RG N° 11/04404
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU MERCREDI 05 SEPTEMBRE 2012
Appel d'une décision (N° RG 10/00193)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR
en date du 06 septembre 2011
suivant déclaration d'appel du 28 Septembre 2011
APPELANT :
Monsieur [E] [E]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Comparant et assisté par M. [Y] [F] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMEE :
EDF ULM prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Nicolas CHAVRIER (avocat au barreau de LYON)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 26 Juin 2012,
Madame Hélène COMBES, chargée du rapport, et Monsieur Bernard VIGNY, assistés de Melle Sophie ROCHARD, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Notifié le :
Grosse délivrée le :
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 05 Septembre 2012, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 05 Septembre 2012.
RG 11/4404HC
EXPOSE DU LITIGE
Né le [Date naissance 3] 1953, [E] [E] a été embauché par EDF le 1er décembre 1980. Au dernier état de la relation contractuelle, il était contremaître chargé d'affaire et de préparation à l'Unité de service Mediterranée.
Le 11 juillet 2007, EDF l'a informé de sa mise en inactivité d'office à compter du 1er novembre 2008.
Le 16 juillet 2010, il a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar pour contester cette mesure et réclamer un complément d'indemnités de chômage ainsi que 90.548 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 6 septembre 2011, le conseil de prud'hommes de Montélimar a dit que la mise en inactivité d'office de [E] [E] est fondée et l'a débouté de toutes ses demandes.
[E] [E] qui a relevé appel le 28 septembre 2011, demande à la cour de juger que sa mise en activité d'office constitue un licenciement nul et subsidiairement un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il réclame dans les deux cas104.288 euros à titre de dommages-intérêts et 250 euros au titre des frais irrépétibles.
Sur la nullité du licenciement, il rappelle qu'en vertu du décret 54/50 du 16 janvier 1954, abrogé en 2008, EDF pouvait mettre à la retraite d'office les agents âges de 55 ans, ayant 25 ans de service et 15 ans dans les services actifs.
Il fait valoir qu'à compter du 28 novembre 2007, sous la pression de négociations, les employeurs se sont engagés à ne plus mettre à la retraite d'office les agents âgés de 55 ans ;
que c'est en raison de cette situation que par fax du 30 mai 2008, il a exprimé son souhait de poursuivre son activité professionnelle et que par courrier du 21 juillet 2008l la direction des ressources humaines l'a informé qu'il avait une semaine pour se prononcer sur sa demande, sans lui préciser toutefois les conditions de cette poursuite.
Il invoque un conflit de normes entre le décret 54/50 du 16 janvier 1954 et l'article L 1132-1 du code du travail qui est la transcription de la directive européenne du 27 novembre 2000.
Il soutient que ce conflit est réglé par la Cour de cassation qui impose au juge du fond de vérifier en cas de litige que la limite d'âge retenue est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que la cessation d'activité constitue un moyen approprié et nécessaire pour réaliser cet objectif.
Il relève qu'en l'espèce EDF ne démontre pas que la différence de traitement des personnels des industries électriques et gazières était justifiée par un objectif légitime et invoque une mesure discriminatoire en raison de son âge.
Subsidiairement sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse, il fait valoir que lorsqu'il a été mis en inactivité, les employeurs avaient pris l'engagement de mettre un terme à cette mesure et qu'au moment de son départ le 1er novembre 2008, le décret 54-50 était abrogé depuis le 20 octobre 2008.
Sur son préjudice, il fait valoir qu'il aurait pu travailler cinq ans de plus jusqu'au 31 octobre 2013
EDF ULM conclut à la confirmation du jugement.
Elle rappelle qu'à la date du 1er novembre 2008 [E] [E] remplissait les conditions posées par le décret du 16 janvier 1954 et la circulaire Pers70 pour une mise en inactivité.
Elle expose qu'une recommandation patronale du 28 novembre 2007 autorisait toutefois les salariés dont la pension n'était pas encore liquidée, à demander de prolonger leur activité au delà de l'âge d'ouverture du droit à la retraite ;
qu'interrogé le 16 janvier 2008, [E] [E] a sollicité à plusieurs reprises un délai de réflexion, puis a confirmé à son chef de service le 31 juillet 2008 qu'il ne souhaitait pas prolonger son activité ;
que contre toute attente, après avoir liquidé ses droits, il a saisi le conseil de prud'hommes.
Elle invoque à titre principal la licéité de la mise en inactivité d'office et fait valoir sur ce point :
- que le conditions de la mise en inactivité des agents sont exclusivement celles qui sont prévues par le statut qui n'a jamais été remise en cause et qu'elles sont exclusives des dispositions du code du travail,
- qu'il ne peut être considéré que le dispositif statutaire de mise à la retraite d'office est constitutif d'une discrimination fondée sur l'âge dès lors que plusieurs conditions toutes licites sont exigées,
- que la Cour de cassation a dans un avis du 31 janvier 2011, validé le décret 54-50 après la transformation d'EDF en SA
- que saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions L 1237-5 du code du travail conforme à la constitution,
Elle en conclut qu'aucun élément nouveau ne vient justifier, 10 ans après l'entrée en vigueur de la directive, qu'il soit jugé que le décret 54-50 constitue une discrimination.
Elle soutient encore que la mise à la retraite de [E] [E] repose sur un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Sur la demande de requalification de la mise en inactivité en licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle réplique que [E] [E] a été informé de sa mise à la retraite par décision du 11 juillet 2007, antérieure de 4 mois à la recommandation patronale qui élargit les possibilités pour le salarié de prolonger sa période d'activité, ce que [E] [E] n'a pas souhaité.
Sur le moyen tiré de l'abrogation le 20 octobre 2008 du décembre 54-50, elle rappelle que ce sont les dispositions légales en vigueur à la date de notification de la mise à la retraite qui fixent les conditions.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
1 - Sur la nullité du licenciement
Attendu que le décret 54-50 du 16 janvier 1954 a créé dans son article 2 la possibilité pour les employeurs de prononcer l'admission à la retraite d'office des agents remplissant plusieurs conditions cumulatives d'âge et de durée de service ;
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 1er novembre 2008, [E] [E] remplissait les conditions d'âge (55 ans) et de durée de service (plus de 25 ans dont 15 ans de service actif) pour une mise en inactivité d'office par l'employeur ;
Attendu qu'au soutien de sa demande de nullité, [E] [E] invoque un dispositif fondé sur une discrimination liée à l'âge ;
Attendu que le statut du personnel issu du décret du 22 juin 1946 et du décret du 16 janvier 1954 n'a jamais été remis en cause, les dispositions réglementaires qui autorisent à certaines conditions la mise à la retraite d'un salarié, ne constituant pas par elles-mêmes une discrimination interdite par l'article L 1132-1 du code du travail ;
Attendu d'une part que la mesure critiquée n'est pas exclusivement fondée sur l'âge du salarié mais également sur la durée de service, l'ancienneté et l'appartenance aux services actifs ;
Attendu qu'elle répond d'autre part à l'objectif légitime de tenir compte des conditions de travail pour assurer la protection des salariés exposés à des travaux pénibles ;
Attendu que [E] [E] qui pu être exposé à des produits dangereux, percevait l'indemnité pour travaux pénibles ;
Attendu qu'enfin les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires dès lors que [E] [E] allait percevoir une pension de retraite de 75 % de son salaire, ce qu'a indiqué EDF ULM sans être démentie ;
que l'argumentation de [E] [E] sur la nullité du licenciement sera rejetée ;
2 - Sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
Attendu que par courrier du 11 juillet 2007, EDF a informé [E] [E] qu'au 1er novembre 2008, il remplirait les conditions d'âge et d'ancienneté pour bénéficier d'une prestation pension à jouissance immédiate et que sa mise en inactivité serait prononcée d'office à cette date, avec un préavis de 3 mois à compter du 1er août 2008 ;
Attendu qu'en application de la recommandation patronale du 28 novembre 2007, EDF ULM a par courrier du 16 janvier 2008, offert à [E] [E] la possibilité de poursuivre son activité et lui a demandé, si tel était son souhait, d'en informer le directeur de l'unité dans le délai d'une semaine ;
Attendu que par courrier du 25 janvier 2008, [E] [E] a sollicité un délai supplémentaire pour prendre sa décision, demande renouvelée le 30 mai 2008 ;
que sans réponse de sa part, la direction des ressources humaines d'EDF lui a adressé une dernière demande le 21 juillet 2008, à laquelle il n'a pas répondu ;
qu'il indique dans ses conclusions qu'il a informé son chef de service le 31 juillet 2008 qu'il se considérait en préavis à partir du 1er août 2008 ;
Attendu qu'il ressort de cette chronologie que [E] [E] n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance de la recommandation patronale du 28 novembre 2007 ;
que c'est précisément en vertu de cette recommandation qui préconisait une application systématique de l'article 3 du décret 54-50 du 16 janvier 1954 en cas de demande du salarié, qu'EDF ULM lui a offert la possibilité de poursuivre son activité ;
Attendu que [E] [E] ne justifie par aucune pièce des pressions qu'il dit avoir subies afin qu'il ne demande pas à prolonger son activité professionnelle ;
Attendu que c'est à tort qu'il soutient que sa mise en inactivité est intervenue en violation de la recommandation patronale du 28 novembre 2007 ;
Attendu qu'enfin le moyen tiré de l'abrogation depuis le 20 octobre 2008 du décembre 54-50 lors du départ à la retraite n'est pas pertinent dès lors qu'il résulte d'une jurisprudence constante que si c'est à la date d'expiration du contrat de travail qu'il convient d'apprécier si les conditions du départ sont réunies, ce sont les dispositions en vigueur à la date de la notification (soit en l'espèce le 11 juillet 2007) qui fixent ces conditions ;
Attendu que le jugement du 6 septembre 2011 sera confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 septembre 2011 par le conseil de prud'hommes de Montélimar.
- Condamne [E] [E] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame COMBES, président, et par Madame Hamon, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT