ARRÊT N° .
N° RG 21/00748 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIHYV
AFFAIRE :
[F] [X]
C/
S.A.S. FARGES
PLP/MLM
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
G à Me Pagès et Me Desport le 15/6/22
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
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ARRÊT DU 15 JUIN 2022
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Le quinze Juin deux mille vingt deux, la Chambre économique et Sociale de la Cour d'Appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
[F] [X], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Patrick PAGES de la SCP DIGNAC - BEAUDRY PAGES - PAGES, avocat au barreau de BRIVE
APPELANT d'un jugement rendu le 27 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TULLE
ET :
S.A.S. FARGES, dont le siège social est [Adresse 3]
représentée par Me Vincent DESPORT, avocat au barreau de BRIVE
INTIMEE
---==oO§Oo==---
L'affaire a été fixée à l'audience du 02 Mai 2022, après ordonnance de clôture rendue le 13 avril 2022, la Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, assistés de Monsieur Claude FERLIN, Greffier, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 15 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
LA COUR
EXPOSE DU LITIGE :
M. [X] a été engagé par la société FARGES en qualité de responsable de site Cogénération-Granulation, à compter du 2 novembre 2017, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Par un courrier du 24 septembre 2019, il a été convoqué à un entretien préalable prévu le 30 septembre suivant, avec dispense de se présenter sur son lieu de travail jusqu'à la prise de décision.
Le salarié s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle par un courrier du 7 octobre 2019.
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Contestant son licenciement, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Tulle par une demande reçue le 18 juin 2020.
Par jugement de départage du 27 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Tulle a :
- dit le licenciement de M. [X] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- débouté M. [X] de ses demandes de paiement d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts ;
- débouté M. [X] de sa demande de paiement de prime sur objectif ;
- débouté la société FARGES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [X] au paiement des dépens ;
- rejeté le surplus des demandes.
M. [X] a interjeté appel de la décision le 24 août 2021. Son recours porte sur l'ensemble des chefs de jugement.
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Aux termes de ses écritures du 29 mars 2022, M. [X] demande à la cour de :
- réformer la décision attaquée ;
- dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- condamner, en conséquence, la société FARGES au paiement des sommes suivantes :
* 405,07 € d'indemnité de licenciement ;
* 13 206 € d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
* 10 000 € de dommages-intérêts en raison du caractère vexatoire du licenciement ;
- enjoindre à la société FARGES, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de communiquer :
* d'une part, les objectifs et les critères de détermination qui ont présidé à l'allocation de la prime versée au titre de l'année 2018 ;
* d'autre part, les objectifs et les critères de détermination afférents à l'année 2019 ;
- subsidiairement, de la condamner au paiement de la somme de 10 000 € au titre de la prime sur objectifs 2019 ;
- condamner la société FARGES au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
M. [X] soutient que son licenciement pour insuffisance professionnelle est injustifié. A titre liminaire, il précise ne jamais avoir eu connaissance de la fiche de poste dont la société FARGES tente de se prévaloir pour évoquer une insuffisance. Il relève par ailleurs que cette prétendue insuffisance est parfaitement incohérente au regard à la fois de son cursus professionnel, de la durée d'emploi au sein de la société FARGES, de son implication, mais aussi des résultats obtenus, la prime sur objectifs afférente à l'année 2018 lui ayant été versée. Il fait valoir que l'insuffisance professionnelle doit s'analyser au regard d'éléments objectifs relevant de faits précis, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Il soutient être fondé à obtenir le paiement de la prime sur objectifs 2019, l'absence de fixation d'objectifs ne pouvant lui être imputée par l'employeur.
Aux termes de ses écritures du 10 février 2022, la société FARGES demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel ;
Sur le licenciement prononcé, de :
- constater qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse ;
- en conséquence, débouter M. [X] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement, ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire ;
Sur la prime d'objectifs 2019, de :
- dire que cette demande est injustifiée, M. [X] n'ayant jamais atteint les objectifs ouvrant le bénéfice de cette prime ;
- le débouter, en conséquence, de sa demande de 10 000 € au titre de cette prime ;
- condamner M. [X] à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance y compris de première instance.
La société FARGES soutient que le licenciement de M. [X] est parfaitement fondé au regard des lacunes de ce dernier et ce, malgré les divers outils de travail mis à sa disposition, ainsi que les différentes formations, comme le démontre notamment son entretien d'évaluation du 19 juin 2019. En ce sens, elle précise qu'au regard de l'importance du poste occupé, de la mauvaise gestion du travail, des difficultés dans l'exercice de ses fonctions, de retards dans l'exécution des tâches et de la multiplication des erreurs, seule la rupture était envisageable. Elle précise que les manquements étaient particulièrement graves compte tenu des diplômes et du parcours professionnel de M. [X].
Elle affirme également que rien ne justifie la demande de rappel de salaire au titre de la prime sur objectifs, en ce que ceux-ci n'ont pas été remplis.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13/04/2022. La société FARGES a déposé, le même jour, de nouvelles pièces et conclusions. M. [X] y a répondu dans ses conclusions n° 4 et a sollicité le 'rabat' de l'ordonnance de clôture afin de que ses dernières conclusions soient jugées recevables.
Afin de ne pas retarder le règlement de la justice et de respecter le principe du contradictoire, une bonne administration de la Justice commande de faire droit à cette demande à laquelle ne s'est pas opposée la société FARGES compte tenu de la tardiveté de ses propres dernières conclusions.
Il y a donc lieu de révoquer l'ordonnance de clôture du 13 avril 2022 et de prononcer la clôture de mise en état de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 2 mai 2022.
2. Sur le licenciement :
Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse (L1232-1 code du travail). Cette cause n'est pas définie par la loi mais, selon la jurisprudence, elle doit reposer sur des faits réels, être précise et vérifiable et présenter une certaine gravité.
L'insuffisance professionnelle est susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les motifs contenus dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du débat quant à l'appréciation de sa validité, sont les suivants :
- Absence de réalisation des missions confiées ou exécution de manière insatisfaisante :
-Absence de respect des dispositions légales applicables dans le cadre de la gestion des plannings.
- modification de certains pointages
- non-respect des directives et recommandations données
- non-respect de la politique et des valeurs de l'entreprise
- comportement portant atteinte à la santé financière, à la réputation et au sérieux de l'entreprise
- persistance d'un comportement insatisfaisant malgré de nombreuses mises en garde et aide
- comportement créant un trouble dans le bon fonctionnement de l'entreprise en raison notamment de la nature et de l'importance des fonctions occupées
Ces affirmations sont étayées d'exemples.
A compter du 2 Novembre 2017, M. [F] [X] a occupé les fonctions de responsable de site Cogénération ' Granulation, catégorie Cadre - Echelon C2 ' Coefficient 360, dans le cadre de l'établissement situé à [Localité 2], au salaire mensuel forfaitaire fixé à 5 770 € bruts mensuels pour 161 heures de travail effectif dont 9,33 heures supplémentaires majorées à 25%.
Le site dirigé par Mr [X] a pour activité la fabrication et le conditionnement de granulés de bois.
Ces granulés sont fabriqués à partir des résidus de la scierie Farges (parallèlement exploitée par l'entreprise) et d'approvisionnements extérieurs (scieries, propriétaires, exploitants forestiers'), dénommés « tritus », broyés et ensachés.
Le site a également pour activité la génération d'énergie thermique et électrique au moyen d'une cogénération, en brûlant les écorces des grumes de la scierie et de la « tritu ». Il regroupe 4 ateliers dirigés par un responsable de production.
M. [X], employé en qualité de responsable de site Génération'Granulation, supervisait, sous la hiérarchie du directeur du site (Monsieur [S]), ces 4 ateliers.
2.1 Sur le contrat de travail :
Le contrat de travail de M. [X] précise qu'il exerce ses fonctions :
'- compte tenu des directives générales ou particulières qui vous seront données par M. [E], président' et que l'ensemble de ses attributions 'par nature évolutives, feront l'objet d'une description de poste extra-contractuelle relevant du pouvoir réglementaire du chef d'entreprise. Vous vous engagez à exercer vos fonctions dans les conditions définies dans cette description de poste'.
Or M. [X] affirme n'avoir jamais reçu de fiche de poste, ce qui ne peut pas être efficacement contredit par la société FARGES, qui produit une fiche de poste non datée ni signée et ne verse aux débats aucun écrit se référant à sa notification ou communication. Bien mieux lors de l'entretien d'évaluation du 19 juin 2019 M. [X] a indiqué qu'il n'avait pas de fiche de poste, sans que cela ne suscite d'observation contraire de la part de son employeur. Il ne peut être efficacement soutenu qu'il s'agit d'une absence d'actualisation de la fiche de poste alors qu'il n'est pas démontré que la fiche de poste initiale existe et a été portée à la connaissance de M. [X].
La fiche de poste en question est donc dépourvue de toute valeur contractuelle et n'est pas opposable à M. [X]. Il ne peut y être fait référence pour apprécier l'insuffisance professionnelle alléguée de M. [X].
2.2 Sur le non-respect des obligations professionnelles :
Il est reproché à M. [X] d'avoir fait travailler M. [L] 7 jours 'consécutifs' du 15 au 21 septembre sans lui accorder de repos hebdomadaire.
Si M. [X], en sa qualité de responsable de site, devait veiller au respect des dispositions légales et des règles de sécurité sur le site, il existait un responsable de production en charge de l'organisation et de la planification du temps de travail au sein de l'atelier concerné. C'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté ce grief au motif que ce n'était pas M. [X] qui établissait les plannings et que la procédure de licenciement avait été engagée avant que ledit planning fût porté à sa connaissance de sorte qu'il n'avait pas été mis en mesure d'exercer ses prérogatives en réagissant à cette erreur ponctuelle.
Il est également reproché à M. [X] d'avoir modifié les feuilles de pointage de M. [D] mais sans produire le moindre élément, écrit ou témoignage, susceptible d'établir ce fait dont l'existence n'est donc pas établie. Par ailleurs il n'est pas démontré qu'une difficulté de cette nature avait été portée à sa connaissance.
2.3 Sur le non-respect des directives :
2.3.1 Sur l'attribution des primes :
Il est reproché à M. [X] d'avoir régulièrement été rappelé à l'ordre pour le retard dans la transmission des documents afférents aux primes ayant engendré un report de versement des primes aux salariés.
En réalité c'est à la demande de la Direction que M. [X] a élaboré un système incitatif de décompte des primes, en lieu et place d'une prime forfaitaire uniforme, à compter du mois de mars 2019.
Si les échanges de courriels versées aux débats démontrent que M. [X] a rencontré des difficultés afin de respecter les délais qui lui étaient impartis pour récolter les éléments de décompte desdites primes, cette situation n'a concerné que les mois de juillet et août 2019. Il faut noter que M. [S] avait informé M. [X], par e-mail du 30/07/2019, que le fichier des primes devait lui être communiqué avant le 31 du mois, précisant qu'elles ne seraient pas payées sans sa validation. La prime afférente au mois de juillet 2019 a été régulièrement versée aux salariés et si celle du mois d'août a dû être reportée au mois suivant, M. [X] avait communiqué au service social, le 27/08/2019, les critères afférents au calcul de celle du mois d'août et c'est son retard d'une journée qui a entraîné le report d'un mois du paiement de cette seule prime.
Il ne s'agit donc pas du non-respect de la part de M. [X] des directives de son employeur mais de difficultés à mettre en oeuvre une nouvelle procédure de calcul des primes, plus complexe et plus longue que la précédente.
2.3.2 Sur le contrôle du poids des sacs de granulés :
La société FARGES reproche à M. [X] un manque de contrôle des poids des sacs de granulés avec pour conséquence une absence de saisie dans le fichier permettant de justifier la qualité de la fabrication. Elle affirme que les tableaux relatifs à ces informations sont restés vierges de toute indication tout au long de la relation de travail.
M. [X] ne conteste pas qu'il était de sa responsabilité de veiller à ce que le tableau soit tenu à jour pour contrôler et veiller à l'optimisation de l'activité et qu'il était en charge de piloter l'amélioration continue de son atelier.
Toutefois il explique qu'il avait eu l'initiative de ce fichier de suivi du poids des sacs de granulés produits quotidiennement dont la mise en place s'inscrivait dans le cadre de l'amélioration du contrôle qualité. Il reconnaît que lors d'un contrôle réalisé au cours du mois de septembre, il avait identifié ce retard d'enregistrement et s'en était entretenu avec le responsable concerné (responsable ensachage).
Le contrôle des poids était effectivement réalisé quotidiennement selon les procédures établies et annexées au cahier de suivi, comme cela est attesté par la pièce 32 produite par M. [X] et c'est uniquement sa retranscription ponctuelle dans le fichier de suivi qui est en cause.
Monsieur [X] conteste l'absence totale d'enregistrement des données sur ce tableau, comme l'allègue son employeur qui produit des tableaux intégralement vierges. Il justifie ses affirmations en versant aux débats les mêmes tableaux partiellement renseignés (pièce 32) et c'est à tort que la société FARGES essaye de mettre en doute l'authenticité de ces documents en soupçonnant leur élaboration pour les besoins de la cause d'appel alors que M. [X] justifie qu'il a été privé de l'accès à ses fichiers professionnels dès le 25 septembre 2019, le lendemain de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable dans le cadre de la procédure de licenciement.
A cet égard il ne peut être reproché efficacement à M. [X] une violation du règlement intérieur, dès lors que la production de ces documents, auxquels il avait eu accès à l'occasion de ses fonctions, s'inscrit dans le cadre de l'exercice légitime des droits de la défense.
2.3.3 Sur la gestion des stocks :
Selon son employeur M. [X] n'aurait pas bien géré les besoins d'approvisionnement du site en « tritu », partie non valorisée de l'arbre servant à l'alimentation de la production d'énergie et de granulés, commandés auprès de fournisseurs extérieurs, ce qui aurait généré des difficultés de stockage sur le parc.
L'examen des courriels du 4 au 12 juillet 2019 sur lesquels la société FARGES fonde ses critiques ne révèle pourtant aucun dysfonctionnement objectif imputable à M. [X], mais uniquement l'existence d'une critique subjective de la part de M. [Z], le responsable des approvisionnements.
En effet le 4 juillet 2019, dans le cadre de la programmation hebdomadaire des approvisionnements, il est prévu une livraison de 3 000 stères pour la semaine 28 (du 8 au 14 juillet), et le 12 juillet, M. [Z] confirme que la demande est satisfaite, mais adresse parallèlement, le même jour, au directeur du site, un e-mail, inexplicable, faisant part de son ras-le-bol » des dysfonctionnements répétés, sans que l'on sache précisément ce qu'il incriminait.
Le 18 juillet 2019, dans le cadre de la programmation hebdomadaire des approvisionnements, il est prévu, par le responsable de l'usine de broyage une livraison de 7 000 stères pour la semaine 30 (semaine du 22 au 28 juillet), demande motivée par un arrêt de la scierie, à l'origine d'une diminution des approvisionnements internes, nécessitant par conséquence une augmentation des approvisionnements externes.
Le même jour, le même responsable des approvisionnements adresse au directeur de site un courriel jugeant cette demande incohérente, tout en précisant qu'il essaiera d'y répondre.
Ces échanges de courriels ne permettent pas, à eux-seuls, de caractériser la mauvaise gestion ou les dysfonctionnements reprochés à M. [X].
2.3.4 Sur les variations d'approvisionnement :
Selon la société M. [X] ne savait pas gérer les approvisionnements qui connaissaient d'importantes variations.
La Sté FARGES souligne l'existence d'une importante variation de quantité de « tritu » broyée entre la semaine 29 (5962 stères) et les semaines 24 et 26 (respectivement 1518 et 1687 stères).
M. [X] affirme que ce surcroît de broyage de la semaine considérée s'explique par un arrêt de la scierie ayant nécessité une augmentation importante des approvisionnements extérieurs, ce qui est confirmé par un courriel du responsable des approvisionnements, M. [Z].
De manière plus générale ces variations étaient, dans une certaine mesure, récurrentes, pour provenir de fortes distorsions entre les commandes et les approvisionnements effectifs par les fournisseurs extérieurs, comme en témoigne M. [J] : « Il (Monsieur [X]) m'a accompagné pendant plus de 6 mois et tout se passait bien. La matière était gérée correctement. Nous faisions jusqu'à 2 points par semaine pour ne pas être en sur stock et communiquer avec les approvisionnements bois. Le problème de stock ne vient pas de l'organisation mais du fait que nous avions de fortes variations entre ce que nous commandions et ce que nous recevions alors que nous faisions des plannings clairs ».
En définitive il n'est pas démontré que ces variations d'approvisionnement ont occasionné un problème majeur et injustifié de stockage et elles n'ont pas davantage révélé un non-respect des directives de la part de M. [X].
2.3.5 Sur les écarts d'inventaire :
M. [X] ne conteste pas l'existence de quelques erreurs d'inventaire mais souligne que l'écart de stock en question (28 palettes), est un problème récurrent au sein de toute entreprise, et représente, en l'espèce, moins de 0,4 % d'écart d'inventaire, se situant dans le cadre de l'objectif, validé pour 2019, d'un cumul annuel inférieur à 1,5 %.
Si le courriel du 1er juillet 2019 adressé par [C] [T] (service de gestion) à M. [F] [X], évoque l'existence de ' beaucoup trop de lots qui ne sont pas traités dans les « SORTIES PEL », dans un autre courriel du 4 juillet 2019 cette même personne évoque l'accord de M. [X] pour 'replanifier' un inventaire physique et le sollicite pour qu'il fasse une demande au service info pour qu'une requête arrive en automatique. Les termes employés et les pièces produites ne révèlent aucun irrespect des directives de la part de M. [X].
2.3.6 Sur le logiciel JULIO :
La société FARGES reproche à M. [X] de ne pas avoir fait fonctionner ce logiciel, précisant ' Ces erreurs répétées ont représenté un risque non négligeable pour l'entreprise :
- Risque prud'homale
- Risque d'amende administrative
- Augmentation des prix des fournisseurs'
M. [X] a fait valoir, dans sa réponse au courrier de licenciement, que ce système ne donnait satisfaction ni dans son fonctionnement ni dans son utilisation, qu'une réunion avait eu lieu pour définir un logiciel commun aux différents sites et qu'il restait dans l'attente de la mise en place de ce système pour utiliser et former les équipes.
La société FARGES n'apporte aucune réponse précise à ces observations.
2.4 Sur le non-respect de la politique et des valeurs de l'entreprise :
La Sté FARGES ne démontre pas que le comportement de M. [X], au travers des griefs qu'elle lui adresse, constituerait un non-respect « de la politique et des valeurs de l'entreprise », au demeurant, notions abstraites et générales, contredites par sa participation, durant son repos et sur la base du volontariat, à la journée « Portes Ouvertes » organisée par l'entreprise le 21 septembre 2019.
2.5 Sur le comportement portant atteinte à la santé financière, à la réputation et au sérieux de l'entreprise :
Il s'agit d'un grief qui reste très abstrait, la société FARGES ne démontrant pas le comportement de M. [X] incriminé à ce titre et le lien de causalité avec les atteintes en question, d'autant qu'au cours de l'année 2019 les résultats du site Cogénération-Granulation ont progressé de manière spectaculaire (période août 2018/août 2019 + 258%).
2.6 Sur le comportement insatisfaisant ayant persisté malgré les mises en garde, occasionnant les perturbations devenues inacceptables pour l'entreprise :
Pour justifier ce grief la société FARGES se fonde sur un courriel du 18 avril 2019 émanant du directeur du site, [G] [S], lequel résume leur échange du jour qui a consisté à demander à M. [X] d'améliorer la situation et de changer son approche en se positionnant en véritable patron de l'activité, en définissant clairement 'qui fait quoi', en étant un guide pour les équipes, en prenant des décisions, en montant en exigence, en organisant, dirigeant et anticipant, en sortant du détail, en réfléchissant moins et en agissant.
Il s'agit d'une critique de fond et d'instructions comportementales très générales non fondées sur des éléments objectifs, à l'exception de la demande de définir les tâches de chacun, ce que M. [X] justifie avoir fait en produisant les fiches de fonction du personnel du site placé sous sa responsabilité et qu'il a établies.
Un autre fondement de la critique relative à l'inefficacité des mises en garde repose sur la teneur de l'entretien d'évaluation du 19/06/2019 au cours duquel furent fixés les objectifs que M. [X] devait atteindre. Or, 3 étaient à échéance au 31 décembre 2019 et le quatrième à échéance à la fin du mois de septembre 2019, donc postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement et antérieurement à la date limite de réalisation, ce qui interdit à la société FARGES de se prévaloir de leur irrespect, indépendamment de la valeur qui serait susceptible d'en être donnée, étant au surplus relevé que M. [X] justifie de la réalisation du seul objectif à échéance du mois de septembre qui consistait en la réalisation d'un 'reporting technique'.
2.7 Sur le trouble causé dans le bon fonctionnement de l'entreprise en raison de la nature et de l'importance des fonctions :
Pour étayer ce grief la société Farges produit, à l'appui de ses dernières écritures, un document daté du 20/06/2019, censé émaner du CSE, qui aurait été remis à [G] [S] par le secrétaire du Comité Social et Economique, signé seulement de ce dernier, mais dont il n'est pas justifié de sa communication à M. [X], et auquel il n'est pas fait référence dans les motifs du licenciement de M. [X]. En outre il n'est pas possible d'identifier les critiques dirigées directement à l'encontre de M. [X].
2.8 Sur l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de M. [F] [X]:
L'ensemble des seuls faits, avérés, qui viennent d'être évoqués au titre de l'insuffisance professionnelle ayant fondé le licenciement de M. [X] doivent être appréciés au regard de la durée de son activité dans l'entreprise (moins de deux années) sur un site employant 45 personnes environ, de son droit à bénéficier d'une période d'adaptation à ses nouvelles fonctions, lui-même ayant certes bénéficié de 3 formations, mais toutes étrangères aux fonctions de management. Il sera également tenu compte de l'absence de communication de sa fiche de poste à laquelle son contrat de travail renvoyait pourtant expressément, mais aussi du fait qu'il a bénéficié d'une prime sur objectifs afférents à l'année 2018, d'un montant de 10 000 €.
S'il est démontré que M. [X] rencontrait des difficultés à exercer certaines de ses prérogatives et a commis certaines erreurs, il n'est pas démontré qu'il s'agissait d'erreurs répétées malgré des mises en garde, d'une absence de respect des directives et des consignes, ou d'une absence d'organisation et que son comportement a été préjudiciable aux intérêts de l'entreprise.
L'insuffisance professionnelle de M. [X] n'étant pas démontrée, son licenciement doit être considéré comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
3. Sur la demande en paiement de la prime sur objectifs 2019 :
M. [F] [X] demande à la présente juridiction d'enjoindre à la société FARGES, sous astreinte de 200 € par jour de retard, de communiquer d'une part les objectifs et les critères de détermination qui ont présidé à l'allocation de la prime versée au titre de l'année 2018 d'autre part, les objectifs et les critères de détermination afférents à l'année 2019. Subsidiairement il sollicite la condamnation de la Société SAS FARGES à lui verser une prime d'objectifs pour 2019 d'un montant de 10 000 euros.
C'est à juste titre que les premiers juges, rappelant que le contrat de travail de M. [X] ne prévoyait le versement de cette prime que si les objectifs de la Direction avaient été atteints, ce qui n'avait pas été le cas, en 2019, ont débouté M. [X] de ce chef de demande.
Les seuls objectifs versés aux débats pour 2019 sont ceux contenus dans le compte rendu de l'entretien d'évaluation du 19 juin 2019, qui révèlent leur absence de réalisation jusqu'alors et l'impossibilité d'une réalisation compte tenu du licenciement de M. [X] intervenu le 7 octobre 2019.
Il sera ajouté que l'absence de preuve de l'insuffisance professionnelle de M. [X] ne démontre pas pour autant la réalisation de ces objectifs. Au contraire le tableau relatif au suivi des objectifs, communiqué par la société FARGES, révèle qu'ils n'ont pas été atteints.
M. [X] sera débouté de ce chef de demande et le jugement déféré confirmé en conséquence.
4. Sur l'indemnisation de la rupture :
Il y a lieu d'intégrer à la base de calcul de l'indemnité de licenciement, la prime sur objectifs 2018 versée à Monsieur [X] au mois de janvier 2019.
Au titre de l'indemnité de licenciement le salaire mensuel de référence s'élève à 6 603 € après intégration d'un douzième de cette indemnité, soit 3 565,62 € au lieu de 3 160,55 € versés, ce qui rend justifié le rappel sollicité de 405,07 €.
Au titre de l'indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'indemnité sollicitée de 13 206 €, correspondant à deux mois de salaire, apparaît justifiée.
Les circonstances du licenciement de M. [X] n'apparaissent pas vexatoires ni humiliantes et le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la société FARGES à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.
5. Sur les demandes annexes :
La société FARGES qui succombe dans ses prétentions sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et l'équité commande de la condamner à verser à M. [X], contraint de défendre ses justes droits, une indemnité de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
ORDONNE la révocation de l'ordonnance de clôture du 13 avril 2022 :
FIXE la clôture de la mise en état de l'affaire à la date de l'audience des plaidoiries du 2 mai 2022 ;
CONFIRME le jugement déféré rendu par le conseil de prud'hommes de Tulle le 27 juillet 2021, en ce qu'il a débouté M. [F] [X] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et de prime sur objectifs ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau ;
JUGE dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [F] [X] ;
CONDAMNE la société FARGES à lui verser les sommes de :
- 405,07 € à titre de d'indemnité de licenciement
- 13 206 € à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société FARGES aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société FARGES à verser à M. [X] une indemnité de 3 000 € ;
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET