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08/02/2023 | FRANCE | N°22/00096

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre sociale, 08 février 2023, 22/00096


ARRET N°



N° RG 22/00096 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIJRE







AFFAIRE :



M. [G] [N]



C/



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENT RE OUEST









JPC/MS





Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule





Grosse délivrée à Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, et Me Paul GERARDIN, avocats









COUR D'APPEL DE LIMOGES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE



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ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023



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Le huit Février deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe ...

ARRET N°

N° RG 22/00096 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIJRE

AFFAIRE :

M. [G] [N]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENT RE OUEST

JPC/MS

Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule

Grosse délivrée à Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, et Me Paul GERARDIN, avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

---==oOo==---

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023

---==oOo==---

Le huit Février deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [G] [N]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, et Me Stéphanie BAUDRY, de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

APPELANT d'une décision rendue le 29 NOVEMBRE 2021 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES

ET :

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENT RE OUEST, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Paul GERARDIN, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

---==oO§Oo==---

Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 12 Décembre 2022. L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, magistrat rapporteur, assisté de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 08 Février 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, de Madame Géraldine VOISIN, Conseillers, et de lui même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

---==oO§Oo==---

LA COUR

---==oO§Oo==---

EXPOSE DU LITIGE :

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest (la CRCAMCO) a consenti à la société [N] les prêts suivants :

1. prêt n°00076465841 du 28 janvier 2010 d'un montant de 50 000 €, garanti par l'engagement de caution solidaire de M. [N], gérant de la société [N], à concurrence de la somme de 65 000 €. Ce cautionnement a reçu l'accord de Mme [B] [L], conjoint de M. [N], pour l'engagement des biens de la communauté.

2. prêt n°00080183080 dont la date est surchargée (l'offre est du 17 mars 2011 et les fonds ont été débloqués le 1er septembre 2011) d'un montant de 50 000 €, garanti par l'engagement de caution solidaire de M. [N], à concurrence de 65 000 €. Ce cautionnement a reçu l'accord de Mme [B] [L], conjoint de M. [N], pour l'engagement des biens de la communauté, accord signé le 17 mars 2011.

3. Contrat global de crédit de trésorerie n°00086180513 du 16 avril 2013 d'un montant de 50 000 € pour une durée indéterminée. M. [N] s'est porté caution solidaire dans la limite de la somme de 65 000 €.

Le 1er avril 2015, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société [N] et la CRCAMCO a informé la caution des sommes dues au titre des trois prêts à la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde par courrier reçu le 12 mai 2015.

Le 5 décembre 2018, le tribunal de commerce de Limoges a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société [N]. Cette procédure a ensuite été convertie en liquidation judiciaire le 25 septembre 2019. Me Sénéchal a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 30 septembre 2019, la CRCAMCO a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire à hauteur des sommes suivantes pour chacun des trois prêts : 16 105,54 €, 19 583,55 € et 111 494,68 €.

Par courrier recommandé du 19 novembre 2019, la banque a vainement mis en demeure la caution de lui payer les sommes de 16 105,54 €, 19 583,55 € et 65 000 € au titre de ces trois contrats, soit un total de 100 689,09 €.

==oOo==

Par acte d'huissier en date du 20 janvier 2020, la CRAMCO a fait assigner M. [N] devant le tribunal de commerce de Limoges aux fins de le voir condamner à honorer ses engagements de caution.

Par jugement réputé contradictoire du 29 novembre 2021, la juridiction a :

- débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné M. [N], en qualité de caution solidaire de la société [N], à verser à la CRCAMCO les sommes de :

16 435,31 € outre intérêts au taux de 7,40% l'an à dater du 07/01/2020 ;

20 190,16 € outre intérêts au taux de 6,25% l'an à dater du 07/01/2020 ;

65 000 € outre intérêts à dater de la mise en demeure du 10/10/2019 ;

- condamné M. [N], en qualité de caution solidaire de la société [N], à verser à la CRCAMCO une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance dont le coût de la présente décision.

M. [N] a interjeté appel de la décision le 7 février 2022. Son recours porte sur l'ensemble des chefs du jugement.

==oOo==

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 septembre 2022, M. [N] demande à la cour d'infirmer en tous points le jugement dont appel et, statuant à nouveau, de :

A titre principal,

- constater que les engagements de caution, respectivement en date du 28 janvier 2010, 27 novembre 2011 et 16 avril 2013, sont manifestement disproportionnés par rapport à ses biens et revenus ;

- juger, en conséquence, que lesdits engagements lui sont inopposables ;

A titre subsidiaire, de :

- constater le manquement de la CRCAMCO à son obligation de mise en garde de la caution et condamner la banque à hauteur du préjudice qu'il a subi en conséquence et à concurrence de 100 000 € ;

- constater le manquement de la CRCAMCO à son obligation d'information annuelle de la caution et condamner la banque à hauteur du préjudice qu'il a subi en conséquence et à concurrence de 17 710 € ; à défaut, constater le manquement de la CRAMCO à son obligation d'information annuelle de la caution et la déclarer déchue de son droit aux intérêts et indemnités ;

- décider que, eu égard aux circonstances établies, il bénéficiera d'un report de paiement de 24 mois ;

En tout état de cause, de :

- condamner la CRCAMCO au paiement de la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de son recours, il soutient que ses engagements de caution étaient manifestement disproportionnés à ses revenus et patrimoine et qu'à ce titre, ils lui sont donc inopposables. Il fait valoir qu'aucune fiche de caution n'a été établie à l'occasion des deux premiers cautionnements.

Subsidiairement, il invoque un manquement de la banque à son obligation de mise en garde. Il conteste la prescription de cette demande dès lors que la première notification de défaillance de l'emprunteur est intervenue le 12 mai 2015.

Enfin, il soutient que la CRCAMCO a manqué à son obligation d'information annuelle et doit donc être déchue de son droit aux intérêts.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2022, la CRCAMCO demande à la Cour de :

- débouter M. [N] de son appel tendant à ce que lesdits engagements de caution soient déclarés inopposables ;

- débouter M. [N] de sa demande de dommages-intérêts ;

- débouter M. [N] [G] tant de sa demande de dommages-intérêts irrecevable que de sa demande de déchéance de la banque à son droit aux intérêts et indemnités ;

- le débouter de sa demande de report ou d'échelonnement de sa dette ;

En conséquence, de :

- confirmer le jugement dont appel en tous points ;

Y ajoutant, de :

- condamner M. [N] à lui payer une indemnité pour frais irrépétibles d'appel de 3 000 €, outre intérêts au taux légal à dater de l'arrêt à intervenir ;

- condamner, enfin, M. [N] aux entiers dépens de procédure d'appel, le bénéfice de distraction étant accordé à Me Gérardin, avocat, pour les sommes dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Elle soutient que les engagements de M. [N] étaient parfaitement proportionnés à ses biens et patrimoines au regard notamment de ses déclarations à l'occasion de son engagement de caution des prêts n°00080183080 et n°00086180513, son épouse ayant déclaré être commune en biens.

Elle soulève l'irrecevabilité de l'action en responsabilité fondée sur un manquement à l'obligation de mise en garde au motif qu'elle est prescrite dans la mesure où M. [N] a été informé de la défaillance de l'emprunteur le 18 février 2015. En tout état de cause, elle considère que cette action est infondée dès lors que l'appelant avait la qualité de caution avertie.

Elle soutient avoir respecté l'obligation d'information annuelle de la caution et s'oppose à l'octroi de délais de paiement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

SUR CE,

Sur le caractère disproportionné des engagements de caution :

Selon l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa version en vigueur lors de la souscription des trois engagements de caution, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il est par ailleurs constant que l'article L. 341-4 n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

En l'espèce, il n'est pas discuté que le patrimoine de la caution ne lui permettait pas lorsqu'elle a été appelée de faire face à ses obligations.

- Sur le cautionnement du prêt n°00076465841 du 28 janvier 2010 :

M. [N] s'est porté caution de ce prêt à hauteur de 65 000 €. La banque ne lui a pas demandé d'établir une déclaration de ses revenus, patrimoine et charges à l'occasion de cet engagement.

A la date de cet acte, M. [N] était marié sous le régime de la séparation de bien suite au changement de régime matrimonial homologué le 05 septembre 2008 par le tribunal de grande instance de Limoges. Le couple a divorcé le 17 mars 2019.

Il était gérant de la société [N] créée en 2007 et spécialisée dans le domaine de la construction. Il n'est pas précisé la valeur des parts sociales détenues par M. [N] dans cette société qui exerce sous la forme d'une Sarl à associé unique.

En 2010, il a perçu un salaire mensuel moyen de 3 918 €. Sur la déclaration d'impôt sur les revenus de l'année 2010, il est mentionné des revenus de capitaux mobiliers pour un montant de 28 813 €, soit 2 401 € mensuels.

Les comptes annuels 2010 de la société [N] font apparaître un bénéfice de 56'157 €. L'intéressé ne fournit aucune explication quant au versement d'éventuels dividendes, compatibles avec sa déclaration de revenus. L'année précédente, l'entreprise avait dégagé un bénéfice de 31'553 €, susceptible également avoir procuré des dividendes.

Il était propriétaire indivis avec son épouse d'un terrain de 2600 m² situé à [Localité 4], acquis le 23 septembre 2008 pour un montant de 60 000 € en vue d'y édifier leur résidence principale d'une superficie de 246 m². Le couple a souscrit pour se faire trois prêts pour un montant total de 252 000 € auprès de la Banque populaire. Le premier de 200 000 € remboursable sur une durée de 25 ans par mensualités dont le montant varie selon les périodes. Ainsi, il était de 1 335 € passé le seuil des douze premières échéances. Le second de 15 000 € était remboursable sur une durée de 15 ans par mensualités 123,34 €. Le troisième de 37 000 € était remboursable sur une durée de 25 ans par mensualités de 223,68 €.

M. [N] ne précise pas la date d'achèvement de la construction de sa maison et ne fournit aucune indication concernant la valeur de l'immeuble et de sa valorisation à la suite de la construction selon son état d'achèvement à la date de son engagement. Il a simplement déclaré à la banque lors de son engagement de caution du 16 avril 2013 que la maison avait une valeur de 450 000 €, soit une plus-value de 198 000 € dont seule la moitié est incluse dans son patrimoine.

Le coût d'achat du terrain et de la construction de la maison s'étant élevé à 252 000 €, la valeur de l'ensemble excédait nécessairement le montant total de l'investissement lors de son achèvement dès lors que le marché de l'immobilier n'a pas connu une telle progression sur trois ans.

M. [N] possédait également 95 % des parts de la SCI VIROZO créée en 2007 mais aucune information n'est donnée quant au patrimoine de cette société à la date de l'engagement de caution et à la valeur des parts sociales.

Enfin, il s'était porté caution dans la limite de 24 700 € d'un prêt consenti le 10 mai 2007 à la société [N] par la CRCAMCO pour un montant de 36'170 €.

Il évoque également un prêt de 7 600 € figurant en pièce 4 mais le document produit est le même que celui figurant en pièce 5.

Au regard de ces éléments, il apparaît que M. [N] qui disposait d'un revenu mensuel de l'ordre de 6 300 € et qui n'a pas donné la totalité des éléments permettant de connaître précisément l'importance de son patrimoine à la date du 28 janvier 2010, ne rapporte pas la preuve que son engagement de 65 000 € était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. La décision des premiers juges sera confirmée.

- Sur le cautionnement du prêt n°00080183080 :

M. [N] s'est porté caution de ce prêt à hauteur de 65 000 €. A l'occasion de ce nouvel engagement, la banque ne lui a pas demandé d'actualiser la déclaration de ses revenus, patrimoine et charges qu'il avait établie le 17 mars 2011, lors du cautionnement, à hauteur de 71 500 €, d'un prêt de 55 000 € d'une durée de 12 mois consenti le 24 mars 2011 par la CRCAMCO à la SCI LENA constituée le même mois.

La date de cette engagement est incertaine mais il est constant qu'elle se situe entre le 17 mars 2011, date d'édition de l'offre, et le 1er septembre 2011, date du déblocage des fonds.

La déclaration effectuée le 17 mars 2011 est erronée puisque l'intéressé indique être marié sous le régime de la communauté et n'avoir aucun engagement financier en dehors de ceux conclus auprès du Crédit Agricole. Au vu de ces éléments, la CRCAMCO ignorait l'existence des prêts souscrits auprès de la Banque Populaire.

Il n'a pas été établi de nouvelle déclaration patrimoniale lors de la signature de l'engagement de caution du prêt n°00080183080 alors même que la CRCAMCO avait parfaitement connaissance que ce cautionnement avait pour effet de porter les engagements de caution de M. [N] à la somme totale de 201 500 € qui est manifestement disproportionné par rapport aux informations dont elle disposait.

Il résulte des éléments produits par M. [N] que celui-ci a perçu au cours de l'année 2011 des salaires pour un montant de 47'678 €, soit 3 968 € par mois. Il est mentionné dans sa déclaration de revenus la perception de revenus de capitaux mobiliers pour un montant de 60'184 €, soit 5 015 € mensuels. Ses revenus ont donc augmenté de manière significative par rapport à l'année précédente.

Il n'est produit aucun élément permettant de connaître la valeur de sa résidence à la date de l'engagement de caution. Toutefois, celle-ci était nécessairement inférieure à 450 000 € et après remboursement des prêts, la part de la plus-value éventuelle lui revenant était inférieure à 100 000 €.

Par ailleurs, les documents comptables des deux SCI font apparaître au terme de l'exercice clôturé le 31 décembre 2011 que la SCI VIROZO disposait de constructions valorisées à hauteur de 35 000 € et devait rembourser la somme de 24 239 € au titre d'un prêt tandis que la SCI LENA disposait de terrains et de constructions en cours valorisés à hauteur de 178 000 € et devait rembourser la somme de 194 775 € au titre d'un emprunt.

Au regard de ces éléments, il apparaît que cet engagement de caution qui a eu pour effet de porter les engagements de caution de M. [N] à la somme totale de 201 500 €, était, lors de sa souscription, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. En conséquence, la CRCAMCO ne peut se prévaloir de ce contrat.

La décision des premiers juges sera donc infirmée de ce chef.

- Sur le cautionnement du contrat de crédit de trésorerie n°00086180513 du 16 avril 2013 :

M. [N] s'est porté caution de ce crédit à hauteur de 65 000 €.

Dans la fiche de caution établie le 13 avril 2013, il indique être marié sous le régime de la séparation de biens et disposer d'une maison d'habitation et d'un garage d'une valeur respective de 450'000 € et de 120'000 €, soit un patrimoine immobilier d'une valeur de 570'000 €. Il n'a pas mentionné qu'il était en réalité propriétaire indivis de la maison d'habitation. Il fait état d'un engagement financier auprès de la Banque Populaire pour un montant de 186'320 € correspondant au capital restant dû. L'actif net de son patrimoine immobilier tel que présenté au prêteur s'élève à 383'680 €.

M. [N] a déclaré percevoir des revenus annuels pour un montant de 100 000 €, soit 8 349 €.

La CRCAMCO n'ignorait pas que ce nouvel engagement de caution avait pour conséquence de porter à 195'000 € le montant des engagements souscrits par M. [N] au titre des trois cautionnements litigieux. De même, elle avait parfaitement connaissance des engagements de caution pris, d'une part, le 10 mai 2007 à hauteur de 24 700 € en garantie du prêt consenti à la société [N] et, d'autre part, le 15 janvier 2013 pour garantir intégralement le prêt de 102 373 € consenti à la SCI LENA.

Elle savait également qu'il était libéré de ses engagements de caution portant, d'une part, sur le prêt de 12 mois consenti le 23 mars 2011 à la SCI LENA et, d'autre part, sur le prêt de 6 mois consenti le 15 janvier 2013 à la SCI LENA.

En revanche, M. [N] a dissimulé au prêteur les deux engagements de caution souscrits auprès de la Banque Tarneaud à hauteur de 126 000 € et de 85 000 €

Il apparaît donc qu'au regard des éléments dont elle disposait la CRCAMCO savait que le total des engagements de caution pris par M. [N] auprès d'elle s'élevait à 322 073 €, soit un montant inférieur à l'actif net du patrimoine immobilier qu'il avait déclaré et qu'il disposait en outre de revenus relativement importants.

Au regard de ces informations fournies par la caution au créancier qui n'avait pas à en vérifier l'exactitude en l'absence d'anomalie apparente, il n'est pas établi que l'engagement de M. [N] était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus. La décision des premiers juges sera confirmée.

Sur le manquement de la CRCAMCO à son devoir de mise en garde :

- Sur la prescription :

Il n'est pas contesté que M. [N] a présenté cette demande pour la première fois dans des conclusions communiquées à la partie adverse le 16 juillet 2020.

Il apparaît cependant que cette demande n'est pas prescrite dès lors que la CRCAMCO ne peut poursuivre M. [N] que si sa créance est exigible. Or, l'ouverture de la procédure de sauvegarde le 1er avril 2015 n'a pas eu pour effet d'entraîner la déchéance du terme, de même que le redressement judiciaire ouvert le 5 décembre 2018.

À la date du 16 juillet 2001, il s'était écoulé moins de 5 ans depuis l'exigibilité de la créance. L'action en responsabilité est donc recevable.

- Sur le fond :

M. [N] était gérant de la société [N] créée le 5 avril 2007 ainsi que la SCI VIROZO créée le même jour.

Le 28 janvier 2010, date du premier des trois engagements de caution litigieux, il disposait d'une expérience de chef d'entreprise d'une durée légèrement inférieure à 3 ans. Il avait déjà eu recours au mécanisme financier du crédit et du cautionnement puisqu'il avait cautionné le 10 mai 2007 le prêt souscrit par la société [N]. Par ailleurs, l'examen des comptes annuels de la SCI VIROZO fait apparaître, au 31 décembre 2009, une charge d'emprunt d'un montant de 29'319,18 € ce qui démontre qu'il avait également eu recours à l'emprunt dans le cadre du fonctionnement de cette seconde société. Il ne fournit aucune information quant aux garanties fournies au prêteur.

Par la suite, dans le cadre de ces opérations immobilières, il a constitué une seconde SCI et a eu recours à plusieurs reprises au crédit et au mécanisme du cautionnement.

Il ressort de ces éléments qu'il ne peut être considéré que M. [N], professionnel du bâtiment, gérant de plusieurs entreprises ayant souscrit de nombreux prêt et de nombreux engagements de caution, était une caution non avertie.

Ainsi, en sa qualité de caution avertie et de chef d'entreprise, il avait une parfaite connaissance de la situation de la société [N]. En outre, il ne démontre pas le caractère disproportionné de son engagement de caution du premier prêt et il convient de relever qu'il a fourni les informations patrimoniales erronées lors de son engagement de caution du crédit de trésorerie.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont débouté M. [N] de sa demande.

Sur l'obligation d'information annuelle des cautions :

L'article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa version applicable espèce, prévoit :

« Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette. ».

En l'espèce, M. [N] soutien que la CRCAMCO a manqué à son obligation. Il apparaît cependant que cette dernière produit la copie des courriers d'information qu'elle a adressés chaque année à la caution. Il n'est donc pas établi qu'elle a manqué à son obligation.

La décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'ils ont débouté M. [N] de ce chef de demande.

Sur le montant des sommes dues au titre des cautionnements :

Le décompte présenté par la CRCAMCO ne fait l'objet d'aucune contestation. Il y a donc lieu de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont condamné M. [N] à lui payer les sommes suivantes :

- 16 435,31 € outre intérêts au taux de 7,40% l'an à dater du 07 janvier 2020 ;

- 65 000 € outre intérêts à dater de la mise en demeure du 10 octobre 2019 ;

Sur les délais de paiement :

L'article 1343-5 prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, M. [N] demande un délai de 24 mois pour apurer sa dette au regard de ses ressources mais il ne fait aucune proposition de versement mensuel. Il se contente de solliciter un report de paiement d'une durée de 24 mois afin de prendre ses dispositions. Au regard de l'imprécision du motif allégué, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande. La décision des premiers juges sera confirmée.

Sur les autres demandes :

A la suite de la présente procédure, la CRCAMCO a exposé des frais non compris dans les dépens. L'équité commande de l'en indemniser. M. [N] sera condamné à lui payer la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 29 novembre en ses dispositions ayant condamné M. [N] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest la somme de 20 190,16 € outre intérêts au taux de 6,25% l'an à dater du 07 janvier 2020 au titre du prêt n°00080183080;

Le confirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest de sa demande en paiement de la somme de 20 190,16 € outre intérêts au taux de 6,25% l'an à dater du 07 janvier 2020 au titre du prêt n°00080183080;

Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire ;

Condamne M. [N] aux dépens de l'appel dont distraction en faveur Me Gérardin, avocat, et à payer à Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00096
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;22.00096 ?
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