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16/07/2024 | FRANCE | N°22/00337

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 16 juillet 2024, 22/00337


ARRET N° 24/274



N° RG 22/00337



N°Portalis DBWA-V-B7G-CKXR

















M. [C] [K]





C/



M. [S] [V]



















COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 16 JUILLET 2024





Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 12 Août 2022, enregistré sous le n° 20/01944;





APP

ELANT :



Monsieur [C] [K]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Me Alexandra REQUET, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Jean-Marc LE MASSON, avocat plaidant, au barreau de NANTES





INTIME :



Monsieur [S] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représe...

ARRET N° 24/274

N° RG 22/00337

N°Portalis DBWA-V-B7G-CKXR

M. [C] [K]

C/

M. [S] [V]

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 16 JUILLET 2024

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 12 Août 2022, enregistré sous le n° 20/01944;

APPELANT :

Monsieur [C] [K]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Alexandra REQUET, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Jean-Marc LE MASSON, avocat plaidant, au barreau de NANTES

INTIME :

Monsieur [S] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Georges VIRASSAMY, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine PARIS, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de chambre

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 16 Juillet 2024 .

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte notarié en date du 20 octobre 2006, monsieur [S] [V] a acquis en l'état futur d'achèvement les lots numéro 34,11 et 10 de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 1] situé à [Localité 2], puis la numérotation a changé selon modificatif de l'état descriptif de division du 5 février 2007.

Par acte d'huissier en date du 27 novembre 2020, monsieur [C] [K] copropriétaire, a fait assigner monsieur [S] [V] devant le tribunal judiciaire de Fort-de-France afin de voir ordonner la destruction sous astreinte de la piscine et du jacuzzi installés sur la terrasse de l'appartement de monsieur [S] [V]. Il demandait également sa condamnation au paiement d'une somme de 50'000 € à titre de dommages-intérêts et 3 000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 12 août 2022 le tribunal judiciaire de Fort-de-France a déclaré recevable l'action de monsieur [C] [K], l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à verser à monsieur [S] [V] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. Monsieur [S] [V] a été débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par déclaration en date du 5 septembre 2022, monsieur [C] [K] a fait appel de chacun des chefs de cette décision le condamnant.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 mai 2023, monsieur [C] [K] demande à la cour de statuer comme suit :

'Vu la loi du 10 juillet 1965 ;

Vu le décret du 17 mars 1967 ;

Vu le Code de procédure civile ;

REFORMER le jugement du Tribunal judiciaire de FORT-DE-FRANCE du 12 août 2022, rendu sous le numéro RG 20/01944, en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [C] [K] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur [C] [K] à payer à Monsieur [S] [V] la somme de 2.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant de nouveau,

DIRE la demande de Monsieur [K] recevable et bien fondée ;

CONDAMNER Monsieur [S] [V] à la destruction de la piscine et du jacuzzi construits irrégulièrement, à ses frais exclusifs et dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, le tout sous le contrôle du syndic de l'immeuble ;

FIXER à 500 euros l'astreinte journalière qui commencera à courir à l'expiration du délai d'exécution des travaux de démolition ;

CONDAMNER Monsieur [V] à verser à Monsieur [K] la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER le même aux entiers dépens dont distraction conformément aux articles 696 et suivants du Code de procédure civile'.

En réponse aux premières conclusions de l'appelant notifiées le 1er décembre 2022, monsieur [S] [V] a fait appel incident le

4 décembre 2022 des chefs de la décision déclarant l'action de monsieur [C] [K] recevable et le déboutant de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 avril 2023, monsieur [S] [V] demande à la cour de statuer comme

suit :

'Vu les articles 25 et 42 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété,

Vu l'article 1134 ancien du code civil et l'article 1137 du même Code

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,

Vu l`article 2224 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé l'action de Monsieur [K] recevable et, statuant de nouveau, dire Monsieur [K] irrecevable ;

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [S] [V] de sa demande reconventionnelle et, statuant de nouveau, condamner monsieur [C] [K] à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- CONFIRMER le jugement en ce qu' i1 a débouté Monsieur [C] [K] de sa demande de démolition de la piscine de Monsieur [S] [V] ;

- CONDAMNER Monsieur [C] [K] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER Monsieur [C] [K] aux entiers dépens.'

La clôture est intervenue le 15 juin 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 janvier 2024 puis renvoyée à la demande du conseil de monsieur [C] [K] à l'audience collégiale rapporteur du 17 mai 2024, date à laquelle l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 16 juillet 2024 .

Il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions susvisées .

MOTIFS DE LA DECISION

A la lecture de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété en date du 11 septembre 2006, constituent des parties communes, toutes les terrasses accessibles ou non accessibles, même si elles sont affectées à l'usage exclusif d'un seul copropriétaire sauf leur revêtement au-dessus de l'étanchéité qui constitue une partie privative.

L'article 42, alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction antérieure à la loi dite ELAN du 23 novembre 2018, prévoyait :

Sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.

La loi du 23 novembre 2018 a modifié ce texte pour prévoir l'application aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat de la prescription de l'article 2224 du code civil.

Aux termes des dispositions de l'article 2227 du code civil le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La jurisprudence applique la prescription trentenaire lorsque l'action tend à obtenir qu'il soit mis fin à une appropriation indue des parties communes par un copropriétaire. Elle applique la prescription de

l'article 42, alinéa 1, de la loi du 10 juillet 1965 lorsque l'action tend à faire respecter le règlement de copropriété, document de nature contractuelle, ou lorsqu'elle sanctionne le non-respect des règles propres au statut de la copropriété, ainsi lorsqu'elle tend à la suppression d'ouvrages ou à la remise en l'état antérieur à des travaux qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble réalisés sans autorisation de l'assemblée générale, ou encore, lorsqu'elle tend à sanctionner des travaux non conforme à

une autorisation donnée en assemblée générale.

L'existence d'un droit de jouissance privatif octroyé à un copropriétaire sur une partie commune n'est pas en elle-même exclusive d'une appropriation.

Il n'est pas contesté et il résulte du procès-verbal de constat d'huissier non contradictoire en date du 11 janvier 2007 que monsieur [S] [V] a construit une piscine avec bardage bois sur la terrasse de son lot. Il résulte également des photographies annexées à ce procès-verbal que le bardage bois est installé sur un socle béton ce qui ressort également du courrier d'un copropriétaire en date du 24 janvier 2007 qui indique qu'il a été installé un important jacuzzi avec entourage bois sur la terrasse extérieure, le tout posé sur des socles en béton.

Il résulte également du chiffrage par l'architecte de l'immeuble litigieux en date du 27 juin 2006 qu'il s'agit d'une piscine préfabriquée avec deck mais que celui-ci est posé sur une ossature. Il ne s'agit donc pas d'un simple aménagement d'une terrasse mais d'une véritable appropriation d'une partie commune.

L'action tendant à la démolition d'un équipement sur une partie commune est une action réelle se prescrivant par 30 ans.

C'est donc à juste titre et par des motifs pertinents que le premier juge a considéré que l'action de monsieur [C] [K] était recevable comme ayant été introduite moins de 30 ans après la construction de la piscine.

Monsieur [S] [V] produit un procès-verbal d'assemblée générale en date du 26 juin 2015 aux termes duquel l'assemblée a donné son autorisation à monsieur [S] [V] d'aménager une plate-forme pour y recevoir tous les moteurs bruyants (piscine, spa et fontaine de son appartement.) Cette résolution a été votée à la majorité des copropriétaires.

Monsieur [C] [K] qui n'était ni présent ni représenté à cette assemblée générale a reçu le procès-verbal le 29 août 2015 selon accusé réception produit au dossier et non contesté.

Selon le procès-verbal d'assemblée générale du 15 juillet 2016 l'autorisation a été donnée à monsieur [S] [V] de déplacer les moteurs de sa piscine située sur une plate-forme en bordure de

toiture pour les installer sur la partie de toit arrondie abritant sa terrasse. Monsieur [C] [K] qui était présent lors de cette assemblée générale n'a pas voté contre cette résolution et ne s'est pas non plus abstenu.

Il résulte des courriers de quatre copropriétaires que les résolutions des assemblées générales des 15 juillet 2016 et 26 juin 2015 lors desquelles il avait été voté le principe du déplacement des moteurs des installations de la piscine de monsieur [S] [V], valaient autorisation a posteriori par les assemblées générales, des travaux d'installation de la piscine et du spa sur les parties communes que constituent les terrasses dont il a la jouissance exclusive. Une cinquième copropriétaire indique que l'autorisation donnée par l'assemblée générale le 15 juillet 2016 du déplacement des moteurs de la piscine et du spa a entériné la construction la présence de ces installations.

Monsieur [S] [V] produit enfin un courrier d'un autre copropriétaire qui précise donner son autorisation a posteriori à monsieur [S] [V] pour ses travaux de piscine et spa sur les parties communes de l'immeuble dont il a la jouissance exclusive.

Il résulte de la notice descriptive d'octobre 2005 produite par monsieur [C] [K] que le bâtiment compte 10 logements. En conséquence la cour en déduit que plus de la moitié des copropriétaires de ses 10 logements, monsieur [S] [V] compris, en autorisant monsieur [S] [V] à déplacer les moteurs de sa piscine ont entendu donner l'autorisation de réalisation des travaux de la piscine et du spa a posteriori et valider ainsi les travaux effectués par monsieur [S] [V].

C'est donc par des motifs pertinents et que la cour adopte que le premier juge a considéré que les deux autorisations des deux assemblées générales avaient permis de ratifier implicitement et de manière non équivoque la construction de la piscine et du spa.

En conséquence c'est à juste titre que monsieur [C] [K] a été débouté de sa demande de démolition des travaux exécutés et autorisés a posteriori par les assemblées générales des 15 juillet 2016 et 26 juin 2015 dont les décisions n'ont pas été contestées dans les délais, monsieur [C] [K] ayant au surplus approuvé cette résolution lors de l'assemblée générale du 15 juillet 2016 à laquelle il était présent.

Monsieur [S] [V] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts.

La cour constate que sa demande de paiement d'une somme de 50'000 € à titre de dommages-intérêts est fondée expressément dans les motifs de ses conclusions sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Aux termes de ces dispositions celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10'000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Il convient de rappeler que la condamnation à une amende civile profite à l'État et non à une partie et qu'en conséquence sur le fondement des dispositions de l'article 32-1du code de procédure civile la cour ne peut faire droit à une demande de dommages-intérêts au profit de monsieur [S] [V]. Au surplus l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.

Une telle faute n'est pas, au cas présent, rapportée de sorte que la demande de dommages intérêts initiée pour abus de procédure ne pourrait qu'être rejetée.

Succombant en appel monsieur [C] [K] supportera les dépens et conservera ses frais irrépétibles. Il est équitable qu'il prenne en charge également les frais exposés par monsieur [S] [V] pour faire valoir ses droits en appel, frais évalués à 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME en toutes ces dispositions dont appel principal ou incident le jugement du tribunal judiciaire de Fort-de-France en date du 12 août 2022 ;

Y ajoutant,

MET les dépens à la charge de monsieur [C] [K] ;

DÉBOUTE monsieur [C] [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE monsieur [C] [K] à verser à monsieur [S] [V] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00337
Date de la décision : 16/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-16;22.00337 ?
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