RG N° 09/04845
N° Minute :
Notifié le :
Grosse délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU LUNDI 11 AVRIL 2011
Appel d'une décision (N° RG 08/01459)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 09 novembre 2009
suivant déclaration d'appel du 19 Novembre 2009
APPELANTS :
Monsieur [U] [R]
[Adresse 13]
[Localité 6]
Monsieur [M] [J]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 1] (BULGARIE)
Tous les deux représentés par Me Jean-Pierre LE GOFF (avocat au barreau de PARIS)
INTIMES :
Association FOOTBALL CLUB [Localité 5] DAUPHINE prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Maître [I] [E] ès-qualités de représentant des créanciers de l'Association Football Club [Localité 5] Dauphiné
[Adresse 3]
[Localité 5]
Maître [X] [Y] adminsitrateur ad hoc de l'Association Football Club [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Tous les trois non comparants ni représentés
Le CGEA D'[Localité 11] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 7]
l'AGS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 8]
Tous les deux représentés par Me Jean FOLCO (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,
Madame Astrid RAULY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 14 Mars 2011,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 11 Avril 2011.
L'arrêt a été rendu le 11 Avril 2011.
RG 0904845 DD
M. [U] [R] a été engagé par un contrat de travail pour 3 saisons du 1er juillet 1988 au 30 juin 1991 par l'association Football Club [Localité 5] Dauphiné (FCGD) en qualité de joueur professionnel.
M. [M] [J] a été engagé par un contrat de travail pour 2 saisons du 1er juillet 1988 au 30 juin 1990 en qualité de joueur professionnel.
Le redressement judiciaire du FCGD a été ouvert par jugement du tribunal de grande instance de Grenoble le 14/09/1989 puis la cession de l'ensemble des biens du FCGD a été ordonnée par jugement du 28 juin 1990.
La procédure collective a été clôturée par un jugement du 7 septembre 1998.
Dans le cadre de la procédure collective, les contrats de travail de M. [R] et de M. [J] ont été rompus par anticipation le 31 août 1989 pour M. [R] et le 15 septembre 1989 pour M. [J].
Le Conseil de Prud'hommes de Grenoble a été saisi le 24/10/2008 par MM. [R] et [J] qui ont demandé :
- M. [R] la somme de 38 111,80 euros au titre du solde de la créance salariale,
- M. [J] la somme de 48 658,22 euros au titre du solde de sa créance salariale,
- chacun 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud'hommes a rendu sa décision le 9 novembre 2009. Il a déclaré irrecevable car prescrites les demandes de MM. [R] et [J] et les a déclarées mal fondées en leurs demandes, les en déboutant.
La Cour est saisie par l'appel interjeté le 19/11/2009 par MM. [R] et [J].
Suite à l'arrêt avant dire droit en date du 20/09/2010, Me [Y] a été désigné en qualité d'administrateur ad hoc.
Demandes et moyens des parties
MM. [R] et [J], appelants, demandent à la cour de réformer le jugement entrepris, de juger que l'AGS CGEA d'[Localité 11] doit garantir leurs créances à hauteur du tableau 13 applicable au 2ème semestre 1989, de condamner l'AGS CGEA d'[Localité 11] à payer entre les mains de Me [Y], ès qualité de mandataire ad'hoc, les sommes suivantes :
- 38 111,80 euros pour le compte de M. [U] [R],
- 48 658,22 euros pour le compte de M. [M] [J],
D'ordonner à Me [Y], ès qualité de mandataire ad'hoc :
- de présenter à l'AGS CGEA d'[Localité 11] un relevé de créance complémentaire qui aura été établi et signé sur la base de la décision à intervenir par le greffier du tribunal de grande instance de Grenoble au nom de chacun des appelants,
- de recevoir du CHEA d'[Localité 11] les paiements correspondants,
- de reverse à chacun des appelants la somme lui revenant,
De condamner l'AGS CGEA d'[Localité 11] à payer 1000 euros à chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner l'AGS aux dépens.
MM. [R] et [J] exposent par conclusions régulièrement communiquées, déposées et développées oralement à l'audience que :
1) leurs soldes de créances respectives étaient les suivantes :
- M. [R] : 418 637 F sur laquelle il a perçu 168 640 F, soit un solde non pris en charge de 249 997 F, soit 38 111,80 euros non pris en charge,
- M. [J] : 487 817 F sur laquelle il a perçu 168 640 F, soit un solde non pris en charge de 319 177 F, soit 48 658,22 euros ;
2) le plafond 13 leur était applicable (contrats de travail antérieurs de plus de 6 mois à l'ouverture du redressement judiciaire),
2-2) lorsque l'AGS refuse sa garantie, elle le fait savoir au représentant des créanciers qui en informe le salarié qui peut alors agir contre l'AGS, ce droit d'agir ayant été confirmé par la Cour de cassation par un arrêt du 30 mai 1990,
2-3) l'action engagée ici porte sur le recouvrement d'une créance admise au passif d'une procédure collective et non sur le paiement d'un salaire,
2-4) la créance qui a fait l'objet d'une admission au passif de la procédure prend le caractère d'une créance fixée judiciairement et son recouvrement bénéficie de la prescription trentenaire qui s'applique à l'exécution des décisions de justice, le délai de prescription part de la date de clôture de la procédure collective, ici du 27 novembre 1998,
3) l'obligation de garantie de l'AGS nait au jour de l'admission au passif de la créance salariale et le déroulement de la procédure collective ne peut modifier l'étendue de l'obligation légale de l'AGS et la clôture de la procédure collective ne peut être opposée par l'AGS au salarié dont la créance a fait l'objet d'une admission au passif, et l'article 134 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 devenu L 143-11-7 du Code du travail devenu L 3253-15 du même code organise le paiement par l'AGS dans le cas où le représentant des créanciers a cessé ses fonctions,
3-2) le salarié auquel la prescription quinquennale n'est pas applicable et auquel la clôture de la procédure n'est pas opposable peut demander rétroactivement l'application du plafond 13.
Me [Y], ès qualité de mandataire ad'hoc de l'association Football Club [Localité 5] Dauphiné a écrit pour indiquer que n'ayant aucun fond pour se faire représenter, il s'en rapporte à justice.
L'AGS CGEA d'[Localité 11], intimée, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de déclarer irrecevables car prescrites les demandes, de les déclarer mal fondées et de débouter MM. [R] et [J] de leurs demandes, en tout état de cause, rappeler les limites de la garantie de l'AGS qui en l'espèce ne pourront excéder le plafond 4, seul applicable à l'époque.
L'AGS expose par conclusions régulièrement communiquées, déposées, et développées oralement à l'audience que :
1) il y a lieu, s'agissant de la prescription de distinguer deux hypothèses, l'action en paiement pour reconnaître la fixation de la créance et l'action en paiement de la créance ; si l'action en paiement pour reconnaître la fixation de la créance n'est pas soumise à la prescription quinquennale, mais dans les conditions de la publicité de la procédure collective, à celui de la forclusion de la loi de 1985, l'action en paiement de la créance elle se prescrit par 5 ans.
1-2) les créances de nature salariales des appelants ont été admises au passif de la procédure collective et le but de la procédure n'est donc pas de reconnaître une fixation de la créance mais bien d'en obtenir le paiement et il y lieu de faire application de l'article L 3245-1 du Code du travail,
1-3) les appelants ont engagé une action pour obtenir le paiement des salaires leur restant dus depuis août et septembre 1989,
2) l'admission des créances ne constitue pas une « véritable décision de justice », les décisions jurisprudentielles citées ne concernant que des relevés de créances soumis au juge commissaire de nature exclusivement commerciales et non salariales, lesquelles ne relèvent pas du même régime juridique mais n'a en matière salariale qu'une simple valeur administrative,
2-2) la prescription des créances salariales portées sur le relevé des créances doit être établie selon la prescription attachée à la créance elle-même, indépendamment de son inscription,
3) les demandes sont irrecevables faute d'action directe du salarié à l'encontre de l'AGS dès lors que la procédure est close et que le mandataire est dessaisie et que le relevé des créances constitue l'état des créances, fautes d'états de créances supplémentaires (et juger autrement reviendrait à priver l'AGS de son droit de récupération comme créancière subrogée des salariés des sommes avancées dans ce cadre,
3) le plafond doit s'apprécier en fonction du semestre de la date à laquelle la dernière créance est due sans qu'il puisse excéder la date à laquelle est arrêté le plan ou prononcée la liquidation judiciaire, en l'espèce le 2ème semestre 1989, soit le plafond 4 (ici rappels de salaires librement débattus supérieurs aux dispositions légales ou conventionnelles en vigueur).
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience sans modification ;
Attendu que suite a l'arrêt avant dire droit en date du 20 septembre 2010 Me [X] [Y] a été désigné ès qualité d'administrateur ad'hoc de l'association FCGD ;
Attendu qu'aucune forclusion n'est opposable au salarié qui saisit la juridiction prud'homale afin de contester un refus de l'AGS de régler tout ou partie d'une créance figurant sur un relevé de créances résultant d'un contrat de travail ;
Attendu que l'action des deux appelants n'est pas prescrite ;
Attendu par contre que la créance pour le paiement de laquelle ils agissent est prescrite ;
Que le délai de prescription est la conséquence de la nature de la créance en cause ; qu'en matière salariale, ce délai est de 5 ans ;
Attendu qu'en matière salariale le visa du juge commissaire sur le relevé des créances salariales établi par le mandataire judiciaire dans les conditions à l'époque prévues à l'article L 143-11-5 du Code du travail, aujourd'hui L 3253-19 du même code, ne confère pas à ce relevé le caractère d'un titre exécutoire ;
Attendu qu'il ne peut dès lors être prétendu, comme le font les appelants, que le régime de la prescription qui est applicable à leur demande en paiement n'est pas celui de la créance salariale, la prescription quinquennale, mais celui d'une décision de justice, à savoir la prescription trentenaire ;
Attendu qu'il apparaît en conséquence que la prescription quinquennale est acquise depuis plus de 5 ans et que les demandes de M. [R] et de M. [J] sont prescrites ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour après en avoir délibéré conformément à la loi, contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Déboute les appelants de la demande faite en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne M. [R] et M. [J] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président