RG N° 08/04348
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 10 FEVRIER 2010
Appel d'une décision (N° RG 07/00565)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE
en date du 25 septembre 2008
suivant déclaration d'appel du 14 Octobre 2008
APPELANTE :
La S.A.R.L. EQUITUM prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me David BALLY (avocat au barreau de PARIS)
INTIME :
Monsieur [B] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Comparant et assisté par Me Pierre DOITRAND (avocat au barreau de VIENNE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Astrid RAULY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Janvier 2010,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 Février 2010.
L'arrêt a été rendu le 10 Février 2010.
Notifié le :
Grosse délivrée le :
RG N° 084348 BV
Monsieur [E] a été embauché par la Société Equitum le 1er Février 1995 par le cabinet d'expertise comptable '[E] & Associés', dont le gérant et son demi-frère [G] [E]. Le cabinet a été racheté par Ernst & Young.
Monsieur [G] [E] a fondé son propre cabinet le 1er janvier 2003 et Monsieur [B] [E] y a été embauché. La Société a pris le nom d'Equitum.
Le 9 février 2007, une altercation physique a eu lieu entre les deux demi frères et Monsieur [B] [E] ne reparaîtra plus au cabinet.
Le 2 mars 2007, Monsieur [B] [E] a adressé à la Société un courrier prenant acte de la rupture.
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Par jugement du 25 septembre 2008, le conseil de prud'hommes de Grenoble a :
- dit que la prise d'acte entraînait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- condamné la Société Equitum à payer à Monsieur [B] [E] :
- 15.402,50 € à titre de préavis plus les congés payés afférents
- 4.217,00 € à titre de congés payés
- 2.053,67 € à titre d'indemnité de licenciement
- 32.000,00 € à titre de dommages-intérêts
- 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société Equitum a relevé appel, elle demande de débouter Monsieur [B] [E] et de le condamner à lui payer :
- 14.582,50 € à titre de préavis non effectué
- 50.000,00 € à titre de dommages-intérêts
- 6.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que :
- le différend entre les deux frères ne portait pas sur une cause professionnelle mais sur une cause familiale.
Une prise d'acte pour des faits étrangers à l'activité professionnelle n'est pas fondée.
Les faits ont eu lieu en dehors des heures de travail, sans témoin.
La Société Equitum dont le gérant est Monsieur [G] [E] n'a strictement rien à voir dans le différend familial [E].
- Monsieur [B] [E] était associé et a toujours été très bien traité (salaires ont augmenté de 46 % de 2002 à 2007). En sa qualité d'associé, Monsieur [G] [E] ne lui a procuré que des avantages, tant au plan financier qu'au plant des décisions prises dans la Société.
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Monsieur [B] [E] sollicite la confirmation, mais formant appel incident demande :
- 115.793,31 € à titre de dommages-intérêts pour rupture
- 8.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct.
- 10.000,00 € à titre du préjudice moral
- 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il expose que :
- il a été agressé violemment par son employeur le 9 février 2007 après avoir subi différentes pressions et une première agression en septembre 2006.
Un certificat médical a été établi en février 2007.
Monsieur [G] [E] a reconnu ces violences dans un courrier du 6 mars 2007, en réponse à son propre courrier du 13 février 2007
Quelles que soient les circonstances, l'employeur de Monsieur [B] [E] ne devait pas l'agresser physiquement
- les sommes perçues au titre de la cession des parts sociales sont hors débat (cession de juin 2007)
- il a eu les plus grandes difficultés à retrouver un emploi (18 mois). Il n'a pas perçu d'indemnité de chômage eu égard au mode de rupture.
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MOTIFS DE L'ARRET :
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission.
Il n'est pas discuté, en l'espèce que, le 9 février 2007, une altercation a eu lieu entre les deux demi frères. Monsieur [B] [E] dit avoir été frappé par son demi frère au visage, avoir été saisi par les cheveux et par le col. Monsieur [G] [E] dit, pour sa part, avoir donné une 'claque' à son demi frère.
Le certificat médical établi le 9 février 2007 par le docteur [L] mentionne un état de choc et légères traces au niveau du cou (strangulation). Il prévoit une I.T.T. de 3 jours et un arrêt de travail de 3 semaines.
Si la réalité de l'altercation dans les bureaux de la Société est admise par les deux parties, Monsieur [B] [E] qui a la charge de la preuve, n'établit à l'encontre de son demi frère aucun fait fautif susceptible de justifier la prise d'acte de la rupture.
L'intimé se borne à invoquer dans ses conclusions (page3) un différend relatif 'au planning commissariat aux comptes'. Aucun élément n'est produit à cet égard.
La circonstance que les faits se sont passés dans les locaux de la Société Equitum, en fin de matinée, ne peut permettre de les rattacher ipso facto à l'activité professionnelle. L'altercation n'a eu aucun témoin.
Contrairement à ce que soutient l'intimé, son demi frère n'a nullement, dans sa lettre du 6 mars 2007, reconnu que l'altercation avait pour origine un différend professionnel, et a encore moins reconnu que la Société Equitum, employeur de Monsieur [B] [E] , avait eu un comportement fautif justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.
La lettre de la Société Equitum, signée de monsieur [O] co-gérant et adressée également le 6 mars 2007, à Monsieur [B] [E], en réponse à son courrier de prise d'acte du 2 mars 2007, lui a indiqué qu'elle n'avait pas connaissance du différend qu'il pouvait avoir avec son demi frère et que ce différend ne pouvait être que d'ordre personnel et familial.
Monsieur [B] [E] ne caractérisant à l'encontre de la Société Equitum aucun fait fautif susceptible de justifier sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, celle-ci doit produire les effets d'une démission.
Monsieur [B] [E] doit en conséquence être débouté de toutes ses demandes.
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Monsieur [B] [E] n'a pas effectué le préavis de 3 mois prévu par la Convention Collective des experts comptables. Monsieur [B] [E] avait connaissance de cette Convention Collective. En effet, le 20 juillet 2006 il avait signé un document intitulé 'prise de connaissance des procédures internes et des dossiers de révision', document qui mentionnait notamment la Convention Collective.
Monsieur [B] [E] devait respecter le préavis.
Monsieur [B] [E] sera condamné à payer à la Société appelante 14.852,50 €.
La Société Equitum invoque l'existence d'un préjudice lié au brusque départ de Monsieur [B] [E] qui a désorganisé son activité.
Si le départ de Monsieur [B] [E] a été brutal, la Société Equitum n'établit pas la réalité de son préjudice financier.
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Aucune considération d'équité ne commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi;
Infirme le jugement.
Statuant à nouveau
Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [B] [E] produit les effets d'une démission.
Déboute Monsieur [B] [E] de toutes ses demandes.
Condamne Monsieur [B] [E] à payer à la Société Equitum 14.852,50 euros au titre du préavis non effectué.
Déboute les parties de toute autre demande.
Condamne Monsieur [B] [E] aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur VIGNY, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.