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30/07/2024 | FRANCE | N°23/00373

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 30 juillet 2024, 23/00373


ARRET N° 24/290



N° RG 23/00373



N°Portalis DBWA-V-B7H-CNA3



















M. [D] [S]



M. [H] [B]





C/





CREDIT ARTISANAL - CAISSE DE CREDIT MUTUEL















COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 30 JUILLET 2024





Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, en date du 17 juillet

2023, enregistré sous le n° 2022/0966 ;





APPELANTS :



Monsieur [D] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par Me Alexandre KONDO de la SELEURL AKI-CONSEIL, avocat au barreau de MARTINIQUE



Monsieur [H] [B]

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représenté par Me Alexandr...

ARRET N° 24/290

N° RG 23/00373

N°Portalis DBWA-V-B7H-CNA3

M. [D] [S]

M. [H] [B]

C/

CREDIT ARTISANAL - CAISSE DE CREDIT MUTUEL

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 30 JUILLET 2024

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, en date du 17 juillet 2023, enregistré sous le n° 2022/0966 ;

APPELANTS :

Monsieur [D] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Alexandre KONDO de la SELEURL AKI-CONSEIL, avocat au barreau de MARTINIQUE

Monsieur [H] [B]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Alexandre KONDO de la SELEURL AKI-CONSEIL, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

LE CREDIT ARTISANAL - CAISSE DE CREDIT MUTUEL

Prise en la personne de sosn Président

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean François MARCET, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 mai 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Nathalie RAMAGE, présidente de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, présidente de chambre

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, conseiller

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 30 juillet 2024 ;

ARRÊT : contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 15 mai 2017, le Crédit artisanal-crédit mutuel a accordé à la SARL Kelo un prêt de 40.000 € avec intérêts au taux de 2,85 %, avec le cautionnement solidaire de ses gérants : MM. [D] [S] et [H] [B], à concurrence de 48.000 €.

Par acte du 20 mars 2018, le même a accordé à la SARL Kelo un prêt de 70.000 € au même taux d'intérêts, avec le cautionnement solidaire des gérants précités à concurrence de 21.000 € chacun, sans solidarité entre eux.

Par jugement du 28 septembre 2021 a été ordonnée la liquidation judiciaire de la SARL Kelo.

Le Crédit artisanal-crédit mutuel a déclaré le 09 novembre 2021 sa créance à hauteur de 21.453,34 € au titre du prêt de 40.000 € et 43.872,57 € au titre du prêt de 70.000 €.

Par actes des 15 et 16 février 2022, la banque a assigné MM. [S] et [B] devant le tribunal mixte de commerce de Fort de France en vue d'obtenir, notamment, la condamnation de chacun d'eux à lui payer la somme de 21 000 € au titre du prêt de

70 000€.

Par jugement contradictoire du 17 juillet 2023, le tribunal a :

- constaté que M. [D] [S] et M. [H] [B] restaient redevables du paiement de sommes au titre des engagements de caution, proportionnels à leurs biens et revenus, qu'ils avaient régulièrement souscrits les 15 mai 2017 et 20 mars 2018, respectivement à titre de garantie des prêts contractés par la SARL Kelo, dont ils étaient cogérants et pour des montants respectifs de 40.000 euros et 70.000 euros,

- condamné solidairement les sus nommés à payer au Crédit artisanal-crédit mutuel la somme de 21.453,34 euros avec intérêts légaux à compter du 16 février 2022, à concurrence d'un montant maximum du 48.000 € au titre du solde du prêt du 40.000 € ;

- condamné M. [S] à payer à la banque la somme de 21.000,00 euros au titre du solde du prêt de 70 000€ ;

- condamné M. [B] à payer à la banque la somme de 21.000,00 euros au titre du solde du prêt de 70 000€ ;

- condamné solidairement MM. [S] et [B] à payer la somme de 1.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;

- laissé les dépens à la charge solidaire de MM. [S] et [B].

Par déclaration reçue le 08 septembre 2023, MM. [S] et [B] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs premières et dernières conclusions du 09 novembre 2023, les appelants demandent d'infirmer le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France le 17 juillet 2023 en ce qu'il a :

* constaté que M. [D] [S] et M. [H] [B] restaient redevables du paiement de sommes au titre des engagements de caution, proportionnels à leurs biens et revenus, qu'ils avaient régulièrement souscrits les 15 mai 2017 et 20 mars 2018, respectivement à titre de garantie des prêts contractés par la SARL Kelo, dont ils étaient cogérants, et pour des montants respectifs de 40.000 euros et 70.000 euros, et en conséquence,

* condamné solidairement M. [D] [S] et M. [H] [B] à payer à la SCC Le Crédit artisanal-caisse de crédit mutuel la somme de 21.453,34 euros, avec intérêts légaux à compter du 16 février 2022, date à laquelle les deux cautions étaient dûment assignées en paiement et jusqu'à parfait paiement, à concurrence d'un montant maximum de 48.000 €, au titre du solde du prêt de 40.000 € contracté par la SARL Kelo le 15 mai 2017 et au titre duquel chacun d'eux s'était porté caution solidaire le même jour ;

* condamné M. [D] [S] à payer à la SCC le Crédit artisanal-caisse de crédit mutuel la somme de 21.000,00 euros au titre du solde du prêt de 70.000 € contracté par la SARL Kelo le 20 mars 2018 et au titre duquel il s'était porté caution le même jour ;

* condamné M. [H] [B] à payer à la SCC le Crédit artisanal-caisse de crédit mutuel la somme de 21.000,00 euros au titre du solde du prêt de 70.000 € contracté par la SARL Kelo le 20 mars 2018 et au titre duquel il s'est porté caution le même jour ;

* condamné solidairement Messieurs [D] [S] et [H] [B] à payer à la Caisse de crédit mutuel- le crédit artisanal la somme de 1.000,00 euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles ;

* rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire ;

* dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit ;

*laissé les dépens de l'instance à la charge de MM. [D] [S] et [H] [B], en ce compris les frais de greffe fixés à un montant de 81,06 euros ;

Et statuant à nouveau, de :

- déclarer qu'à la date des 15 mai 2017 et 20 mars 2018 (date de signature des actes de cautionnement), MM. [D] [S] et [H] [B] se trouvaient dans l'impossibilité manifeste de faire face à un engagement de cautionnement de 48 000 € (en mai 2017) et 69.000 € (en mars 2018) chacun avec un revenu salarial net mensuel respectif de :

' 1.125 € (13.500 € / 12) en 2016 et 1.181,25 € (14.175 € / 12) en 2017 pour M. [D] [S], diminué de ses charges de vie courante ;

' et de 1.442,75 € (17.313 € / 12) en 2016 et 1.181,25 € (14.175 € / 12) en 2017 pour M. [H] [B], diminué de ses charges de vie courante ;

- déclarer que le Crédit artisanal-caisse de crédit mutuel n'établit pas que le patrimoine actuel de MM. [D] [S] et [H] [B] leur permet de faire face à leurs engagements de cautionnement ;

- déclarer que bien qu'ils ne soient pas tenus d'apporter cette preuve, MM. [D] [S] et [H] [B] démontrent que leur patrimoine actuel ne leur permet pas de faire face à leurs engagements de cautionnement ;

En conséquence,

- déclarer qu'en application des dispositions des articles L.332-1 et L.343-4 (anciennement L.341-4), dans leur version en vigueur du 01 juillet 2016 au 01 janvier 2022, du code de la consommation, il est impossible pour le Crédit artisanal-caisse de crédit mutuel, créancier professionnel, de se prévaloir des cautionnements de MM. [D] [S] et [H] [B], eu égard au non-respect du principe de proportionnalité ;

- débouter le Crédit artisanal-caisse de crédit mutuel de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions du 04 décembre 2023, l'intimé demande de :

- confirmer le jugement en date du 17 juillet 2023 du tribunal mixte de commerce de Fort de France qui :

' condamne M. [D] [S] à payer au concluant la somme de 21.000 €,

' condamne M. [H] [B] à payer au concluant la somme de 21.000 €,

' condamne solidairement M. [D] [S] et M. [H] [B] à payer au concluant :

*21.453,34 € avec intérêt légal à compter du 16 février 2022 à concurrence de 48.000 €,

*1.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*les entiers dépens

' dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

Y ajoutant,

- condamner M. [D] [S] et M. [H] [B] à payer au Crédit artisanal-caisse de crédit mutuel la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 21 mars 2024.

 

            L'affaire a été évoquée à l'audience du 24 mai 2024 et la décision a été mise en délibéré au 30 juillet 2024. 

            Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions susvisées et au jugement déféré.

MOTIFS :

 

1/ Sur le caractère disproportionné des engagements allégué par les appelants :

Le tribunal, après avoir rappelé que la disproportion manifeste supposait que la caution se trouvât, au moment de son engagement, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son engagement avec ses biens et revenus et que la caution supportait la charge de la preuve de la disproportion alléguée, a retenu qu'à l'examen des avis d'imposition des appelants des années 2015 à 2018 et au regard de la valeur des parts sociales détenues par eux dans la société débitrice, leurs engagements n'étaient pas disproportionnés à leurs biens et revenus.

Il en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de considérer une éventuelle disproportion au moment où ils avaient été appelés.

Il a condamné solidairement MM. [S] et [B] à payer :

- la somme de 21 453,34€ au titre du solde du prêt de 40 000€ à concurrence du montant maximum de 48 000€ et,

- chacun, la somme de 21 000€ au titre du solde du prêt de 70 000€.

Les appelants font grief au tribunal d'avoir pris en considération la valeur des parts sociales détenues dans la société débitrice alors que celle-ci était modique. Ils soulignent également que les comptes annuels des années 2017 et 2018 ont fait ressortir un résultat net comptable, respectivement, de 13 237 € et négatif de 200 211€.

Ils exposent que leurs engagements, de 69 000 € au total pour chacun d'eux, représentait 2 à 5 fois, ou 4 à 5 fois, leurs revenus fiscaux de référence ; que par ailleurs devaient être déduits les revenus de l'épouse de M. [S].

Ils soutiennent également que leur patrimoine respectif à ce jour ne leur permet pas plus de faire face à leurs engagements au regard de la valeur résiduelle des biens immobiliers qu'ils ont acquis et des engagements contractés postérieurement à ceux qui font l'objet du litige.

L'intimée affirme qu'au regard des revenus déclarés lors des engagements et du patrimoine des intéressés à ce jour, les cautionnements n'étaient pas disproportionnés.

La cour retient qu'en application des dispositions de l'article L 332-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La charge de la preuve du caractère disproportionné de son engagement repose sur la caution qui l'invoque.

En l'espèce, M. [S] a déclaré à l'occasion de son premier engagement (pièce n° 30 de l'intimée « renseignements sur les cautions ») des revenus mensuels de 3 118€ incluant ceux de son épouse et une épargne de 33 562,17€ (sans mention du nom de son épouse).

Ces revenus doivent, à la lecture des avis de situation déclarative de l'impôt sur le revenu 2018 (impôts sur les revenus de l'année 2017, pièce n° 15 des appelants) être fixés en réalité à la somme de (26 111€ : 12) = 2 175€.

Dès lors, après déduction de son épargne de 33 562€ et au regard de revenus mensuels de 2 175€, il apparaît que l'intéressé pouvait faire face à ses engagements dont le solde ne représentait qu'une année et cinq mois de ses revenus.

M. [B], qui avait déclaré des revenus mensuels de 1 250€, dont le montant est confirmé par sa déclaration de revenus de l'année 2017 (pièce n° 18), n'avait par ailleurs mentionné aucune épargne ou patrimoine.

Il apparaît donc que son engagement à hauteur de 69 000€ était effectivement disproportionné.

Toutefois, son patrimoine au moment où la banque l'a appelé était constitué d'un bien immobilier dont il précise le prix d'achat en 2020, soit 368 822,27€.

S'il a souscrit un emprunt immobilier pour acquérir ce bien, la cour relève que le prêt était de 265 000€ (pièce n° 32 des appelants), ce qui conduit à retenir que, nonobstant un remboursement du capital limité au mois de juin 2022, son patrimoine immobilier pouvait être évalué a minima à 100 000€ (368 000 ' 265 000), lui permettant de faire face à ses engagements, étant observé qu'il ne justifie pas d'une diminution conséquente de la valeur de son bien entre 2020, année de son achat, et 2022, année au cours de laquelle la banque l'a assigné, ni de l'existence d'un autre prêt grâce auquel il aurait pu faire un apport des 100 000€ sus évoqués, diminuant d'autant son patrimoine.

Par ailleurs, les engagements postérieurs pris par les cautions sont certes susceptibles d'impacter leurs revenus, mais il n'est pas démontré qu'ils avaient diminué leurs patrimoines au moment où la banque les a appelés.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a écarté le caractère disproportionné des engagements des cautions.

2/ Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné MM. [S] aux dépens et à payer au Crédit artisanal-Caisse de crédit mutuel la somme de 1 000€ au titre des frais irrépétibles.

Succombant en leur recours, les appelants supporteront la charge des dépens d'appel.

Il paraît en outre inéquitable de laisser à la charge de l'intimée l'intégralité des frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens.

Une somme de 2 000€ lui sera allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal mixte de commerce du 17 juillet 2023 en toutes ses dispositions dont appel ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE MM. [D] [S] et [H] [B] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE solidairement MM. [D] [S] et [H] [B] à payer au Crédit artisanal-Caisse de crédit mutuel la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme Nathalie Ramage, présidente de chambre et Mme Micheline Magloire, greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00373
Date de la décision : 30/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-30;23.00373 ?
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