ARRÊT N°
N° RG 21/00901 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIINQ
AFFAIRE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN 'CEPAL'
C/
[B] [W]
GV/TT
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Grosse délivrée le 30/11/2022
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE
------------
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022
-------------
Le trente Novembre deux mille vingt deux, la Chambre économique et Sociale de la Cour d'Appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN 'CEPAL' représentée par le Président de son Directoire domicilié en cette qualité au siège de la société., dont l'adresse est [Adresse 1]
représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, Me Valérie BARDIN, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE d'un jugement rendu le 11 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BRIVE
ET :
[B] [W], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Julien FREYSSINET, avocat au barreau de TULLE
INTIME
---==oO§Oo==---
L'affaire a été fixée à l'audience du 17 Octobre 2022, après ordonnance de clôture rendue le 12 Octobre 2022, la Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 mai 2005, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Auvergne et du Limousin (CEPAL) a embauché M. [B] [W] en qualité de gestionnaire de clientèles professionnelles au sein de l'agence [Localité 6] République, moyennant une rémunération annuelle de 26.000 € brut.
Le'7'février'2007,'il a été'nommé'directeur adjoint de l'agence d'[Localité 2], pour une rémunération annuelle de 35.000 € brut.
Le 8 septembre 2009, il devenait directeur de l'agence de [Localité 5], pour une rémunération annuelle de 42.000 € brut, puis directeur de l'agence de [Localité 4] Isly le 19 décembre 2012, pour une rémunération annuelle de 51.000 € brut, puis directeur de l'agence de [Localité 4] Carmes le 30 septembre 2014, pour une rémunération annuelle de 51.000 € brut.
Par avenant du 5 janvier 2016, il devenait directeur de secteur Haute-Vienne Est, moyennant une rémunération annuelle de 54.000 € brut.
Selon avenant du 11 décembre 2017, il devenait directeur de secteur de Brive au sein de la direction commerciale Creuse'Corrèze pour une rémunération de 56.000€.
Le 14 juin 2019, était organisée une soirée d'inauguration au sein de l'agence Brive'Jaurès.
À compter du 19 juillet 2019, la CEPAL a diligenté une enquête interne sur le déroulement de cette soirée.
Par courrier remis en main propre contre décharge en date du 19 juillet 2019, le directeur des ressources humaines de la CEPAL, M. [I] [X], a convoqué M. [W] à un entretien préalable à son licenciement fixé le 13 août suivant. Dans ce même courrier, il lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire à effet du 20 juillet 2019.
Au cours de cet entretien, la CEPAL a indiqué à Monsieur [B] [W] qu'un licenciement pour faute grave était envisagé.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 20 août 2019, M. [W] a saisi pour avis le Conseil de Discipline National.
Chaque partie a adressé contradictoirement ses éléments à ce Conseil.
Le 10 octobre 2019, la délégation salariale du Conseil de Discipline National a émis un avis défavorable au licenciement pour faute de M. [W], alors que la délégation employeur a émis un avis favorable.
Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 22 octobre 2019, la CEPAL a notifié à M. [W] son licenciement pour faute grave au motif de débordements survenus lors de la soirée du 14 juin 2019 à l'agence Brive Jaurès sur fond d'alcoolisation.
==0==
Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Brive le 18 mai 2020.
Par jugement du 11 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Brive a :
- dit que le licenciement de M. [W] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- condamné la CEPAL à lui payer les sommes de :
* 14.000,25 € au titre de l'indemnité de préavis,
* 1.400 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,
* 4.809,73 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
* 480 € au titre des congés payés sur rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
* 23.682,55 € au titre de l'indemnité de licenciement,
* 71.544,52 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle,
* 6.000 € de dommages-intérêts pour procédure vexatoire,
* 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;
- condamné la CEPAL aux entiers dépens, y compris les frais éventuels d'exécution du jugement.
La CEPAL a interjeté appel de ce jugement le 21 octobre 2021, son recours portant sur l'ensemble de ses chefs.
==0==
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 12 septembre 2022, la CEPAL demande à la cour de :
- réformer le jugement attaqué et, statuant à nouveau :
à titre principal,
- juger que le licenciement de M. [W] repose sur une faute grave ;
- le débouter, en conséquence, de l'intégralité de ses demandes ;
Subsidiairement, dans l'hypothèse où le licenciement serait requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- réformer la décision entreprise quant au montant de l'indemnité de licenciement et statuant à nouveau :
- fixer à 20.014,62 € le montant de l'indemnité légale de licenciement ;
Très subsidiairement, si le jugement attaqué était confirmé s'agissant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- réformer le jugement attaqué quant aux dommages-intérêts alloués à M. [W] et statuant à nouveau :
- réduire dans de très larges proportions le montant des dommages-intérêts alloués ;
En toute hypothèse,
- débouter M. [W] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure vexatoire ou, subsidiairement, diminuer le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués ;
- condamner M. [W] à lui verser une indemnité de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel en accordant pour ces derniers à Maître Durand-Marquet, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La CEPAL fait valoir que le licenciement pour faute grave de M. [W] est parfaitement fondé au regard de la gravité des faits commis par M. [W] lors de la soirée du 14 juin 2019, faits établis notamment au regard de plusieurs témoignages concordants précis, datés et circonstanciés. De même, elle soutient que l'enquête interne a été réalisée de manière précise et régulière, contestant un quelconque caractère vexatoire.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 27 septembre 2022, M. [B] [W] demande à la cour de :
- débouter la CEPAL de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions ;
- condamner la CEPAL à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.
M. [W] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, n'ayant commis aucune faute lors de la soirée du 14 juin 2019. En ce sens, il indique qu'aucun des faits reprochés n'est matériellement vérifiable, l'employeur s'étant fondé sur le seul témoignage a posteriori d'une ancienne salariée. De même, il expose que son licenciement est vexatoire au regard de la nature des accusations et de la brutalité de son exclusion après une enquête interne à charge.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2022.
SUR CE,
- Sur le bien fondé du licenciement de M. [W] pour faute grave
L'article L 1235-1 du code du travail, en ses alinea 3, 4 et 5, dispose qu'en matière de licenciement : 'A défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.
Si un doute subsiste, il profite au salarié'.
En application de l'article L. 1235-2 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.
Selon la lettre de licenciement du 22 octobre 2019, la CEPAL a licencié M. [W] pour faute grave, aux motifs que le 14 juin 2019, lors de la soirée d'inauguration du nouveau format de l'agence Brive'Jaurès, après le départ de la plupart des invités, il :
- a consommé de l'alcool de façon excessive dans les locaux de l'entreprise;
- a délibérément encouragé des salariés relevant de sa responsabilité hiérarchique à consommer de l'alcool en quantité excessive au sein de ces mêmes locaux ;
- a eu un comportement inapproprié et déplacé à l'égard d'une jeune collaboratrice en contrat à durée déterminée ;
- des débordements ont eu lieu :
- deux salariés sont montés sur un engin de chantier se trouvant à proximité de l'agence pour tenter de le démarrer ;
- au cours de la soirée, un client de l'agence a pris des photographies, alors que M. [W] était grimé en mascotte Cételem ; elles ont été publiées sur le compte Facebook de ce client.
La faute grave est celle qui est d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis.
Selon l'article R 4228-20 du code du travail, 'Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail.
Lorsque la consommation de boissons alcoolisées, dans les conditions fixées au premier alinéa, est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur, en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d'accident. Ces mesures, qui peuvent notamment prendre la forme d'une limitation voire d'une interdiction de cette consommation, doivent être proportionnées au but recherché'.
Le règlement intérieur de la Caisse d'Epargne d'Auvergne et du Limousin prévoit en son article 10 alinéa 3 que :
'La consommation de boissons alcoolisées dans les locaux de travail est interdite sauf dans des circonstances exceptionnelles, en quantité raisonnable, et avec l'accord de la hiérarchie'.
Il convient de considérer que la soirée d'inauguration du 14 juin 2019 se déroulait dans le cadre de 'circonstances exceptionnelles' où du champagne, assimilé à du 'vin' (cf article R 4228-20 du code du travail), pouvait être distribué, mais consommé 'en quantité raisonnable'.
La direction de la caisse d'épargne n'a donc commis aucune faute en ayant proposé du champagne lors de cette soirée, étant relevé par ailleurs que des boissons non alcoolisées étaient également à disposition. Dans la mesure où cette consommation devait être 'raisonnable'selon le règlement intérieur, il ne peut pas être reproché à la CEPAL de ne pas avoir prévu des éthylotests ainsi que des retours à domicile par navette, comme le prétend M. [W].
En revanche, tout état d'ivresse des salariés était interdit en application de l'alinéa 1 de l'article 10 du règlement intérieur : 'Il est interdit de pénétrer ou de demeurer dans les locaux de l'entreprise en état d'ivresse ou sous l'emprise de substances stupéfiantes'.
De plus, aux termes de son contrat de travail en date du 30 mai 2005 en son article 12, M. [W] 's'oblige à se conformer à la discipline de la Caisse d'Epargne d'Auvergne et du Limousin'.
L'avenant à son contrat de travail en date du 11 décembre 2017 prévoit en outre qu'il est directeur commercial du secteur de Brive. Or, ce secteur comprend l'agence Brive-Jaurès. Il était donc le supérieur hiérarchique du directeur et des salariés de cette agence .
En cette qualité, il devait donc veiller à ce qu'aucun salarié ne soit en état d'ivresse lors de cette soirée, en vertu de l'alinéa 1 de l'article 10 du règlement intérieur.
L'enquête interne diligentée par la CEPAL est un mode de preuve licite. Plusieurs entretiens ont eu lieu au cours de cette enquête.
Selon la pièce n°7 du dossier adressé au conseil de discipline national, lors de l'entretien du 19 juillet 2019 qui a eu lieu entre M. [I] [X] et M. [W], ce dernier a reconnu que cette soirée était particulièrement alcoolisée : 'Il (M. [W]) m'a alors précisé que la soirée était très alcoolisée et qu'elle a duré jusqu'à 23 h 00 au sein de l'agence de Brive Jaurès. Il m'a avoué qu'il aurait dû dire stop à la soirée plus tôt et qu'il n'aurait pas dû inviter notamment les 2 personnels de sécurité à boire avec eux'.
Aucun élément ne permet de remettre en cause la parole de M. [I] [X], même s'il est la personne qui a décidé, en sa qualité de directeur des ressources humaines, de mettre à pied à titre conservatoire M. [W]. En effet, il a indiqué également à décharge, dans ce compte rendu d'entretien, que M. [W] avait nié tous les éléments de la version de [R] [D] [N] et de façon générale les éléments reprochés.
Par ailleurs, cette consommation excessive d'alcool, en deuxième partie de soirée, au sein de l'agence, est corroborée par les entretiens des 19 juillet 2019 et 23 juillet 2019 de :
' [U] [M], salariée en contrat à durée déterminée, qui a indiqué : 'qu'ils ont trop bu et qu'ils ne se sont pas tenus'. 'Cela a dégénéré' ;
' [C] [Y], salariée en contrat à durée déterminée : 'Nous étions réunis au guichet. Nous étions tous ivres, je ne comprends pas comment on en est arrivé là'. '[V] [MA] et [B] [W] ont fait boire certaines filles directement à la bouteille' ;
' M. [K] [J], salarié en contrat à durée déterminée, selon lequel: '[V] [MA] et [B] [W] ont continué de servir, au verre, les présents, et ce, en ayant « la main lourde ». Puis, [B] [W] a fait consommer de l'alcool à [C] [Y] ainsi qu'à une autre salariée, directement à la bouteille'.
Dans le même cadre de l'enquête interne communiquée au conseil national de discipline, selon un entretien téléphonique intervenu le 23 juillet 2019 entre M. [I] [X] et le responsable de la société SAUTEL, chargé de la sécurité lors de la soirée du 14 juin 2019, ce dernier a fait état de ce que :
' 'cette soirée était très alcoolisée ;
' un salarié aurait voulu démarrer un engin de travaux publics situé devant l'agence. Les 2 agents de sécurité ont dû le contraindre à stopper ses agissements ;
' une collaboratrice était extrêmement alcoolisée et tenait des propos décousus'.
M. [W] ne peut donc pas dire que les agents de sécurité ne sont pas intervenus.
Selon les époux [P], prestataires du buffet de l'inauguration du 14 juin 2019, (leurs propos étant rapportés par M. [BP] [S] directeur commercial Corrèze-Creuse à M. [CK] [A] dans un mail du 25 juillet 2019 dans le cadre de l'enquête interne), ils ont été très choqués de devoir ressortir des bouteilles de leur camion, les personnes dans l'agence étant très alcoolisées 'surtout une qui est partie dans un bureau derrière tellement il était ivre'. 'Lorsque je lui ai demandé qui avait demandé des bouteilles d'alcool « c'est le directeur avec des lunettes et qui est presque chauve ». « Lorsqu'on a repris les verres qui sont en location, il nous a dit que c'était pas grave qu'il avait des verres dans l'agence ». «Ils ont bu les bouteilles qui étaient sorties pour la préparation du buffet' et après il a demandé à ce qu'on ressorte des bouteilles du camion'.
Ce rapport est mesuré car il mentionne également : 'Sur l'ambiance : « ils chantaient, ils ont dédicacés un livre » et fait part d'une ambiance festive sans débordement de comportement'.
Il doit donc être pris en compte.
En ce qui concerne les propos de Mme [R] [D] [N], après ceux qu'elle a rapportés à l'origine par téléphone le 12 juillet 2019 à Mme [O] [E] chargée du développement des ressources humaines (cf mail du 12 juillet 2019), ils ont fait l'objet d'une lettre en date du 11 août 2019 transmise par mail à Mme [E] le 19 août 2019.
Cette lettre débute en certifiant de la véracité du témoignage sur le déroulement de la soirée du 14 juin 2019 et se termine par la mention selon laquelle il est 'établi en vue de sa production en justice et qu'une fausse déclaration de ma part m'exposerait à des sanctions pénales'. Le fait que cette lettre ait été rédigée 'en vue de sa divulgation au sein du Service des Ressources Humaines et du Directoire de la CEPAL' n'est donc pas de nature à faire considérer qu'elle ait été dictée par la hiérarchie de Mme [R] [D] [N].
La version transmise à la cour ne comporte aucune phrase occultée. De plus, cette lettre adressée par mail étant accompagnée de la carte nationale d'identité de Mme [R] [D], il convient de considérer qu'elle émane effectivement de cette dernière et qu'elle constitue un témoignage recevable.
Or, elle indique qu'en deuxième partie de soirée, lorsque la plupart des invités ont quitté les lieux, l'ambiance a dégénéré sur fond d'alcool : 'Je revois certains de mes collègues montaient sur les engins de chantier laissés par la ville pour l'installation de Brive Glisse... c'est à ce moment-là que ma collègue Madame [U] [M] s'est un peu mis en colère contre moi et m'a tiré par le bras en me disant « ça dégénère, laisse [WP] écoute moi, on y va ».
Son témoignage corrobore donc ceux mentionnés ci-dessus sur la consommation excessive d'alcool et le débordement sur l'engin de chantier.
En ce qui concerne la diffusion de photos de personnes de l'agence, dont M. [W], portant du buis sur la tête pour caricaturer la publicité Cetelem, ce dernier a indiqué à M. [I] [X] lors de l'entretien du 19 juillet 2019 avoir reçu des messages de plusieurs personnes le mardi 18 juin 2019 car ces photos avaient été publiées sur le site Facebook du client GAME CASH de Brive. M. [W] a donc reconnu lui-même la réalité de ce fait. Si M. [I] [G], responsable de ce magasin, atteste 'ne pas avoir publié une photo de M. [W] [B] et moi sur mon mur personnel de Facebook', cette attestation du mis en cause n'est pas de nature à remettre en cause l'aveu de M. [W].
Ces faits sont graves car ils sont de nature à ternir l'image de la CEPAL. M. [W] en sa qualité de supérieur hiérarchique aurait dû s'y opposer, alors même que selon la fiche descriptive des missions de directeur de secteur, il avait pour mission 'A l'externe, valoriser l'image de la CEPAL en assurant les missions de relations publiques et de représentation' (cf de fiche de poste annexée à l'avenant du 5 janvier 2016 nommant M. [W] en qualité de directeur de secteur Haute-Vienne Est).
En ce qui concerne la conservation des vidéos de télésurveillance pendant un délai de 30 jours (article 11.8 du règlement intérieur), Mme [O] [E] a communiqué à M. [RL] [KB] les propos de Mme [R] [D] par mail du 12 juillet 2019 à 16 heures 33, le 12 juillet 2019 étant un vendredi. Ce dernier en a pris connaissance le 12 juillet 2019 à 18 heures 15 selon son attestation du 21 janvier 2021. Puis, il a transmis à M. [I] [X] et [H] [T] ces éléments le 16 juillet 2019 à 19 heures 31.
À la date du 16 juillet 2019, le délai de 30 jours était expiré. Mais, il convient de prendre en compte que les 13 et 14 juillet étaient des jours de fin de semaine dont un fériés et que le délai de conservation était expiré dès le 15 juillet. En outre, ni Mme [O] [E], ni M. [RL] [KB] n'avaient le pouvoir de visionner la vidéo surveillance relative à la soirée d'inauguration du 14 juin 2019 en application de l'article 11.8 du règlement intérieur qui prévoit que ': Il doit permettre au télésurveilleur, et si besoin au Département Protection, d'effectuer une levée en cas de doute, d'alarme ou d'appel à l'aide'.
En conséquence, il ne peut pas être reproché à la direction de la CEPAL de ne pas avoir visionné la télésurveillance dans le délai de 30 jours.
Pour contredire la consommation excessive d'alcool de la soirée du 14 juin 2019, M. [W] ne produit que les attestations de M. [I] [G] et de Mme [F] [L], sa compagne, qui comportent les mêmes phrases, ces personnes étant les clients de la caisse d'épargne (magasin GAME CASH) chez qui la soirée s'est poursuivie. Leur objectivité doit donc être soumise à caution.
M. [W] produit encore un SMS de Mme [WP] [Z], présente lors de la soirée du 14 juin 2019, selon lequel elle qualifie la soirée 'd'excellente'. Néanmoins, ce SMS date du 14 août 2019 et il n'est pas établi que cette personne soit restée en deuxième partie de soirée où les faits litigieux se sont déroulés.
Enfin, la photo en selfie de M. [I] [G] et de M. [K] [J] ne comporte pas de date précise (pas de mention de l'année), mais seulement la mention '14 juin 22 heures 30". En outre, elle ne permet pas de contredire les attestations selon lesquelles la consommation d'alcool aurait été excessive en deuxième partie de soirée.
Les autres attestations produites par M. [W] émanent de personnes qui n'étaient pas présentes à la soirée du 14 juin 2019. Elles ne sont donc pas de nature à établir la réalité des faits qui se sont déroulés lors de cette soirée.
En conséquence, il convient de considérer que :
- M. [W] a consommé de l'alcool en quantité excessive lors de la deuxième partie de la soirée d'inauguration du 14 juin 2019, contrevenant au règlement intérieur et à son obligation de discipline ;
- contrevenant à son obligation de sécurité à l'égard de ses subordonnés, il ne les a pas dissuadés de faire de même, ce qui a entraîné des débordements : dangereux en ce qui concerne l'utilisation d'un engin de chantier et mettant en cause l'image de la CEPAL en ce qui concerne les photos parodiant la publicité de Cételem.
Il convient de considérer que ces fautes sont d'une particulière gravité et qu'elles rendaient impossible la poursuite du contrat de travail de M. [W], même pendant la durée du préavis.
- En ce qui concerne le troisième grief, Mme [R] [D] a rapporté à Mme [O] [E] le 12 juillet 2019 et a relaté dans sa lettre du 11 août 2019 les propos de Mme [C] [Y] faisant état d'un comportement particulièrement inapproprié et déplacé de M. [W] à l'égard de cette dernière. Mais, Mme [C] [Y] a déclaré lors de l'entretien des 19 et 23 juillet 2019 que : '[B] [W] me prenait par le cou, ça me gênait', ce qui est une version différente.
M. [W] contestant formellement ces faits qui ne sont que rapportés par Mme [R] [D] et décrits de façon différente par Mme [C] [Y], il convient de considérer qu'ils ne sont pas suffisamment établis.
Ce grief ne peut donc pas être retenu.
Au total, il convient de considérer que le licenciement pour faute grave de M. [B] [W] intervenu le 22 octobre 2019 est fondé. Il doit donc être débouté de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts.
Le jugement du conseil de prud'hommes en date du 11 octobre 2021 doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. [W] succombant à l'instance, il doit être condamné aux dépens avec distraction au bénéfice de Maître Durand-Marquet, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Mais, il est équitable de débouter la CEPAL de sa demande en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Brive en date du 11 octobre 2021 ;
DEBOUTE M. [B] [W] de l'ensemble de ses demandes ;
DEBOUTE la Caisse d'Epargne d'Auvergne du Limousin de sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [B] [W] aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au bénéfice de Maître Durand-Marquet, avocat.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Line MALLEVERGNE Pierre-Louis PUGNET