RG N° 10/00639
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 01 DECEMBRE 2010
Appel d'une décision (N° RG F09/00134)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU
en date du 02 février 2010
suivant déclaration d'appel du 09 Février 2010
APPELANT :
Monsieur [M] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparant et assisté par Me Françoise ROYANNEZ (avocat au barreau de LYON)
INTIMEE :
La S.A.R.L. C.C.T.V. prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Olivier MARTIN (avocat au barreau de LYON)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 03 Novembre 2010,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 01 Décembre 2010.
L'arrêt a été rendu le 01 Décembre 2010.
Notifié le :
Grosse délivrée le :
RG N° 10/630 BV
Monsieur [C] a été embauché le 2 juin 2003, en qualité de responsable commercial par la S.A.R.L. C.C.T.V. dont les détenteurs des parts sociales étaient les parents de l'intéressé qui avaient la majorité desdites parts. Monsieur [C] en possédait 17 %. Les parts sociales des parents de Monsieur [C] ont été cédées à Monsieur [I] en octobre 2007.
Le 1er septembre 2008, Monsieur [C] a signé un avenant à son contrat de travail : il devenait responsable achats logistique/assistant du gérant.
Monsieur [C] a été en arrêt-maladie du 29 septembre 2008 au 15 janvier 2009.
En février 2009, Monsieur [C] a cédé ses parts à Monsieur [I].
Le 27 avril 2009, Monsieur [C] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique.
Le Conseil de Prud'hommes de Bourgoin-Jallieu, par jugement du 2 février 2010 a débouté Monsieur [C] de toutes ses demandes liées au licenciement économique mais a condamné la S.A.R.L. C.C.T.V. à lui payer 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour 'défaut de formation'.
Monsieur [C] qui a relevé appel, demande de dire que la S.A.R.L. C.C.T.V. n'a pas exécuté son contrat de travail de bonne foi et demande de dire le licenciement infondé. Il sollicite :
- 37.063 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
- 37.063 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement infondé
- 18.531 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de formation.
3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il expose que :
- il a signé l'avenant sur la pression de Monsieur [I]. Il n'avait pas la compétence pour occuper ce poste (il a un B.T.S. Force de Vente). Son salaire n'a pas été augmenté.
Les tensions l'ont conduit à être placé en arrêt de travail. Le 2 octobre 2008, il a adressé à Monsieur [I], un courrier contestant l'avenant.
- la S.A.R.L. C.C.T.V. a justifié la modification de fonctions par ses propres maladresses. Elle devait observer l'article L 1332-1 et suivants afférents à la modification du contrat de travail
- son employeur n'a eu de cesse de critiquer son travail et à son retour d'arrêt-maladie, il s'est vu interdire l'entrée de l'entreprise plus de quelques minutes. Le 16 février 2008, il a réintégré l'entreprise et a été affecté à des tâches inutiles (recopier l'annuaire, ou de peinture des W.C.)
- sur le licenciement : l'avenant est nul, il ne peut être licencié du poste responsable achats.
Le motif économique n'est pas fondé.
Il n'y a pas eu de recherche de reclassement, par exemple à son poste de commercial
- sur le manquement à l'obligation de formation : il ne s'est vu proposer aucune formation lors du changement de poste (motivé selon la S.A.R.L. C.C.T.V. par ses insuffisances).
La S.A.R.L. C.C.T.V. demande de débouter Monsieur [C] de toutes ses réclamations et de condamner l'appelant à lui payer 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que :
- sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail : l'appelant ne prouve pas que son consentement ait été vicié lors de la signature de l'avenant. Celui-ci a donné lieu à un avantage pour Monsieur [C] : augmentation de la rémunération. Il ne constitue pas une sanction. Monsieur [C] a toujours assumé des responsabilités d'acheteur, l'avenant recentre ses activités.
Lors de son arrêt maladie, il lui a été demandé de restituer les clés de l'entreprise et la puce du téléphone portable, non de façon vexatoire, mais pour être utilisés par d'autres salariés
Il a été dispensé d'activité pendant 3 semaines en raison de l'absence d'activité de l'entreprise
Le recopiage d'annuaire : c'est faux
La peinture des sanitaires : c'est Monsieur [C] qui a pris cette initiative (en fait vestiaires) parcequ'il n'avait rien à faire
- sur les demandes liées au licenciement : la suppression de son poste est justifiée. Les tâches commerciales et d'achat ont été, après le licenciement, exercées par le gérant.
Les difficultés économiques étaient réelles : pertes, capitaux propres négatifs. Niveau d'endettement 454.395 € pour un chiffre d'affaires de 308.896 € au 30 septembre 2009. La masse salariale représentait 60 % du chiffre d'affaires.
Aucun reclassement n'était possible, eu égard à la petite taille de l'entreprise. Elle n'appartient à aucun groupe.
L'ordre des licenciements, a été respecté. Monsieur [C] était le seul salarié de sa catégorie.
Elle a rempli son obligation de formation.
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MOTIFS DE L'ARRET :
Sur l'exécution de bonne foi du contrat de travail :
Le contrat de travail conclu le 2 juin 2003 définissait les fonctions de Monsieur [C] ainsi 'responsable commercial... mission générale de promotion et de commercialisation de nos produits et fabrications auprès de tous clients susceptibles d'être intéressés... négocier les commandes tant sur le plan des exigences techniques que des conditions commerciales et économiques... rendre compte chaque semaine'.
Le 12 août 2008, une fiche de définition de poste a été établie, ce document a été approuvé par Monsieur [C]. Cette fiche définissait ses fonctions comme celles de responsable achat /assistant gérant et précisait les fonctions exercées.
Le nouveau contrat à durée indéterminée conclu le 1er septembre 2008 reprenait la définition des fonctions confiées à Monsieur [C] précisées dans la fiche de poste.
La modification des tâches confiées à Monsieur [C] ne repose pas sur un des motifs économiques énoncés à l'article L 1233-3 du code du travail. L'appelant n'invoque aucun des motifs mentionnées à cet article.
Il fait état de l'hostilité de Monsieur [I] à son égard et du fait que le contenu de son travail s'est amenuisé mais n'en apporte pas la preuve.
La modification des tâches confiées à Monsieur [C] ne s'inscrit pas dans le contexte d'une procédure disciplinaire.
L'employeur de Monsieur [C] lui a proposé une redéfinition de ses tâches mieux adaptée à ses compétences.
Monsieur [C] a accepté la modification de ses tâches en signant le nouveau contrat de travail.
La Société intimée établit qu'avant la conclusion du nouveau contrat de travail, Monsieur [C] avait exercé des responsabilités d'acheteur qui entraient dans le cadre des nouvelles fonctions.
Monsieur [C] ne prouve pas que son consentement ait été vicié par la S.A.R.L. C.C.T.V. lors de la signature du contrat de travail litigieux.
Le fait que Monsieur [I] ait écrit sur un devis établi par l'appelant le 2 juillet 2008, la mention 'c'est la dernière fois', ne peut être interprété, à défaut d'éléments probants, comme signifiant la fin des fonctions de Monsieur [C] en tant que responsable commercial.
Pour sa part, la S.A.R.L. C.C.T.V. explique cette mention par le fait que Monsieur [C] avait accordé des délais de paiements au-delà des durées pratiquées dans l'entreprise, et ce, alors même que le montant du devis portait sur une somme de 628 € hors taxe.
Monsieur [C] fait grief à la S.A.R.L. C.C.T.V. de lui avoir confié un poste imposant l'usage des logiciels bureautiques alors que son employeur lui avait précédemment reproché, dans le cadre de son poste, une difficulté à utiliser les outils bureautiques.
Ce grief n'est pas fondé. L'utilisation des outils informatiques est indispensable quelque soit le poste et Monsieur [C] ne démontre pas que son employeur a agi de mauvaise foi.
Monsieur [C] n'établit pas non plus que son employeur ait cherché, en lui confiant les nouvelles fonctions, à le déstabiliser.
Si Monsieur [I] lui donnait ses consignes de travail sur des feuilles de papier, Monsieur [C] ne précise pas en quoi cette façon de procéder, traditionnelle et ne mettant en oeuvre aucun outil informatique, pouvait caractériser la mauvaise foi de son employeur.
Monsieur [C] fait grief à son employeur, alors que son poste venait d'être modifié, de prendre des jours de congés payés, (3 semaines) au motif qu'il n'y avait pas de travail pour lui.
Ce reproche, nouveau en cause d'appel, n'est pas fondé. L'entreprise connaissait effectivement une baisse d'activité et Monsieur [C] avait lui-même sollicité une semaine de congés à cette époque.
De la même manière, il ne peut être reproché à l'employeur de Monsieur [C] de lui avoir demandé, pendant son arrêt maladie, de remettre les clés de l'entreprise et la puce du téléphone portable, objets qui étaient utiles à d'autres salariés.
Monsieur [C] n'établit pas qu'il lui ait été demandé de recopier des extraits d'annuaire. La seule pièce produite est une 'fiche de projet n° 09-01", de 3 pages, signée de Monsieur [I], document de nature professionnelle.
Monsieur [C] n'établit pas que le fait d'avoir été très légèrement blessé à la paupière, le 15 avril 2009, signifie qu'il a été affecté à des travaux dans l'atelier, et cela en contradiction avec son contrat de travail.
Monsieur [C] n'établit pas que le fait de peindre les vestiaires de l'entreprise lui ait été imposé.
L'attestation de Madame [U], salariée de la S.A.R.L. C.C.T.V. indique que Monsieur [C] lui a dit préférer faire ce travail plutôt que de rien avoir à faire.
Monsieur [C] n'ayant pas établi que la S.A.R.L. C.C.T.V. avait exécuté son contrat de travail de mauvaise foi, doit être débouté de sa demande à ce titre.
Sur le licenciement économique :
Le contrat de travail conclu le 1er septembre 2009 n'ayant pas fait l'objet d'une annulation, la demande principale faite sur ce fondement par Monsieur [C] ne peut qu'être rejetée.
En ce qui concerne le motif économique du licenciement de Monsieur [C], le compte de résultat clos au 31 mars 2009 s'établit à -94.350 € alors même que la Société devait supporter la charge de déficits antérieurs d'un montant de 129.916 €.
La Société ne disposait d'aucune trésorerie et ses capitaux étaient négatifs.
En outre, le chiffre d'affaires de la Société a chuté entre novembre 2008 et mars 2009 de 53%.
La lettre de licenciement mentionne de façon détaillée l'ensemble des difficultés économiques auxquelles la S.A.R.L. C.C.T.V. était confrontée et précise l'incidence des dites difficultés sur l'emploi de Monsieur [C].
Le licenciement est fondé.
La Société intimée a satisfait à son obligation de reclassement qui est une obligation de moyen. La S.A.R.L. C.C.T.V. comptait à l'époque 13 salariés et a supprimé 5 postes dont celui de Monsieur [C].
Aucun poste compatible avec les compétences professionnelles de Monsieur [C] n'était disponible, ainsi qu'en justifie la S.A.R.L. C.C.T.V. notamment en produisant le registre du personnel.
La S.A.R.L. C.C.T.V. n'appartient à aucun groupe, contrairement à ce que paraît soutenir l'appelant. La S.A.R.L. PFB holding propriétaire des parts de la S.A.R.L. C.C.T.V. n'avait pas de salarié.
Sur l'obligation de formation :
Monsieur [C] n'a bénéficié d'aucune formation au cours des années 2008 et 2009. Des actions de formation étaient de nature à permettre l'adaptation de Monsieur [C] à l'évolution de ses fonctions.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
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Aucune considération d'équité ne commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Déboute les parties de toute autre demande.
Condamne Monsieur [C] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur VIGNY, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président