R.G. No 09/443
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2EME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU MARDI 21 JUIN 2011
Copie exécutoire délivréele :àS.C.P. GRIMAUD
S.C.P. POUGNAND
Appel d'une décisionrendue par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions pénales du Tribunal de Grande Instance de VALENCEen date du 08 janvier 2009suivant déclaration d'appel du 22 Janvier 2009
APPELANT :
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME et D'AUTRES INFRACTIONS64, rue Defrance94682 VINCENNES CEDEX
représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Courassistée de Me SELORON, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me HUTT, avocat
INTIMES :
Madame Paulette X......26200 MONTELIMAR
représentée par la SCP POUGNAND Herve-Jean, avoués à la Cour
Madame Pauline A... agissant à titre personnel et ès-qualités de représentante légale de son fils mineur David B......26200 MONTELIMAR
représentée par la SCP POUGNAND Herve-Jean, avoués à la Cour
Monsieur Adrien A... agissant à titre personnel et ès-qualités de représentant légal de son fils mineur David B......26200 MONTELIMAR
représenté par la SCP POUGNAND Herve-Jean, avoués à la Cour
Monsieur Joseph A......26200 MONTELIMAR
représenté par la SCP POUGNAND Herve-Jean, avoués à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Anne-Marie DURAND, Président,Monsieur Jean-Michel ALLAIS, Conseiller,Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Monsieur SAMBITO, Greffier.
DEBATS :
A l'audience en Chambre du Conseil du 12 Avril 2011, M. ALLAIS, Conseiller a été entendu en son rapport.
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, et le Ministère Public a été entendue en ses conclusions écrites.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Le 3 juillet 2007 dans la soirée, les services de police de Montélimar sont avisés d'une rixe opposant plusieurs individus, au cours de laquelle un coup de feu a été tiré.
Monsieur Hubert A... est atteint par un projectile et décède des suites de ses blessures malgré les soins prodigués par le Samu.
L'auteur des coups de feu, monsieur Abducelli C... a été mis en examen le 5 juillet 2007.
Par arrêt du 18 septembre 2009, la cour d'assises de la Drôme l'a déclaré coupable de violences volontaires ayant donné la mort sans intention de la donner sur la personne de monsieur Hubert A....
Par arrêt du 24 septembre 2009, monsieur C... a été déclaré entièrement responsable du préjudice subi par la victime et l'a condamné à payer diverses indemnités aux ayant droits de celle ci.
Préalablement par requête du 25 septembre 2007, madame Paulette X..., concubine de monsieur Joseph A..., les consorts A... et les consorts D... ont saisi la Commission d'indemnisation des Victimes d'Infraction ( CIVI) du tribunal de grande instance de Valence à l'effet d'obtenir diverses indemnités en réparation de leur préjudice moral.
Par décision du 8 janvier 2009, la Commission d'indemnisation des Victimes d'Infraction ( CIVI ) du tribunal de grande instance de Valence a :
- constaté le désistement d'instance des consorts D..., de mesdames Sandra, Claudine et Rachell A..., de madame Nadia E... et de monsieur Sylvestre A...,
- fixé à la somme de 3.990,00 euros le préjudice de madame Paulette A... et à la somme de 30.000,00 euros son préjudice moral,
- fixé à la somme de 21.000,00 euros le préjudice moral de Pauline, Adrien et Joseph A..., les enfants de la victime,
- fixé à la somme de 6.000,00 euros le préjudice moral de David B..., le petit fils de la victime,
- dit que leur droit à indemnisation sera minoré d'un tiers en raison de la faute commise par la victime par application de l'article 706-3 du Code de Procédure Pénale,
- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Par déclaration du 22 janvier 2009, le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions ( FGVAT ) a interjeté appel de la décision.
Par conclusions récapitulatives du 17 juin 2010, il demande à la cour, au visa de l'article 706-3 du Code de Procédure Pénale, de :
- constater que la victime a, par son comportement fautif, concouru à la réalisation de son propre dommage, et que la gravité de cette faute est de nature à réduire de moitié son droit à indemnisation,
- réformer en conséquence la décision,
- fixer le préjudice des requérants de la façon suivante après application du coefficient de réduction,
- 1.995,00 euros et 10.000,00 euros pour madame X...,
- 7.500,00 euros pour chacun des enfants,
- 2.500,00 euros pour madame Pauline A... es qualités de représentant légale de son fils David B....
A l'appui de son appel il expose que les deux familles A... et C... se vouaient une hostilité vive et constante depuis plusieurs années, que le 18 juin 2007 monsieur Hubert A..., la victime et son fils monsieur Joseph A..., ont frappé madame H... l'épouse de monsieur C..., tandis qu'Adrien A... pointait sur elle le canon d'un fusil de chasse et que Pauline B... la menaçait également avec une arme.
Il précise que le 3 juillet 2007, une nouvelle altercation a eu lieu entre les deux familles, Adrien A... ayant tiré un coup de feu sur Angelo I..., le second fils de madame H... et Hubert A... l'ayant poursuivi jusqu'à son domicile.
Il rappelle que le jour des faits, le véhicule de monsieur C... et de madame H... qui raccompagnaient Angelo I... chez lui, a été intercepté par Hubert et Joseph A... qui étaient munis d'une batte de base-ball et d'une barre de fer, que selon l'enquête ils avaient : " l'attention d'arrêter les histoires une fois pour toutes " ; que cette lors de cette nouvelle agression que monsieur C... a tiré le coup de feu pour se défendre.
Il fait valoir que l'ensemble de ces faits démontrent à l'évidence que le comportement de la victime est bien à l'origine de son propre dommage, qu'il ne se trouvait pas sur les lieux d'une façon fortuite et que sa mort est directement liée à sa participation délibérée et consciente à un acte délictueux.
De leur côté, les consorts A... et madame X... ont formé un appel incident et demandent à la cour de :
- dire et juger que la victime n'a pas par son comportement fautif concouru à la réalisation de son dommage,
- dire en conséquence qu'il n'y a pas lieu à réduire le droit à indemnisation des intimés,
- réformer la décision entreprise et condamner le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions ( FGVAT ) à payer les sommes suivantes :
. 30.000,00 euros et 3.990,00 euros à madame Paulette X...,. 30.000,00 euros à monsieur Adrien A... et à monsieur Joseph A... . 25.000,00 euros à madame Pauline A...,. 8.000,00 euros à madame Pauline A..., es qualités de représentante de son fils mineur,
- condamner le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions ( FGVAT ) à leur payer la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ils font valoir que monsieur Hubert A... était déjà en fuite et désarmé quand on lui a tiré dessus, qu'il n'y a donc aucun lien de causalité entre le comportement d'Hubert A... et son décès.
Le ministère Public, à qui le dossier a été communiqué, s'en est rapporté à justice sur l'application de l'article 706-3 du Code de Procédure Pénale.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2011.
SUR QUOI, LA COUR :
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées ;
Attendu que l'auteur du coup mortel ayant été renvoyé devant la Cour d'Assises de la Drôme, il convient de faire application des dispositions de l'article 706-3 du Code de Procédure Pénale ;
Attendu que conformément à cet article, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne lorsque sont réunies les conditions suivantes :
- les atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, de l'article L 126-1 du Code des Assurances ni du chapitre 1er de la Loi du 5 juillet 19985,
- les faits ont entraîné la mort,
- la personne lésée est de nationalité Française,
Attendu que si le principe du doit à indemnisation est en l'espèce acquis il résulte des dispositions finales de l'article précité, que la réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ;
Attendu que la faute de la victime doit s'apprécier au regard du seul comportement de la victime par rapport à la survenue de son dommage sans qu'il soit nécessaire de prendre en considération le comportement même de l'auteur de ce dommage ;
Attendu qu'en l'espèce si effectivement monsieur A... s'est rendu avec son fils sur les lieux du drame afin d'y attendre Angelo I..., beau fils d'Abdulcelli Mercimek, pour lui donner une correction selon ses propres déclaration et qu'un échange de coups de bâtons à bien eu lieu entre la victime et Angélo I..., monsieur Hubert A... a été tué par arme à feu alors qu'il était en fuite et désarmé et qu'il ne représentait donc plus une menace réelle pour Abdulcelli Mercimek et son beau fils ;
Attendu que cependant, conscient de l'existence du différend important et violent entre les deux familles, monsieur Hubert A... s'est néanmoins rendu délibérément sur les lieux avec la volonté d'en découdre avec Angelo I..., ce qui a généré une tension supplémentaire et une provocation qui ont eu pour conséquence les coups de feux mortels dont il a été victime, que de ce fait il a nécessairement commis une faute au sens de l'article 706-3 code de procédure pénale de nature à réduire son droit à indemnisation dans la proportion d'un tiers retenue à juste titre par la Commission ;
Attendu que la Commission a fait une juste appréciation de l'évaluation des préjudices des ayants droits de la victime ;
Que cette décision sera en conséquence confirmée dans toutes ses dispositions.
Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité de ne pas faire application des dispositions relatives à l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR statuant en Chambre du Conseil, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme la décision dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor Public,
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par le Président Madame Anne Marie DURAND et par le Greffier Monsieur Salvatore SAMBITO, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT