terre, réussissant finalement à le menotter mains dans le dos. Il a nié les coups portés pendant l'interpellation ou après celle-ci.
Entendu, le policier qui avait procédé à l'audition de Dimitri A...a indiqué qu'il avait un comportement tout a fait normal, pas du tout agressif, ne présentait aucune trace de violences visibles et ne s'était pas plaint d'avoir été maltraité, évoquant seulement s'être fait un peu mal en tombant avec le scooter, et montrant une petite plaie à l'abdomen due à cette chute. Dans le procès-verbal de cette audition, joint à la présente procédure, le jeune homme a déclaré que son ami lui a dit de foncer après avoir dégradé le rétroviseur, et a nié s'être approché volontairement des véhicules en stationnement pour faciliter la dégradation. Il n'y est pas fait état de violences lors de l'interpellation par les policiers.
Lors d'une confrontation, Dimitri A...a maintenu ses accusations, tout en précisant qu'il n'a pas vu Monsieur J...lui donner un coup de pied, mais qu'il a déduit que celui-ci devait en être l'auteur, car Monsieur X...était assis à califourchon sur lui, et ne pouvait sans doute pas lui porter de coup de pied.
Les trois policiers ont également confirmé leur version des faits.
Après s'être fait communiquer les courriers, compte-rendus et certificats médicaux, le Docteur L...a procédé à l'expertise médicale de Dimitri A.... Dans son rapport, il indique que ce dernier a été examiné à sa sortie de garde à vue le 25 septembre 2005 par le médecin de garde qui l'a adressé au centre hospitalier de Dunkerque où il a été examiné le même jour par le Docteur M...qui a constaté des contusions aux joues, tempes et autres parties de la tête, ainsi qu'une impression de plaie du tympan droit puis par le Docteur N..., ORL. Ce dernier a relevé des antécédents d'aérateurs trans-tympaniques et diagnostiqué une perforation tympanique droite avec tympan hématique, ainsi qu'une hypoacousie droite (perte d'audition de 30 à 40 décibels) et des acouphènes. Le lendemain,26 septembre 2005, il a consulté son médecin traitant, le Docteur O..., ainsi que le Docteur P..., qui on confirmé ce diagnostic de perforation tympanique droite post traumatique, ainsi pour le premier médecin qu'une contusion de la cuisse gauche et une excoriation de la paroi abdominale avec une incapacité totale de travail de 24 heures.
Selon les conclusions du rapport d'expertise du Docteur L..., après avoir lui-même examiné Dimitri A...et entendu sa version des faits, " l'existence et l'aspect des différentes lésions de manière concomitante (perforation tympanique droite hématique d'aspect récent et lésion d'ecchymose du conduit auditif externe de l'oreille gauche) sont compatibles avec des lésions traumatiques survenues le 24 ou le 25 septembre 2005 et avec un mécanisme d'application brutale des deux poings sur les deux oreilles.
En effet, dans ce cas c'est en général plus la paume de la main que les articulations des doigts qui viennent en contact avec les oreilles, ce qui est susceptible d'entraîner un barotraumatisme (augmentation très rapide de la pression dans le conduit auditif externe pouvant entraîner de telles lésions). Il est noté des antécédents de pose de drains trans-tympaniques des deux côtés.
De même, les stigmates relevés lors de l'examen de Dimitri A...sont compatibles avec ses dires : coup de pied à l'abdomen et coup de pied à la cuisse gauche, avec une datation correspondant aux faits invoqués.L'incapacité totale de travail peut être chiffrée à 24 heures.
Il n'y a pas de condamnation à son casier judiciaire.
C'est à juste titre que les premiers juges, après avoir exposé les faits et examiné les éléments de preuve, se sont prononcés affirmativement sur la culpabilité du prévenu, les déclarations du jeune plaignant étant parfaitement claires, réitérées et concordantes avec un état de santé médicalement constaté tout de suite après les faits et qui ne peut s'expliquer que par le geste de compression décrit par Monsieur A.... La cour rappellera pour mémoire que les lésions sont bilatérales et ne peuvent s'expliquer comme voudrait le faire croire le prévenu par une chute ou une circulation à vive allure en scooter ; par ailleurs, elles ne peuvent pas non plus s'expliquer par un état de fragilité antérieure puisque l'expert, qui rappelle cette fragilisation, attribue bien les lésions à un " traumatisme " survenu le 24 ou le 25 09 05. Le parcours professionnel positif du prévenu n'exclut pas la réalité d'un acte isolé, qui ne peut être admis de la part d'un fonctionnaire de police. La cour confirme donc la déclaration de culpabilité.
L'absence de condamnations antérieures justifie le prononcé d'une peine d'emprisonnement avec sursis ; toutefois le geste de violence comme il vient d'être rappelé ne peut être toléré ; en conséquence la cour alourdira le quantum de la peine et le montant de l'amende, comme précisé au dispositif.
Pour ne pas compromettre le futur, il convient de confirmer la dispense d'inscription de cette condamnation au bulletin no 2 du prévenu.
Sur l'action civile
La cour ne peut faire droit à la demande de dommages et intérêts telle que formulée par la partie civile à l'audience dans la mesure où en première instance, Monsieur A...n'avait sollicité qu'un euro d'indemnisation. Toutefois il lui sera accordé 300 euros sur l'article 475-1 du code de procédure pénale pour ses frais de déplacement et de perte de salaire.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement sur le rejet de l'exception de nullité, le refus d'une contre expertise, sur la culpabilité, sur les dispositions civiles et sur la dispense d'inscription de la condamnation au bulletin no 2 du prévenu
L'infirme quant à la peine,
Condamne le prévenu à la peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 1000 euros d'amende,
Y ajoutant,
Condamne le prévenu à verser à la partie civile 300 euros sur la base de l'article 475-1 du code de procédure pénale,
Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 Euros dont est redevable le condamné.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
O. MILAS C. PARENTY