ARRET N° 24/284
N° RG 22/00503
N°Portalis DBWA-V-B7G-CLMD
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA M ARTINIQUE ET DE LA GUYANE ' CRCAMG
C/
M. [C] [V]
LASELARL MONTRAVERS [W]
LA SARL CATLEIA
COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 30 JUILLET 2024
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, en date du 21 décembre 2022, enregistré sous le n° 2018/3262 ;
APPELANTE :
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA MARTINIQUE ET DE LA GUYANE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, son Directeur Général en exercice domiciliée ès qualités audit siège
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMES :
Monsieur [C] [V]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représenté par Me René KIMINOU, avocat au barreau de MARTINIQUE
LA SELARL MONTRAVERS [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CATLEIA
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE
LA SARL CATLEIA
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 mai 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie RAMAGE, présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, présidente de chambre
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, conseiller
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 30 juillet 2024
ARRÊT : contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SARL Catleia, ayant essentiellement pour activité la vente de chaussures et de maroquineries, outre l'organisation de circuits touristiques et de spectacles musicaux, ayant pour gérant de droit Mme [F] [S] et pour gérant de fait M. [C] [V], exploitait plusieurs fonds de commerce de vente de chaussures sous l'enseigne 'Tania chaussures'.
La Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane (CRCAMG) lui a accordé un crédit documentaire atteignant un plafond de 950.000€, avant d'être diminué à 750.000 € de juin 2011 à juillet 2012, puis 650.000 € en novembre 2012 et enfin 550.000 € en décembre 2012.
Par jugement du 26 février 2013, le tribunal mixte de commerce de Fort de France a, sur déclaration de cessation des paiements déposée le 19 décembre 2012, ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SARL Catleia, a désigné Me [T] en qualité d'administrateur judiciaire et Me [J] [W], associé de la SELARL Montravers [W], en qualité de mandataire judiciaire représentant des créanciers.
Le 05 avril 2013, la CRCAMG a déclaré les créances suivantes entre les mains du mandataire judiciaire :
- une créance chirographaire échue et à échoir d'un montant de 102.231,92 € au titre d`un prêt à moyen terme n°00018748530 du 29 juin 2009, garantie par l'engagement de caution solidaire et indivisible de M. [C] [V] ;
- une créance privilégiée échue et à échoir d'un montant de 72.406,10 € au titre d'un prêt à moyen terme n°00021468388 du 05 décembre 2011, garantie d'une part, par le nantissement sur les fonds de commerce "Tania Chaussures" de [Adresse 8], de [Localité 13], de [Localité 14], de [Localité 6], de [Localité 9], de [Localité 11] et du [Localité 10], et d'autre part, par l'engagement de caution solidaire et indivisible deM. [C] [V] ;
- une créance chirographaire échue et à échoir de 4.754,61 € au titre d'un prêt à moyen terme n°00018748530 du 05 mai 2008, garantie par l'engagement de caution solidaire et indivisible de M. [C] [V] ;
- une créance privilégiée échue et à échoir de 501.600,65 € au titre d'un crédit documentaire import du 28 octobre 2011, garantie d'une part, par le nantissement sur les fonds de commerce "Tania Chaussures" de [Adresse 8], de [Localité 14], de [Localité 6], de [Localité 9], de [Localité 11] et du [Localité 10], et d'autre part, par l'engagement de caution solidaire et indivisible de M. [C] [V].
Par ordonnance du juge commissaire en date du 13 juin 2013, la CRCAMG a été désignée à sa demande, formulée par requête du 30 avril 2013, aux fonctions de contrôleur.
Par jugements successifs, la période d'observation a été prorogée au 26 août 2013 puis au 26 février 2014.
Par jugement du 25 février 2014, le tribunal mixte de commerce de Fort de France a prononcé un renouvellement exceptionnel de la période d'observation pour une durée de 6 mois et a fixé au 29 avril 2014 l'audience au cours de laquelle la SARL Catleia devait justifier sa capacité à présenter un plan de redressement.
Par jugement en date du 13 mai 2014, le même tribunal a ordonné la conversion en liquidation judiciaire de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 26 février 2013 et désigné Me [J] [W], associé de la SELARL Montravers [W], en qualité de mandataire liquidateur.
Par ordonnance du 29 septembre 2014, le juge commissaire en charge de la procédure a ordonné une expertise financière de la SARL Catleia, confiée à la société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes COGEED, laquelle a rendu son rapport le 16 avril 2015.
Par jugement avant-dire droit rendu en date du 6 décembre 2016, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a ordonné une enquête confiée au juge commissaire sur les revenus et la situation patrimoniale de M. [C] [V] et Mme [F] [S].
Le rapport d'enquête a été dressé le 24 septembre 2018 et notifié aux parties.
Par jugement contradictoire rendu le 12 février 2019, le tribunal mixte de commerce Fort-de- France a, notamment, avec exécution provisoire :
- constaté la commission par [F] [S] et [C] [V] de fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SARL Catleia dont il a été ordonné la liquidation judiciaire par jugement du 13 mai 2014,
- condamné solidairement [F] [S] et [C] [V] à payer à la SELARL Montravers [W], prise en la personne de Me [J] [W], ès-qualité de mandataire liquidateur de la SARL Catleia, la somme de 500.000 euros,
- prononcé à l'encontre de [F] [S], ayant été gérante de droit, et de [C] [V], gérant de fait de la SARL Catleia, l'interdiction pendant 10 ans de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise cornrnerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
Par arrêt rendu en date du 24 novembre 2020, la cour d'appel de Fort-de-France a prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée le 08 mars 2019 par [C] [V] et [F] [S] contre le jugement du tribunal mixte de commerce Fort-de-France rendu le 12 février 2019.
Par assignation du 18 août 2018 M.[C] [V] et de la SARL Catleia 'agissant par son liquidateur la SCP Bes-Ravise' ont assigné la CRCAMG devant le tribunal mixte de commerce de Fort de France aux fins, notamment de voir :
- condamner celle-ci à payer à la SARL Catleia la somme de 1 173 775,19€ représentant le montant du passif produit auprès de la SCP Ravise Bes ;
- ordonner la déchéance de la production de créance faite par la CRCAMG ;
- déclarer nulles et de nul effet les cautions consenties par M. [C] [V] au bénéfice de la banque ;
- condamner cette dernière à payer à M. [C] la somme de 200 000€ à titre de dommages en réparation du préjudice subi par lui.
Par actes du 27 janvier 2020, M. [C] [V] a assigné
la CRCAMG et la SCP Montravers [W] ès qualités de liquidateur de la société Catleia devant le même tribunal aux fins, notamment, de :
-déclarer nulles et de nul effet les cautions consenties par M. [C] [V] au bénéfice de la banque ;
- déclarer la banque responsable de la déconfiture de la société Catleia ;
- dire et juger que celle-ci a abusivement soutenu la dite société et provoqué sa perte ;
- la condamner à payer à M. [C] la somme de 200 000€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par ce dernier.
Par jugement contradictoire du 21 décembre 2022, le tribunal a :
- déclaré irrecevables les demandes :
*de [F] [S] et de 'ACNL- [C][V] [S] [F]' telles que formulées dans les conclusions visées le 16 novembre 2021, comme n'étant pas parties à la présente procédure ;
*de [C] [V] telles que formulées dans les conclusions visées le 16 novembre 2021 au nom et pour le compte de la collectivité des créanciers, comme étant dépourvu de qualité pour
agir ;
- déclaré recevables les autres demandes, et notamment celles:
* [C] [V] formulées à l'égard de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane, relatives tant à la nullité ou à la décharge de cautionnements qu'à l'allocation de dommages et intérêts ;
*de la SELARL Montravers [W], agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Catleia et représentée par son associé Me [J] [W], formulées à l'encontre de la CRCAMG en paiement de diverses sommes ;
- condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane à payer à Me [J] [W], es-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Catleia, une somme d'un montant de 680.993,28 euros ;
- déchargé [C] [V] du cautionnement qu'il a consenti pour le prêt bancaire n°0002l4683 88 du 05 décembre 2011 et
le crédit documentaire import du 28 octobre 2011 accordé par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane ;
- débouté [C] [V] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane ;
- condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane à payer, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :
*4.000 euros à Me [J] [W], ès-qualités de liquidateur de la SARL Catleia,
*2.000 euros à [C] [V] ;
- rejeté tout autre demande des parties, plus amples ou contraires ;
- laissé les dépens de l'instance à la charge de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane, en ce compris les frais de greffe.
Par déclaration reçue le 26 décembre 2022, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane a interjeté appel de cette décision à l'encontre de M. [C] [V], de la SELARL Montravers [W] ès qualités et de la SARL Catleia.
Aux termes de ses premières conclusions du 23 mars 2023, et dernières du 28 février 2024, l'appelante demande de :
- la recevoir en son appel ;
Y faisant droit ;
- infirmer le jugement du 21 décembre 2022 sur les chefs critiqués au sein de la déclaration d'appel ;
Statuant à nouveau, .
- juger prescrite la demande en paiement de Me [W] de la SELARL Montravers [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Catleia à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane,
- débouter M. [C] [V] de sa demande de décharge de ses engagements de caution personnelle solidaire et indivisible au titre du prêt bancaire n°00021468388 du 05 décembre 2011 et du crédit documentaire import du 28 octobre 2011;
Subsidiairement, si par extraordinaire la cour estimait devoir écarter l'exception de prescription,
- débouter Me [W] de la SELARL Montravers [W], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Catleia de sa demande en paiement de la somme de 680.993,28 euros à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane (CRCAMG) au titre de l'aggravation de l'insuffisance d'actif ;
En tout état de cause,
- débouter M. [C] [V] et Me [W] de la SELARL Montravers [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Catleia de l'ensemble de ses demandes à titre de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du CPC,
- condamner respectivement M. [C] [V] et Me [W] de la SELARL Montravers [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Catleia, au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'article 699 du CPC.
Par conclusions du 23 juin 2023, la SELARL Montravers [W] es qualités de liquidateur de la société Catleia demande de :
- débouter l'appelante de l'ensemble de ses moyens fins et conclusions,
- débouter l'appelante de son exception tirée de la prescription, comme non ou mal fondée,
- débouter l'appelante de ses demandes tendant à être relevée du payement de la somme de 680.993,28 Euros,
- la débouter encore de ses demandes tendant à être relevée du payement de la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC ;
En conséquence,
- confirmer le jugement du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France en date du 26 décembre 2022, en ce qu'il a, à bon droit,
*jugé recevables les demandes de la SELARL Montravers [W] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Catleia, représentée par son associé Me [J] [W], formulées à l'encontre de la CRCAMG, en paiement de diverses sommes,
*condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique et de la Guyane à payer à Me. [J] [W], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Catleia une somme de 680.993,28 Euros,
*condamné la Caisse régionale de crédit agricole Mutuel de la Martinique et de la Guyane à payer au titre des dispositions de l'article 700 du CPC, la somme de 4.000 euros à Me [W] ès-qualité de liquidateur de Catleia ;
Et au surplus,
- condamner la Caisse de crédit agricole mutuel au payement de la somme de 15.000,00 euros pour procédure abusive,
- condamner la Caisse de crédit agricole mutuel, au payement de la somme de 5.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC,
- condamner la Caisse de crédit agricole mutuel aux entiers dépens de la procédure.
Par ordonnance du 16 novembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré les conclusions du 13 juillet 2023 de M. [V] irrecevables.
La clôture de l'instruction est intervenue le 11 avril 2024.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 24 mai 2024 et la décision a été mise en délibéré au 30 juillet 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées et au jugement déféré.
MOTIFS :
1/ Sur la recevabilité de la demande de Me [W] es qualités de liquidateur de la société Catleia :
Le tribunal a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la banque après avoir relevé que :
- le rapport d'expertise comptable sur lequel le liquidateur fondait sa demande avait été communiqué le 16 avril 2015,
- les instances liant les parties avaient été introduites par enrôlement des assignations des 27 et 28 janvier 2020 et de l'assignation du 18 août 2018 ;
Il a considéré que le délai de prescription de 5 ans n'était pas échu au moment de l'acte introductif d'instance de janvier 2020, quand bien même le liquidateur n'avait formulé sa demande pour la première fois que dans ses conclusions du 21 septembre 2021.
L'appelante affirme que la demande n'ayant été présentée pour la première fois que le 21 septembre 2021, la prescription, dont le délai a commencé à courir le 16 avril 2015, était acquise.
Elle souligne que la première assignation, en date du 18 août 2018, n'a pas été délivrée à la requête du liquidateur de la société Catleia, qui avait seul qualité pour représenter celle-ci; que la seconde a été délivrée à la requête de M. [V] in personam à l'encontre de la CRCAMG et du liquidateur.
Le liquidateur réplique qu'ayant repris à son compte les demandes de M. [V], la prescription n'est pas acquise.
La cour retient qu'une assignation n'est une cause d'interruption de la prescription dont ne peut bénéficier que celui dont elle émane.
La société Catleia n'étant pas alors valablement représentée par son liquidateur, elle ne pouvait formuler aucune demande aux termes de l'assignation du 18 août 2018.
Aucune prétention au nom de la société n'a par ailleurs été mentionnée dans les assignations des 27 et 28 janvier 2020, le représentant de cette dernière étant lui-même assigné.
De fait, la première demande de la société valablement représentée par son liquidateur à l'encontre de la banque a été formulée dans ses conclusions du 21 septembre 2021.
Le point de départ du délai de prescription, soit le 16 avril 2015, date de dépôt du rapport d'expertise comptable fondant la prétention, n'étant pas discuté, il apparaît que la demande de Me [W] es qualités de liquidateur de la société Catleia est irrecevable comme prescrite.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
2/ Sur la décharge de M. [V] de son engagement de caution au titre du prêt bancaire du 05 décembre 2011 et du crédit documentaire import du 28 octobre 2021 :
Au visa de l'article L 650-1 du code de commerce, le tribunal a énoncé que l'octroi d'un concours par une banque dans le seul service de ses intérêts personnels en vue d'obtenir une garantie au lieu de contribuer au redressement de l'entreprise était constitutif d'une fraude.
Il a retenu, à la lecture du rapport de l'expert Cogeed, que sans l'autorisation d'un découvert de 50 000€ en janvier et février 2012, l'emprunt de 100 000€ consenti le 31 décembre 2011 et le prêt de trésorerie à trois mois, l'état de cessation des paiements de la société Catleia aurait été constaté plusieurs mois avant mars 2012 ; que la banque ne pouvait ignorer les difficultés financières que rencontrait la société au regard des incidents de paiement au titre desquels elle avait adressé à son client des informations préalables en novembre et décembre 2011, mars 2012, une injonction de ne plus émettre de chèques le 13 juillet 2012 et une information sur un réglement supérieur à la provision du compte bancaire le 26 juillet 2012 ; qu'elle ne pouvait, dans un tel contexte, expliquer les raisons ayant présidé à l'abaissement des plafonds documentaires non précédé des délais de prévenance et la substitution de la dimuinution des crédits documentaires par des concours bancaires plus onéreux.
Il a qualifié le soutien par la banque à la société Catleia d'abusif en ce qu'il avait contribué à maintenir à flot une situation pourtant irrémédiablement compromise et ainsi à l'ouverture de la procédure collective.
Il a encore retenu qu'un crédit excessif ne pouvait être justifié par la seule prise de garanties sauf à considérer que cette prise de garanties démontrait l'acceptation en connaissance de cause des risques par l'emprunteur ; qu'en cela, la banque avait commis au moins l'une des trois fautes visées par l'article L 650-1 précité.
Considérant que les concours bancaires étaient injustifiés dès le premier trimestre 2011, le tribunal a déchargé M. [V] du cautionnement consenti le 05 décembre 2011 pour un prêt à moyen terme et le 28 octobre 2011 pour un crédit documentaire import.
L'apelante fait valoir que le tribunal n'a pas identifié la faute susceptible d'engager sa responsabilité au visa de l'article L 650-1 du code de commerce, mais s'est contenté de souligner l'existence de concours bancaires considérés comme injustifiés.
Elle souligne que les résultats comptables des exercices 2010, 2011 et 2012, tels que fournis pas les bilans de l'expert comptable de la société Catleia, mentionnaient l'existence de capitaux propres de
1 017 638€ en 2011 et de 946 985€ en 2010; qu'elle ne pouvait donc être alertée à l'occasion du crédit documentaire consenti le 28 octobre 2011 ou de la demande de financement de 100 000€ au mois de décembre 2011.
La cour retient qu'en application de l'article L 650-1 du code de commerce, la responsabilité de la banque ne peut être engagée qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou encore d'obtention de garanties disproportionnées au concours.
La fraude s'entend, en matière civile ou commerciale, comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive.
Si le tribunal a, comme croit le comprendre la cour, jugé que les abaissements successifs des plafonds documentaires, sans respecter les délais de prévenance et auxquels étaient substitués des concours moins adaptés, ainsi que l'octroi d'un crédit dans le seul service de ses intérêts personnels au lieu de contribuer au redressement de l'entreprise étaient constitutifs d'une fraude, il apparaît queles crédits documentaires successivement accordés avaient une durée fixée dans les conventions et n'ont donc pas été abaissés 'sans respecter le délai de prévenance'.
Il s'en déduit que l'acceptation des prêts et l'offre de garanties de ces derniers, substituant progressivement les crédits documentaires, n'ont pas été consenties par suite de l'utilisation de moyens déloyaux.
En outre, il n'est pas démontré que l'octroi de crédits répondait aux intérêts personnels de la banque dès lors que celle-ci ne disposait, au moment où elle les a acordés, que des documents comptables de la société Catleia , faisant état de fonds propres de 946 985€ en 2010 et de 1017638€ en 2011, et non des comptes tels qu'ajustés par l'expert dans son rapport du 16 avril 2015, diminuant à - 85 085€ le montant des capitaux propres au 31/12/2010 et à 10 509€ ceux au 31/12/2011. L'intérêt personnel de la banque au détriment du redressement de l'entreprise, au regard des documents comptables sur lesquels elle a fondé sa décision d'octroi de crédits, n'est pas démontré.
L'immixtion caractérisée de la société appelante dans la gestion de la société Catleia n'est pas plus justifiée, ni même invoquée en première instance.
Enfin, l'appréciation du carcatère disproportionné des garanties obtenues suppose que soient comparés le montant des concours en cause et celui des garanties.
Le prêt à moyen terme du 05 décembre 2011, d'un montant de 100 000€ , a été garanti par le nantissement de fonds de commerce d'une part et la caution de M. [V] dans la limite de 130 000€ d'autre part. (Pièce n° 3 de l'appelante).
Le crédit documentaire import du 28 octobre 2011, d'un montant de 750 000€ , a été garanti par le nantissement des mêmes fonds de commerce et la caution solidaire de M. [V] dans la limite de 975 000€.
M. [V], sur lequel repose la charge de la preuve du carcatère disproportionné des garanties prises, n'a pas invoqué celui-ci en première instance, ni, à la lecture du jugement, apporté d'élément permettant de le retenir.
Le seul cumul de deux garanties : nantissement et caution, fût-ce pour un montant, concernant de ce dernier, supérieur au montant des concours accordés, ne suffit pas à rapporter la preuve d'un tel caractère disproportionné.
Il résulte de ce qui précède que le jugement doit également être infirmé en ce qu'il a déchargé M. [V] de deux engagements de caution.
3/ Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la CRCAMG aux dépens et à payer au titre des frais irrépétibles à Me [W], es qualités, la somme de 4 000€ et à M. [V], la somme de 2 000€, alors que ces derniers sont déboutés de leurs prétentions.
M. [C], qui est à l'origine de la procédure, supportera la charge des dépens de première instance comme d'appel.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal mixte de commerce de Fort de France du 21 décembre 2022 dont appel ;
Statuant à nouveau,
DÉCLARE Me [J] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Catleia irrecevable en sa demande de paiement de tout ou partie du passif de ladite société ;
DÉBOUTE M. [C] [V] de sa demande en nullité ou décharge de cautionnement ;
CONDAMNE M. [V] [C] aux dépens ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et y ajoutant,
CONDAMNE M. [V] [C] aux dépens d'appel.
Signé par Mme Nathalie Ramage, présidente de chambre et Mme Micheline Magloire, greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,