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22/03/2012 | FRANCE | N°11/02231

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 22 mars 2012, 11/02231


RG N° 11/02231



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COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU JEUDI 22 MARS 2012



Appel d'une décision (N° RG 10/00211)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 17 mars 2011

suivant déclaration d'appel du 29 Avril 2011



APPELANTES :



Madame [Z] [G] divorcée [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]



FEDERATION DES SERVICES CFDT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ...

RG N° 11/02231

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 22 MARS 2012

Appel d'une décision (N° RG 10/00211)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE

en date du 17 mars 2011

suivant déclaration d'appel du 29 Avril 2011

APPELANTES :

Madame [Z] [G] divorcée [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

FEDERATION DES SERVICES CFDT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentés par Me Eladia DELGADO substituée par Me BOUZAIDA (avocats au barreau de LYON)

INTIMEE :

La SAS ZANNIER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Pierre COCHET (avocat au barreau de SAINT-ETIENNE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de président,

Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Février 2012,

Monsieur Bernard VIGNY, chargé du rapport, assisté de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 22 Mars 2012, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 22 Mars 2012.

RG 11/2231BV

Mme [Z] [G] a été embauchée le 16 octobre 1991 par la société MB Distribution en qualité de chef de groupe au sein d'un magasin de [Localité 3] sous l'enseigne « Tournevis » devenue plus tard «Z ».

Son contrat a été transféré le 1er juillet 2000 à la société groupe Zannier distribution (GZD).

Depuis 2000, la salariée était déléguée du personnel et membre du comité d'entreprise dont elle était la secrétaire.

En août 2001, la société GZD a demandé à Mme [G] de prendre ses fonctions au sein d'un autre magasin exploité à [Localité 3] sous l'enseigne «Tenerezza », lequel a été fermé le 4 février 2002.

En septembre 2002, l'employeur de Mme [G] a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier pour motif économique. L'inspecteur du travail a refusé par décision du 26 novembre 2002.

En octobre 2003, la société GZD a engagé une nouvelle procédure de licenciement économique à l'égard de Mme [G]. L'inspecteur du travail a de nouveau refusé ce licenciement, le 8 janvier 2004.

Sur recours de la société GZD, le ministre de l'emploi a annulé la décision de l'inspecteur du travail, le 11 juin 2004.

Par lettre en date du 22 juin 2004, Mme [G] a été licenciée pour motif économique.

Le tribunal administratif de Grenoble, sur recours de la salariée, a annulé la décision ministérielle par jugement du 21 mars 2008.

Le conseil des prud'hommes de Valence par jugement du 17 mars 2011 a :

- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamné la société Zannier à payer à Mme [G] :

15'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

22'303 € au titre de l'annulation de l'autorisation de licenciement

- débouté la fédération des services CFDT de ses demandes.

Appel de ce jugement a été relevé par Mme [G] et la fédération des services CFDT.

Mme [G], à titre principal demande de dire que son licenciement est nul car discriminatoire, et sollicite en conséquence 82'862 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de l'annulation de l'autorisation de licenciement.

À titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement.

En tout état de cause elle sollicite 30'000 € au titre du licenciement nul, ou à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse.

La fédération des services CFDT demande 5000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice porté aux intérêts collectifs de la profession.

Les appelantes sollicitent 3000 € chacunes en application de l'articles 700 du CPC

Mme [G] expose que :

- à titre principal, sur la nullité du licenciement : celui-ci est discriminatoire ; il est lié à son activité syndicale et à ses fonctions représentatives. Elle a été mutée dans un établissement dont la viabilité était fortement compromise et dont la fermeture était programmée avant sa mutation.

Son employeur voulait la mettre au « placard ».

- à titre subsidiaire : le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En effet son poste n'a pas été supprimé ; il lui a même été proposé dans le cadre des offres de reclassement.

Le motif économique n'est pas fondé car la lettre ne mentionne que la rentabilité du magasin.

Une note d'information transmise aux élus fait état d'une situation économique bonne au moment du licenciement.

L'obligation de reclassement n'a pas été respectée : les offres ne correspondaient pas aux postes précédemment occupés. Son poste n'a pas été supprimé

- sur l'indemnisation du fait de l'annulation de l'autorisation : elle doit percevoir une indemnisation pour la période comprise entre le 11 juin 2004 et le 21 mars 2008. Aucune déduction des revenus de remplacement perçus pendant cette période ne doit être opérée.

La fédération des services CFDT fait valoir que le comportement de la société intimée a porté atteinte aux intérêts collectifs de la profession.

La SAS Zannier venant aux droits de la société Groupe Zannier Distribution conclut à l'infirmation du jugement en ce qui concerne les demandes de Mme [G] relatives à la rupture du contrat de travail. Elle conclut à la confirmation de la décision en ce qui concerne le préjudice subi par Mme [G] du fait de l'annulation de l'autorisation de licenciement (22'303 € de dommages-intérêts), et en ce qui concerne le rejet des demandes de la fédération CFDT.

Elle fait valoir que :

- sur le motif économique du licenciement : ce motif est justifié par la fermeture du magasin dans lequel travaillait Mme [G] et par le rejet par celle-ci des propositions de reclassement.

La situation financière de la société est sans utilité dès lors qu'il y a eu suppression des postes de travail.

Il n'existe aucun lien entre le licenciement de Mme [G] et l'exercice de ses mandats.

- sur la demande liée à l'annulation de l'autorisation de licenciement : la demande de Mme [G] est fondée à hauteur de 22'303 € qui correspond au revenu de remplacement perçu par celle-ci. Mme [G] ne saurait recevoir 82'861 € qui constitue un véritable enrichissement sans cause.

Le licenciement de Mme [G] n'ayant pas été prononcé pour son activité syndicale, sa demande est infondée.

MOTIFS DE L'ARRÊT.

1. Sur le licenciement.

L'article L1132 -1 du code du travail dispose : « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte... notamment en matière de rémunération...de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation...en raison de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes.... ».

Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du chapitre II ( consacré au principe de non-discrimination ), est nul, en application de l'article L. 1132 -4 du code du travail.

En l'espèce, Mme [G] qui exerçait ses fonctions de chef de groupe au sein d'un magasin exploité à [Localité 3] sous l'enseigne « Tournevis » depuis son embauche, le 16 octobre 1991, a été mutée le 6 août 2001 dans un magasin à l'enseigne « Tenerezza ». Ce magasin a été fermé le 4 février 2002.

Antérieurement à cette mutation, Mme [G] avait refusé une proposition de mutation dans une boutique à l'enseigne « Z » à [Localité 3], formalisée par lettre du 29 mars 2001, en raison du fait que cette mutation entraînait une modification de sa rémunération.

Ainsi que cela résulte d'une « note d'information relative au projet de licenciement pour motif économique de Mme [G] - [I] » en date du 3 octobre 2003, remise au comité d'entreprise, le bail du local dans lequel devait s'exercer l'activité du magasin à l'enseigne « Tenerezza », a été dénoncé le 2 août 2001, soit 4 jours avant la mutation de Mme [G]. Cette dénonciation montre que l'employeur de Mme [G] savait, dès la mutation de la salariée, que l'activité de cette dernière dans ce local ne devait pas durer.

De plus, la mutation de Mme [G] a été décidée alors que la boutique était restée fermée plus de 5 mois, était mal équipée, et se trouvait située dans une rue peu passante.

La nouvelle enseigne « Tenerezza » n'avait été lancée que trois mois avant son arrivée dans la nouvelle boutique.

À cet égard la société intimée indique que les difficultés du magasin Tenerezza ne pouvaient être résolues par une réimplantation qui n'a pu être conduite à terme et que la fermeture s'imposait.

Les explications données par l'employeur de Mme [G] dans la lettre de licenciement ne correspondent pas aux données factuelles. La dénonciation du bail est présentée comme une conséquence du mauvais fonctionnement du magasin alors même qu'elle avait été effectuée avant la mutation de la salariée. La recherche alléguée par le Groupe Zannier Distribution dans la lettre de rupture, de nouveaux locaux pour y poursuivre l'activité de la boutique Tenerezza n'est pas justifiée.

Les éléments exposés ci-dessus établissent que l'employeur de Mme [G] a délibérément décidé de la muter dans un magasin dont il connaissait la fermeture prochaine, fermeture qui pourrait justifier son licenciement.

Cette mutation trouve son explication dans le souhait de la société GZD de mettre à l'écart une salariée en charge des mandats qu'elle exerçait : représentante des salariés et déléguée syndicale.

L'employeur de Mme [G] a, par la suite, à deux reprises saisi les services de l'inspection du travail de demandes visant à obtenir l'autorisation de la licencier pour motif économique. À deux reprises, le 26 novembre 2002 et le 8 janvier 2004, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation sollicitée.

Dans ses deux décisions, l'inspecteur du travail a retenu le lien entre les mandats de Mme [G] et la procédure de licenciement.

La décision du 11 juin 2004 par laquelle le ministre de l'emploi a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 8 janvier 2004, a été à son tour annulée par jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 21 mars 2008. Le juge administratif a sanctionné le fait que le ministre de l'emploi n'avait pas vérifié, comme il en avait l'obligation, que la demande de licenciement de la société GZD était sans lien avec les fonctions représentatives exercées par Mme [I] - [G].

La décision du tribunal administratif s'applique à l'ensemble de la décision du ministre de l'emploi.

Le licenciement de Mme [G] doit en conséquence être déclaré nul.

2. Sur l'indemnisation de Mme [G].

Mme [G] a été licenciée par courrier du 22 juin 2004, reçu le lendemain et l'autorisation de licenciement a été annulée par jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 mars 2008.

En conséquence, il est dû à Mme [G], en application de l'article L.2422 -4 du code du travail, le salaire qu'elle aurait dû percevoir durant cette période, soit la somme de 82'861,64 €, peu important qu'elle ait perçu ou non des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période, dès lors que le licenciement a été déclaré nul comme fondé sur ses activités représentatives.

La rupture du contrat de travail de Mme [G] a causé à cette dernière un préjudice qui doit être indemnisé par l'allocation de la somme de 20'000 €, eu égard à son ancienneté (12 ans) et à ses difficultés à retrouver un emploi.

3. Sur l'intervention de la fédération des services CFDT.

Les syndicats professionnels tirent de l'article L 1132 -3 du code du travail le droit d'exercer devant toutes les juridictions, tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

En l'espèce, le comportement de l'employeur de Mme [G] a eu pour effet de rompre le contrat de travail d'une salariée titulaire de mandats de représentant du personnel. Ce comportement, contraire à la loi porte atteinte aux intérêts collectifs de la profession que la fédération des services CFDT est chargée de défendre.

Le jugement qui a débouté la fédération des services CFDT de sa demande sera en conséquence infirmé. La société intimée sera condamnée à payer à la fédération des services CFDT la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi.

Sur l'application de l'article 700 du CPC.

L'équité commande la condamnation de la société intimée à payer à Mme [G] la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel, et à la fédération des services CFDT la somme de 1500 € sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant publiquement, par contradictoires, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la SAS Zannier aux dépens.

Statuant à nouveau.

Dit que le licenciement de Mme [G] est nul.

Condamne la SAS Zannier à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

- 82 861,64 € au titre des rémunérations pendant la période du 23 juin 2004 au 21 mars 2008,

- 20'000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de la rupture du contrat de travail,

- 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

Condamne la SAS Zannier à payer à la fédération des services CFDT les sommes suivantes :

- 3000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice causé à la profession que le syndicat représente,

- 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.

Condamne la SAS Zannier aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Signé par M. Vigny, président, et par Mlle Rochard, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/02231
Date de la décision : 22/03/2012

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°11/02231 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-22;11.02231 ?
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